Dufour c. Groupe Dagenais MDC inc.

2014 QCCQ 3347

JD2786

 
COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE  LONGUEUIL

LOCALITÉ DE LONGUEUIL

« Chambre civile »

 

N° :            505-32-031094-130

 

DATE :      12 mars 2014

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE L’HONORABLE MONIQUE DUPUIS, J.C.Q.

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JEAN-SÉBASTIEN DUFOUR

                        Demandeur

c.

GROUPE DAGENAIS M.D.C. INC.

ET MICHEL LOISELLE

                        Défendeurs

 

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JUGEMENT

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[1]            Jean-Sébastien Dufour (" Dufour ") [1] réclame à Groupe Dagenais M.D.C. inc. (" Mobilier Philippe Dagenais ") et à Michel Loiselle (" Loiselle ") la somme de 2 357,95$, soit ce qu'il lui en coûtera pour reprendre les travaux de pose de papier peint effectués par ce dernier en décembre 2012.

[2]            Il prétend que Loiselle n'a pas respecté les règles de l'art ce qui nécessiterait le remplacement complet de tout le papier peint ainsi posé. Il prétend que Mobilier Philippe Dagenais est responsable des fautes commises par Loiselle, dont elle lui a recommandé les services.

Le contexte

[3]            Le 30 octobre 2012, Dufour achète du papier peint et divers autres articles de décoration intérieure chez Mobilier Philippe Dagenais, à Brossard.

[4]            Le 19 décembre, sur les recommandations de Diane Fortier (" Fortier "), designer chez Mobilier Philippe Dagenais, il retient les services de Loiselle pour poser le papier peint acheté.

[5]            Le 20 décembre, Loiselle se rend chez lui avec son employé Roger Petit (" Petit "), pour ce faire et termine vers 16:00 heures. Dufour lui paie les 551,88$ facturés (pièce P-6).

[6]            Dans la soirée, Dufour remarque des bulles qui se forment à certains endroits sur le papier peint fraîchement posé. Paniqué, il rejoint Loiselle sur son téléphone cellulaire, qui le rassure : c'est normal, cela s'estompera.

[7]            Dufour prétend qu'il y a au moins une soixantaine de ces bulles, de la grosseur de la paume de sa main.

[8]            Dans la même soirée, Dufour et son conjoint Michel Gagné (" Gagné ") remarquent des joints apparents dans le papier peint de la chambre à coucher. Ils constatent également que les motifs du papier peint de la salle à dîner ne sont pas centrés.

[9]            Dès le lendemain, Dufour en avise verbalement Fortier et le 22 décembre, il lui transmet un courriel exprimant son insatisfaction.

[10]         Le 23 décembre, il rejoint Loiselle et lui exprime son insatisfaction. Ce dernier convient de le rappeler après les Fêtes pour prendre rendez-vous et aller constater chez Dufour les problèmes dont il l'informe.

[11]         En janvier, Loiselle avise Dufour qu'il a été hospitalisé le 27 décembre, qu'il est encore malade et sera de retour au travail vers la fin janvier.

[12]         Le 18 février, Loiselle et Petit se rendent chez Dufour, en fin d'après-midi.

[13]         Selon Dufour, Loiselle prétend que le papier peint de la chambre à coucher est défectueux, ce qui expliquerait les joints apparents.

[14]         De son côté, Loiselle reconnaît qu'à certains endroits, les joints entre deux lèses de papier peint laissent voir le mur derrière. Il informe Dufour que cela peut se réparer facilement : il suffit de mouiller le papier peint : la colle reprend, on replace les deux lèses pour fermer le joint.

[15]         Loiselle affirme que Dufour l'empêche de faire cette correction.

[16]         Quant au papier peint de la salle à dîner, Loiselle ne voit aucun motif d'insatisfaction.

[17]         Le 27 février 2013, Dufour adresse une mise en demeure à Mobilier Philippe Dagenais et à Loiselle (pièce P-13) leur réclamant 2 357,95$ en réparation du travail de Loiselle qu'il prétend être insatisfaisant.

[18]         C'est le montant qu'il réclame dans la présente action, répartie comme suit :

- retirer le papier peint dans la chambre à coucher et la salle à dîner : 459,60$

- rachat du papier peint de la salle à dîner :                                            470,20$

- rachat du papier peint de la salle à coucher :                                       640,73$

- remboursement des rouleaux doubles requis en décembre 2012, suite à une erreur de coupe par Loiselle :                                                                   235,15$

- refaire la pose du papier peint dans la chambre à coucher et à la salle à manger :                                                                                                      551,88$

Analyse et décision

[19]         Le contrat intervenu entre Dufour et Loiselle est un contrat de service, défini par l'article 2098 du Code civil du Québec (" C.c.Q. "):

" 2098.  Le contrat d'entreprise ou de service est celui par lequel une personne, selon le cas l'entrepreneur ou le prestataire de services, s'engage envers une autre personne, le client, à réaliser un ouvrage matériel ou intellectuel ou à fournir un service moyennant un prix que le client s'oblige à lui payer. "

[20]         L'article 2100 C.c.Q. énonce les obligations du prestataire de services :

2100.  L'entrepreneur et le prestataire de services sont tenus d'agir au mieux des intérêts de leur client, avec prudence et diligence. Ils sont aussi tenus, suivant la nature de l'ouvrage à réaliser ou du service à fournir, d'agir conformément aux usages et règles de leur art, et de s'assurer, le cas échéant, que l'ouvrage réalisé ou le service fourni est conforme au contrat.

Lorsqu'ils sont tenus du résultat, ils ne peuvent se dégager de leur responsabilité qu'en prouvant la force majeure.

[21]         Vu le côté technique de la pose de papier peint, Loiselle, prestataire de services, est tenu du résultat : le papier peint doit être posé conformément aux règles de l'art et conformément au contrat intervenu.

[22]         Par ailleurs, le fardeau de la preuve de démontrer que Loiselle n'a pas respecté les règles de l'art, le cas échéant, appartient à Dufour, aux termes des dispositions de l'article 2803 C.c.Q. :

" Art. 2803 Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.

Celui qui prétend qu'un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée."

[23]         Dufour doit démontrer par preuve prépondérante, le bien-fondé de ses prétentions non seulement quant à la faute, mais aussi quant aux dommages, à savoir qu'il faut reprendre entièrement le travail effectué par Loiselle, en application du principe posé par l'article 2804 C.c.Q. :

" Art. 2804 La preuve qui rend l'existence d'un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n'exige une preuve plus convaincante. "

[24]         Ainsi, la partie à qui incombe la charge de la preuve doit l'établir de façon prépondérante au moyen d'éléments factuels pertinents en droit et en faits. La preuve doit être recevable. La règle de la prépondérance de la preuve exige que celui à qui elle incombe démontre que l'existence des faits qu'il invoque est plus probable que leur inexistence. Il ne s'agit pas de démontrer par une certitude absolue ces faits. En absence de preuve prépondérante, la partie qui ne peut se décharger de son fardeau perd sa cause.

[25]         Dufour et Gagné prétendent qu'à plus d'une vingtaine d'endroits, les joints sont mal faits et laissent paraître le mur. Selon Gagné, à plusieurs endroits, le mur est apparent sur les trois quart de la longueur du joint.

[26]         De leur côté, Loiselle et Petit reconnaissent que certains joints sont apparents, mais seulement à quatre ou cinq endroits, alors qu'il y a une trentaine de joints.

[27]         Dufour produit des photos pour illustrer les joints défectueux : or celles-ci ne représentent des joints qu'à cinq endroits.

[28]         Ces mêmes photos (pièce P-7) démontrent que les joints ne sont pas très visibles, et ne sont jamais sur les trois quart de la hauteur, contrairement à l'affirmation de Gagné.

[29]         Certaines exagérations dans le témoignage de Dufour et de son témoin Gagné jettent une ombre sur la valeur probante de ces témoignages.

[30]         Ainsi, Dufour affirme que Loiselle aurait tenté de masquer un joint apparent avec du crayon à la mine, mesure corrective qu'il a refusée.

[31]         Dufour pose du papier peint depuis plus de trente ans, et son témoignage posé et sans exagération, est apparu comme crédible au Tribunal.

[32]         Il est invraisemblable, dans les circonstances, qu'il ait tenté ainsi de masquer un joint apparent.

[33]         Loiselle reconnaît donc certaines imperfections dans son travail, et le Tribunal retient son témoignage quand il affirme d'abord qu'elles sont minimes, et que d'autre part, il y a une solution simple pour les corriger.

[34]         Dufour a refusé, sans motif valable, à Loiselle l'opportunité d'apporter les quelques correctifs nécessaires, contrairement aux dispositions de l'article 1595 C.c.Q. :

" 1595.  La demande extrajudiciaire par laquelle le créancier met son débiteur en demeure doit être faite par écrit.

Elle doit accorder au débiteur un délai d'exécution suffisant, eu égard à la nature de l'obligation et aux circonstances; autrement, le débiteur peut toujours l'exécuter dans un délai raisonnable à compter de la demande. "

[35]         De l'avis du Tribunal, il n'a pas prouvé qu'il était nécessaire de remplacer tout le papier peint de la chambre à coucher.

[36]         Quant au papier peint de la salle à dîner, la photo produite par Dufour (pièce P - 7) ne démontre pas qu'il n'est pas " centré " : il s'agit d'un motif qui se répète, et rien dans la preuve ne laisse supposer qu'en le posant de la façon reproduite à la photo, Loiselle n'aurait pas respecté les règles de l'art.

[37]         Au surplus, Dufour était présent lors de la pose de ce papier peint par Loiselle, et s'il était insatisfait de la façon dont il exécutait le travail, il devait le lui signaler immédiatement.

[38]         Dufour ne s'étant pas déchargé du fardeau de preuve qui lui incombait, le Tribunal rejette l'action contre Loiselle et par conséquent, il rejette également l'action dirigée contre Groupe Dagenais M.D.C. inc.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[39]         REJETTE l'action du demandeur contre les défendeurs Groupe Dagenais M.D.C. inc. et Michel Loiselle;

[40]         CONDAMNE le demandeur à payer à Michel Loiselle les frais judiciaires de 93,75$.

 

 

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MONIQUE DUPUIS, J.C.Q.



[1]     L'utilisation des seuls noms ou prénoms dans le présent jugement a pour but d'alléger le texte et il ne faut y voir aucune discourtoisie à l'égard des personnes concernées.