Syndicat québécois des employées et employés de service, section locale 298 (FTQ) et Villa Belle Rive inc. (Marie-Marthilde Désir) |
2014 QCTA 311 |
||||||
TRIBUNAL D’ARBITRAGE |
|||||||
|
|||||||
CANADA |
|||||||
PROVINCE DE QUÉBEC |
|||||||
|
|||||||
N o de dépôt : |
2014-6668 |
||||||
|
|||||||
Date : |
Le 16 avril 2014 |
||||||
______________________________________________________________________ |
|||||||
|
|||||||
DEVANT L’ARBITRE : |
Me Joëlle L’Heureux |
||||||
______________________________________________________________________ |
|||||||
|
|||||||
Syndicat québécois des employées et employés de service, section locale 298 (FTQ) |
|||||||
Ci-après appelé « le syndicat » |
|||||||
Et |
|||||||
Villa Belle Rive inc. |
|||||||
Ci-après appelé « l’employeur » |
|||||||
|
|||||||
|
|||||||
Grief : |
Congédiement - grief 002 |
|
|||||
|
|||||||
Convention collective : |
2009 - 2012 |
||||||
|
|||||||
______________________________________________________________________ |
|||||||
|
|||||||
SENTENCE ARBITRALE |
|||||||
______________________________________________________________________ |
|||||||
|
|||||||
|
|||||||
[1] La plaignante, madame Marie-Marthilde Désir, a été congédiée le 19 juillet 2012. Ce congédiement est contesté par grief le 15 septembre 2012.
[2] Les parties admettent que la procédure de grief et d’arbitrage a été suivie, et que le tribunal est valablement saisi du grief et a compétence pour rendre une décision.
[3] L’avis de congédiement invoque plusieurs avis disciplinaires suite à des absences et à des manquements au Code d’éthique de Villa Belle Rive. Il a été remis à la plaignante le 19 juillet 2012, à la suite d’une absence du 18 juillet 2012.
[4] L’employeur a fait témoigner madame Marie-Marthilde Désir, la plaignante, madame Suzie Moreau, présidente du syndicat et préposée aux bénéficiaires, et madame Lynda Lavoie, directrice générale. La plaignante a aussi été questionnée par le syndicat dans le cadre de sa preuve.
[5] Interrogée par la procureure de l’employeur, la plaignante reconnaît sa signature sur le formulaire « Engagement de l’employé ». Bien qu’elle reconnaisse sa signature, la plaignante ne reconnait pas le document qu’elle a signé, pas plus que le Code d’éthique [1] . La plaignante n’a pas davantage vu un autre document, qui résume les principes du Code d’éthique. Madame Moreau confirme que ce document est remis à tous les employés.
[6] L’employeur est un CHSLD qui accueille des résidents qui souffrent d’Alzheimer ou de troubles cognitifs importants. La plaignante est préposée aux bénéficiaires chez l’employeur depuis 2005. Les avis disciplinaires invoqués dans la lettre de congédiement font référence aux événements suivants.
[7] La plaignante a reçu un avertissement écrit à la suite d’une absence non autorisée le 24 décembre 2011.
[8] La plaignante nie avoir vu le document déposé en preuve par l’employeur qui informe les employés qu’aucune vacance n’est accordée entre le 21 décembre 2011 et le 3 janvier 2012. Elle confirme qu’elle était inscrite à l’horaire le 24 décembre 2011. Elle confirme que c’est l’employeur qui décide des congés, et que les employés n’ont pas d’autres congés que le férié de Noël ou du Jour de l’An.
[9] La plaignante explique qu’au départ elle ne devait pas travailler le 24 décembre et que madame Mathurin lui a demandé de remplacer quelqu’un. C’était au moins une semaine avant le 24 décembre. Elle a répondu oui sans réfléchir. Ses enfants avaient un spectacle à l’église et elle devait les amener chez le coiffeur. Le spectacle était le soir, et sa journée de travail se terminait à 14 heures. Elle a demandé à madame Mathurin d’annuler sa présence pour le 24 décembre et madame Mathurin a dit oui. À son retour au travail, elle a reçu un avertissement écrit. La plaignante affirme que lorsqu’elle a reçu l’avertissement elle a mentionné que madame Mathurin lui avant donné la permission de prendre sa journée.
[10] Madame Lavoie, questionnée sur la réaction de la plaignante lors de la remise de l’avis écrit, dit qu’elle n’a eu aucune réaction. Elle a juste dit qu’il fallait qu’elle aille faire coiffer ses enfants. Il y avait à cette rencontre la plaignante, la représentante syndicale, madame Mathurin, la directrice adjointe, madame Bellemare, à titre supérieure immédiate, et le témoin madame Lavoie.
[11] Les faits reprochés sont décrits dans l’avis remis à la plaignante le jour de l’événement :
« Mme Marie-Marthilde Désir a fait preuve de négligence en manœuvrant le lève personne lorsqu’elle a omis de placer sa main devant le front de (..). Manœuvre décrite dans le manuel des préposées lors de transfert du lève personne à une chaise ou un lit. Madame Désir a suivi le cours de préposé aux bénéficiaires, elle est donc familière avec cette technique. Madame a admis son erreur lors de la rencontre avec l’administration. »
[12] À l’audience, la plaignante explique ne pas avoir eu le temps de mettre ses mains. C’est tout ce qu’elle dit sur l’événement comme tel. Elle a appelé l’infirmière parce que la personne saignait. Il n’y a pas eu de rencontre avec la direction avant la remise de l’avis du 2 février 2012.
[13] Madame Moreau a reçu un appel de l’employeur qui l’informait qu’il y avait un cas de négligence. Elle confirme que la préposée doit mettre sa main pour protéger le front. Elle n’était pas présente lors de la remise de la lettre à la plaignante, mais elle a assisté à une autre rencontre avec la plaignante et l’autre employée avec qui elle travaillait au moment où l’événement est survenu. La plaignante a dit que ce n’était pas elle et que c’était la faute de sa collègue. À la dernière minute, elle a admis son erreur.
[14] Madame Lavoie a appris l’événement le matin même. Elle a fait venir la plaignante et l’autre préposée dans son bureau. La plaignante disait que c’était l’autre préposée. Cette dernière ne parlait pas et regardait la plaignante. Madame Lavoie a ensuite rencontré chaque préposée individuellement et l’histoire est sortie.
[15] La procureure de l’employeur demande à la plaignante s’il est exact qu’elle a été rencontrée par l’employeur parce qu’elle avait laissé un patient seul avec une épingle après sa chemise. La plaignante est hésitante. Après avoir lu l’avis écrit du 8 février 2012 qui relate l’événement, elle explique qu’il manquait un bouton à la chemise d’un patient. Elle a attaché la chemise au poignet avec une épingle. On lui a dit que l’épingle s’était retrouvée dans la bouche du patient. La plaignante confirme que ce patient déchire ses vêtements et qu’il n’est pas lucide. Elle nie qu’il soit connu pour mettre des objets dans sa bouche.
[16] Madame Lavoie a reçu un appel de l’infirmière auxiliaire, le soir du 8 février, qui lui disait que (…) avait été retrouvé avec une épingle dans la bouche. Les préposées savent que cette personne met tout dans sa bouche. Lors de la remise de l’avis, madame Lavoie a avisé la plaignante qu’elle n’acceptait pas cette négligence qui mettait un patient en danger. Elle affirme avoir donné plusieurs chances à la plaignante pour l’aider à se conscientiser des dangers, et lui avoir demandé si elle avait des problèmes à l’extérieur. La plaignante a pris l’avis avec légèreté.
[17] Le 22 mars, la plaignante a reçu une suspension de trois jours pour avoir pris un congé qui lui avait été refusé.
[18] La plaignante reconnait avoir demandé une semaine de congé supplémentaire pour la semaine du 19 mars 2012. Elle affirme avoir demandé le congé additionnel trois mois à l’avance et que madame Mathurin a accepté. Par la suite, son mari a changé les dates de voyage et elle a avisé madame Mathurin, qui a dit pas de problème. Le tribunal comprend, ce qui est confirmé par madame Lavoie, que la plaignante a annulé ses vacances qui devaient être prises en décembre. Plus tard, la plaignante a demandé les semaines du 12 et du 19 mars 2012, dates pendant lesquelles son mari allait à Haïti parce que les billets d’avion étaient moins chers. C’est à ce moment que madame Mathurin a accepté la semaine du 12 mars et a refusé la semaine du 19 mars 2012.
[19] La plaignante nie avoir été rencontrée le 7 mars et avoir été avisée des conséquences si elle s’absentait pour la semaine du 19 mars 2012. La plaignante lit l’avis disciplinaire du 22 mars 2012 qui fait état de cette rencontre entre elle, la représentante syndicale madame Moreau, madame Mathurin et madame Lavoie, et nie toujours qu’une telle rencontre a eu lieu.
[20] Madame Lavoie explique que le personnel a jusqu’au 30 mars pour prendre les vacances d’hiver et qu’elles sont accordées par ancienneté. Au moment où la plaignante a demandé les semaines du 12 mars et du 19 mars en vacances, c’était impossible de lui permettre de prendre aussi la semaine du 19 mars. La plaignante a ensuite demandé d’obtenir cette semaine sans solde, ce qui a été aussi refusé. La plaignante a été rencontrée, car madame Lavoie et madame Mathurin pensaient qu’elle s’absenterait malgré le refus. Madame Moreau était présente à la rencontre qui a eu lieu le 7 mars 2012. La plaignante a été avisée des sanctions prévues à la convention à la suite d’une absence non autorisée, et aussi du fait qu’advenant une telle absence, elle plaçait ses collègues dans une situation difficile, car il n’y avait pas de remplaçante. Madame Moreau confirme que cette rencontre a eu lieu le 7 mars 2012. L’employeur a alors avisé la plaignante des conséquences si elle s’absentait malgré tout.
[21] La plaignante n’est pas rentrée au travail à la suite de sa semaine de vacances. Le 19 mars, madame Lavoie et madame Mathurin ont appelé la plaignante, sans succès. Madame Mathurin demandé à madame Moreau de la rejoindre. À l’audience, la plaignante dit que la deuxième semaine elle était malade et qu’elle est allée chez le médecin. Lorsqu’elle a vérifié son répondeur, elle a vu que madame Moreau l’avait appelé. Elle l’a rappelée. Madame Moreau lui a dit de rentrer travailler, car l’employeur allait prendre une décision avec elle. La plaignante s’est finalement présentée au travail la troisième journée pour dire qu’elle n’avait pas trouvé de gardienne. Madame Lavoie affirme à l’audience qu’elle n’a jamais entendu parler de maladie.
[22] La plaignante nie mentionner pour la première fois à l’audience qu’elle était malade. Elle confirme que le fait d’être malade était important. Elle était absente du travail parce qu’elle n’avait pas de gardienne, et parce qu’elle était malade. Au moment des faits, ses enfants avaient 10, 12 et 14 ans. Il y avait de la classe la semaine du 19 mars, mais son garçon vient dîner à la maison. Elle n’a pas appelé pour aviser l’employeur de son absence. Elle n’y a pas pensé, car elle avait déjà demandé une semaine sans solde. Elle confirme que cette demande avait été refusée.
[23] Le 7 novembre 2012, une audience a eu lieu devant le conseil arbitral pour l’assurance-chômage. La plaignante n’a pas mentionné le fait qu’elle avait été malade. Elle dit avoir oublié de le mentionner. La lecture de la transcription déposée en preuve montre qu’elle a été interrogée assez longuement sur les motifs de son absence.
[24]
Lorsqu’elle a reçu l’avis de suspension, la plaignante jouait
avec la lettre et, selon madame Moreau, ne l’a pas pris au sérieux. Madame
Lavoie qualifie la plaignante de négligente. Elle lui a donné une dernière
chance parce qu’elle avait trois enfants. Le
19 mars, la situation était sérieuse. Toutes les personnes accueillies à la
résidence souffrent de problèmes cognitifs graves et il n’y a pas beaucoup de
personnel d’agence avec la formation nécessaire pour prendre soin de ces
personnes. Le 19 mars, madame Lavoie a fait faire un double à la préposée qui
avait travaillé pendant la nuit. Le 20 mars, elle a réussi à la remplacer. Elle
souligne le manque d’éthique de ne même pas appeler pour aviser de son absence.
[25] Le 27 avril 2012, la plaignante est suspendue pour cinq jours pour négligence dans ses fonctions en ce qui a trait à la sécurité et au droit à l’intimité des résidents.
[26] Après la lecture de l’avis disciplinaire avec suspension, la plaignante nie avoir reçu cette lettre. Elle nie aussi les événements reprochés, soit avoir levé très haut les jambes d’une patiente assise sur un divan pour passer avec un fauteuil roulant.
[27] Madame Lavoie explique que le mardi la coiffeuse vient à la résidence. Les personnes qui veulent se faire coiffer attendent assises sur le divan. Comme l’espace est étroit devant le divan, il faut lever les résidents ou tasser le bureau de madame Mathurin, ce qui était généralement fait, pour pouvoir passer. Avant la plaignante, une autre préposée était venue avec un fauteuil roulant et avait demandé à une dame de se lever pour passer.
[28] Madame Lavoie a vu la scène parce qu’elle était au bureau de madame Mathurin. Au lieu de faire lever la résidente qui était assise sur le divan, la plaignante a pris ses jambes d’une main, les a levées très haut et a passé le fauteuil roulant avec l’autre main. La résidente sur le divan était en jaquette. Elle a donc été exposée à la vue de tous. Cette façon de faire de la part de la plaignante est contre les valeurs et le code d’éthique de l’établissement. Il y a un aspect de sécurité et aussi de respect de l’intimité des personnes. Madame Lavoie n’en revenait tout simplement pas.
[29] Lors de la rencontre de remise de la suspension de cinq jours, madame Lavoie a demandé à la plaignante si elle était consciente des avis disciplinaires qui s’accumulaient. Madame Moreau lui a aussi demandé. La plaignante a répondu à madame Moreau qu’elle n’était pas sa mère. Madame Lavoie lui a expliqué que ça pouvait aller jusqu’au congédiement. Elle lui a demandé si elle comprenait. La plaignante a dit qu’elle comprenait bien. Elle a pris l’avis et elle est partie.
[30] Le 18 juillet 2012, la plaignante ne s’est pas présentée au travail. Questionnée sur cet événement, elle dit avoir regardé l’horaire et qu’elle ne devait pas travailler. Elle affirme avoir toujours respecté son horaire de travail. Elle explique que son téléphone était défectueux, mais qu’elle ne le savait pas.
[31] Madame Lavoie souligne que la plaignante a le même horaire depuis 2005. Il s’agit d’un horaire 7/15. Elle travaille toujours le mercredi. Le 18 juillet, madame Mathurin n’a pas été en mesure de la rejoindre. Madame Lavoie a demandé à madame Moreau d’essayer de son côté.
[32] Dans le cadre de la preuve du syndicat, la plaignante explique avoir changé de fournisseur de service téléphonique, et que le 18 juillet, elle ne pouvait recevoir d’appel. Elle n’avait pas réalisé que sa ligne était défectueuse, car elle pouvait quand même faire des appels vers l’extérieur. Elle dépose une lettre de Vidéotron qui confirme que le service chez la plaignante n’était pas fonctionnel du 9 au 20 juillet 2012.
[33] Réinterrogée par la procureure de l’employeur, la plaignante confirme qu’elle travaille les mercredis, mais qu’il peut y avoir des erreurs sur l’horaire. L’horaire est déposé et la plaignante devait travailler le mercredi 18 juillet 2012.
[34] Madame Lavoie déclare avoir révisé le dossier de la plaignante avant de décider que ça ne pouvait continuer comme ça. Elle donne comme motifs la sécurité des patients, le respect du Code d’éthique, et le fait que la plaignante ne prenne pas la situation au sérieux. Le 18 juillet, elle a dû faire faire un double à une autre préposée. Cette situation est préoccupante, car une personne ne peut avoir la même vigilance sur un deuxième quart de travail de suite. Quand quelqu’un s’absente ou arrive en retard, la personne qui est déjà au travail doit rester, car elle a un ratio à respecter au niveau de la présence au travail.
[35] La lettre de congédiement réfère à la sécurité aussi à cause des gestes posés par la plaignante : l’événement de l’épingle, du lève personne, le fait de lever les jambes d’une personne assise. La sécurité et la dignité des patients sont en cause, et le Code d’éthique n’est pas respecté. Les absences sont aussi un fardeau pour les autres préposées et un risque pour leur propre sécurité.
[36] À la demande du procureur du syndicat, madame Lavoie produit les notes manuscrites qu’elle a prises dans le dossier de la plaignante. Il s’agit de presque quatre pages à simple interligne. Chaque situation sur laquelle madame Lavoie a témoigné est notée. Les notes sont très détaillées. À chaque événement, la plaignante a été avisée de l’impact de ses gestes ou absences sur les résidents et sur ses collègues. L’employeur et la représentante du syndicat lui demandent de modifier ses comportements. La plaignante a aussi été avisée qu’elle devait changer et des conséquences de ses gestes sur son emploi. Madame Lavoie ajoute avoir essayé de savoir si la plaignante avait un problème personnel et si elle pouvait faire quelque chose au niveau administratif pour l’aider. À chaque fois la plaignante répondait qu’elle n’avait pas de problème et que tout allait bien. Madame Lavoie est consciente que la plaignante était en poste depuis 2005. C’est d’ailleurs pour ce motif qu’elle a étiré les avertissements, dit-elle, mais elle devait donner la priorité à la sécurité des résidents et des employés.
[37] L’employeur plaide que la plaignante a reçu plusieurs mesures disciplinaires avant son congédiement. Ses absences et sa négligence entraînaient des risques au niveau de la sécurité. La plaignante a été avisée des impacts de ses absences et de sa négligence. Elle savait aussi qu’elle risquait le congédiement si elle ne modifiait pas son comportement.
[38] La seule mesure contestée est le congédiement. L’employeur a donné des chances à la plaignante de se reprendre en mains. Le témoignage de la plaignante à l’audience est la preuve ultime qu’elle ne s’amendera pas. Elle fait preuve d’une grave insouciance. Elle ne reconnaît pas ses torts. Le défaut de se présenter au travail est une faute encore plus grave si on ne prévient pas son employeur, surtout face à un employeur comme un CHSLD.
[39] Le tribunal doit prendre en considération la nature de l’entreprise de l’employeur, et aussi qu’aucun élément ne permet de croire que la plaignante veut modifier son comportement. Le fait qu’encore aujourd’hui elle nie qu’elle devait se présenter au travail le 18 juillet en disant qu’il y avait une erreur à l’horaire montre qu’une suspension n’aurait eu aucun effet sur la plaignante.
[40] Les reproches sont de la nature d’omission, de négligence, d’insouciance. Les sanctions disciplinaires sont constituées d’avis, d’une suspension de trois jours, d’une suspension de cinq jours et du congédiement.
[41] Le tribunal doit se demander quelle est la mesure appropriée en regard des faits. La plaignante a une ancienneté qui remonte à 2005. Elle n’a pas toujours été comme ça. Les événements se produisent sur une période de neuf mois. Il est évident qu’il s’agit d’une période problématique pour la plaignante. La mesure appropriée n’est pas le congédiement.
[42] L’employeur considère que la plaignante ne prend pas au sérieux les reproches. Une longue suspension lui aurait permis de prendre conscience de la situation. La plaignante ne fait pas une négation systématique des reproches, mais elle tente de trouver des explications.
[43] Pour le syndicat, la preuve permet au tribunal de voir que le correctif dans les comportements était possible et pouvait s’inscrire dans une longue suspension. Il demande donc au tribunal de modifier la mesure disciplinaire en conséquence.
[44] Le syndicat demande au tribunal de modifier le congédiement imposé à la plaignante par une mesure disciplinaire moins sévère. Tel que prévu à la clause 15.08 de la convention collective, en matière disciplinaire, l'arbitre unique peut confirmer, modifier ou casser la décision de l'employeur. Il peut, le cas échéant, y substituer la décision qui lui paraît juste et raisonnable compte tenu de toutes les circonstances.
[45] Après analyse de la preuve et des motifs invoqués de part et d’autre, le tribunal considère ne pas avoir de motifs suffisants pour intervenir.
[46] Commençons par l’analyse de la preuve.
[47] À deux reprises, la plaignante ne rentre pas travailler après que l’employeur lui ait refusé formellement le congé demandé. Aux deux occasions, comme l’employeur avait refusé qu’elle s’absente, elle n’a pas pris la peine d’appeler pour dire qu’elle ne serait pas là. L’employeur, qui exploite un CHSLD, se retrouve donc avec une préposée qui ne rentre pas le matin et qui n’avise pas. Il doit obliger une préposée qui a déjà fait la nuit à rester, c’est-à-dire à faire deux quarts de travail de suite. L’employeur souligne la difficulté de trouver du personnel remplaçant formé pour travailler avec sa clientèle. Madame Lavoie considère que cette situation met à risque, au niveau de la sécurité, les résidents et les préposées, en plus de contrevenir au Code d’éthique.
[48] À d’autres occasions, la plaignante, par son insouciance ou sa négligence, a mis la sécurité et l’intégrité des résidents en péril. Ce qui ressort de façon assez manifeste à l’audience, et qui est aussi souligné par madame Lavoie, est la désinvolture de la plaignante face à ces reproches.
[49] Entre le 25 décembre et le 18 juillet, au fil de ces événements, l’employeur a respecté la progression des sanctions. Il a avisé la plaignante de ses manquements, de ses attentes et des conséquences de son comportement. Il lui a demandé si elle avait des problèmes, elle a dit que non.
[50] Le procureur du syndicat considère que les événements reprochés sont dérangeants et méritent une sanction, mais qu’ils ne sont pas majeurs. Le tribunal n’est pas de cet avis. Être absent et ne pas aviser son employeur de son absence est déjà plus que dérangeant. Dans le présent cas, la plaignante a plutôt décidé de ne pas se présenter au travail malgré une demande formelle d’y être. L’employeur lui a donné une autre chance à ce moment.
[51] Elle n’a pas davantage pris en compte les avertissements au niveau de la sécurité avec les résidents. L’épisode du divan est assez parlant. À l’audience, madame Lavoie raconte l’événement avec assez d’émoi. La plaignante, de son côté, ne se souvient plus de ce qui est arrivé, comme si son geste avait été anodin. La plaignante ne se souvient même pas avoir reçu l’avis disciplinaire qu’elle a signé et qui était accompagné d’une suspension de cinq jours.
[52] Le dossier disciplinaire de la plaignante, avant le 18 juillet 2012, était donc lourd. À cette date , elle n’est tout simplement pas entrée travailler et encore une fois, elle n’a pas appelé l’employeur pour l’aviser de son absence. Elle dira le lendemain qu’elle a mal regardé l’horaire. À l’audience elle dit qu’il y avait une erreur sur l’horaire. La preuve démontre plutôt qu’il n’y avait pas d’erreur sur l’horaire, et que la plaignante travaillait tous les mercredis. L’histoire du téléphone qui ne fonctionnait pas pour recevoir des appels est non pertinente. Ça ne change rien au fait que la plaignante était absente et qu’elle n’a pas tenté d’aviser son employeur de son absence.
[53] Les fautes reprochées, avec comme point culminant l’absence du 18 juillet, sont donc plus que dérangeantes. Elles démontrent une négligence et une insouciance manifestes, malgré les avis répétés. La plaignante n’avait que faire des conseils et des demandes de corriger son comportement.
[54] La nature des activités de l’employeur est déjà prise en compte dans la gravité des fautes. Le principal facteur aggravant dans ce dossier est l’absence totale de prise de conscience de la part de la plaignante de l’importance de respecter son horaire et de sa responsabilité face à la sécurité des résidents. Son témoignage, du début à la fin, confirme qu’elle se déresponsabilise pour tous les événements qui ont impliqué des résidents. Soit qu’elle tente de camoufler, soit qu’elle minimise, soit qu’elle dit que l’événement n’est pas arrivé. Quant aux absences, elle trouve qu’elles étaient légitimes, car elle devait aller chez le coiffeur et garder ses enfants. Devant le tribunal, elle dit ne jamais avoir vu le Code d’éthique, alors qu’elle a signé un document qui confirme qu’elle en a pris connaissance. Le document qui résume le contenu du Code d’éthique est remis à chaque employé, et encore là, la plaignante nie le connaître. Le tribunal doit conclure que pour elle, toutes ces choses sont accessoires et ne méritent pas son attention.
[55] Au surplus, le témoignage de la plaignante, du début à la fin, est non crédible. Elle dit que sa demande de congé du 24 décembre avait été acceptée, ce qui n’est clairement pas le cas. Elle nie la rencontre avec la direction avant la remise de l’avis du 2 février 2012. Elle nie aussi la rencontre du 7 mars 2012, quand madame Lavoie l’a avisée des conséquences si elle ne rentrait pas le 19 mars. Ces deux rencontres sont confirmées par la présidente du syndicat. Elle mentionne à l’audience qu’elle était malade le 19 mars 2012. Cette affirmation est manifestement fausse.
[56] Le procureur du syndicat dit que la plaignante avait des problèmes pendant cette période. Cette hypothèse ne repose pas sur la preuve. Madame Lavoie a demandé à plus d’une reprise à la plaignante si elle avait effectivement des problèmes. La plaignante a toujours dit que non. Rien à l’audience, même s’il était un peu tard pour en faire mention, n’a été dit à cet égard par la plaignante.
[57] Il est difficile devant un tel témoignage de penser que la plaignante comprend que les reproches qui lui sont faits sont graves et qu’elle va s’amender. Le tribunal ne peut arriver à la conclusion, comme le suggère le procureur du syndicat, qu’une longue suspension aurait permis à la plaignante de prendre conscience de la situation. L’employeur a suffisamment avisé la plaignante qui n’a pas pris en compte les avertissements et ne semble pas davantage les comprendre aujourd’hui.
[58] Dans les circonstances, la mesure de congédiement prise par l’employeur était raisonnable et le congédiement doit être confirmé.
POUR CES MOTIFS, le tribunal :
REJETTE le grief.
|
______________________ Joëlle L’Heureux, arbitre |
||
Pour le syndicat : |
Me Louis Ménard |
||
|
|||
Pour l’employeur : |
Me Catherine Galardo |
||
|
|||
Dates d’audiences : |
le 13 janvier et le 25 mars 2014 |
||