Section des affaires sociales

En matière de services de santé et de services sociaux, d'éducation et de sécurité routière

 

 

Date : 7 avril 2014

Référence neutre : 2014 QCTAQ 03409

Dossier : SAS-M-215682-1309

Devant les juges administratifs :

DIANE BOUCHARD

ELIZABETH CZYZIW

 

D… L…

Partie requérante

c.

SOCIÉTÉ DE L'ASSURANCE AUTOMOBILE DU QUÉBEC

Partie intimée

 


DÉCISION


Le recours

[1]               Le Tribunal est saisi d’un recours en contestation d’une décision rendue le 4 septembre 2013 par la Société de l’assurance automobile du Québec « la SAAQ », dans le cadre de l’application du Code de la sécurité routière [1] « CSR » et par la laquelle le permis du requérant demeure suspendu à partir du 3 septembre 2013.

[2]               Cette décision fait suite au rapport d’évaluation non favorable de l’Association des centres de réadaptation en dépendance du Québec « ACRDQ » daté du 28 août 2013, qui recommande de soumettre le requérant à une évaluation complète afin de s’assurer que ses habitudes de consommation d’alcool ou de drogue ne sont plus incompatibles avec la conduite sécuritaire d’un véhicule automobile.

[3]               En conséquence, la décision contestée mentionne que si le requérant désire avoir le droit de conduire de nouveau, il doit poursuivre le processus d’évaluation jusqu’à ce qu’un rapport favorable à la conduite d’un véhicule routier soit transmis à la SAAQ.

[4]               Dans les motifs écrits de sa contestation, le requérant allègue qu’en ce qui le concerne, les risques de récidive sont inexistants, qu’il a répondu trop naïvement aux questions posées par l’infirmière lors de l’évaluation, que l’on aurait dû s’informer davantage à son sujet et qu’il accepte avoir conduit avec les facultés affaiblies et en assume pleinement les conséquences.

[5]               Le requérant n’était pas présent à l’audience, bien que dûment convoqué.

[6]               Le Tribunal a donc procédé en son absence, conformément aux pouvoirs que lui confère la Loi sur la justice administrative [2] « LJA ».

Contexte ayant mené à la décision de la SAAQ

[7]               Le requérant est âgé de vingt et un (21) ans, est célibataire et il habite chez ses parents.

[8]               Il travaille comme serveur depuis trois (3) ans.

[9]               Le requérant a, à son acquis, trente et un (31) mois d’expérience de conduite d’un véhicule de promenade.

[10]            Le 25 mai 2013, il est arrêté pour conduite avec facultés affaiblies, avec un taux d’alcoolémie élevé et il est accusé conséquemment; son permis de conduire a été suspendu sur-le-champ pour une durée de 90 jours en vertu de l’article 202.4 du CSR, soit jusqu’au 23 août 2013.

[11]            Le 1 er juin 2013, la SAAQ transmet au requérant un préavis d’une nouvelle suspension de son permis de conduire dans lequel il est indiqué qu’étant donné que son rapport à l’alcool ou à la drogue pourrait compromettre la conduite sécuritaire d’un véhicule routier, il y a lieu de l’évaluer en vertu du paragraphe 109 (4) du CSR et qu’avant la fin de la période de suspension, il doit avoir transmis une évaluation à l’ACRDQ démontrant que son rapport à l’alcool ou à la drogue ne compromet pas la conduite sécuritaire d’un véhicule routier.

[12]            Le requérant est aussi informé que si la SAAQ ne reçoit pas un rapport d’évaluation favorable le concernant d’ici le 23 août 2013, le permis sera de nouveau suspendu à compter de cette date et le demeurera pour ce motif tant que le rapport n’aura pas été reçu. Advenant la réception d’un rapport non favorable, le permis sera alors suspendu pour ce motif.

[13]            Le 25 juin 2013, le requérant est déclaré coupable de l’infraction en lien avec sa conduite avec facultés affaiblies.

[14]            Le 6 août 2013, la SAAQ a transmis au requérant un rappel de ce préavis d’une nouvelle suspension de son permis de conduire.

[15]            Le 27 août 2013, et puisque le rapport d’évaluation n’a pas été reçu, la SAAQ informe le requérant de sa décision de suspendre son permis de conduite à compter du 23 août 2013 jusqu’à ce qu’un rapport d’évaluation favorable soit transmis.

[16]            Il y est également mentionné qu’advenant un rapport d’évaluation non favorable, le permis demeurera suspendu et le requérant devra poursuivre le processus d’évaluation jusqu’à ce que son comportement concernant la consommation d’alcool ou de drogue ne soit plus un risque pour la sécurité routière.

[17]            Entre-temps, le 19 août 2013, le requérant s’est finalement soumis à une évaluation réalisée par l’ACRDQ, qui a donné lieu au rapport non favorable du 28 août 2013, et qui l’obligeait à poursuivre le processus par une évaluation complète.

[18]            Le rapport d’évaluation non favorable a donné lieu à la décision contestée, qui rappelle également au requérant qu’il doit poursuivre le processus d’évaluation jusqu’à l’obtention d’un rapport favorable.

[19]            L’intimée a fait entendre Mme Marie-Ève Gagnon, infirmière et évaluatrice de l’ACRDQ, dûment autorisée, qui a procédé à l’évaluation du risque ayant donné lieu au rapport non favorable.

[20]            Les documents relatifs à cette évaluation ont été déposés à l’audience, assortis d’une ordonnance de confidentialité, de non divulgation et de non utilisation, conformément à l’article 131 de la LJA .

[21]            Elle a expliqué l’ensemble du processus d’évaluation suivi, tout en mentionnant que le requérant avait pleinement collaboré et qu’il s’est dit satisfait du déroulement de la rencontre.

[22]            De fait, le dossier contient un consentement signé par le requérant et par l’évaluatrice en date du 19 août 2013 et par lequel il reconnaît qu’on lui a expliqué les objectifs de l’évaluation, la façon de procéder pour répondre et les suites possibles de la démarche, qu’il a été informé que la recommandation sera transmise à l’ACRDQ et que la décision quant au permis relèvera de la responsabilité de la SAAQ.

[23]            De l’ensemble des réponses obtenues et après avoir compilé les résultats, madame Gagnon explique le contenu de son rapport non favorable et les motifs de l’échec.

[24]            Tel que l’indique le rapport, le cumul de l’ensemble des facteurs de risque décelés au cours de l’évaluation du requérant dépasse le seuil significatif établi et conduit à une décision défavorable; les facteurs de risque sont particularisés comme suit :

(…) Effectivement, monsieur a commis une infraction de conduite avec facultés affaiblies où il a obtenu un taux d’alcoolémie supérieur à 0.160 mg et plus à l’arrestation ce qui représente un risque de récidive plus élevé . Notons qu’il cumule peu d’expérience sur le réseau routier. De plus, monsieur admet consommer en des endroits pouvant nécessiter un déplacement par la suite, ce qui le met à risque selon les études. Finalement, un sous-questionnaire permettant de détecter les risques de récidive chez les contrevenants a détecté qu’il présente un tel risque. (…)

[25]            La procureure de la SAAQ plaide qu’il appartient au requérant de démontrer qu’il y a eu erreur dans l’administration du protocole d’évaluation, de nature à en invalider les résultats [3] .

[26]            En l’instance, elle ajoute que le requérant a fait défaut de remplir ce fardeau de preuve et que la décision doit être confirmée.

Analyse

[27]            L’article 73 du CSR fait en sorte que dans des circonstances comme celles qui nous occupent, une personne doit établir, à la satisfaction de la SAAQ et aux termes d’une évaluation sommaire faite par une personne dûment autorisée, que son rapport à l’alcool ou à la drogue ne compromet pas la conduite sécuritaire d’un véhicule routier.

[28]            En effet et par le truchement du paragraphe 109 (4) du CSR, la SAAQ peut exiger que le titulaire d’un permis se soumette à un examen ou à une évaluation visés aux articles 67 ou 73 dans les cas suivants: (...) elle a des motifs raisonnables de vérifier son état de santé ou son comportement de conducteur (…).

[29]            Il appartenait au requérant de démontrer, par une preuve prépondérante, le bien-fondé de ses prétentions selon lesquelles son rapport à l’alcool ne compromettait pas la conduite sécuritaire d’un véhicule routier.

[30]            Il lui appartenait de démontrer des lacunes déterminantes dans le processus d’évaluation suivi.

[31]            Or, aucune telle démonstration n’a été faite.

[32]            Le rapport d’évaluation indique clairement les motifs qui ont donné lieu à la recommandation défavorable et le processus suivi aux fins de l’évaluation a bien été exposé.

[33]            Le Tribunal ne dispose d’aucun élément susceptible de remettre en question l’évaluation effectuée, tenant compte des facteurs de risque retenus.

[34]            Le requérant a donné son consentement à y participer et il s’en est alors déclaré satisfait.

[35]            Le Tribunal relève également que le requérant n’a pas contesté la suspension de son permis de conduire au moment de l’arrestation et qu’il a été déclaré coupable de l’infraction en lien avec la conduite avec facultés affaiblies.

[36]            Il ne faut pas perdre de vue que le but recherché par les dispositions du Code de la sécurité routière consiste en la protection du public, incluant celle du requérant, et que le mécanisme d’évaluation du risque, quant à savoir si le rapport à l’alcool d’une personne compromet, ou non, la conduite sécuritaire d’un véhicule routier, s’inscrit dans ce contexte.

[37]            Il s’agit de mesures d’ordre public visant un intérêt collectif relatif à la conduite sécuritaire d’un véhicule routier.

PAR CES MOTIFS, le Tribunal :

REJETTE le recours;

CONFIRME la décision de la SAAQ du 4 septembre 2013.


 

DIANE BOUCHARD, j.a.t.a.q.

 

 

ELIZABETH CZYZIW, j.a.t.a.q.


 

Dussault Mayrand

Me Élena Lliescu

Procureure de la partie intimée


 



[1]    RLRQ, chapitre 24.2.

[2]    RLRQ, chapitre J-3.

[3]    S.H. c. SAAQ , 2013 QCTAQ 07268 .