Garderie Diguidou inc. c. Boukhira |
2014 QCCQ 3322 |
JD2786
COUR DU QUÉBEC
« Division des petites créances »
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
DISTRICT DE LONGUEUIL
LOCALITÉ DE LONGUEUIL
« Chambre civile »
N° : 505-32-030702-139
DATE : 20 mars 2014
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE L’HONORABLE MONIQUE DUPUIS, J.C.Q.
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GARDERIE DIGUIDOU INC.
ET GARDERIE TIGUIDOU INC.
Demanderesses
c.
MILOUD BOUKHIRA
Défendeur
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JUGEMENT
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[1] Garderie Diguidou inc. (" Garderie Diguidou ") et Garderie Tiguidou inc. (" Garderie Tiguidou ") réclament à Miloud Boukhira (" Boukhira ") [1] 12 000,00$ en dommages. Elles allèguent que les plans préparés par Boukhira pour l'aménagement de leur garderie respective étaient inadéquats et n'ont pas été approuvés en temps utile par le Ministère de la Famille et des aînés (" le Ministère "). Elles ont dû faire reprendre à grands frais les travaux qui avaient été faits selon les plans de Boukhira, pour les rendre conformes aux exigences du Ministère.
[2] Elles réduisent leur réclamation à 7 000,00$ pour bénéficier du recours devant la Division des petites créances.
[3] Boukhira conteste : les plans qu'il a fournis aux demanderesses ont été approuvés par le Ministère.
[4] Par reconvention, il réclame 3 545,00$ à titre de solde dû en vertu du contrat de services intervenu le 16 juillet 2009. Il réclame également 2 400,00$ à titre d'honoraires pour du travail supplémentaire effectué et prévu au contrat.
Le contexte
[5] Garderie Diguidou et Garderie Tiguidou sont des entreprises qui exploitent chacune une garderie situées à Saint-Hubert. Leur président et principal actionnaire est Musa Patel (" Patel ").
[6] Le 16 juillet 2009, Patel signe une entente de services avec l'architecte Boukhira (pièce D-1). Celui-ci doit notamment préparer des plans pour l'aménagement de deux garderies d'enfants et pouponnières, opérées par chacune des demanderesses.
[7] Le travail se divise en deux phases décrites comme suit :
MANDAT PHASE 01 : DOSSIER CHANGEMENT D'USAGE ET FAÇADES
MANDAT PHASE 02 : DOSSIER DEMANDE DE PERMIS DE CONSTRUIRE ET PERMIS DU MINISTÈRE
1. Visite des lieux
2. Relevé d'état des lieux
3. Préparation des plans préliminaires pour approbation du client et approbation du CCU
4. Préparation des plans pour le Ministère
5. Suivi du dossier auprès du Ministère de la famille jusqu'à l'approbation finale des plans
6. Préparation des plans pour la demande du permis de conduire.
[8] Les honoraires sont déterminés ainsi :
MONTANT DES HONORAIRES ARCHITECTURE PHASE 01 : 3000$
MONTANT DES HONORAIRES ARCHITECTURE PHASE 02 : 9000$
1. Forfaitaire : 12000$ + taxes
2. Inclus 01 visite de chantier pour vérification de l'implantation des locaux et réunions à la ville ou au Ministère selon les besoins du projet.
[9] Ce contrat prévoit une phase 03 décrite ainsi :
MANDAT PHASE 03 SUIVI DES TRAVAUX
7. Suivi de chantier à la demande du client : 300$/visite (prévoir 05 visites)
[10] Selon la preuve non contredite, Boukhira remet à ses clientes en 2009 les plans d'aménagement des deux garderies (pièce D-2). Il affirme les avoir transmis le 8 avril 2009 pour approbation au Ministère (pièce D-2). De plus, il accompagne Patel dans ses démarches auprès de la Ville pour le permis de construction et à l'occasion d'autres démarches administratives.
[11] À la suite de la visite des représentants du Ministère pour les fins d'approbation des aménagements, Boukhira produit des plans " tel que construit ", le 26 avril 2010 (pièce D-3). On y voit toutes les annotations faites lors de cette visite.
[12] Conformément à l'entente, Boukhira transmet aux demanderesses son compte d'honoraires le 11 septembre 2009 au montant de 12 000,00$ plus taxes (pièce P-3). Il demande alors un paiement de 10 000,00$, qu'il reçoit.
[13] Le 2 juin 2012, Boukhira transmet un compte d'honoraires pour le solde de 3 545,00$ (pièce P-3).
[14] Par lettre du 15 juin suivant, Patel refuse de payer le solde des honoraires chargés invoquant les motifs suivants (pièce P-1) :
- Le plan architectural que vous avez fait n'est pas conforme eu égard au permis MFA, conséquemment, et comme vous le savez, nous avons dû débourser une somme additionnelle de 12 000$;
- Dans la salle des bébés, un minimum de deux éviers était nécessaire et vous n'en avez mis qu'un dans votre plan. Notre contracteur a suivi votre plan et le ministère a rejeté ledit plan. En conséquence, nous avons dû débourser des frais supplémentaires afin d'ajouter le second évier;
- Le ministère exige un minimum de deux grandes fenêtres dans les trois premières pièces, alors que dans votre plan vous n'en avez insérée qu'une. Une fois de plus, le plan a été rejeté par le ministère et des coûts supplémentaires ont été déboursés afin que notre contracteur ajoute la deuxième fenêtre nécessaires pour chaque pièce;
- Dans votre plan, vous avez inséré une porte entre la deuxième et la troisième pièce, une fois de plus l'inspecteur du ministère a jugé cette partie de votre plan non conforme et nous avons dû demander à notre contracteur de faire les changements nécessaires afin de rendre le plan conforme, ce qui a occasionné encore d'autres déboursés.
Nous avons, de même que le contracteur, tenté à plusieurs reprises, et ce sans succès ou réponse de votre part, de vous contacter eu égard aux problèmes mentionnés ci-dessus. Le contracteur s'est même rendu sur les lieux de vos bureaux afin de vous informer de toutes les irrégularités de vos plans, mais nous n'avions pas de temps pour effectuer les ajustements nécessaires. Le contrat spécifie également que vous devions effectuer cinq visites durant la durée des travaux et vous n'en avez effectuées que deux.
(…) "
[15] Le 28 août, Patel transmet une nouvelle lettre (pièce P-2) mettant fin au contrat de service de Boukhira. Il l'informe avoir contacté l'architecte Anastasio pour modifier les plans à la demande du Ministère, et les compléter pour pouvoir obtenir le permis final du Ministère.
[16] Le 6 décembre 2012, Boukhira lui écrit réfutant notamment les allégations quant au refus du Ministère d'approuver les plans qu'il a fournis aux demanderesses.
Analyse et décision
A. Demande principale
[17]
Pour réussir dans leur action, les demanderesses doivent démontrer, par
preuve prépondérante, le bien-fondé de leurs prétentions quant aux fautes
professionnelles alléguées de Boukhira et quant au refus du Ministère
d'approuver l'aménagement des garderies selon les plans de Boukhira. Elles
doivent également démontrer le lien entre la faute alléguée et les dommages
réclamés, tel que le stipulent les articles
" Art. 2803 Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.
Celui qui prétend qu'un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée.
Art. 2804 La preuve qui rend l'existence d'un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n'exige une preuve plus convaincante. "
[18] La preuve présentée à la Division des petites créances doit répondre aux règles habituelles de preuve. Ainsi, la partie à qui incombe la charge de la preuve doit l'établir de façon prépondérante au moyen d'éléments factuels pertinents en droit et en faits. La règle de la prépondérance de la preuve exige que celui à qui elle incombe démontre que l'existence des faits qu'il invoque est plus probable que leur inexistence. Il ne s'agit pas de démontrer par une certitude absolue ces faits. En l'absence de prépondérance de preuve, la partie qui ne peut se décharger de son fardeau perd sa cause.
[19] Les demanderesses n'ont pas démontré par preuve prépondérante que les plans préparés par Boukhira n'étaient pas conformes au contrat de services ni aux règles de l'art.
[20] Les témoignages de Patel et de la directrice des demanderesses, Nilofar Azmand (" Azmand ") sont vagues et imprécis quant aux motifs de reproche à l'égard de Boukhira.
[21] Mais surtout, les allégations relatives au refus du Ministère d'approuver l'aménagement des garderies effectué selon les plans fournis et déposés par Boukhira, ne sont pas supportées par la preuve.
[22] Ici encore, Patel et Azmand sont imprécis, vagues et confus dans leur témoignage quant au soi-disant refus du Ministère. Patel ne produit aucun document émis par le Ministère, qui supporterait ses prétentions. Il est plutôt surprenant que sur un point si important, il n'ait pu produire quelques documentations que ce soit.
[23] De son côté, Boukhira fournit copie des lettres transmises par le Ministère le 4 avril 2011 (2004), confirmant que l'aménagement de la Garderie Diguidou est approuvé en fonction des normes d'aménagement spécifiées aux Règlements sur les services de garde éducatif à l'enfance (pièce D-4).
[24] Boukhira dépose également un courriel que lui adresse Chantal Perreault (" Perreault ") représentante du Ministère (pièce D-7) l'informant qu'il n'y a aucune approbation ou refus de plan dans le dossier de la Garderie Tiguidou, son représentant ayant demandé de suspendre sa demande avant que l'approbation ne soit complétée.
[25] La preuve de la partie demanderesse est tout aussi imprécise et non supportée par une preuve probante quant aux travaux que les demanderesses auraient dû faire reprendre pour s'assurer de la conformité des garderies aux exigences du Ministère.
[26] Vu ce qui précède, l'action des demanderesses est rejetée.
B. Demande reconventionnelle
[27] Par demande reconventionnelle, Boukhira réclame 3 545,00$, soit le solde des honoraires qui lui sont dus en vertu du contrat intervenu le 16 juillet 2009.
[28] La preuve non contredite est à l'effet qu'il a reçu 10 000,00$ sur une facture totale de 13 545,00$, les honoraires étant établis conformément à l'entente de services.
[29] Par conséquent, les demanderesses sont tenues de lui payer le montant de 3 545,00$.
[30] Boukhira réclame 2 400,00$ pour du travail supplémentaire, tel que prévu au contrat de services comme étant le " mandat Phase 03 suivi des travaux ".
[31] La preuve non contredite est à l'effet que Boukhira s'est présenté au moins une fois sur le chantier, lors de l'aménagement des garderies, pour en effectuer le suivi. De plus, il a accompagné Patel dans ses démarches auprès de la Ville pour l'obtention du permis de construction et lors d'autres démarches administratives.
[32] Cependant, il n'a jamais transmis de factures pour les travaux additionnels. Seul le suivi de chantier fait l'objet d'une mention quant aux honoraires, soit 300,00$ par visite.
[33] Vu ce qui précède et compte tenu de la preuve, le Tribunal accorde à Boukhira la somme de 800,00$ à titre d'honoraires supplémentaires.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[34] REJETTE l'action des demanderesses;
[35] CONDAMNE les demanderesses à payer au défendeur les frais judiciaires de 156,00$;
[36] ACCUEILLE en partie la demande reconventionnelle;
[37]
CONDAMNE
les demanderesses solidairement à payer au défendeur la
somme de 4 345,00$ avec intérêts au taux légal et l'indemnité additionnelle
prévue à l'article
[38] CONDAMNE les demanderesses à payer au défendeur les frais judiciaires de 81,00$.
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MONIQUE DUPUIS, J.C.Q.
[1] L'utilisation des seuls noms ou prénoms dans le présent jugement a pour but d'alléger le texte et il ne faut y voir aucune discourtoisie à l'égard des personnes concernées.