COMMISSION DES RELATIONS DU TRAVAIL |
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(Division de la construction et de la qualification professionnelle) |
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Dossier : |
101224 |
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Cas : |
CM-2011-1338 |
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Référence : |
2014 QCCRT 0211 |
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Montréal, le |
15 avril 2014 |
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DEVANT LA COMMISSAIRE : |
Sophie Mireault, juge administrative |
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Chemin de fer Saint-Laurent & Atlantique (Québec inc.) Les Chemins de fer Québec-Gatineau inc. |
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Requérantes |
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c. |
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Commission de la construction du Québec
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Intimée |
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et |
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Conseil provincial du Québec des métiers de la construction (International) FTQ Construction Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec (ACRGTQ) Union des journaliers d’Amérique du Nord, local 62 Fédération de la CSN-Construction Réseau des chemins de fer du Québec, Division de l’Association des chemins de fer du Canada Le Procureur général du Québec Rail Cantech inc. Spécialiste d’ouvrages d’art CSTP inc. Réparations ferroviaires KLN inc. X-Rail inc.
Intervenants |
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et |
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Procureur général du Canada |
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Sersa Total Track inc. |
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PNR Coyle inc. |
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Mis en cause |
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DÉCISION |
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Le texte original a été corrigé le 17 avril 2014 et la description des correctifs est annexée à la présente version.
[1]
Le 4 mars 2011, Chemin de fer Saint-Laurent & Atlantique (Québec inc.)
(
Chemin de fer Saint-Laurent & Atlantique
) et les Chemins de fer
Québec-Gatineau inc. (
CFQG
) exercent un recours auprès de la Commission
afin de régler une difficulté d’interprétation ou d’application en vertu de
l’article
[2] La question en litige porte sur deux volets. Le premier consiste à déterminer si les relations du travail des employés des requérantes, Chemin de fer Saint-Laurent & Atlantique et CFGQ, ainsi que celles de leurs sous-traitants, relèvent de la compétence fédérale ou provinciale. Dans l’éventualité où elles relèvent de la compétence provinciale, le deuxième volet concerne l’assujettissement de leurs travaux à la Loi R - 20.
[3] La présente décision traite du premier volet, soit la question constitutionnelle.
[4] Dans leur requête introductive, Chemin de fer Saint-Laurent & Atlantique et CFQG soutiennent que compte tenu de leurs activités, une loi provinciale visant les relations du travail ne leur est pas applicable.
[5]
Le 25 mai 2011, elles signifient au Procureur général du Québec (le
PGQ
)
un avis d’intention selon l’article
[6]
Le 7 octobre 2011, le PGQ dépose une requête en irrecevabilité à
l’encontre de cet avis d’intention au motif qu’il n’est pas conforme aux
exigences de l’article
[7]
Le 3 novembre 2011, Chemin de fer Saint-Laurent & Atlantique et CFQG
amendent leur avis d’intention. Elles précisent que Chemin de fer Saint-Laurent
& Atlantique exploite un chemin de fer qui va au-delà des limites du Québec
au sens de l’article
[8] De plus, elles ajoutent à leur requête le nom de six sous-traitants, soit Rail Cantech inc. ( Rail Cantech ), Sersa Total Track inc. ( Sersa ), Réparations ferroviaires K.L.N. inc. ( KLN ), Spécialiste d’ouvrages d’art CSTP inc. ( CSTP ), PNR Coyle inc. ( PNR ) et X-Rail inc. ( X-Rail ). Elles invoquent que ce sont des entreprises accessoires à des entreprises fédérales principales, notamment le CP et le Canadien National (le CN ).
[9]
Le 17 novembre 2011, le PGQ maintient sa requête en irrecevabilité à
l’encontre de cet avis d’intention amendé envers CFQG, au motif qu’il ne
respecte toujours pas les exigences de l’article
[10] Le 24 novembre 2011, au début de l’audience sur la requête en irrecevabilité, Chemin de fer Saint-Laurent & Atlantique et CFQG déposent un nouvel avis d’intention amendé dans lequel elles ajoutent des précisions concernant CFQG. Le PGQ maintient sa requête.
[11]
Le 1
er
décembre 2011, la Commission rend sa décision et
accueille partiellement la requête en irrecevabilité. En particulier, elle
déclare irrecevable l’avis d’intention de Chemin de fer Saint-Laurent &
Atlantique et CFQG en ce qui concerne Rail Cantech, Sersa, KLN, CSTP, Groupe
Sema, PNR et X Rail; elle autorise Chemin de fer Saint-Laurent &
Atlantique et CFQG à les mettre en cause dans un délai de 60 jours; elle
ordonne à Chemin de fer Saint-Laurent & Atlantique et CFQG d’amender à
nouveau leur avis d’intention en vertu de l’article
[12]
Le 3 février 2012, Chemin de fer Saint-Laurent & Atlantique et CFQG
signifient au PGC et au PGQ un avis d’intention amendé de nouveau, selon
l’article
[13]
Le 18 septembre 2012, Rail Cantech, CSTP et KLN déposent une déclaration
d’intervention. Rail Cantech et CSTP produisent également un avis d’intention
selon l’article
[14]
Le 18 octobre 2012, X-Rail produit une déclaration d’intervention et un
avis d’intention selon l’article
[15]
Les 19 et 31 octobre 2012, la Commission de la construction du Québec
(la
CCQ)
et le PGQ font parvenir des requêtes pour précisions
relativement aux avis d’intention selon l’article
[16] Le 19 novembre 2012, Chemin de fer Saint-Laurent & Atlantique et CFQG produisent un avis d’intention « ré-ré-amendé et précisé ». Ce même jour, Rail Cantech, CSTP et X-Rail déposent un avis d’intention précisé.
[17] Ainsi, Chemin de fer Saint-Laurent & Atlantique, CFQG, Rail Cantech, CSTP et X-Rail soutiennent devant la Commission que leurs relations du travail relèvent de la compétence fédérale.
[18] Lors de l’audience, la CCQ et le PGQ admettent que Chemin de fer Saint-Laurent & Atlantique fait du commerce interprovincial et, par conséquent, qu’il s’agit d’une entreprise dont les relations du travail relèvent de la compétence fédérale. La Commission partage cet avis.
[19] Gérald Gauthier est directeur liaison avec l’industrie des chemins de fer du Québec, Division de l’Association des chemins de fer du Canada. Il est aussi secrétaire du conseil d’administration du RCFQ, créé en 1919. Il déclare que le but du RCFQ est de faire la promotion de l’industrie ferroviaire auprès du grand public et des décideurs politiques. Le RCFQ représente les chemins de fer nationaux et régionaux auprès des gouvernements. Il fournit divers services à ses membres et il travaille de concert avec ces derniers pour développer des règles d’exploitation.
[20] Lors de son témoignage, Gérald Gauthier réfère à une carte produite par le RCFQ sur laquelle on peut voir l’ensemble des voies occupées par ses membres. Sur cette carte, on identifie les voies de CFQG qui couvrent une grande distance de Gatineau à Québec. On y constate qu’il y a des liens avec d’autres chemins de fer. Pour Gérald Gauthier, c’est ce qui permet aux marchandises d’être transportées d’un point à l’autre du pays sur le même réseau ferroviaire, et ce, d’une façon presque ininterrompue.
[21] Gérald Gauthier explique qu’en 1996, lorsque la Loi sur les transports au Canada (1996) L.C., ch.10 a été modifiée, il y a eu un essor des chemins de fer locaux.
[22] Les grands chemins de fer, tels le CN et le CP, souhaitaient abandonner des portions de réseaux dans le but, notamment, d’éviter des faillites. Auparavant, la réglementation ne permettait pas aux grands chemins de fer de cesser de desservir des membres ou des expéditeurs sur une partie de leur réseau.
[23] Les modifications à cette loi permettent aux grands chemins de fer de vendre une partie de leur réseau moins rentable à d’autres exploitants pour maintenir le service. À défaut de nouvel exploitant intéressé, ils doivent l’offrir aux trois paliers de gouvernement ou aux agences de transports en commun. La Loi sur les transports au Canada prévoit une série de règles pour s’assurer que le service sera maintenu.
[24] À cette époque, des entrepreneurs y ont vu des occasions d’affaires et se sont portés acquéreurs de parties du réseau du CP ou du CN. On a donc créé ce qu’on nomme communément au Québec, des chemins de fer d’intérêt local. Selon Gérald Gauthier, c’était très important pour le Québec puisque plusieurs industries sont situées en région. Le Québec a d’ailleurs été le premier à mettre en place des mesures pour permettre à ces chemins de fer locaux d’offrir le service.
[25] Selon Gérald Gauthier, le CN et le CP sont toujours présents dans le marché québécois et possèdent une clientèle variée. En général, les relations entre les expéditeurs et les transporteurs ferroviaires sont négociées par les grands transporteurs. Ce sont eux qui concluent les ententes avec les expéditeurs qu’ils desservent. Ainsi, il est possible qu’un produit soit acheminé par un chemin de fer d’intérêt local vers une destination au Canada ou aux États-Unis, et que le chemin de fer qui le reçoit en bout de parcours soit lui aussi d’intérêt local, mais même dans ces cas, la négociation aura été faite par un grand transporteur. La situation est tout autre lorsque les parcours se font strictement sur la voie d’un chemin de fer d’intérêt local et que l’expéditeur et le destinataire y sont tous deux situés.
[26] En 2000, Gérald Gauthier devient directeur des relations avec les membres. À cette période, il y a une certaine tension entre les chemins de fer locaux et les chemins de fer nationaux.
[27] L’une des raisons de tension est liée aux restrictions prévues dans les ententes selon lesquelles les chemins de fer nationaux ne permettent pas aux chemins de fer locaux de livrer de la marchandise à un concurrent alors qu’il y a un raccordement possible avec lui. Selon Gérald Gauthier, il existe des ententes où les chemins de fer nationaux acceptent que les chemins de locaux livrent de la marchandise à un concurrent dans la mesure où cela ne leur porte pas préjudice.
[28] Un comité « shortline » est mis sur pied dont l’objectif est de créer un forum où les grands et les petits chemins de fer peuvent discuter des tensions qui existent entre eux.
[29] Selon Gérald Gauthier, la Loi sur la sécurité ferroviaire , L.R.C. (1985), ch. 32 (4 e suppl.) prévoit que le ministre fédéral peut édicter des règlements ou des normes techniques. Elle prévoit également que les chemins de fer peuvent, de leur propre gré, développer des règles et les soumettre au ministre aux fins d’approbation.
[30] Le RCFQ travaille avec ses membres en comité pour développer des règles sur des sujets pertinents en collaboration avec Transport Canada après consultation des syndicats concernés. Transport Canada est responsable de l’aspect sécurité en vertu de la Loi sur la sécurité ferroviaire et de la Loi sur les transports au Canada .
[31] Le ministre peut approuver, refuser ou modifier ces règles. Ainsi, l’industrie ferroviaire et le RCFQ développent les règles et ils doivent démontrer au ministre que les chemins de fer seront exploités de façon sécuritaire. Ces règles peuvent porter sur des points très techniques. Elles sont élaborées par des experts de l’industrie.
[32] Le RCFQ a demandé au ministre des Transports du Canada l’approbation du Règlement d’exploitation ferroviaire du Canada, TC O 9-39. L’approbation de ces règles a eu pour effet de les rendre applicables aux entreprises de chemin de fer de compétence fédérale, identifiées dans la décision du ministre.
[33] Le fait qu’une règle soit opposable uniquement à ses signataires a mené à des modifications à la Loi sur la sécurité ferroviaire en vigueur depuis le 1 er mai 2013. Dorénavant, toutes les entreprises qui exploitent du matériel roulant sur les voies d’un chemin de fer détenant un certificat d’aptitude en vertu de la Loi sur les transports au Canada, doivent adopter ces règles et normes techniques. C’est le cas notamment de l’agence métropolitaine de transport (l’ AMT ) qui exploite un service de train de banlieue et qui utilise pour ce faire, les voies du CN et du CP.
[34] Gérald Gauthier confirme que lorsqu’une entreprise ferroviaire détient un certificat d’aptitude émis en vertu de la Loi sur les chemins de fer , RLRQ, c. C-14.1, l’approbation des règles de sécurité se fait par le ministère des Transports du Québec. Le chemin de fer obtient son certificat d’aptitude en présentant au ministère les règles qu’il veut adopter. La principale règle soumise ainsi est le Règlement d’exploitation ferroviaire du Canada. Selon Gérald Gauthier, en pratique, ce sont les règles fédérales qui sont déposées.
[35] Depuis 2005, Étienne Laberge, ingénieur civil, travaille pour Genesee & Wyoming Canada inc. De 1998 à 2005, il a travaillé pour le CN.
[36] Il explique que la société américaine Genesee & Wyoming inc. est propriétaire de Genesee & Wyoming Canada inc. Cette dernière exerce des fonctions administratives sur plusieurs chemins de fer locaux et régionaux de la région canadienne, dont CFQG.
[37] Genesse & Wyoming Canada inc. a des partenariats avec des chemins de fer de classe 1 (chemins de fer qui desservent l’Amérique du Nord). Elle a des ententes notamment avec le CP et le CN.
[38] Carla Pin, directrice aux affaires gouvernementales pour le CP depuis 2012, y travaille depuis 25 ans. De 1996 à 2012, ses fonctions consistaient à obtenir des contrats pour des clients qui désiraient se procurer des services ferroviaires avec le CP, mais aussi occasionnellement avec CFQG.
[39] Elle explique que le CP avait un réseau au Québec avec deux corridors ferroviaires particuliers, soit un allant de Montréal vers Trois-Rivières-Québec et un autre de Montréal vers la région de Gatineau. Ce dernier était moins rentable pour le CP. Pour rentabiliser ces deux corridors, le CP les a vendus à un « appariteur ferroviaire » ayant une structure de coûts moindre que celle du CP. Pour Carla Pin, cela permettait au CP de garder ses clients et de continuer à développer son réseau ferroviaire au Québec en alliance et en partenariat avec CFQG.
[40] Afin de définir le partenariat entre les deux, une série d’ententes ont été conclues, notamment quant à l’exploitation du chemin de fer et aux tarifs que le CP devait payer à CFQG pour le transport des marchandises sur son réseau.
[41] De son côté, Étienne Laberge soutient que CFQG fournit des services de transport de façon intégrée avec le CP en partenariat et aux conditions prévues aux ententes.
[42] La transaction pour l’acquisition des actifs du CP par CFQG s’est faite en deux temps. Le 29 septembre 1997, une première entente intitulée « Asset Purchase Agreement » vise la propriété de la subdivision de Lachute. Cette portion de réseau n’était plus exploitée depuis 1994.
[43] L’entente intitulée « Asset Purchase Agreement » datée du 10 novembre 1997 constitue la deuxième partie de la transaction entre le CP et CFQG. Elle vise de façon générale la subdivision de Trois-Rivières. Selon Étienne Laberge, cette entente contient plusieurs annexes qui contraignent et régularisent les opérations de CFQG. Ces annexes définissent notamment les droits de passage cédés par le CP à CFQG, donnent toutes les conditions qui accompagnent les baux de location à CFQG et définissent les services que CFQG rendra en terme de tarification, marketing, collaboration, etc. On y trouve également une liste d’actifs vendus par le CP à CFQG.
[44] Le 24 octobre 1997, CFQG obtient un « Certificat d’aptitude temporaire » émis par la Commission des transports du Québec. Le 20 novembre 1997, cette dernière annule le certificat d’aptitude temporaire et lui délivre un « Certificat d’aptitude transport ferroviaire ». Ce certificat l’autorise à exercer ses activités de transport de marchandises par wagons.
[45] Sur le certificat d’aptitude, émis le 28 octobre 1998, le corridor exploité par CFQG se décrit ainsi :
CORRIDOR :
Subdivision Lachute y comprit l’antenne Montfort (point milliaire 23.1 au point milliaire 39.4) et l’antenne industrielle Saint-Jérôme (point milliaire 0.0 au point milliaire 2.97)
Subdivision Trois-Rivières
Subdivision Saint-Gabriel
Subdivision Saint-Maurice Valley
[46] Étienne Laberge réfère au document intitulé « Système de gestion de la sécurité ferroviaire » de CFQG. Pour l’obtention de son certificat d’aptitude, cette dernière a déposé des documents semblables à ceux utilisés par le CP. Certains proviennent de Transport Canada, d’autres du RCFQ et quelques-uns sont propres à CFQG.
[47] Une carte - Schedule A Trois-Rivières / Lachute Cluster - préparée par CFQG, montre les différentes voies acquises par CFQG, lesquelles sont interrompues à certains endroits par des voies d’échange, des embranchements et d’autres portions pour lesquelles le CP s’est gardé un droit de propriété.
[48] Elle montre les emprises du CP sur lesquelles des droits de passage sont cédés à CFQG et les emprises où des voies d’échange appartenant au CP sont louées à CFQG. Ce sont des emplacements où il y a un raccord possible avec un chemin de fer autre que le CP. Étienne Laberge estime qu’en conservant les titres de propriété, le CP s’est gardé la possibilité de mettre fin au bail qui permet à CFQG d’accéder à ces points d’échange potentiels avec un transporteur concurrent dont les voies sont à proximité de celles du CP.
[49] La carte indique aussi l’endroit où une servitude est cédée par CFQG au CP pour lui permettre d’exploiter un service de transport en commun sur la propriété de CFQG. Cette servitude a été vendue par le CP à la Société de transport de l’Outaouais en 2010.
[50] La carte montre l’entièreté du réseau exploité par CFQG à l’exception d’une portion située à un endroit appelé Belle-Rivière de la subdivision Lachute de CFQG. Cette portion de voie ferrée a été acquise du CN par Mirabel Railway inc. en 1998. Il y a une entente entre Mirabel Railway inc. et CFQG selon laquelle cette dernière exploite entièrement ce réseau. Cette portion n’apparaît pas sur la carte l’entente étant intervenue plus tard.
[51] Pour Étienne Laberge, cette carte illustre que CFQG opère un réseau qui n’est pas entièrement sa propriété. Elle l’exploite aussi en vertu de baux et de droits de passage. CFQG ne franchit jamais la frontière de la province du Québec.
[52] Selon Étienne Laberge, il y a entre 16 et 22 locomotives en service chez CFQG. Mis à part celles qui sont visées par une entente avec le CP pour le transport du grain, les autres n’appartiennent pas au CP.
[53] Depuis 1997, Stéphane Lafontaine travaille pour CFQG comme surintendant pour le transport. Auparavant, il travaillait pour le CP à titre de superviseur. Il déclare qu’au début, tous les employés de CFQG étaient d’anciens employés du CP et encore aujourd’hui, ce sont majoritairement d’anciens employés du CP auxquels se sont ajoutés des travailleurs provenant du CN et d’ailleurs.
[54] Stéphane Lafontaine travaille au bureau de triage de Trois-Rivières. Ses fonctions consistent notamment à assurer le service aux clients, voir aux opérations et, en particulier, aux horaires des trains, au transfert des wagons, etc. Trois superviseurs locaux travaillent sous sa supervision à Trois-Rivières, Québec et Sainte-Thérèse.
[55] Il relate qu’il y a beaucoup de règles à suivre lors de l’opération des trains. CFQG est soumise au Règlement d’exploitation ferroviaire du Canada et au Manuel d’instructions générales d’exploitation du CP. Ces instructions sont divisées en plusieurs sections, elles peuvent porter sur la conduite d’une locomotive ou d’un train, la façon de laisser des wagons en cours de route, le nombre de freins à main, etc.
[56] Pour travailler sur le territoire du CP, les employés du service des transports doivent suivre une formation sur les règlements donnée par un formateur approuvé par le CP et obtenir un certificat de qualification spécifique.
[57] Deux fois par jour, Stéphane Lafontaine reçoit un courriel du CP lui indiquant les wagons qui sont dans sa cour à Montréal et qui seront acheminés à CFQG. Il confirme par téléphone ce que CFQG recevra réellement. Ces conversations portent sur l’heure à laquelle les wagons provenant de CFQG doivent arriver, l’heure à laquelle le CP est prêt à les recevoir, s’il y a des trains spéciaux, etc.
[58] Il précise que CFQG n’entre pas sur le territoire du CP comme elle le veut.
[59] Stéphane Lafontaine vérifie le nombre de locomotives, leur poids, etc. Les trains sont installés en fonction d’une rotation préétablie. Il y a une manière usuelle de faire qui est déterminée à l’avance dans les ententes. Par exemple, les wagons sont regroupés en fonction de leur destination pour limiter la nécessité de les manœuvrer. Lorsqu’il faut déroger à cette façon de faire, il doit parler à un représentant du CP pour demander la permission d’inverser des blocs de wagons, etc.
[60] Stéphane Lafontaine explique que si un client veut acheminer de la marchandise à Vancouver, il parlera à un représentant du Service de marketing de CFQG pour que ce dernier parle à un représentant du CP qui communiquera avec le client pour lui faire connaître le tarif. CFQG ne se rend pas à Vancouver.
[61] CFQG dessert des clients du CP. CFQG ne négocie pas avec eux, mais selon Stéphane Lafontaine, ils deviennent des clients de CFQG.
[62] Depuis que la gare de triage d’Outremont a été déménagée à Sainte-Thérèse, le CP a demandé à CFQG de desservir les clients qui sont sur une voie du CP empruntée désormais par CFQG. Pour Stéphane Lafontaine ce sont des clients dits « hors réseau » parce qu’ils sont situés sur une voie du CP et non sur une voie de CFQG. Il y a une dizaine de clients sur cette voie.
[63] Selon Étienne Laberge, CFQG remet les wagons de marchandises au CN dans trois régions : Québec, Shawinigan et Joliette. Le CN paie CFQG pour les « interchanges » avec ses wagons, ce qui génère une partie de ses revenus provenant du CN.
[64] Deux voies accèdent à la gare de triage de Shawinigan. Sur l’une, il y a les wagons que CFQG remorque pour le CN et, sur l’autre, il y a les wagons que le CN laisse à CFQG. Six jours par semaine, CFQG amène entre 10 et 20 wagons pour le CN et repart avec approximativement le même nombre de wagons.
[65] À Joliette, c’est le même système à deux voies. Le mardi et le jeudi, CFQG y laisse et reprend entre 1 et 5 wagons. À Québec, une fois par jour, CFQG remet et ramène entre 10 et 15 wagons. La marchandise que CFQG transfère au CN provient de n’importe où en Amérique du Nord et voyage sur les voies du CP. La principale marchandise transportée est le propane, qui provient le plus souvent de Sarnia et de l’Ouest canadien, au nord de l’Alberta. CFQG prend livraison de la marchandise à la gare de triage de Saint-Luc à Montréal et l’amène à celle de Joliette.
[66] Étienne Laberge précise qu’en général le chemin de fer qui fait le plus long trajet sur son réseau facture le client et remet leur part aux autres.
[67] Dans la mesure où le CN peut se rendre à destination, il n’aura pas recours aux services de CFQG.
[68] CFQG transporte des marchandises exclusivement sur son réseau. Dans la vaste majorité des cas, leur origine ou destination se trouve quelque part sur le réseau nord-américain. Selon Étienne Laberge, la plupart du trafic manœuvré par CFQG arrive ou se termine sur le réseau du CP. La majorité des clients qui utilisait précédemment les services du CP font dorénavant affaires avec CFQG.
[69] Un tableau qu’il a confectionné indique les clients de CFQG, soit : le CP, le CN, Alcoa ltée ( Alcoa ) et une mention « autres », lesquels ensemble représentent un revenu équivalant à moins de 5 % du total par année.
[70] Il déclare qu’au cours des cinq dernières années, soit de 2007 à 2011, 70 % à 72 % des wagons chargés circulaient sur le réseau de CFQG pour le compte du CP et généraient 74 % à 76 % des revenus. Pour la même période, 10 % à 16 % des wagons voyageaient pour le compte du CN et engendraient 11 % à 14 % de ses revenus.
[71] Alcoa est cliente de CFQG. Cette dernière transporte de l’alumine et des lingots d’aluminium du port de Trois-Rivières à l’Aluminerie de Deschambault. À de rares occasions, CFQG fait du transport de l’aluminerie vers le port.
[72] En vertu de l’annexe 3.26 « Lease of covered hopper cars », le CP louait des wagons à CFQG pour qu’elle puisse continuer à transporter par rail l’alumine du port de Trois-Rivières à l’Aluminerie de Deschambault. Cette entente n’est plus en vigueur et CFQG loue maintenant les wagons d’une autre entreprise. Selon Étienne Laberge, il s’agit du contrat le plus important pour lequel CFQG transige directement avec le client. Néanmoins, ce contrat est de moindre importance aujourd’hui, une partie de l’alumine est acheminée à Québec et l’autre à Trois-Rivières.
[73] Kruger inc. est également cliente de CFQG. Elle exploite deux usines de papier à Trois-Rivières. Quelques industries, entre autres, Ciment Québec inc. à Saint-Basile et une industrie de ferraillage à Shawinigan situées sur un embranchement appartenant à la ville de Trois-Rivières, sont des clientes de CFQG. Cette dernière a aussi un accès au parc industriel de la ville de Lachute et y transporte notamment des équipements et du papier.
[74] En 2012, elle a commencé à faire du transport pour l’usine de papier Cascades à Saint-Jérôme. CFQG espère qu’il y aura 1 500 wagons en 2013. Étienne Laberge mentionne qu’une usine de papier appartenant à PF Résolu Canada inc., située sur un embranchement de CFQG à Gatineau, expédiait par le port de Trois-Rivières des conteneurs de papier fini destinés à l’Europe. Cette usine est fermée, mais elle doit « rouvrir » prochainement. CFQG fait aussi du transbordement rail-route.
[75] Il ajoute que CFQG transporte diverses marchandises en vrac au port de Trois-Rivières. Elles proviennent de partout en Amérique du Nord. Le grain, l’huile, le charbon, etc. sont transportés au port pour exportation. De même, la marchandise en vrac est chargée sur les trains de CFQG.
[76] Elle transporte aussi des tours éoliennes provenant d’un manufacturier situé sur son réseau et les remet au CP, qui les livre à d’autres endroits en Amérique du Nord.
[77] Étienne Laberge précise que la mention « 23 majors customers » dans le texte du site Web de Genesee & Wyoming inc. de 2007 au sujet de CFQG réfère aux 23 emplacements où CFQG déplace des wagons. Il s’agit d’entreprises avec lesquelles CFQG a une « interaction directe ». Celles-ci ont un certain contrôle sur le pourcentage de wagons qui sont acheminés par le CN et le CP. Cette liste varie au fil des années.
[78] De façon générale, lorsqu’il y a une voie industrielle qui se raccorde au réseau de CFQG, il y a un contrat entre le propriétaire de l’industrie et CFQG. Ce contrat prévoit les conditions de ce raccordement, notamment l’utilisation par CFQG de la voie industrielle. Un second contrat est conclu si CFQG se charge de l’entretien de la voie industrielle. De même, pour tout raccordement sur les voies de CFQG, un contrat en prévoit les conditions.
[79] Selon Étienne Laberge, CFQG est constamment à la recherche de clients et elle a plusieurs projets à cet effet. Elle tente de développer tous les marchés. Le Service de marketing y travaille et tente de générer des opportunités pour faire plus d’acheminements.
[80] Depuis 2002, CFQG est propriétaire d’un parc de voitures automobiles situé à la gare de triage Henri IV à Québec. Plusieurs entreprises détiennent des baux sur des propriétés appartenant à CFQG.
[81] Il y a présentement près de 170 employés chez CFQG. Environ 29 sont affectés à l’entretien de la voie, 22 au matériel roulant (service mécanique) et 6 au parc automobile. Les autres sont affectés soit au transport des locomotives, soit à la supervision de ces services.
[82] Outre les cadres, tous les employés de CFQG sont syndiqués à la suite d’une accréditation obtenue en vertu du Code du travail , RLRQ, c. C-27.
[83] Depuis 2009, Chantale Jacob est ingénieure coordonnatrice au ministère des Transports du Québec. Elle relève de la section « sécurité » du Service du transport ferroviaire de la Direction du transport maritime, aérien et ferroviaire. Elle s’assure de l’application de la Loi sur la sécurité du transport terrestre guidé , RLRQ, c. S-3.3 et de la Loi sur les chemins de fer .
[84] Elle dirige une équipe composée d’ingénieurs, d’un analyste et d’un technicien. Son service effectue des inspections sur les voies ferrées et fait enquête lors d’accidents ferroviaires. Il conseille les autorités sur les enjeux reliés à la sécurité et recommande des modifications à la réglementation. Il répond aux appels d’urgence au Québec.
[85] Dix compagnies ferroviaires ainsi que les industries qui possèdent des voies ferrées sur leur terrain sont sous la juridiction du ministère des Transports du Québec. Cela représente un tiers des voies ferrées situées au Québec. Les dix compagnies ferroviaires, sous la compétence du ministère des Transports du Québec, se raccordent à des réseaux canadiens à la fin de leur réseau.
[86] L’approbation des règles de sécurité pour l’obtention du certificat d’aptitude se fait par le ministère des Transports du Québec. Le chemin de fer présente un projet au ministère portant sur une série de règles qu’il veut adopter. Une fois approuvées par le ministère des Transports du Québec, elles ont force de loi. Au fil du temps, elle peut remplacer et soumettre de nouveaux documents pour approbation. Quant aux sites industriels, ils n’ont pas à détenir de certificat d’aptitude.
[87] Les compagnies de chemins de fer détenant un certificat d’aptitude émis par la Commission des transports du Québec et circulant sur un fond de terrain appartenant à une entité provinciale sont inspectées par le ministère des Transports du Québec.
[88] À l’occasion, son service fait appel à des mandataires externes. En mai 1998, une entente est intervenue entre le gouvernement du Canada et le gouvernement du Québec « concernant le recours aux services des inspecteurs de la sécurité ferroviaire du ministère des Transports du Canada qui, sur demande, accomplira le travail demandé, et/ou accompagneront les inspecteurs ferroviaires du Québec à l’occasion de leurs exercices d’inspection et feront rapport de leur expertise par écrit ». Le ministère des Transports du Québec paie Transport Canada pour son travail. Chantale Jacob ajoute que le suivi des rapports d’inspection est fait par son service.
[89] Chaque chemin de fer de compétence provinciale est contrôlé sur différents aspects au moins deux fois par année. Le ministère des Transports du Québec tient aussi des audits concernant la gestion des structures ferroviaires des compagnies de chemin de fer.
[90] Les voies ferrées sont inspectées chaque année. Les inspecteurs s’assurent notamment que la construction et l’entretien répondent aux normes applicables.
[91] Selon Chantale Jacob, lorsqu’il y a enquête de Transport Canada, un membre de son équipe accompagne les enquêteurs canadiens. Transport Canada transmet un rapport au ministère des Transports du Québec qui en fait l’analyse en fonction de ses propres règles qui peuvent être différentes de celles de Transport Canada. Le chemin de fer concerné obtient les informations du ministère des Transports du Québec. Les anomalies doivent être corrigées selon les règles applicables.
[92] Elle déclare que les Règles relatives à l’inspection des structures ferroviaires (version 1 er février 2008) ont été approuvées à la suite d’un processus de consultation, notamment de tous les chemins de fer de compétence provinciale et des syndicats. Ces règles sont déposées au ministère des Transports du Québec.
[93] Selon elle, les règles relatives à la gestion de la sécurité des structures ferroviaires provinciales sont plus détaillées et contraignantes que les règles fédérales, notamment en ce qui a trait à la responsabilité des ingénieurs.
[94] Elle convient que la Loi sur la sécurité du transport terrestre guidé est inspirée par la législation du fédéral.
[95] De son côté, Étienne Laberge ajoute qu’il y a une référence à la réglementation sur les matières dangereuses du fédéral dans la législation provinciale. Ainsi, si un accident ou un incident impliquent des marchandises dangereuses ou un « wagon plat non couvert », Transport Canada en sera saisie parce qu’il pourra faire intervenir le Bureau de la sécurité des transports. Le ministère des Transports du Québec n’a pas cette autorité.
[96] Annuellement, CFQG envoie des rapports de trafic au ministère des Transports du Québec et à Transport Canada.
[97] Selon Étienne Laberge, ces trois dernières années, les inspections ont été sous-traitées par le ministère des Transports du Québec à Transport Canada. Il soutient également que le ministère des Transports du Québec a donné en sous-traitance une large partie des audits concernant la gestion des structures ferroviaires.
[98] Enfin, le ministère des Transports du Québec accorde des dispenses de sifflets à CFQG pour certains endroits urbains.
[99] Étienne Laberge rapporte que l’American Railway Engeneering Maintenance-of-Way Association (l’ AREMA ) regroupe des personnes qui travaillent dans le domaine de l’infrastructure ferroviaire en Amérique du Nord. Ce regroupement a été créé pour uniformiser et faciliter la standardisation de tous les critères qui touchent la construction, la réfection, l’entretien, la vérification et l’inspection des infrastructures ferroviaires. Ces dernières incluent les structures, les voies ferrées, les systèmes de drainage qui y sont associés, les ponts et tous les systèmes de signaux et communications qui permettent et facilitent la circulation. L’organisation a une vocation éducative et elle participe aussi à la recherche et au développement dans le domaine ferroviaire.
[100] Généralement, dans les normes ou lignes directrices de l’industrie ferroviaire, on fait référence aux critères développés par les 18 comités de l’AREMA. Ces critères sont révisés annuellement dans les manuels « Manual for Railway Engineering » et « Communication of signals manual of recommanded practices ».
[101] Le CP fait l’entretien des « R un-Thru Tracks » sur lesquels CFQG a un droit de passage dans la région de Montréal, notamment parce qu’il y a aussi des trains de banlieue qui y circulent. À l’exception de cette portion spécifique, CFQG fait l’entretien complet de son réseau, soit celui des voies ferrées, des ponts, des systèmes d’avertissements automatiques, etc.
[102] Étienne Laberge déclare que l’entretien des installations de CFQG est fait en « régie interne ».
[103] CFQG a reçu des subventions pour des travaux de réfection de ses voies. Ces travaux sont donnés à forfait. Ce sont des travaux de plus grande ampleur comme des travaux de remplacement de traverses, de nivellement fait mécaniquement pour mettre les voies à niveau, de réfection totale ou partielle de structures incluant des ponts ou ponceaux, d’installation de systèmes d’avertissement automatiques à des passages à niveau, etc.
[104] Étienne Laberge déclare que lorsqu’il y a des travaux d’entretien, de réparation ou de réfection des infrastructures ferroviaires, il est impératif de les protéger. Les trains continuent généralement d’y circuler, car il n’y a pas de voie ferrée alternative pour les contourner. Il faut tenir compte du maintien du trafic, de la sécurité des employés et aussi, lorsque les travaux sont d’importance, de la modification de l’horaire régulier des trains. Dans ce dernier cas, il y aura un avis transmis aux personnes concernées, généralement au CP, mais aussi aux usines locales ou aux clients.
[105] Il doit y avoir une excellente communication entre les gens qui planifient les travaux, ceux qui les réalisent, ceux qui opèrent les trains, ceux qui contrôlent la circulation ferroviaire et ceux qui planifient les opérations du chemin de fer. L’organisation est régie par un document préparé par Transports Canada intitulé : « Document d’Exploitation ferroviaire. Les Règlements. » CFQG a aussi un règlement d’exploitation ferroviaire calqué à 99,9 % sur ces règlements, mais dans lequel sont ajoutées des directives particulières.
[106] Étienne Laberge déclare que presque tout découle des Règlements d’exploitation ferroviaire du Canada . Les employés de chemin de fer reçoivent une formation à leur sujet. Les conséquences seraient très sévères pour ceux qui enfreindraient ces règles.
LES SOUS-TRAITANTS
[107] Gilles Richard, vice-président et directeur général chez Rail Cantech, rapporte que l’entreprise a été créée en 1990. Aux environs de 2002, elle fait l’acquisition de Rail Bonaventure inc. ( Rail Bonaventure ). Il mentionne que même si cette dernière soumissionne sur des projets, ce sont des employés de Rail Cantech qui, dans la majorité des cas, effectuent les travaux. Elle a environ 200 employés dont la majorité sont saisonniers.
[108] Rail Cantech a commencé ses opérations au Québec en faisant l’entretien de voies industrielles. Avec le temps, les entreprises ferroviaires canadiennes les plus importantes ont commencé à se désister de l’entretien de certaines parties de leur réseau qui étaient moins sujettes à être exploitées de façon rentable. Elles amorcent un processus d’abandon de certaines portions de leur réseau qui sont vendues à des chemins de fer d’intérêt local. Ces derniers, n’ayant pas le bassin de main-d’œuvre nécessaire pour faire l’ensemble des travaux, sous-traitent certains travaux de réfection et d’entretien de voies principales et secondaires.
[109] Rail Cantech s’est équipée de machinerie spécialisée et elle a embauché des travailleurs compétents, en particulier des retraités du CN. Elle a investi dans la formation de façon à garder un bassin d’employés ayant les connaissances et les compétences pour faire le travail.
[110] Aux environs de 2005, il y a eu chez Rail Cantech une croissance reliée à la construction de voies principales, en particulier dans le Nord-du-Québec, pour l’exploitation minière, mais aussi pour les grands réseaux ferroviaires.
[111] Son service d’entretien comporte deux volets. D’abord, l’entretien de base qui inclut l’inspection de voies ferrées et l’identification de travaux mineurs. Ensuite, l’entretien majeur qui comprend les travaux nécessaires pour maintenir la voie ferrée opérationnelle selon les standards exigés. Ce sont des travaux de remplacement de traverses et de rails, de réglage de ballasts, ainsi que des travaux de nivellement pour corriger des défauts d’alignement de surface de voies ferrées, etc. qui ne peuvent être faits par les équipes d’entretien de base.
[112] Rail Cantech a deux contrats importants pour des réseaux ferroviaires. Le premier avec Blue Lake Railway dans le Nord-du-Québec et le deuxième avec la compagnie du chemin de fer de Québec-Central (le Chemin de fer Québec-Central ), en Beauce, appartenant au ministère des Transports du Québec. Elle effectue aussi des travaux pour des chemins de fer de classe 1, des chemins de fer d’intérêt local et des industries. Certains chemins de fer d’intérêt local font eux-mêmes les travaux d’entretien de base, mais ils ont un programme d’entretien majeur avec Rail Cantech.
[113] Selon Gilles Richard, les travaux d’entretien majeurs ne peuvent pas être faits avec des équipements standard de construction, lesquels ne sont pas montés sur rail. De plus, les opérateurs de ces équipements doivent être qualifiés pour travailler sur des voies ferrées.
[114] Un autre service offert par la compagnie est la construction de voies principales, de voies industrielles ou de terminaux pour des industries ou des chemins de fer qui ont besoins de segments de voies additionnelles ou de reconstruction de réseaux.
[115] Les dernières activités de Rail Cantech ont trait à des services de logistique. Des petites industries ou des chemins de fer d’intérêt local ont souvent des besoins particuliers, notamment pour manœuvrer des wagons. Rail Cantech offre aussi des services de location d’équipement et de main-d’œuvre spécialisés à d’autres industries. Depuis quelque temps, l’entreprise offre des services de gestion de réseaux ferroviaires autant au niveau de l’ingénierie et du transport, que de l’entretien mécanique des locomotives et des équipements, etc.
[116] Rail Cantech doit respecter la réglementation ferroviaire et sa main-d’œuvre reçoit une formation particulière. Cette formation est encadrée par Transport Canada. Elle est dispensée par les chemins de fer ou d’autres entreprises spécialisées, le Règlement d’exploitation ferroviaire du Canada devant être respecté dans l’exploitation des opérations.
[117] Les opérateurs d’équipement spécialisé suivent aussi une formation sur les « Track safety rules », régie par Transport Canada, ce qui permet de s’assurer que toutes les normes de sécurité ferroviaire sont respectées lorsqu’ils opèrent un équipement. Ce cours est offert aux employés d’ingénierie et ceux qui travaillent aux opérations.
[118] De plus, certains chemins de fer comme le CN exigent que des opérateurs aient une formation relative aux instructions générales d’ingénierie lorsqu’ils travaillent pour eux. C’est une pratique courante dans l’industrie et le CP prévoit faire de même afin de s’assurer que les personnes qui travaillent sur son réseau soient au fait des exigences de la réglementation ou des normes requises.
[119] Gilles Richard déclare que la réglementation de l’AREMA constitue le minimum des standards que Rail Cantech doit respecter lorsqu’elle effectue des travaux. Les chemins de fer de classe 1 comme le CN et le CP ont des standards ou des normes d’entretien supérieurs à ceux de l’AREMA. Si les travaux sont faits pour une industrie qui se raccorde au CN ou au CP, ils doivent respecter les normes de l’AREMA, mais aussi celles du CN ou du CP.
[120] Selon Gilles Richard, plusieurs travaux se font sur des voies actives. Lorsque Rail Cantech fait des travaux chez un exploitant ferroviaire, on procède d’abord à une inspection des lieux dans le but de déterminer où les employés travailleront, quels sont les travaux à effectuer, quelles sont les particularités du travail reliées à l’exploitation et quelle sera la planification de la séquence des travaux. C’est à ce moment que l’exploitant détermine la façon dont les travaux seront protégés et planifie la coordination des mouvements ferroviaires. Il s’assure que les travaux soient exécutés de façon sécuritaire.
[121] Une fois cette planification complétée, les employés de Rail Cantech se présentent sur les lieux. Habituellement, un « contremaître protecteur » leur indique les endroits où ils travailleront, les endroits où le trafic ferroviaire passera, la protection convenue avec le bureau de régulation ferroviaire, les contraintes particulières liées aux travaux et les éléments particuliers de sécurité. C’est un « briefing » de travail qui se fait conjointement avec ceux qui protègent les travaux. La personne responsable de la sécurité reste sur les lieux pour s’assurer que les travaux soient conformes aux normes et standards de l’industrie.
[122] Selon lui, 60 % à 70 % des travaux effectués par Rail Cantech nécessitent une protection établie selon le Règlement d’exploitation ferroviaire du Canada .
[123] Selon un document confectionné par Rail Cantech, au cours des six dernières années (2007 à 2012), 80 % de ses revenus proviennent d’entreprises fédérales et 20 % d’entreprises provinciales. Ce document est accompagné d’une liste de ses clients. Selon Gilles Richard, 90 % de ses clients sont des chemins de fer nationaux.
[124] En 2011, Rail Cantech a également effectué des travaux de construction de réseau ferroviaire dans une gare de triage du CN à Brampton en Ontario - Brampton Intermodal Terminal Expansion Halton Sub. MI. 8.90.port. Ces travaux ont consisté à ajouter des voies, à construire et ajouter des aiguillages ainsi qu’à « relocaliser » certaines voies pour leur permettre d’avoir un meilleur agencement organisationnel. Étant donné qu’il y avait des travaux d’infrastructure, Rail Cantech a travaillé en partenariat avec un entrepreneur en génie civil. Le terminal était actif. Les travaux ont été faits sur des voies à proximité de voies actives et ont nécessité une coordination avec les représentants du CN et la présence de personnes pour les protéger.
[125] Le 19 juin 2012, Rail Cantech a conclu un contrat important avec le CN intitulé « Engineering Services Agreement ». Il s’agit d’un programme d’entretien majeur consistant à remplacer 25 000 traverses représentant 3 % des traverses sur une ligne du CN en Ontario. Les travaux se sont échelonnés de mai à octobre 2012. Une équipe a été entièrement dédiée au CN pour l’exécution de ce contrat. Rail Cantech a continué cette année une partie du programme et le CN leur a confié d’autres travaux en 2013. Selon Gilles Richard, pour ce contrat, le CN a la responsabilité de la protection des travaux.
[126] En 2012, Rail Cantech a également obtenu un contrat avec CSX Transportation inc., chemin de fer de classe 1 aux États-Unis, dans le cadre d’un programme de réfection des voies. Elle a eu à remplacer environ 20 000 pieds linéaires de rails dans une courbe.
[127] Toujours en 2012, Rail Bonaventure a obtenu un contrat avec l’Administration portuaire de Montréal (l’ APM ) pour le « Décolmatage des fondations et réfection du matériel ferroviaire au port de Montréal ». Contrairement aux entreprises ferroviaires, les représentants du port de Montréal n’ont pas beaucoup de connaissances de l’industrie ferroviaire. Rail Cantech agit comme conseiller et suggère des solutions faites sur mesure pour leurs besoins. Comme avec d’autres clients industriels, il s’agit de travaux « clés en main ». Pour Gilles Richard, dans ce cas-ci, ce sont des travaux majeurs d’entretien sur un réseau industriel.
[128] Selon lui, Rail Cantech détient environ 40 % à 50 % des parts de marché du Québec. Elle a moins de 15 % de celles de l’Ontario et elle détient 75 % de celles du Labrador. Elle effectue également des travaux au Nouveau-Brunswick et elle détient 10 % des parts de marché des Maritimes. Elle utilise une partie de sa main-d’œuvre du Québec lorsqu’elle effectue des travaux dans d’autres provinces.
[129] Gilles Richard a déposé une lettre datée du 16 mai 1994 émanant du Substitut du procureur général au sujet de plaintes pénales intentées en vertu de la Loi R-20. Ces plaintes ont été retirées au motif que : « Cette entreprise n’est pas assujettie à la loi provinciale vu ses lient très étroits avec la compagnie fédérale . »
[130] Il a produit une autre lettre datée du 23 novembre 2007 signée par Martine Dingman, Inspecteur du gouvernement du Canada. On y lit :
Le
Code canadien du travail
, partie III,
s’applique à ladite société parce qu’elle se livre à l’activité de réparation
et d’entretien des voie ferrées qui est vitale et essentielle aux chemin de fer
reliant une province à plusieurs autres et qui est une « entreprise
fédérale » en vertu de l’article
(reproduit tel quel)
[131] Justin St-Pierre, vice-président chez CSTP, déclare que l’entreprise a été créée en 2001 par un ancien gestionnaire du CP.
[132] CSTP offre des services d’ingénierie, d’inspection, d’analyse, de réparation et de construction des infrastructures ferroviaires comprenant, notamment, les ponts et les ponceaux. Lors de l’exécution de ces travaux, elle respecte les normes de l’AREMA.
[133] Elle fait des inspections annuelles et des inspections détaillées. L’inspection annuelle consiste à vérifier, à l’aide du document d’inspection de l’année précédente, si les anomalies détectées ont augmenté ou sont restées stables.
[134] Lors des inspections détaillées, il faut aller voir tous les éléments du pont, incluant le dessus et le dessous de la structure. CSTP possède plusieurs équipements dont un camion nacelle doté de « roues-rails » pour effectuer des inspections détaillées sur les structures ferroviaires. L’avantage de ce camion est qu’il peut entrer en dessous des ponts et aller dans les recoins. Il en existe seulement deux en Amérique du Nord.
[135] CSTP a un compétiteur, Groupe Sema, une entreprise plus importante, mais qui travaille peu au Québec.
[136] Selon un document provenant de CSTP, de 2007 à 2011, 70 % des revenus de l’entreprise provenaient du fédéral et 25 % du provincial. CFQG représente 54 % des revenus pour ces années et ils sont inclus dans ceux provenant d’entreprises de compétence fédérale. L’autre 5 % représente des travaux « non ferroviaires ».
[137] Justin St-Pierre produit un contrat entre CFQG et CSTP intitulé « Master Agreement for services » daté du 26 juin 2012. Selon lui, ce contrat donne les conditions pour l’exécution de plusieurs types de travaux que CFQG confie à CSTP au cours de l’année. Il débute en 2011 et il est renouvelé tous les ans.
[138] Justin St-Pierre précise que cela fait plusieurs années que CSTP travaille avec CFQG.
[139] CSTP a le même genre de contrat avec Chemin de fer Saint-Laurent & Atlantique désigné aussi comme « Master Agreement for services » daté du 26 juin 2012 et renouvelé chaque année. CSTP fait aussi affaires depuis ses débuts avec Chemin de fer Saint-Laurent & Atlantique. C’est plutôt rare que CSTP effectue des travaux pour le CN et le CP, mais elle en a fait dans le passé.
[140] CSTP effectue également des travaux pour le ministère des Transports du Québec et pour Hatch Mott McDonald, une firme d’ingénierie pour laquelle elle a fait de l’inspection au niveau ferroviaire. Ce client n’apparaît pas sur le document déposé par Justin St-Pierre portant sur les revenus de CSTP.
[141] CSTP détient une licence de la Régie du bâtiment du Québec et Justin St-Pierre en est le répondant.
[142] Les parties conviennent que si Christian St-Pierre, président de CSTP, était présent, son témoignage serait que : « Pour la période de 2011 à 2012, CSTP a 75 % de la part du marché au Québec pour les travaux effectués sur les ponts et ponceaux sur les chemins de fer au Québec, ce qui n’est pas fait en régie. Les normes applicables sont celles de l’AREMA et celles exigées par le CN et le CP. »
[143] Jean-François Millette déclare que X-Rail a été fondée en 1996. Il y travaille à titre de superviseur depuis 1997. L’entreprise est spécialisée dans la conception, la fabrication, l’installation et l’entretien de signalisation ferroviaire.
[144] Son siège social est situé à Châteauguay, au Québec. X-Rail a des bureaux en Ontario, au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse. Certains de ses locaux sont fournis par le CN.
[145] L’entreprise est divisée en deux secteurs principaux; l’installation et l’entretien. Lui-même est responsable du service d’installation de passages à niveau et de systèmes ferroviaires.
[146] X-Rail fait la conception, la fabrication et l’installation de plus de 20 passages à niveau chaque année. La fabrication inclut l’assemblage de toutes les composantes. Ces projets sont faits « clés en main » et comprennent la conception, la fabrication, l’installation et la mise en service. L’entreprise comprend un service d’ingénierie qui est notamment responsable de créer et de conserver les plans des passages à niveau.
[147] X-Rail fait aussi l’installation de systèmes « CCC » pour le trafic ferroviaire. Ce système détecte les trains et permet de localiser en temps réel où se situent les autres trains, dans le but d’éviter des accidents.
[148] X-Rail fait l’entretien annuel de plus de 400 passages à niveau au Québec, en Ontario, au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse dont environ 150 appartiennent au CN, 40 au Chemin de fer Charlevoix et d’autres au Cape Breton and Central Nova Scotia Railroad.
[149] Jean-François Millette rapporte que X-Rail a commencé en 1996 à faire les travaux d’entretien sur des lignes qui avaient été vendues par le CN au Chemin de fer Québec-Central. En 2009, le CN a racheté ces lignes et X-Rail a continué à en assurer le service.
[150] Depuis deux ans, X-Rail a deux équipes attitrées au CN pour des travaux d’installation. Dix employés y sont tous les jours. De plus, il y a huit préposés à l’entretien pour le CN sur une ligne qui part de Rivière-du-Loup et qui va jusqu’à Moncton. Les équipes d’installations attitrées à Montréal sont dirigées par le CN. Les travaux d’installation et les travaux d’entretien qui se font à l’extérieur de Montréal sont supervisés par X-Rail.
[151] X-Rail fait l’entretien d’une des deux lignes du CN au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse : « C’est à peu près la même situation .»
[152] Selon Jean-François Millette, la liste des clients de l’entreprise indique que les chemins de fer nationaux représentent 86 % de ses clients. Il s’agit principalement du CN, du CP, de CFQG et de CSX Transportation inc.
[153] X-Rail respecte les normes de l’AREMA et celles plus sévères de la « RTD10 » émises par Transport Canada. Jean-François Millette relate que Transport Canada fait des inspections aléatoires sur les passages à niveau. S’il y a des anomalies, il y aura un rapport et en cas d’anomalies majeures, des actions seront prises immédiatement.
[154] X-Rail compte environ 45 employés incluant 5 personnes à l’administration, 4 superviseurs et 2 ingénieurs. Environ 30 personnes sont affectées à la Section installation. Ce sont tous des signaleurs.
[155] La conception est faite par 2 à 5 employés selon le projet. Le filage et la majorité des tests sont faits en atelier.
[156] X-Rail a 3 préposés à l’entretien qui travaillent en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick, 2 en Ontario et 9 au Québec. Chaque préposé à l’entretien a la charge d’un territoire et ils ont à s’occuper en moyenne de 40 passages à niveau chacun. Ils entretiennent des passages à niveau pour des chemins de fer, des villes, des usines, etc.
[157] Si un préposé à l’entretien attitré au CN détecte une anomalie importante, il peut appeler l’équipe de Montréal pour lui donner un coup de main, notamment s’il ne possède pas la machinerie nécessaire. L’équipe de Montréal est basée à Châteauguay. Il y a six équipes à travers le pays. Cinq équipes sont flexibles, c’est-à-dire qu’elles peuvent commencer des travaux qui seront terminés par une autre. Chaque équipe inclut un contremaître.
[158] Jean-François Millette dépose un document donnant une liste des cours exigés notamment par le CN pour travailler sur son réseau ce qui inclut un cours sur la réglementation ferroviaire. Le CN exige aussi de suivre les cours de sécurité « CN Safety Review » et « CN Orientation Course ». Le CP et l’AMT ont aussi leurs propres règlements.
[159] Dans chaque équipe, un employé doit avoir suivi un cours de secourisme. X-Rail donne aussi des cours sur les signaux portant notamment sur les équipements, les techniques, etc. et sur plusieurs autres sujets tels les chariots élévateurs, les nacelles et les produits dangereux (SIMDUT). Le cours ASP construction doit également être suivi. Les cours doivent être suivis aux États-Unis sur des composantes achetées là-bas, lorsqu’il n’y a pas de formation offerte au Canada. La majorité de la formation est donnée à l’interne par X-Rail. Ces cours sont dispensés à tous les employés.
[160] Jean-François Millette est notamment détenteur d’une carte « attestation d’études du REFC » et d’une autre de « préposé aux signaux ». Les travailleurs doivent détenir ces cartes s’ils veulent travailler sur les chemins de fer du CN, du CP et sur d’autres chemins de fer qui les exigent.
[161] X-Rail travaille sur des voies actives. Selon Jean-François Millette, lorsque des projets sont effectués autour de Montréal, le CN se charge de la protection des travaux. Lorsque les travaux sont réalisés à l’extérieur de Montréal, étant donné que les employés de X-Rail ont suivi la formation, cette dernière assure la protection des équipes de travail et de la machinerie.
[162] Selon lui, si les passages à niveau ne sont pas entretenus, les chemins de fer ne peuvent pas garantir leur sécurité. À ce moment-là, les passages à niveau doivent être mis hors fonction et les trains doivent cesser de circuler.
[163] Jean-François Millette ajoute que X-Rail posséde 80 % du marché de conception et d’installation de signalisation ferroviaire au Québec et 100 % du marché du CN au Québec.
[164] Les employés de X-Rail sont représentés par le même syndicat que celui des employés du CN et des chemins de fer américains, soit The International Broterhood of Electrical Workers (System Council No.11) (le IBW ). Le syndicat détient une accréditation pour les employés de X-Rail émise par le Conseil Canadien des Relations Industrielles. Entre autres, les signaleurs affectés à la section installation et les préposés à l’entretien sont syndiqués.
[165] X-Rail détient une licence de la RBQ. Éric Renaud en est le répondant.
[166] La question en litige consiste à déterminer si les relations du travail des employés de CFGQ ainsi que celles des sous-traitants en cause relèvent de la compétence fédérale ou provinciale. Dans l’éventualité où elles relèvent de la compétence provinciale, la Commission examinera, lors d’une prochaine étape, l’assujettissement de leurs travaux à la Loi R-20. La présente décision traite uniquement de la question constitutionnelle.
[167] La compétence en matière de relations du travail appartient aux provinces. Toutefois, le fédéral dispose d’une compétence d’exception pour les relations du travail dans les entreprises à l’égard desquelles il est habilité à légiférer.
[168] Dans le livre de Robert P. GAGNON, Le droit du travail du Québec, 7 e éd., par Yann BERNARD, André SASSEVILLE et Bernard CLICHE (dir.), Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2013, p.3, il est écrit :
Par interprétation de la Constitution, la compétence législative usuelle en matière de relations du travail appartient aux législatures provinciales. De son côté, le Parlement du Canada dispose d’une compétence d’exception, mais néanmoins exclusive, sur les relations de travail dans les entreprises à l’égard desquelles la Constitution l’a habilité, de façon générale, à légiférer.
[169]
Dans
l’arrêt
Tessier
c.
Québec (Commission de la santé et de la sécurité
du travail)
(
Tessier
), [2012]
[11] Les articles
[170] Les entreprises en cause invoquent que leurs relations du travail relèvent de la compétence fédérale.
[171]
Il ressort
de la jurisprudence que la compétence fédérale a été interprétée de façon restrictive
dans le contexte des relations du travail (
Consolidated Fastfrate inc.
c.
Western Canada Council of Teamsters,
(
Consolidated Fastfrate
),
[172]
Dans
l’affaire
Travailleurs unis des transports
c.
Central Western Railway
Corp.,
(
Central Western
),
Il y a deux façons
dont Central Western peut être considérée comme relevant de la compétence
fédérale et, partant, du
Code canadien du travail
. Premièrement,
on peut considérer qu'il s'agit d'un chemin de fer interprovincial qui tombe en
conséquence dans le champ d'application de l'al.
[173] Dans un premier temps, CFQG soutient qu’elle relève directement de la compétence fédérale parce que le CP est une entreprise ferroviaire incomplète sans l’intervention de CFQG qui dessert une partie de sa clientèle au Québec.
[174] Elle ajoute que sans le CP, CFQG est une entreprise non fonctionnelle composée de quelques tronçons ferroviaires non reliés.
[175] L’article 92 (10) a) b) et c) de la Loi constitutionnelle de 1867 , 30 & 31 Victoria, ch. 3 (R.U.) énonce :
Pouvoirs exclusifs des législatures provinciales
92. Dans chaque province la législature pourra exclusivement faire des lois relatives aux matières tombant dans les catégories de sujets ci-dessous énumérés, savoir :
[…]
10. Les travaux et entreprises d'une nature locale, autres que ceux énumérés dans les catégories suivantes :
a) Lignes de bateaux à vapeur ou autres bâtiments, chemins de fer , canaux, télégraphes et autres travaux et entreprises reliant la province à une autre ou à d'autres provinces, ou s'étendant au-delà des limites de la province ;
b) Lignes de bateaux à vapeur entre la province et tout pays dépendant de l'empire britannique ou tout pays étranger;
c) Les travaux qui, bien qu'entièrement situés dans la province, seront avant ou après leur exécution déclarés par le parlement du Canada être pour l'avantage général du Canada , ou pour l'avantage de deux ou d'un plus grand nombre des provinces;
(soulignement ajouté)
[176] Ainsi, les chemins de fer qui s’étendent au-delà des limites d’une province, ou qui ont été déclarés être à l’avantage général du Canada, sont de compétence fédérale. Ceux qui demeurent à l’intérieur des limites d’une province relèvent de la compétence provinciale.
[177] Aucune preuve n’a été faite selon laquelle CFQG aurait été déclaré à l’avantage général du Canada.
[178] En 1985, le parlement fédéral adopte la Loi sur la sécurité ferroviaire . L’article 4 de cette loi définit :
[…]
« chemin de fer » Chemin de fer relevant de l’autorité législative du Parlement (...)
« compagnie de chemin de fer » Personne qui, selon le cas, construit, exploite ou entretient un chemin de fer.
« compagnie de chemin de fer locale » Personne, autre qu’une compagnie de chemin de fer ou les mandataires de celle-ci, qui exploite du matériel ferroviaire sur un chemin de fer .
[…]
(soulignement ajouté)
[179] En 1996, la Loi sur les transports au Canada est adoptée. Elle édicte qu’elle s’applique aux chemins de fer « relevant de l’autorité législative du Parlement... » (art. 87) et elle reconnaît que des chemins de fer peuvent relever de la compétence législative des provinces (art. 157.1 et 158).
[180] En 1994, le Québec adopte la Loi sur les chemins de fer . Ses articles 1 et 7 énoncent :
1. La présente loi s’applique aux chemins de fer qui relèvent de l’autorité législative du Québec.
Toutefois, elle ne s’applique pas aux organismes publics qui, dans le cadre de leur loi constitutive, agissent comme transporteur ferroviaires.
[…]
7. Tout transporteur ferroviaire doit obtenir, par voie de requête écrite, un certificat d’aptitude délivré par la Commission des transports du Québec avant d’exercer ses activités de transport ferroviaire, sauf le transporteur ferroviaire qui n’exerce ses activités qu’à l’intérieur des limites d’un site commercial ou industriel qui lui appartient.
[181] Le 20 novembre 1997, CFQG obtient un « Certificat d’aptitude transport ferroviaire » émis par la Commission des transports du Québec. Ce certificat l’autorise à exercer des activités de transport ferroviaire de marchandises.
[182] Le fait que ce soit habituellement les règles fédérales qui soient soumises pour approbation au ministère des Transports du Québec ou le fait que CFQG ait déposé à peu près les mêmes documents que ceux utilisés par le CP ne fait pas en sorte qu’elle relève de la compétence fédérale.
[183] Rien n’empêche une entreprise d’adopter des normes et des règles qui existent déjà sans avoir à réinventer la roue. Avec le temps, CFQG a aussi adopté ses propres règles particulières énumérées dans son document « Système de gestion de la sécurité ferroviaire ».
[184] Des modifications à la Loi sur la sécurité ferroviaire , en vigueur depuis le 1 er mai 2013, prévoient que, dorénavant, toutes les entreprises qui exploitent du matériel roulant sur les voies d’un chemin de fer détenant un certificat d’aptitude en vertu de la Loi sur les transports au Canada, doivent adopter ces règles et normes techniques.
[185] Dans un sens, ces récentes modifications peuvent être interprétées comme la reconnaissance que le gouvernement fédéral n’a pas la compétence pour gérer l’ensemble des activités des chemins de fer locaux.
[186] CFQG répond aux demandes du ministère des Transports du Québec et elle fait l’objet d’inspections à intervalles réguliers. Malgré le fait que ces inspections peuvent être réalisées par Transport Canada, ce dernier agit alors à titre de mandataire du ministère des Transports du Québec qui en assure le suivi. Selon la preuve, s’il y a un incident ou un accident sur le réseau de CFQG, le rapport d’accident est envoyé au ministère des Transports du Québec.
[187] Les Règles relatives à l’inspection des structures ferroviaires (version 1 er février 2008) ont été approuvées à la suite d’un processus de consultation de tous les chemins de fer de compétence provinciale, dont CFQG.
[188] La carte « Schedule A Trois-Rivières / Lachute Cluster » préparée par CFQG, indique les différentes voies acquises par CFQG. Elle représente l’entièreté du réseau de CFQG à l’exception d’une portion de la subdivision Lachute qui sera exploitée plus tard. Cette carte illustre que CFQG opère un réseau exclusivement au Québec. Étienne Laberge a déclaré qu’elle ne franchit jamais la frontière.
[189] Les voies de CFQG se raccordent à celles d’autres chemins de fer interprovinciaux, ce qui permet le transport de marchandises d’un point à l’autre du pays.
[190] Dans l’affaire Central Western , citée précédemment, le juge en chef Dickson, écrit :
L’opinion exprimée par lord Atkinson dans l’arrêt
Montreal
Street Railway
est très convaincante. De par leur nature, les chemins de
fer forment un réseau qui s’étend au-delà des frontières provinciales et
nationales. Cela étant, des chemins de fer purement locaux peuvent fort bien
« toucher », directement ou indirectement, un ouvrage ou une
entreprise assujettis à une réglementation fédérale. Ce seul fait ne peut
toutefois raisonnablement suffire pour faire du chemin de fer local un ouvrage
ou une entreprise à caractère interprovincial au sens de l’al.
[191] CFQG soutient qu’elle a acquis du CP certains tronçons entrecoupés d’« interchanges », d’embranchements et d’autres portions ayant une valeur stratégique importante pour lesquelles le CP s’est gardé le droit de propriété. Pour Étienne Laberge, CFQG exploite un réseau qui n’est pas entièrement sa propriété. Le CP lui cède des droits de passage et lui loue des portions de voies ferrées.
[192] L’examen, notamment, de la carte « Schedule A Trois-Rivières / Lachute Cluster », et de la décision de la Commission des transports du Québec du 20 novembre 1997, démontre que la partie du réseau propriété de CFQG « Purchase Lines » correspond à 85 % du réseau, la partie louée à CFQG « Lease Lines » est de 5 %, la partie où des droits de passages sont accordés à CFQG « Run-Through Tracks » de 8 % et les « Access Tracks » de 2 %.
[193] Ainsi, CFQG est propriétaire à 85 % du réseau et elle l’exploite à 100 % suivant des règles différentes pour certaines parties. La preuve établit qu’elle n’effectue pas de transport interprovincial.
[194]
Depuis sa
création en 1997, CFQG est assujettie à la réglementation provinciale. Le fait
que les voies de son chemin de fer «
se
raccordent quelque part à des voies interprovinciales
» ne peut
suffire pour en faire une entreprise à caractère interprovincial de compétence
fédérale conformément à l’article
[195] Subsidiairement, CFQG prétend que ses activités habituelles se résument à desservir le réseau ferroviaire et la clientèle du CP. Étant donné le caractère récurrent, permanent et essentiel de ses activités pour celui-ci, CFQG soutient qu’elle relève de la compétence fédérale de façon dérivée.
[196] Dans son livre, Droit fédéral du travail, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2011. p. 6, Michel Coutu écrit :
L’entreprise peut également être qualifiée de fédérale en raison de son lien avec une autre exploitation relevant de la compétence du Parlement du Canada. En effet, un service accessoire à une entreprise fédérale peut être suffisamment lié à celle-ci pour que cette activité accessoire soit elle-même considérée comme relevant de la compétence fédérale : tout dépendra de la nature de la relation entre les deux entreprises, de l’importance des travaux ou services rendus et de leur caractère essentiel à l’exploitation de l’entreprise centrale .
(soulignement ajouté)
[197]
Dans
l’arrêt
Northern Telecom
c.
Travailleurs en communications du Canada
,
En l’espèce, il faut d’abord se demander s’il existe une entreprise fédérale principale et en étudier la portée. Puis, il faut étudier l’exploitation accessoire concernée, c.-à-d. le service d’installation de Telecom, les « activités normales ou habituelles » de ce service en tant qu’« entreprise active » et le lien pratique et fonctionnel entre ces activités et l’entreprise fédérale principale.
[198] Dans le même arrêt, le juge Dickson ajoute :
Sur la base des grands principes constitutionnels exposés ci-dessus, il est clair que certains faits sont décisifs sur la question constitutionnelle. De façon générale, il s’agit notamment :
(1) de la nature générale de l’exploitation de Telecom en tant qu’entreprise active et, en particulier, du rôle du service de l’installation dans cette exploitation;
(2) de la nature du lien entre Telecom et les sociétés avec lesquelles elle fait affaires, notamment Bell Canada;
(3) de l’importance du travail effectué par le service de l’installation de Telecom pour Bell Canada, en comparaison avec ses autres clients;
(4) du lien matériel et opérationnel entre le service de l’installation de Telecom et l’entreprise fédérale principale dans le réseau téléphonique et, en particulier, de l’importance de la participation du service de l’installation à l’exploitation et à l’établissement de l’entreprise fédérale en tant que méthode de fonctionnement.
[199] Dans un deuxième arrêt, Northern Telecom Canada Limitée c. Le Syndicat des travailleurs en communications du Canada , [1983] 1. R.C.S. 732 ( Northern Telecom 2 ), la Cour ajoute quant aux critères à analyser :
1. Le critère principal d’application du principe énoncé dans l’arrêt sur les Débardeurs est l’étude du « lien matériel et opérationnel » entre les installateurs de Telecom et l’entreprise principale de nature fédérale, le réseau téléphonique, et en particulier de l’importance de la participation des installateurs à la création et à l’exploitation de l’entreprise fédérale en tant que méthode de fonctionnement. [...]
[200] Les tribunaux ont établi que les critères applicables afin de déterminer si une entreprise peut être qualifiée de compétence fédérale dérivée doivent être examinés en tenant compte des faits particuliers de chaque affaire.
[201]
Dans
l’affaire
Central Western,
citée précédemment, le juge en chef Dickson, reférant
à l’arrêt
Alberta Government Téléphones
c.
C.R.T.C.
,
Les principes énoncés dans l'arrêt Northern Telecom n o 1 ne sont pas censés être appliqués d'une manière stricte ou rigide; le critère devrait au contraire être souple et tenir compte des faits de chaque espèce. Comme on le dit dans l'arrêt A.G.T. c. C.R.T.C. , à la p. 258:
À mon avis, il est impossible de formuler en l'absence de contexte un seul critère qui soit complet et utile dans tous les cas relatifs à l'al. 92(10) a ). Le dénominateur commun de ces arrêts est simplement que ce sont les faits particuliers de chaque cas qui doivent guider le tribunal, une méthode dictée par l'arrêt de cette Cour Northern Telecom, 1980 , précité. Il est possible de trouver des analogies utiles dans la jurisprudence, mais dans chaque cas, la réponse à cette question constitutionnelle variera selon les faits qui doivent être examinés soigneusement comme l'a fait le juge de première instance en l'espèce.
L'affaire A.G.T. c. C.R.T.C. diffère un peu des affaires Northern Telecom n o 1 et Northern Telecom n o 2 en ce que la question de compétence concerne le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes plutôt que le Conseil canadien des relations du travail. Quoi qu'il en soit, l'approche souple préconisée dans l'arrêt A.G.T. c. C.R.T.C. s'applique tout autant dans le contexte des relations du travail .
(soulignement ajouté)
[202] CFQG prétend qu’elle relève de la compétence fédérale de façon dérivée étant donné le caractère récurrent, permanent et essentiel de ses activités pour le CP.
[203] Le CP exploite une entreprise de transport ferroviaire au-delà des limites des provinces. Le caractère interprovincial de ses activités en fait manifestement une entreprise de compétence fédérale.
[204] CFQG exploite une entreprise de transport ferroviaire sur son réseau qui ne dépasse pas les limites de la province de Québec. Elle transporte de la marchandise entièrement sur son réseau, dans la majorité des cas, jusqu’aux « interchanges » avec un réseau interprovincial.
[205] CFQG est une entreprise constituée en vertu de la Loi sur les compagnies partie 1A , RLRQ c. C-38, et couverte par la Loi sur les sociétés par actions , RLRQ c. S-31.1.
[206] Elle a déposé de nombreux documents qui établissent la nature de ses rapports avec le CP.
[207] En 1997, le CP vend à CFQG des parties de son réseau situées au Québec. Une série d’ententes interviennent notamment concernant l’achat des actifs, la définition de droits de passage, la location d’espaces, etc.
[208] La première partie de la transaction « Asset Purchase Agreement » du 29 septembre 1997, vise la portion du réseau de la subdivision de Lachute abandonnée par le CP.
[209] On y précise quant au CP, à la section 2.02 : « (vi) The names “ Canadian Pacific Limited ” , “ Canadian Pacific Railway Company ” , “St. Lawrence & Hudson Railway Company Limited ” and any related or similar trade names, trademarks, service marks or logos to the extent the same incorporate any of the foregoing names or any variation thereof. »
[210] Il est écrit à la rubrique intitulée « Recitals » :
A. QGI wishes to purchase certain rail assets of StL&H. Parties in order to undertake the works required to re-open a certain portion of Lachute Subdivision, such assets being (i) that certain abandoned rail line commencing at a point in the vicinity of Saint-Augustin, Quebec, designated as Milepost 27.985 of the Lachute Subdivision on CP’s system map, and continuing westerly through the Province of Quebec to a point near Lachute, Quebec, designated as Milepost 39.962 of the Lachute Subdivision on CP’s system map […]
(soulignement ajouté)
[211] Le CP vend tous ses droits, titres et intérêts sur le lot en question :
2.01 Sale and Purchase of Acquired Assets. Upon the terms and subject to the conditions hereof including the redemption right provided in Section 2.07 , the StL&H Parties hereby sell, transfer, assign and convey to QGI, and QGI hereby purchase from the StL&H Parties, all right, title and interest of the StL&H Parties in and to all of the following assets (such assets being collectively referred to herein as the “Acquired Assets”), but excluding however the Excluded Assets:
[…]
[212] CFQG doit enlever tout ce qui se rapporte à l’identification du CP :
2.02 Assets Excluded from the Acquired Assets. Except as otherwise specifically provided in Section 2.01 , the Acquired Assets do not include the following assets of the StL&H Parties (the “Excluded Assets”):
[…]
(vi) The names “Canadian Pacific Limited”, “Canadien Pacific Railway Company”, “St. Lawrence & Hudson Railway Company Limited “ and any related or similar trade names, trademarks, service marks or logos to the extent the same incorporate any of the foregoing names or any variation thereof.
[213] Cette clause est prévue dans d’autres contrats entre le CP et CFQG.
[214] L’entente intitulée « Asset Purchase Agreement » datée du 10 novembre 1997 constitue la deuxième partie de la transaction entre le CP et CFQG. Il s’agit de l’entente-cadre. On y retrouve des clauses similaires à celles des articles 2.01 et 2.02 de l’entente du 29 septembre 1997 et, entre autres, les annexes suivantes.
[215] L’annexe 3.09 « Master Lease Agreement » traite d’une partie des voies ferrées appartenant au CP louées à CFQG. Il s’agit d’un bail à long terme de 20 ans renouvelable 4 fois automatiquement. L’entretien, la réparation et la réfection sont à la charge du locataire (clauses 8.1 et 8.2). Le CP s’est réservé le droit d’y circuler en particulier à l’égard des trains de banlieue (clauses 2.6.4 et 2.8).
[216] L’annexe 3.10 « Interchange Operating Rights Agreement Relating to Run-Through Tracks » accorde des droits de passage à CFQG aux fins d’ « interchange » avec le CP.
1.1 In addition to those rights granted under Schedule 3.12 to the Second Purchase Agreement, subject to the terms and the conditions herein provided, StL&H hereby grants to QGI the right to operate QGI trains, engines, cars and equipement with its own crews over the following StL&h main line segments, shown outlined in blue on the map annexed as Schedule A to the Second Purchase Agreement (collectively the “Run-Through Tracks”) :
[…]
[217] Selon la preuve, l’entretien de cette partie du réseau « Run-Through Tracks » à Montréal est la seule qui soit à la charge du CP (clause 5.1). Des trains de l’AMT y circulent.
[218] CFQG paie pour ses droits de passage sur cette portion du réseau un prix ajustable selon les règles du marché et, en cas de désaccord, le différend est soumis à un arbitrage (clause 1.3).
[219] L’annexe 3.11 « Interchange Operating Rights Agreement Relating to Access Tracks » a aussi un terme de 20 ans renouvelable 4 fois automatiquement (clauses 9.1 et 9.2). Ce bail confère à CFQG certains droits d’opération sur ces voies d’échange du CP. L’entretien, la réparation et la réfection des voies sont sous la responsabilité de CFQG, à ses frais et sous « its own supervision and labour » (clause 4.1).
[220] L’entente accorde des droits restreints au CP de circuler et une contrepartie est exigée.
6. Grant of trackage rights to StL&H
6.1 For the purpose of responding to an emergency or order of a public authority having jurisdiction in the matter and to enable StL&H to reach the Access Tracks and the Lease Lines, QGI hereby grants to StL&H the right to operate StL&H trains, engines, cars and equipement with its own crews over the Subject Lines, the Purchase Lines, the Lease Lines, the Lease Premises, at a consideration of $0.35 per car mile, plus applicable taxes. Such grant of operating rights shall be on terms and conditions similar to those when operating rights are granted by StL&H to QGI pursuant to the Second Purchase Agreement (except for insurance).
[221] L’annexe 3.12 « Operating Agreement » prévoit les conditions selon lesquelles la marchandise sera livrée au CP. Elle spécifie les fréquences de service et la façon dont les wagons sont mis en séquence aux points d’« interchanges » sur lesquels le CP cède des droits de passage à CFQG.
2.1 QGI acknowledges and agrees that StL&H requires trains to be delivered by QGI with specific marshalling and blocking.
[222] Dans cette entente, CFQG confie au CP le droit non exclusif de fixer les prix aux clients qui se retrouvent sur le réseau de CFQG.
Recitals
C. Whereas , pursuant to an Agreement Regarding Freight Revenue Settlements between QGI and the StL&H Parties dated as of November 10, 1997 annexed as Schedule 3.14 to the Second Purchase Agreement, QGI has granted to the StL&H Parties the non-exclusive right to quote rates, publish tariffs and make transportation contracts with custumers at all points on the QGI Line;
[223] CFQG accepte de livrer la marchandise « to and from the StL&H Main Yard ».
D. Whereas , the StL&H Parties have requested QGI to handle to and from the StL&H Main Yard all their traffic originating or terminating at points on the QGI Line, and QGI has agreed to handle all such traffic, on the terms and conditions hereinafter provided.
[224] L’entente prévoit aussi le paiement de dommages dans la mesure où CFQG ne respecte pas les exigences ou s’il y a des retards :
2.6 In the event that QGI does not meet the performance requirements as defined in Section 2.5 above for any two (2) consecutive months, or for six (6) months in any twelve (12) month period, QGI agrees to pay to StL&H as liquidated damages the amount of Twenty-five Thousand Dollars ($25,000) per month, until such time as QGI meets the performance requirements as outlined in Section 2.5 above. This amount will be reviewed and revised by mutual agreement annually and in the event the parties are unable to agree on a revised amount, the amount then in effect shall continue to apply.
[…]
[225] Ce type de clause ne démontre pas que ces deux entreprises sont « opérationnellement » intégrées.
[226] Une disposition fait état de la complète autonomie de CFQG de cesser d’exploiter son réseau sur la totalité des lignes qui font l’objet de la transaction. Aucune réserve n’y est prévue au sujet du CP.
14.4 Nothing herein shall preclude QGI from abandoning or discontinuing operations on any part of the Subject Lines, the Purchase Lines, the Lease Lines, the Lease Premises, the Access Tracks or the Run-Through Tracks subject only to such prior governmental authorization as may be necessary and the provisions of Section 14.5. Upon such discontinuance or abandonment, this Agreement and any other agreement between the parties relating to the aforesaid lines shall terminate as to that portion of the line affected by such discontinuance or abandonment.
[227] L’annexe 3.13 « StL&H Operating Rights Agreement on Default » détermine qu’en cas de défaut de CFQG aux conditions de l’entente, le CP se garde un droit de passage sur les voies ferrées vendues, louées ou sur lesquelles il y a des droits de passage cédés à CFQG, pour lui permettre de continuer le service.
[228] Cette entente couvre des circonstances exceptionnelles qui ne démontrent pas le caractère récurrent, permanent et essentiel des activités de CFQG pour le CP.
2.1. Each of the following shall be an Event of Default:
(a) QGI ceases to operate the QGI Lines in breach of any regulatory permit requirements;
(b) QGI’s certificate of competence issued pursuant to the Railway Act (Quebec) or any successor legislation is suspended or revoked; or
(c) QGI becomes insolvent or bankrupt or makes a general assignment for the benefit of creditors, or otherwise acknowledges its insolvency.
[229] Dans l’affaire Canadian National Railway Company and Cape Breton and Central Nova Scotia Railway Limited ( CB&CNS ), [1994] CRLB Decision No. 1078, CB&CNS a acquis une ligne de voie ferrée du CN en vertu d’un « Asset Purchase Agreement ». Le Conseil canadien des relations industrielles ( le Conseil ) écrit :
CN’s right of first refusal in the agreement, it was argued, demonstrates CN’s need to have the operation of the Truro-Sydney line continued for the effective performance of its obligations . However, it appears from the evidence (Exhibit 1 (f)) that CN’s commitment to continue the operations of the short-line in case of abandonment or sale of the line by CB&CNS has been undertaken as a condition for provincial government’s approval of the sale rather than because of CN’s interest in the line. Nevertheless, this is not enough to conclude that CN depends upon the operations of the short-line .
(soulignement ajouté)
[230] L’annexe 3.14 « Agreement Regarding Freight Revenue Settlements » prévoit les conditions monétaires :
1.3 QGI shall pickup and deliver such traffic from and to said customers, and transport such traffic to/from a point of exchange with StL&H as provided for in Section 6.2 of the Interchange Operating Rights Agreement Relating to Run-Through Tracks (the “Exchange Point”).
1.4 All car hire charges with respect to this traffic shall be paid and apportioned in accordance with this Agreement.
[231] Ce contrat a une durée de 10 ans. À son échéance, les parties « will have the ability to negociate revenue fees and weighted averages applicable. » (clause 9).
[232] Cette entente est conforme à la pratique courante dans l’industrie ferroviaire. En général, le chemin de fer qui fait le plus long trajet sur son réseau facture le client et remet leur part aux autres.
[233] Les relations entre CFQG et le CP sont contractuelles, commerciales et mutuellement avantageuses. Elles négocient en fonction de leur intérêt et de leur pouvoir de négociation.
[234] Ces contrats démontrent des liens d’affaires sur une base contractuelle. Ils ne sont pas indicateurs d’une intégration dans le fonctionnement du transport de marchandises de chacune des parties (voir CB&CNS, cité précédemment, pour certains aspects similaires, notamment quant aux contrats). Ces dispositions n’ont rien d’exceptionnel dans le secteur ferroviaire. Rien qui n’indique autre chose que des rapports contractuels.
[235] La preuve illustre que CFQG a des relations contractuelles du même type avec d’autres clients ou partenaires d’affaires.
[236] Le 13 novembre 1998, une entente d’opération intervient entre Mirabel Railway inc. et CFQG touchant la subdivision Monfort et l’antenne Saint-Jérôme. Cette entente permet à CFQG d’opérer et d’entretenir ce réseau, qui appartenait anciennement au CN et qui a été vendu à Mirabel Railway inc.
[237] Le 9 février 2007, CFQG et le CN ont conclu une entente « Trackage Rights Agreement ». Cette entente a pour objet l’échange de wagons entre le CN et CFQG à la gare de Limoilou à Québec et l’utilisation commune de rails spécifiques appartenant au CN. La réparation, les opérations et le contrôle des rails sont sous la responsabilité exclusive du CN :
ARTICLE 4 - MAINTENANCE, OPERATION AND CONTROL
4.1 The construction, maintenance, repair and renewal of the Joint Use Track shall be under the exclusive direction and control of CN.
[238] CFQG a d’autres partenaires commerciaux que le CP et le CN. Étienne Laberge a parlé notamment de contrats avec la Société de transport de l’Outaouais, le port de Trois-Rivières, etc.
[239] CFQG entretient des relations d’affaires dans plusieurs domaines sur son réseau en toute autonomie. Le CP n’a pas à donner son aval et CFQG conclut ces contrats de manière tout à fait indépendante que ce soit des contrats de location, d’entretien de voies industrielles, etc. Le CP ne contrôle pas les agissements de CFQG dans ces relations d’affaires.
[240] La nature du lien entre CFQG et les entreprises avec lesquelles elle fait affaires, notamment le CP, ne suggèrent pas qu’il y ait intégration.
[241] CFQG fait du transport de marchandises pour les nombreux clients qui se trouvent le long de son réseau de chemin de fer.
[242] Elle a déposé un extrait du site Web de Genesee & Wyoming inc. à son sujet. On y lit :
Les Chemins de fer Québec-Gatineau Inc. effectuent le service de transport ferroviaire dans les régions industrielles majeures et deux ports dans la province de Québec. Le réseau est situé du côté nord du Fleuve St-Laurent et de la Rivière des Outaouais et dessert les localités comprises dans l’axe Québec, Trois-Rivières, Shawinigan, Joliette, Montréal, St-Jérôme, Lachute, Gatineau et Hull.
CFQG, acquis du Canadien Pacifique (CP Rail), a débuté ses opérations en novembre 1997. Nos 151 employés desservent quelque 50 000 wagons de marchandises annuellement. En plus d’être orienté vers le service à la clientèle, CFQG a ajouté à son actif : un parc de voitures automobiles, un grand centre de distribution de bois d’œuvre et un centre de manutention de produits en vrac dans la cour de triage Henri IV située dans la ville de Québec, afin de satisfaire la demande du marché et d’offrir à sa clientèle un service à multiples facettes.
[243] Dans cet extrait, la seule mention au sujet du CP est à titre d’ancien propriétaire. CFQG se présente comme une entreprise à part entière, autonome et distincte.
[244] CFQG a déposé un tableau selon lequel, de 2007 à 2011, le transport effectué pour le compte du CP représente environ 70 % de ses activités et que ses services génèrent près de 75 % de ses revenus. Pour la même période, 10 % à 16 % de ses activités sont pour le CN et génèrent 11 % à 14 % des revenus.
[245]
Pour
conclure qu’une entreprise est intégrée à une entreprise fédérale principale,
le pourcentage de ses activités consacré à cette entreprise doit être très
élevé (voir notamment
Union des facteurs du Canada
c.
Syndicat des postiers
du Canada
,
[246] CFQG souligne qu’elle fait affaires avec le CP et le CN et que l’ensemble de ses activités pour ces deux entreprises ferroviaires fédérales équivaut à plus de 85 % du total de ses activités.
[247] CFQG ne peut être considérée comme étant intégrée à deux entreprises fédérales distinctes, indépendantes et, au surplus, concurrentes.
[248] Dans les faits, le transport de marchandises est fait au bénéfice des clients situés sur le réseau de CFQG. L’entreprise de chemin de fer qui fait le plus de kilomètres sur son réseau facture le client. Elle fixe le prix et distribue la part qui leur revient aux autres transporteurs.
[249] Cette méthode de facturation ne change rien au fait que c’est le client desservi par les entreprises ferroviaires qui bénéficie du transport de marchandises. Une partie du transport est effectué par le CP ou le CN et une autre par CFQG au bénéfice du client en question. Dans les faits, CFQG est payé par le client pour le transport local qu’elle effectue sur son réseau.
[250] Dans l’affaire CB&CNS, citée précédemment, le Conseil écrit au sujet du mode de facturation :
CN and CB&CNS have agreed to co-ordinate their marketing efforts to maximize the revenue generated from the short-line to their mutual benefit. By deciding not to abandon the line, CN still offers its clients the opportunity to make use of CB&CNS service on the short-line. CB&CNS has agreed to co-ordinate its schedule for the meeting of trains at Truro. CN continues to quote freight rates and collect for its own accounts all revenues for traffic handled to and from locations on the Truro-Sydney line which represents the rest of the traffic on the line .
As mentioned above, CN pays CB&CNS a carload rate based on an agreed upon schedule for inter-line traffic in accordance with the billing practice in the railway industry. Where goods are routed through numerous companies, the billing practice is to have one company prepare the invoice for a particular destination and distribute thereafter the revenues among the other companies involved . An interchange report is sent to the other party every month detailing the content of cars, schedules and the per car rate. CB&CNS has to pay an hourly rate for cars other than its own travelling on the short-line.
(soulignement ajouté)
[251] Par ailleurs, la preuve démontre que CFQG a des clients pour lesquels elle transporte de la marchandise d’un point à l’autre sur son réseau. Selon la preuve, son objectif est de recruter encore plus de clients au Québec et elle tente d’y développer d’autres marchés.
(4) Du lien matériel et opérationnel entre CFQG et le CP et, en particulier, de l’importance de la participation des services de CFQG à l’exploitation et à l’établissement de l’entreprise fédérale en tant que méthode de fonctionnement.
[252] Ce facteur est le plus important pour savoir qui, du Parlement fédéral ou de la législature provinciale, a la compétence constitutionnelle (Northern Telecom 2).
[253] Le niveau d’intégration matériel et fonctionnel requis pour conclure que les activités d’une entreprise provinciale font partie intégrante d’une entreprise fédérale principale est élevé.
[254] Dans l’affaire Northern Telecom 2, ses employés effectuaient le travail quotidiennement, conjointement, sur le même matériel et dans les mêmes locaux que ceux de Bell Canada afin d’offrir le même service. La Cour écrit :
[...] L’intégration presque totale du travail quotidien des installateurs aux tâches d’établissement et d’exploitation du réseau de télécommunications fait du travail d’installation un élément intégral de l’entreprise fédérale. Les équipes d’installation travaillent la plupart du temps dans les locaux occupés par le réseau de télécommunications. L’agrandissement, l’expansion et l’amélioration du réseau constituent une opération conjointe du personnel de Bell et de celui de Telecom. [...]
[255] CFQG est une entreprise de transport d’intérêt local à l’intérieur des limites du Québec. Ses employés ne participent pas au transport interprovincial du CP et ils ne travaillent pas dans ses locaux ni sur son matériel. Les ententes entre le CP et CFQG confèrent à cette dernière le droit de circuler avec son équipage sur les « Run-Through Tracks » et les « Access Tracks » uniquement aux fins d’ « interchanges ». Ces ententes ne démontrent pas d’interrelation entre les employés des deux chemins de fer. Selon la preuve, CFQG n’entre pas sur le territoire du CP comme elle veut. L’entreprise n’est pas chez elle et elle doit obtenir des autorisations du CP pour y entrer.
[256] Dans l’affaire Central Western, citée précédemment, l’entreprise ferroviaire avait acquis son réseau du CN et l’exploitait à l’intérieur des limites de la province de l’Alberta. Elles avaient conclu plusieurs ententes contractuelles et le trafic de Central Western était livré en entier au CN. Référant à l’affaire Northern Telecom 2, la Cour suprême écrit :
Comme l’indique ce passage, si les deux entreprises se livrent simultanément et conjointement à certaines activités, il peut y avoir intégration fonctionnelle. Cette intégration temporelle n’existe cependant pas entre l’appelante et CN car chacune de ces entreprises fonctionne indépendamment dans son propre champ d'activité. L'appelante se charge d'acheminer des wagons à grain vides aux différents élévateurs, de les remplir de grain et ensuite de les remorquer à Ferlow Junction où ils sont attelés à des locomotives de CN. Ce n'est qu'au moment du transfert des wagons à grain que les deux compagnies coordonnent leurs activités. Ce transfert peut donc être considéré comme un lien établi à la fin du processus du transport local, à la différence du cas qui se présentait dans l'affaire Northern Telecom n o 1 où le service de Northern Telecom et celui de Bell étaient fournis simultanément. De toute évidence, Bell Canada et Northern Telecom agissaient en collaboration afin d'offrir un seul service. En outre, il était nécessaire que des employés de Northern Telecom soient présents chaque jour sur des lieux occupés par Bell. Tel n'est pas le cas en l'espèce, car les employés et les trains de CN ne pénètrent sur les propriétés de Central Western que pour effectuer le transfert de wagons à grain à destination ou en provenance de Ferlow Junction.
[257] CFQG souligne le fait que Central Western est relié au CN uniquement à une extrémité de son chemin de fer. Cela ne change rien au fait que, tout comme dans l’affaire Central Western, le CP et CFQG fonctionnent indépendamment chacun sur son réseau avec ses propres employés. C e n’est qu’au moment du transfert des wagons que les entreprises coordonnent leurs activités, soit à la fin du processus du transport local et au commencement du processus du transport interprovincial.
[258] Les employés et les locomotives de CFQG pénètrent sur les propriétés du CP uniquement pour effectuer le transfert de wagons. Chacune des entreprises ferroviaires fait sa partie de transport sans que l’autre intervienne.
[259] Dans l’arrêt Consolidated Fastfrate , cité précédemment, le juge Rothstein écrit :
[78] Les affaires portant sur le lien materiel démontrent en outre que le simple fait de faciliter le transport interprovincial ne fera pas intervenir, à lui seul, la compétence fédérale. Dans City of Montreal c. Montreal Street Railway , [1912] A.C. 333, le Conseil privé a conclu qu’un simple lien materiel entre un chemin de fer local et un chemin de fer interprovincial n’était pas suffisant pour assujettir le chemin de fer local à la réglementation fédérale. Le fait que les chemins de fer intraprovinciaux et interprovinciaux avaient conclu un arrangement [TRADUCTION] « selon lequel les wagons de chaque transporteur ferroviaire empruntent les lignes de l’autre, et les passagers sont transportés des points du parcours de l’un au point du parcours de l’autre sur le réseau permanent de l’un ou l’autre » n’a pas transformé le chemin de fer intraprovincial en un chemin de fer interprovincial pour l’application de l’al. 92(10) a ) (p. 338 et 345-346).
[260] Selon la preuve, Stéphane Lafontaine est en contact avec le CP tous les jours, mais ce sont des communications sur la façon de procéder à l’occasion de la livraison ou de la reprise des wagons sur les voies d’échange. Il a aussi témoigné que les ententes prévoient notamment les fréquences de service et l’ordre dans lequel les wagons doivent être disposés lorsque CFQG les livre au CP.
[261] Ces ententes sont conclues simplement afin de faciliter le transport interprovincial.
[262] Le fait qu’il y ait une coordination lors du transfert des wagons, tout comme dans Central Western, ne démontre pas une implication des employés du CP dans le transport local des marchandises. De la même manière, quand le CP fait du transport interprovincial sur son réseau, les employés de CFQG ne participent pas à ce transport.
[263] La preuve ne démontre pas une intégration des activités de CFQG dans les activités de transport interprovincial du CP.
[264] CFQG soulève le fait que Central Western ne dessert pas les clients du CN alors qu’elle fait le service pour les clients du CP situés sur son réseau. Selon elle, ces activités ont un caractère récurrent, permanent et essentiel pour le CP.
[265] Il est vrai que dans l’affaire Central Western, celle-ci fait le transport local du grain pour neufs élévateurs exploités par quatre sociétés céréalières et l’amène au CN, qui en fait le transport interprovincial. De son côté, CFQG fait le transport d’une multitude de produits pour les clients situés le long de son réseau.
[266] Toutefois, c ette situation ne change rien au fait que CFQG ne satisfait pas aux critères développés par la jurisprudence pour que ses relations du travail relèvent de la compétence fédérale.
[267] Dans l’affaire CB&CNS , citée précédemment, la preuve démontrait que : « The traffic on the Truro-Sydney line before CN sold it to CB&CNS represented only 1.5% of CN’s total carloads. » Le Conseil en conclut : « It cannot be said that CN “would be severely disadvantage if CB&CNS employees failed to perform their usual tasks .” »
[268] En l’espèce, la preuve n’établit pas l’importance que représente le transport de marchandises fait par CFQG par rapport à l’ensemble du transport effectué par le CP sur son réseau interprovincial.
[269] Gérald Gauthier, du RCFQ, a témoigné qu’avant 1996, les grands chemins de fer, tels le CN et le CP, souhaitaient abandonner des portions moins rentables de leurs réseaux. Des modifications à la Loi sur les transports au Canada leur ont permis de vendre une partie de réseau à d’autres exploitants ayant généralement une structure de coûts moindre.
[270] De son côté, Carla Pin a d’ailleurs témoigné que, pour rentabiliser ses deux corridors, le CP les a vendus à un « appariteur ferroviaire » ayant une structure de coûts moindre que celle du CP.
[271] On peut en inférer que les portions de réseau vendues par le CP à CFQG ne devaient pas représenter une proportion importante de son marché.
[272] Dans l’affaire Central Western , citée précédemment, la Cour écrit :
En dernier lieu, et c'est peut-être là le point le plus important, on ne saurait prétendre que CN dépend de quelque manière des services de l'appelante. Depuis 1963, CN a toujours voulu abandonner la ligne de chemin de fer Central Western, ce qui indique que cette ligne ne constitue une partie ni vitale ni essentielle de ses opérations . Il s'ensuit que, contrairement à la situation dans les affaires Northern Telecom , cela ne causerait aucun inconvénient grave pour l'entreprise fédérale principale (CN) si les employés de l'appelante n'accomplissaient pas leurs tâches habituelles. La présente instance diffère nettement de l' Affaire des débardeurs et de l'affaire Union des facteurs en ce que l'exécution efficace des obligations de CN en tant que chemin de fer national ne tient nullement aux services de l'appelante. Voilà des facteurs qui militent fortement, de façon presque décisive , contre une conclusion en faveur de la compétence fédérale sur les employés en question.
(soulignement ajouté)
[273] La première partie de la transaction entre le CP et CFQG s’est faite le 29 septembre 1997, par l’entente intitulée « Asset Purchase Agreement » qui vise la propriété de la subdivision à Lachute. La preuve démontre qu’une partie de cette portion du réseau n’était plus exploitée depuis 1994 et que le CP avait complété le processus d’abandon.
[274] D’ailleurs, avant d’accorder le certificat d’aptitude à CFQG, la Commission des transports du Québec s’est assurée de l’état de cette partie de la voie qui avait été abandonnée par le CP. On peut lire, à la décision du 20 novembre 1997 :
6) État de la voie
A été produit en preuve, une copie d’un rapport d’état de la voie présentement utilisable. De plus, le 6 novembre 1997 a été déposé un affidavit de M. Jean-Marie Lemire, ingénieur, relativement à la réfection de la portion abandonnée de la ligne de chemin de fer de la subdivision de Lachute entre les points milliaires 28.0 (St-Augustin) et 90.1 (Thurso). Il déclare qu’il a inspecté cette ligne de chemin de fer et que les travaux de réfection ont été complétés selon les normes d’ingénierie reconnues et selon les règles de l’art.
[275] Cette portion de réseau vendue par le CP à CFQG « ne constitue une partie ni vitale ni essentielle » aux opérations du CP.
[276] Selon la prépondérance de la preuve, l’ensemble du réseau vendu par le CP à CFQG ne constituait pas une partie vitale et essentielle aux opérations du CP.
[277] De plus, la preuve démontre que CFQG fait du transport de marchandises localement, elle veut développer de nouveaux marchés et aller chercher de nouveaux clients. Elle a plus de marge de manoeuvre et elle est moins dépendante du CP que Central Western, qui dépend financièrement entièrement du CN pour ses opérations.
[278] Selon la preuve, CFQG a sa propre structure de gestion, d’entretien, de comptabilité, de marketing et de service à la clientèle, etc.
[279] Elle a ajouté à son actif : un parc de voitures automobiles, un grand centre de distribution de bois d’œuvre et un centre de manutention de produits en vrac dans la gare de triage Henri IV « afin de rencontrer la demande du marché et d’offrir à sa clientèle un service à multiples facettes » (site Web de Genesee & Wyoming inc.).
[280] Enfin, toujours dans l’affaire Central Western , l a Cour suprême termine son analyse ainsi :
[...] La conclusion contraire minerait complètement le partage des pouvoirs puisque, en l’absence d’une exigence d’intégration fonctionnelle, à peu près n’importe quelle activité pourrait être considérée comme « touchant » une entreprise interprovinciale relevant de la compétence fédérale. J'estime en outre que les opinions exprimées par notre Cour établissent uniformément qu'il en faut davantage que l'existence d'un lien matériel et des relations commerciales mutuellement avantageuses avec un ouvrage ou une entreprise à caractère fédéral pour qu'une compagnie soit assujettie à la compétence fédérale. Selon moi, les faits de l'espèce n'établissent pas le degré d'intégration requis. Cela étant, je conclus que Central Western ne fait pas partie intégrante d'un ouvrage ou d'une entreprise à caractère fédéral.
[281] Dans la présente affaire, la preuve a principalement démontré une relation commerciale mutuellement profitable pour CFQG et le CP et non une intégration fonctionnelle. Or, une simple relation commerciale mutuellement profitable ne suffit pas pour qu’une entreprise soit assujettie à la compétence fédérale et cela même si, comme dans Central Western, elle était économiquement dépendante de l’entreprise fédérale.
[282] En conclusion, les relations du travail de CFQG relèvent de la compétence provinciale.
[283] Rail Cantech, CSTP et X-Rail soutiennent qu’en raison du caractère essentiel et vital de leurs activités pour un ou plusieurs chemins de fer nationaux, elles relèvent de la compétence fédérale de façon dérivée.
[284] La preuve démontre que les travaux exécutés par les sous-traitants en cause se font aussi pour des chemins de fer d’intérêt local et des chemins de fer industriels qui relèvent de la compétence provinciale.
[285] Les activités principales de Rail Cantech consistent en la construction, la réfection, l’entretien et la réparation de voies ferrées. Celles de CSTP consistent en l’inspection, l’analyse et la réparation des infrastructures des réseaux ferroviaires. Quant à X-Rail, la nature de ses activités consiste en la conception, la fabrication, l’installation et l’entretien de matériel de signalisation ferroviaire.
[286] Les parties ont déposé plusieurs documents qui démontrent des relations contractuelles entre Rail Cantech, CSTP ainsi que X-Rail et les entreprises avec lesquelles elles font affaires.
[287] Rappelons que les sous-traitants en cause ont le fardeau de repousser la présomption d’application des lois provinciales dans la mesure où elles invoquent que leurs relations du travail relèvent de la compétence fédérale.
[288] Selon la preuve, Rail Cantech a débuté en faisant des travaux d’entretien de voies industrielles et de chemins de fer d’intérêt local. Ces dernières années, il y a eu une croissance de ses activités reliées à la construction de voies principales, en particulier dans le Nord du Québec pour l’exploitation minière, mais aussi pour de plus grands réseaux. Gilles Richard de Rail Cantech a donné l’exemple de deux contrats pour des réseaux ferroviaires, le premier avec Blue Lake Railway dans le Nord-du-Québec et le deuxième avec le Chemin de fer Québec-Central en Beauce qui appartient au ministère des Transports du Québec.
[289] Rail Cantech est une entreprise québécoise qui a commencé ses opérations au Québec. Elle détient dans son domaine environ 40 % à 50 % des parts de marché du Québec, moins de 15 % de celles de l’Ontario, 75 % des parts de marché du Labrador et 10 % de celles des Maritimes. Selon Gilles Richard, lorsqu’elle effectue des travaux dans d’autres provinces, Rail Cantech utilise une bonne partie de sa main-d’œuvre du Québec.
[290] D’après un tableau qu’elle a confectionné, 80 % des revenus de Rail Cantech proviennent d’entreprises fédérales et 20 % d’entreprises provinciales au cours des six dernières années (2007 à 2012).
[291] Une liste donne ses revenus par année et par entreprise. Cette liste comporte une multitude de noms d’entreprises et on constate que plusieurs d’entre elles ne sont pas des chemins de fer nationaux. Ces documents ne permettent pas de savoir quelles entreprises Rail Cantech considère comme étant des chemins de fer nationaux. Seul le nom du client y est indiqué. Rail Cantech n’a pas présenté de preuve sur la nature de leurs activités.
[292] Rail Cantech invoque qu’en 2011, elle a effectué des travaux de construction de réseau ferroviaire dans une gare de triage du CN située à Brampton en Ontario - Brampton Intermodal Terminal Expansion Halton Sub. MI. 8.90.port. Le terminal était actif. Les travaux ont nécessité une coordination avec les représentants du CN et la présence d’autres personnes pour sécuriser le déroulement des travaux.
[293] Elle prétend aussi avoir obtenu un contrat important avec le CN « Engineering Service Agreement » du 19 juin 2012. Il s’agissait d’un programme d’entretien majeur consistant à remplacer 25 000 traverses représentant 3 % des traverses sur une ligne du CN en Ontario. Les travaux se sont échelonnés de mai à octobre 2012 et une équipe a été entièrement dédiée au CN pour l’exécution de ce contrat. Selon Gilles Richard, le CN avait la responsabilité de la protection des travaux et Rail Cantech s’assurait que les travaux étaient coordonnés avec ceux du CN. Une partie du programme s’est poursuivi en 2013.
[294] La Commission est d’avis que les contrats de Rail Cantech avec le CN, à eux seuls, ne permettent pas de conclure qu’elle est intégrée au CN.
[295] Dans l’affaire Labourers’ International Union of North America, Ontario Provincial District Council c. Rail Cantech inc ., [2013] CanLii 3643 (ON LRB), l’Ontario Labour Relations Board devait décider notamment si les relations du travail de Rail Cantech relevaient de la compétence fédérale ou provinciale. Référant à ces deux derniers contrats avec le CN, le Conseil écrit :
52. Cantech’s work with CNR on the Soo-Sub (and also its earlier work on the Bramption Intermodular terminal in 2011) was to perform a specific task for a specific period of time. Once the work was completed, the relationship ended. Cantech has made major investments in personnel and equipment in an effort to bid successfully on CNR contracts. However, those contracts are similarly to perform specific tasks for fixed periods of time. It is not sufficient that there is a high degree of operational integration between Cantech and CNR. Such integration must be of a constant and ongoing nature and this is not found in the relationship between Cantech and CNR.
(Cette décision fait l’objet d’une demande en révision judiciaire devant la Superior Court of Justice Divisional Court )
[296] Le fait que Rail Cantech ait des contrats avec le CN n’établit pas un caractère récurrent, permanent et essentiel de ses services avec ce dernier.
[297] Les documents déposés par Rail Cantech établissent qu’il n’y a pas de constance dans les revenus provenant de chacun des clients d’une année à l’autre. Il en découle qu’il n’y a pas de continuité dans les rapports que Rail Cantech entretient avec l’un ou l’autre de ses clients d’une manière qui permettrait de dire que, année après année, Rail Cantech fait affaires avec une entreprise fédérale en particulier. L’établissement d’un lien d’intégration d’une entreprise provinciale avec une entreprise fédérale principale doit se faire selon une appréciation des rapports entre elles qui sont continus et ne sont pas ponctuels. En 2012, seulement 2,9 % des revenus de Rail Cantech proviennent du CN (0,029 % en 2011, 1,5 % en 2010, 0,671 % en 2009, 0,627 % en 2008 et 16,264 % en 2007).
[298] Justin St-Pierre affirme que cela fait plusieurs années que CSTP travaille avec CFQG. Elle fait également affaires avec Chemin de fer Saint-Laurent & Atlantique depuis ses débuts. Dans le passé, elle a effectué des travaux pour le CN et le CP. CSTP détient dans son domaine 75 % des parts du marché du Québec.
[299] Selon un registre qu’il a déposé, pour les années 2007 à 2011, 70 % des revenus de l’entreprise proviennent du fédéral et 25 % du provincial. Sur cette liste de clients, CFQG est inscrite comme faisant partie des clients de compétence fédérale et elle constitue 54 % des revenus de CSTP pour ces années.
[300] Dans un autre document portant sur le chiffre d’affaires de CSTP pour les années 2007 à 2012, on constate que les travaux qu’elle effectue pour chacun de ses clients sont ponctuels et peuvent varier d’une année à l’autre. CFQG est une cliente importante pour CSTP et le pourcentage des revenus qui en proviennent varie d’une année à l’autre. De plus, selon ce registre, en 2012, Chemin de fer de la Gaspésie est le client le plus important de CSTP, représentant 63 % de ses revenus.
[301] Toujours selon ce registre, CSTP effectue également des travaux pour le ministère des Transports du Québec et pour Hatch Mott McDonald, une firme d’ingénierie pour laquelle elle fait des inspections ferroviaires.
[302] Tout comme Rail Cantech, des chemins de fer locaux, tels CFQG, Huron Central Railway et des chemins de fer industriels comme Arcelormittal Mines Canada sont des clients de CSTP.
[303] En ce qui a trait à CSTP, la preuve n’établit pas la suffisance de revenus provenant de la compétence fédérale. Tout comme pour Rail Cantech, il n’y a pas de continuité dans les rapports qu’elle entretient avec l’un ou l’autre de ses clients d’une manière qui permettrait de dire que, année après année, elle fait affaires avec une entreprise fédérale principale.
[304] Jean-François Millette rapporte que X-Rail fait l’entretien annuel de plus de 400 passages à niveau situés au Québec, en Ontario, au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse. Environ 150 appartiennent au CN et 40 au chemin de fer Charlevoix.
[305] Un document décrivant l’entreprise indique : « Ces passages à niveau appartiennent au Canadien National, au Cape Breton and Central Nova Scotia Railroad et au chemin de fer Charlevoix. » Or, ces deux derniers sont des chemins de fer d’intérêt local.
[306] On peut aussi y lire : « Un des plus gros contrat que nous avons réalisé a été la mise à jour et l’installation de plus de 90 passages à niveau pour le chemin de fer Québec-Central. » Ce dernier est de compétence provinciale.
[307] Sur un document déposé par X-Rail et établissant son chiffre d’affaires pour les années 2007 à 2011 par client, on en retrouve plusieurs qui sont des chemins de fer d’intérêt local et chemins de fer industriels.
[308] Selon Jean-François Millette, X-Rail possède 100 % du marché du CN au Québec. Toutefois, le CN représente uniquement 0,43 % des revenus en 2007, 2,20 % en 2008, 13,22 % en 2009, 29,43 % en 2010 et 22,11 % en 2011. Une seule fois un client a rapporté plus de 30 % des revenus dans une année, il s’agit de Via Rail en 2011.
[309] Toujours selon Jean-François Millette, la liste des clients de X-Rail indique que les chemins de fer nationaux incluant le CN représentent 86 % de ses revenus.
[310] Cependant, cette liste ne permet pas de savoir quelles entreprises X-Rail considère comme des chemins de fer nationaux. Seul le nom du client y est indiqué. X-Rail n’a présenté aucune preuve sur la compétence fédérale ou provinciale de ses clients ni sur la nature de leurs activités. De plus, on ne sait pas quels services X-Rail rend à plusieurs des clients inscrits sur la liste.
[311] La preuve n’établit pas de constance de revenus provenant d’un client particulier d’une année à l’autre. Il n’y a pas de preuve de continuité dans les rapports que X-Rail entretient avec l’un ou l’autre de ses clients.
[312] Tout comme pour Rail Cantech et CSTP, rien dans la preuve ne démontre que X-Rail offre ses services principalement à une entreprise de compétence fédérale.
[313] Dans l’arrêt Central Western , précité, bien que la juge Wilson soit dissidente, elle partage l’avis de la majorité sur ce point :
Je partage l’avis du juge en chef Dickson que la méthode adoptée à cet égard par le Conseil ne convenait pas et qu’il faut appliquer le critère de l’ « intégration fonctionnelle » par rapport à une seule entreprise ou un seul ouvrage à caractère fédéral. En conséquence, je suis aussi d’avis qu’il n’était pas loisible au Conseil de tenir compte des liens existant entre Central Western et le « réseau de transport du grain de l’Ouest ».
[314]
De plus, dans
l’affaire récente,
Commission de la santé et de la sécurité du travail
c.
Transit du Roy inc.
,
[44] Il y a ici un premier obstacle puisque Transit n’identifie pas l’entreprise fédérale à laquelle elle serait intégrée. Elle nous informe plutôt qu’elle fournit des services à une soixantaine d’entreprises relevant de la compétence fédérale. [...]
[...]
[49] À mon avis, ce moyen confond la compétence directe et celle dérivée. S’il faut conclure que Transit fait du transport interprovincial par le fait que ses camionneurs font des parcours inter-provinces pour ses clientes, alors il ne s’agit plus de compétence dérivée, mais de compétence directe. Mais Transit reconnaît, avec raison, que son activité de location de services de camionneurs est de compétence provinciale.
[...]
[51] Cette façon de lier l’activité de nature locale de Transit au transport interprovincial n’est pas valable. Dans Tessier la Juge l’explique longuement en discutant à fond de l’ Affaire des débardeurs (paragraphes 29 à 32), pour conclure :
[32] ... Autrement dit, l’assise de la compétence fédérale est la relation entre l’activité de débardage et l’entreprise fédérale concernée, non la relation entre le débardage et le chef de compétence en cause.
[...]
[54] Les 62 clientes de Transit ne peuvent d’aucune façon être considérées comme l’entreprise fédérale à laquelle serait intégrée celle de Transit.
[315] Ni Rail Cantech, ni CSTP, ni X-Rail n’identifient une entreprise fédérale à laquelle ils seraient intégrés. Ils soutiennent plutôt qu’ils fournissent leurs services à plusieurs chemins de fer nationaux.
[316] Suivant l’affaire Transit du Roy, ces chemins de fer ne peuvent d’aucune façon être considérés comme l’entreprise fédérale à laquelle ils seraient intégrés.
[317] Cette conclusion pourrait suffire pour décider de la présente affaire. Mais, l’examen du lien matériel et opérationnel apporte un éclairage supplémentaire.
[318] Les contrats conclus par Rail Cantech notamment avec le CN, CSX Transportation inc. et le port de Montréal démontrent l’existence de rapports contractuels entre des entreprises distinctes.
[319] Le fait que certains contrats aient été octroyés par appel d’offres démontre l’inexistence d’un lien matériel et opérationnel ou une intégration à une autre entreprise. Il devient difficile d’établir un lien fonctionnel et opérationnel dans le quotidien des opérations lorsque l’entreprise doit faire des soumissions et que, d’une année à l’autre, le contrat peut être octroyé à une autre entreprise.
[320] Rail Cantech soutient qu’elle a 40 % à 50 % des parts de marché dans son domaine au Québec. D’autres entreprises ont donc des parts de marché et sont en concurrence avec elle dans la province. Elle a environ 15 % de celles en Ontario.
[321] Dans le contrat du 19 juin 2012 entre le CN et Rail Cantech, il est écrit :
17.2 The Parties and their respective employees, personnel, suppliers, sub-suppliers and agents are independent suppliers and nothing herein shall make them agents, employees, partners or co-joint-venturers of the other and there is no joint and several liability.
[322] Dans le contrat du 14 septembre 2012 entre CSX Transportation inc. et Rail Cantech, on lit :
5. INDEPENDENT CONTRACTOR:
RAILROAD shall exercise no control whatsoever over the employment, discharge, compensation of or services rendered by CONTRACTOR’S employees, or the construction practices, procedures, and professional judgment employed by CONTRACTOR to complete the Work, and it is the intention of the parties that CONTRACTOR shall perform its obligations under this Contract as an independent contractor, and that nothing in this Contract shall be construed in a manner inconsistent with that status.
[323] Ces clauses ne démontrent pas une relation en partenariat ou encore des travaux qui se font simultanément et conjointement avec le chemin de fer de classe 1.
[324] Le seul élément de preuve que Rail Cantech a apporté au niveau de la simultanéité des travaux avec les entreprises ferroviaires nationales est le fait que plusieurs de ses travaux se font sur des voies actives et ils doivent être effectués en coordination avec l’exploitant du chemin de fer pour s’assurer qu’ils sont exécutés de façon sécuritaire. L’établissement d’un lien d’intégration d’une entreprise provinciale avec une entreprise fédérale doit se faire selon une appréciation des rapports entre elles, lesquels doivent être continus et non ponctuels (voir l’affaire Tessier, citée précédemment).
[325] La preuve n’établit pas dans quelle mesure les entreprises ferroviaires nationales dépendent des employés de Rail Cantech pour l’ensemble de leur exploitation. La dépendance de l’entreprise fédérale à l’égard de Rail Cantech doit être constante, récurrente et non ponctuelle. Ces caractéristiques sont absentes de la présente affaire.
[326] Aucune preuve n’a été présentée qui établirait une intégration fonctionnelle et opérationnelle de Rail Cantech avec une entreprise fédérale principale.
[327] CSTP a aussi déposé des contrats. Comme dans le cas de Rail Cantech, ceux-ci démontrent l’existence de rapports contractuels entre des entreprises distinctes. On y retrouve des clauses semblables à celles existantes dans les contrats de Rail Cantech.
[328] Certains contrats sont aussi octroyés par appel d’offres. Encore une fois, ce genre de procédé établit plutôt l’inexistence d’un lien matériel et opérationnel dans le quotidien des opérations.
[329] Rappelons que le fait que plusieurs travaux se font sur des voies actives et qu’ils doivent être effectués en coordination avec l’exploitant du chemin de fer ne suffit pas pour conclure à une intégration fonctionnelle et opérationnelle entre ces entreprises. L’établissement d’un lien d’intégration d’une entreprise provinciale avec une entreprise fédérale doit se faire selon une appréciation des rapports entre elles, lesquels doivent être continus.
[330] Aucune preuve n’a été présentée qui établirait qu’il y a une intégration fonctionnelle et opérationnelle de CSTP avec une entreprise fédérale principale.
[331] Quant à X-Rail, Jean-François Millette a déclaré que, lorsque des projets sont effectués à Montréal et ses environs, le CN se charge de la protection des travaux. Lorsque les travaux sont réalisés à l’extérieur de Montréal, étant donné que les employés de X-Rail ont suivi la formation pertinente, cette dernière assure la protection des équipes et de la machinerie.
[332] Dans le document décrivant l’entreprise, on y lit : « Nous faisons toutes les étapes à partir de la conception, la fabrication, l’installation et la mise en service. Tous ces projets sont de types clés en main. »
[333] L a réalité même de projets « clés en main » est incompatible avec la notion d’intégration. Lorsque X Rail effectue des projets clés en main pour ses clients, il n’y a pas d’intégration opérationnelle et fonctionnelle dans les opérations quotidiennes des entreprises.
[334] De même, aucune preuve n’a été présentée qui établirait une intégration fonctionnelle et opérationnelle de X-Rail avec une entreprise fédérale principale.
[335]
Dans
l’affaire Tessier, une entreprise de location de machinerie lourde, la Cour devait
déterminer si l’entreprise relevait de la compétence fédérale ou provinciale
aux fins de déterminer le taux de cotisation à la CSST. Référant à l’arrêt
Westcoast
Energy Inc.
c.
Canada (Office national de l’énergie)
,
[45] La juge McLachlin, dans des motifs dissidents, a analysé la question différemment, d’une manière qui donne un éclairage particulièrement utile en l’espèce. Après avoir signalé que les installations de collecte et de traitement n’étaient pas en elles-mêmes des entreprises de transport interprovincial (le critère de la compétence directe), elle a indiqué qu’elles ne pouvaient alors être assujetties à la réglementation fédérale que si elles faisaient partie intégrante de gazoducs interprovinciaux. Appliquant le raisonnement relatif à la compétence dérivée, elle a posé que la compétence fédérale d’exception ne se justifiait que s’il existait entre l’opération connexe et l’entreprise fédérale un lien fonctionnel si essentiel qu’il faisait perdre à l’opération son caractère provincial distinct et la faisait tomber dans la sphère fédérale : [...]
[336] Dans l’affaire récente, Transit du Roy, citée précédemment, la Cour d’appel écrit au sujet de cet extrait :
[32] J’en retiens qu’il faut s’arrêter « au degré » d’intégration de l’entreprise connexe dans l’entreprise fédérale, au lien fonctionnel « si essentiel » entre les deux pour déterminer si la première constitue en quelque sorte une composante de la seconde, bien qu’elle en soit juridiquement distincte.
[337] La preuve ne permet pas de conclure que chacun des sous-traitants qui offrent des services à des chemins de fer et à d’autres entreprises « constitue en quelque sorte une composante » d’une entreprise fédérale principale.
[338] Les sous-traitants prétendent que leurs services sont essentiels et vitaux pour que les chemins de fer puissent effectuer leurs activités de transport ferroviaire. X-Rail particulièrement soutient que si les passages à niveau ne sont pas entretenus, les chemins de fer ne peuvent pas garantir leur sécurité. À défaut d’entretien approprié, les passages à niveau devraient être mis hors fonction et les trains cesseraient de circuler.
[339] En l’espèce, le fait que les activités d’inspection, d’entretien, de réparation et d’installation de voies ferrées, d’infrastructures de réseaux ferroviaires ou de matériel de signalisation ferroviaire puissent être considérées comme un « aspect vital » pour les chemins de fer est insuffisant en soi pour conclure à l’intégration des sous-traitants en cause.
[340] Dans la même affaire Transit du Roy, la Cour ajoute :
[33] Il ne suffit pas que l’une, connexe, fournisse des services « vitaux » à l’autre, fédérale, il faut qu’elle y soit intégrée. L’électricité est vitale pour chaque entreprise fédérale oeuvrant au Québec, ne serait-ce que pour ses ordinateurs, mais cela ne fait pas pour autant d’Hydro-Québec une entreprise de compétence fédérale. Hydro n’est pas une entreprise intégrée à celle de ses clientes fédérales et vice-versa, aucune de celles-ci n’est intégrée à Hydro.
[...]
[53] Le Commissaire occulte le critère de l’intégration pour ne s’attacher qu’à l’aspect « vital » des services fournis. Bien sûr, sans camionneurs pas de transport. Ce raisonnement par l’absurde n’est pas faux, mais il est insuffisant pour conclure à l’intégration de l’entreprise. Il vaut tout autant pour nombre de fournisseurs indépendants, dont l’Hydro pour l’électricité.
[341] Les chemins de fer nationaux pris globalement ne peuvent être considéré comme l’entreprise fédérale à laquelle seraient intégrés les sous-traitants.
[342] On ne peut, non plus, conclure que les chemins de fer nationaux dépendent des services des sous-traitants. Les chemins de fer nationaux peuvent agir dans certains cas avec leurs propres employés et dans d’autres en faisant appel aux concurrents des sous-traitants en cause. On ne peut affirmer que ces chemins de fer dépendent des services des sous-traitants, d’autant plus que ces services sont offerts à plusieurs entreprises, dont des chemins de fer d’intérêt local et des industries.
[343] Dans la perspective inverse, on ne peut conclure que les sous-traitants fournissent « la totalité ou la majeure partie »de leurs services à chacune des entreprises de compétence fédérale.
[344] Les sous-traitants ne sont intégrés ni à l’un ni à l’ensemble de leurs clients de compétence fédérale. Dans la présente affaire, la preuve a principalement démontré l’existence de relations commerciales mutuellement avantageuses entre des fournisseurs et leurs clients et non une intégration fonctionnelle. Le critère de la compétence fédérale dérivée est celui de l’intégration d’une entreprise connexe à une entreprise fédérale. La preuve ne révèle pas un tel état de fait à l’égard des sous-traitants (Transit du Roy, citée précédemment).
[345] Conclure autrement irait à l’encontre de la présomption d’application des lois provinciales en matière de relations du travail.
[346] Enfin, le fait que les sous-traitants, en particulier X-Rail, exercent leurs activités dans plus d’une province n’est pas suffisant pour conclure que leurs relations du travail relèvent de la compétence fédérale selon les critères développés par la jurisprudence.
[347] En conclusion de ce chapitre, et compte tenu de toutes ces considérations, les relations du travail des sous-traitants Rail Cantech, CSTP et X-Rail relèvent de la compétence provinciale.
EN CONSÉQUENCE, la Commission des relations du travail
DÉCLARE que les relations du travail de Chemins de fer Saint-Laurent & Atlantique (Québec inc.) relèvent de la compétence fédérale;
DÉCLARE que les relations du travail de Les Chemins de fer Québec-Gatineau inc. relèvent de la compétence provinciale;
DÉCLARE que les relations du travail de Rail Cantech inc. , de Spécialiste d’ouvrages d’art CSTP inc. et de X-Rail inc. relèvent de la compétence provinciale.
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__________________________________ Sophie Mireault |
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M e Yves Turgeon |
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FASKEN MARTINEAU DUMOULIN S.E.N.C.R.L., S.R.L. |
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Représentant des requérantes et des intervenantes Réseau des chemins de fer du Québec, Division de l'Association des chemins de fer du Canada, Rail Cantech inc., Spécialiste d'ouvrages d'art CSTP inc., Réparations ferroviaires KLN inc. et X-Rail inc. |
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M e Bruno Deschênes |
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BLAQUIÈRE, CORRIVEAU AVOCATS |
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Représentant de l’intimée |
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M e Patrice Claude |
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BERNARD, ROY (JUSTICE-QUÉBEC) |
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Représentant de l’intervenant Le Procureur général du Québec |
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M e Robert Laurin |
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ROBERT LAURIN AVOCAT |
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Représentant de l’intervenante FTQ Construction |
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M e André Dumais |
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Représentant de l’intervenante Conseil provincial du Québec des métiers de la construction (International) |
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M e Jean-François Bélisle |
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BOURQUE, TÉTREAULT & ASSOCIÉS |
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Représentant de l’intervenante Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec (ACRGTQ) |
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M e Jean-Luc Deveaux |
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Représentant de l’intervenante Union des journaliers d'Amérique du Nord, local 62 |
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M e Daniel Charest |
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LAROCHE MARTIN, AVOCAT-E-S (SERVICE JURIDIQUE DE LA CSN) |
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Représentant de l’intervenante Fédération de la CSN-Construction |
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Date de la dernière audience : |
15 novembre 2013 |
/sc
Corrections apportées le 17 avril 2014 :
La partie X-Rail inc. est désignée comme intervenante.
Les parties Procureur général du Canada, Sersa Total Track inc. et PNR Coyle inc. sont ajoutées à titre de mis en cause.
Le paragraphe [8] a été modifié par le retrait du Groupe Sema structures ferroviaires inc. ( Groupe Sema ).