Section des affaires sociales
En matière de sécurité ou soutien du revenu, d'aide et d'allocations sociales
Référence neutre : 2014 QCTAQ 04419
Dossier : SAS-M-222582-1403
FRANÇOIS LANDRY
c.
MINISTRE DE L'EMPLOI ET DE LA SOLIDARITÉ SOCIALE
[1] Dans une décision datée du 7 mars 2014, l’intimée, la ministre de l’Emploi et de la Solidarité sociale, cesse le versement des prestations d'aide à la requérante à compter du 1 er février 2014 parce qu’elle serait en situation de vie maritale avec un conjoint au sens de la Loi sur l’aide aux personnes et aux familles [1] , la LAPF.
[2] Le 25 mars 2014, en vertu de l'article 107 de la Loi sur la justice administrative [2] , la « LJA », la requérante demande de suspendre l'exécution de cette décision qu’elle conteste. La présente décision porte sur cette demande de sursis.
[3] Dans son témoignage, la requérante nie être en situation de vie maritale avec un conjoint et ajoute ne jamais l’avoir été. Elle affirme que, depuis 7 ans, elle sous-loue au coût de 300 $ par mois une chambre de l’homme en question qui lui-même est locataire de la résidence. Cet homme menace de l’expulser si elle ne paye pas son loyer d’avril; elle dit l’avoir convaincu d’attendre un peu.
[4] Elle affirme qu’elle souffre de problèmes graves d’anxiété depuis 20 ans et qu’elle ne peut pas vivre seule. Elle doit prendre des médicaments pour cette maladie que l’intimée reconnaît en lui attribuant le barème de solidarité sociale depuis 15 ans. Elle souffre d’une maladie des gencives nécessitant un nettoyage trimestriel alors que l’intimée ne paye que pour un seul par année. De plus, elle dit devoir prendre des produits contre son eczéma que l’intimée ne rembourse pas.
[5] Elle affirme que sa sœur, qui elle-même touche des prestations sociales de l’intimée, lui a prêté de l’argent à même sa carte de crédit. Elle dit n’avoir aucun autre membre de sa famille qui peut l’aider.
[6] Elle ignore si la dénonciation ayant mené à la décision à l’étude provient de la mère de son logeur qui habite la maison adjacente, mais précise que cette dernière, qui a 89 ans, ignore sa situation réelle et a pu faire une déduction non fondée.
[7] Il ne lui reste que 40 $ en caisse et ses réserves de nourriture s’épuisent rapidement. Elle témoigne aussi de ses revenus et dépenses.
[8] La requérante ajoute qu’il ne lui reste plus rien de l’héritage de 4 000 $ qu’elle a reçu en 2007, ce montant ayant servi à payer diverses dépenses.
[9] La procureure de la requérante précise que, bien que l’intimée ait cessé de verser l’aide à la requérante le 1 er février 2014, cette dernière a reçu sa prestation de février et mars 2014 en vertu de l’article 49 de la LAPF qui prévoit les cas de dénuement total.
[10] La représentante de l’intimée rappelle qu’en fait il n’y a pas eu d’arrêt de prestation et doute que son logeur l’évince. Elle rappelle qu’une partie des traitements dont la requérante dit avoir besoin ne semble pas médicament requis.
Analyse
[11]
En vertu de l'article
[12] Dans le présent cas, la requérante ne possède que 40 $ en caisse et doit 300 $ à son logeur qui, lui-même étant locataire, menace de l’expulser.
[13] De son témoignage, il ressort que l’on peut estimer ses dépenses mensuelles à 900 $. Elle n’a aucune autre source de revenus et donc, même si elle pouvait renoncer à certains traitements ou médicaments, elle ne peut subvenir à ses besoins de base.
[14] Rappelons également que l’intimée elle-même a reconnu que la requérante était dans une situation qui risque de compromettre sa santé ou sa sécurité ou une situation de dénuement total [3] .
[15] La preuve démontre donc que la requérante est dans une situation d’urgence relative si l’on tient compte de la menace d’éviction et qu’elle risque de subir un préjudice sérieux faute de suspendre la décision.
[16] Il y a donc lieu de suspendre la décision.
PAR CES MOTIFS , le Tribunal :
ACCUEILLE la requête;
SUSPEND l'exécution de la décision en révision de l'intimée du 7 mars 2014; et
ORDONNE à l'intimée d'octroyer l'aide à la requérante à compter du 11 avril 2014.
[17] La requérante remboursera, en tout ou en partie, l'aide accordée en vertu de la présente décision selon qu'elle remplit ou non les conditions d'admissibilité prévues.
Martin, Pilon et associés
Me Stéphanie Guimond
Procureure de la partie requérante
Mme Marie-Chantal Blais
Représentante de la partie intimée