Section des affaires sociales

En matière de services de santé et de services sociaux, d'éducation et de sécurité routière

 

 

Date : 4 avril 2014

Référence neutre : 2014 QCTAQ 04105

Dossier  : SAS-Q-188877-1301

Devant les juges administratifs :

CLAIRE DESAULNIERS

STELLA PHANEUF

 

E… P…

Partie requérante

c.

CSSS A

Partie intimée

 


DÉCISION INCIDENTE


[1]               Il s'agit de décider d’une objection à la demande du procureur de l’intimé, le CSSS A (le CSSS), qui requiert la production de la version intégrale d’une note médicale datée du 13 février 2010.

[2]               Cette note médicale caviardée fait partie du dossier professionnel de la requérante déposé par celle-ci [1] dans le cadre de son recours à l’encontre d’une décision prise le 12 décembre 2012 par le conseil d’administration du CSSS, à l’effet de ne pas renouveler ses statuts et privilèges auprès de l’établissement.

[3]               Il n’est pas contesté que la version intégrale du document a été montrée à l’un des représentants du CSSS, mais que ce n’est que la version caviardée qui a été déposée à son dossier professionnel.

[4]               Cette note médicale a été suivie de quelques autres en vue d’établir l’existence de limitations fonctionnelles justifiant qu’elle ne soit pas assignée à certaines tâches.

[5]               Le CSSS soutient, entre autres choses, qu’il s’agirait là d’un subterfuge visant à se soustraire à ces tâches sans que la requérante n’offre de compensation valable et qu’ainsi, elle n’assumerait pas une charge de travail comparable à celle de ses collègues. Cela est nié par la partie requérante.

[6]               Cette dernière soutient que la note médicale du 13 février 2010 est une note épisodique parmi d’autres, et surtout que ce n’est pas celle qui était en vigueur le 12 décembre 2012 au moment où la décision contestée a été prise par le conseil d’administration qui n’a alors tenu compte que de la version caviardée.

[7]               De plus, elle s’oppose à la production de la version intégrale pour des raisons de confidentialité, craignant essentiellement la préservation de la confidentialité des informations qui y sont contenues.

[8]               La partie intimée soutient que dans la mesure où la note médicale caviardée a été produite, elle est en droit d’exiger la version intégrale du document pour faire valoir son droit à une défense pleine et entière.

 

[9]               La requérante n’allègue pas ici que la partie caviardée de la note contienne des informations médicales n’ayant aucun lien avec les limitations fonctionnelles invoquées.

[10]            Elle soutient  qu'elle a des limitations fonctionnelles justifiant qu’elle soit exclue de certaines tâches.

[11]            Sa condition médicale relative à celles-ci est donc pertinente à l’issue du litige.

[12]            Au mérite, le Tribunal devra déterminer les motifs réels de la révocation des statuts et privilèges de la requérante et notamment si celle-ci utilise des subterfuges pour se soustraire à certaines tâches, dont des limitations fonctionnelles injustifiées comme le soumet le CSSS.

[13]            Il est vrai que la note du 13 février 2010 fait partie d’un ensemble d’attestations médicales, mais cela ne change rien à sa pertinence au litige.

[14]            Dans la décision 2012 QCTAQ 11308 , le Tribunal résume bien l’opinion de la Cour suprême dans l’arrêt Frenette c. Métropolitaine (La), cie d’assurance-vie [2] relativement aux questions soulevées en l’espèce   :

« Ainsi, dans un contexte judiciaire, le secret professionnel du médecin et la confidentialité du dossier de l’usager ne sont pas des droits absolus. Ils peuvent entrer en conflit avec d’autres droits fondamentaux ou des principes de justice fondamentale, tels que la contraignabilité, la divulgation de faits substantiels, le droit à une défense pleine et entière ainsi que la recherche de la vérité. Il appartient alors aux tribunaux de soupeser les intérêts divergents en présence. »

[15]            S’opposent ici le droit à une défense pleine et entière et celui du droit à la confidentialité.

[16]            Dans un récent arrêt, la Cour d’appel [3] rappelle l’importance de la règle de la pertinence et de celle voulant qu’il n’y a pas de secret qui tienne devant les tribunaux, sauf exception.

[17]            À ce sujet, la cour conclut que :

« [73] Autrement dit, s’ils sont pertinents — car la règle de la pertinence demeure —, les renseignements confidentiels (qu’il s’agisse de renseignements personnels ou commerciaux, par exemple, ou d’autres sortes) doivent en principe être divulgués au tribunal, bien que ce dernier puisse prendre alors les mesures nécessaires pour éviter leur diffusion publique, si besoin est. »

[18]            L’article 131 de la Loi sur la justice administrative [4] prévoit des dispositions qui permettent de préserver la confidentialité. Au besoin, un huis clos pourrait également être prononcé à l'audience.

[19]            Nous en venons donc à la conclusion qu’en raison de la pertinence de la note médicale du 13 février 2010, le document doit être produit dans son intégralité.

[20]            Toutefois afin de préserver la confidentialité des informations qui y sont contenues, une ordonnance de confidentialité et de non-divulgation, non-publication et non - diffusion est émise à l’égard de l’intégralité de cette note médicale, incluant les témoignages et tout autre élément de preuve  pouvant y référer.


POUR CES MOTIFS, le Tribunal :

REJETTE l’objection de la requérante;

ORDONNE la production de la pièce R-1 CBL-12 (note médicale du 13 février 2010) dans son intégralité;

ÉMET une ordonnance de confidentialité telle que décrite ci-dessus.

 

CLAIRE DESAULNIERS, j.a.t.a.q.

 

 

STELLA PHANEUF, j.a.t.a.q.


 

Chenette Boutique de litige

Me Julie Chenette

Procureure de la partie requérante

 

Robinson, Sheppard, Shapiro

Me Jacques Laurin

Procureur de la partie intimée

 


 



[1] Pièce R-1, CBL12.

[2] [1992] 1 R.C.S. 647.

[3] 2014 QCCA 591.

[4] RLRQ, chapitre J-3.