Section des affaires sociales

En matière de services de santé et de services sociaux, d'éducation et de sécurité routière

 

 

Date : 30 avril 2014

Référence neutre : 2014 QCTAQ 04694

Dossier  : SAS-M-219256-1312

Devant le juge administratif :

PAUL MERCURE

 

P… C…

Partie requérante

c.

SOCIÉTÉ DE L'ASSURANCE AUTOMOBILE DU QUÉBEC

Partie intimée

 


DÉCISION


[1]               Le présent recours concerne la contestation d’une décision en révision portant la date du 8 novembre 2013 et rendue par le Service d’évaluation médicale et suivi du comportement de la partie intimée, la Société de l’assurance automobile du Québec. Cette décision confirmait que le permis de conduire de la partie requérante était suspendu à partir du 14 mars 2013, et ce, jusqu’à ce qu’un rapport favorable à la conduite sécuritaire d’un véhicule routier soit déposé.

 

[2]               Le 16 juillet 2008, le requérant a été arrêté pour conduite avec facultés affaiblies. Il a plaidé coupable à cette infraction le 14 mars 2013.

[3]               Le 8 novembre 2013, la partie intimée avise le requérant qu’en raison du motif pour lequel la suspension lui a été imposée et compte tenu de son rapport à l’alcool, ceci pourrait compromettre la conduire sécuritaire de son véhicule et, en conséquence, elle lui a demandé de se soumettre à une évaluation par l’Association des centres de réadaptation en dépendance du Québec (A.C.R.D.Q.), conformément à l’application de l’article 109, alinéa 4 du Code de la sécurité routière . Cet article se lit comme suit :

« 109. La Société peut exiger que le titulaire d'un permis se soumette à un examen ou à une évaluation visés aux articles 67 ou 73 dans les cas suivants:

[… ]

4° elle a des motifs raisonnables de vérifier son état de santé ou son comportement de conducteur

[…] »

[4]               L’article 73 du Code la sécurité routière précité auquel réfère l’article 109 s’énonce de cette façon :

« 73. La Société peut exiger d'une personne qui demande l'obtention ou le renouvellement d'un permis, d'en faire changer la classe ou de lui en ajouter une autre ou de faire supprimer une condition y apparaissant, qu'elle se soumette à un examen médical ou à une évaluation sur sa santé fait par un médecin spécialiste ou un autre professionnel de la santé que la Société peut désigner nommément. Cette personne doit, à la demande de la Société, lui remettre le rapport de cet examen ou de cette évaluation dans le délai qu'elle lui indique et qui ne peut excéder 90 jours.

En outre, la Société peut requérir que l'examen ou l'évaluation soit fait dans le centre hospitalier ou dans le centre de réadaptation qu'elle désigne nommément ou dont elle détermine la classe parmi celles établies à l'article 86 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux (chapitre S-4.2).

Dans le cas où l'évaluation est faite dans un centre de réadaptation pour person-nes alcooliques et autres personnes toxicomanes ou dans un centre hospitalier offrant ce même service, elle est faite par des personnes autorisées par ces centres et suivant des règles établies par entente entre la Société et ces centres et entre la Société et l'Association des centres de réadaptation en dépendance du Québec.

La Société peut également exiger que la personne qui demande de faire supprimer une condition apparaissant sur son permis se soumette à un examen de compétence.

Lorsque l'examen établit qu'une personne est atteinte d'alcoolisme chronique ou a une dépendance pharmaco-physiologique à l'alcool ou lorsque l'évaluation établit que le rapport de la personne à l'alcool compromet la conduite sécuritaire d'un véhicule routier de la classe demandée, le permis probatoire ou le permis de conduire qui peut lui être délivré ne l'autorise à conduire un véhicule routier que si celui-ci est muni d'un antidémarreur éthylométrique agréé par la Société. »

[5]               Le 5 novembre 2013, le requérant se soumet à l’évaluation demandée. Cette évaluation est faite sous la supervision de l’évaluateur Alain Jacques.

[6]               Suite à cette évaluation, monsieur Jacques émet une recommandation non favorable, tel qu’il appert de son rapport écrit portant la date du 5 novembre 2013.

[7]               Compte tenu de cette conclusion, il recommande que la partie requérante se soumette à une évaluation complète afin de s’assurer que ses habitudes de consommation d’alcool ou de drogues ne sont plus incompatibles avec la conduite sécuritaire d’un véhicule routier.

[8]               Pour la bonne compréhension du présent litige, il y a lieu de reproduire le contenu de ce rapport concernant l’évaluation du risque :

« […]

M. [nom du requérant] est âgé de 59 ans, il est veuf. Il a obtenu une attestation collégiale en informatique. Il est travailleur autonome dans la récupération de métal.

Cette évaluation a été effectuée dans le cadre du programme d'évaluation et de réduction du risque de conduite avec les facultés affaiblies relativement à la consommation d'alcool ou de drogue avec la conduite sécuritaire d'un véhicule routier. Cette évaluation est exigée par la Société de l'assurance automobile du Québec en vertu de l'article 76 du code de la sécurité routière. La rencontre d'évaluation sommaire a eu lieu le 5 novembre 2013.

Il a été condamné pour conduite avec les capacités affaiblies le 14 mars 2013, à la suite d'une infraction survenue le 16 juillet 2008. Le taux d'alcoolémie à l'arrestation était de 203 mg/100 ml. Il était chez un ami lorsqu'il a décidé de quitter précipitamment puisqu'on avait essayer de voler son camion. Monsieur a aussi été condamné pour alcool au volant le 4 juin 1987, suite à une infraction survenu le 16 janvier 1987. Il ne se souvient pas de circonstances de cette arrestation. II y a une infraction au code de la route d'inscrite à ce dossier, pour avoir conduit en faisant l'usage d'un appareil téléphonique en main. Monsieur compte 168 mois d'expérience de conduite. Il a conduit son véhicule quotidiennement au cours des 35 jours précédant l'évaluation, il est détenteur d'un permis restreint.

II rapporte une consommation d'alcool de fin de semaine de 18 à 22 ans. Il prenait rarement plus de trois verres puisqu'il devenait malade. À 22 ans, suite à son mariage, il rapporte une baisse de la consommation à des occasions spéciales. À 30 ans, monsieur a vécu une période difficile au plan personnel et il rapporte un usage mixte de médicament et d'alcool pendant quatre ans. Il prenait alors de l'Halcion et de l'Ativan. À 34 ans, il a s’est retrouvé en environnement contrôlé pour une période de douze mois. C'est ainsi qu'il a cessé toute prise de médicaments psychotropes. En ce qui concerne l'alcool, il affirme en avoir fait un usage occasionnel de 34 à 57 ans, avant de cesser toute consommation. Le soir de son arrestation, il explique un taux d'alcoolémie élevé par une drogue qu'il aurait prise à son insu et une surconsommation d'alcool subséquente. Depuis le premier janvier 2012, il ne rapporte aucune consommation.

En ce qui concerne les drogues, il affirme avoir fait un usage occasionnel de marijuana de 18 à 22 ans. Il dit avoir cessé suite à des effets dysphoriques grandissants.

Monsieur n'a jamais cherché d'aide relativement à sa consommation d'alcool ou de psychotropes.

Le résultat de cette évaluation s'appuie sur l'analyse des informations qui ont été recueillies lors d'une entrevue structurée, de la passation de questionnaires et de documents relatifs au dossier de conduite. Le sens de la recommandation formulée s'appuie sur un cumul d'éléments qui sont associés au risque de conduite avec les facultés affaiblies. Dans le cas présent, le cumul de facteurs de risque retrouvés chez monsieur atteint le seuil de risque significatif. Il a une condamnation antérieure de conduite avec les facultés affaibiles. Il a été arrêté avec un taux d ' alcoolémie qui dépasse le double de la limite permise. Finalement, il a obtenu un résultat significatif à un sous-questionnaire lié au risque de récidive.

M. [nom du requérant] a bien collaboré au processus d'évaluation, il a semblé bien en comprendre chacun des éléments. Étant donné les résultats mentionnés ci- haut, nous recommandons la mise en place de mesures supplémentaires d'encadrement.

La recommandation découlant de cette évaluation a été transmise à la SAAQ en même temps qu'elle a été postée au conducteur. La Société de l'assurance automobile du Québec le contactera par la poste dans quelques semaines pour lui indiquer les démarches qu'elle lui demande d'entreprendre pour récupérer son permis.

Conclusion :

Nous confirmons donc que la personne ci haut mentionnée a été évaluée et qu'il en ressort une :

RECOMMANDATION NON FAVORABLE

Par conséquent, il est recommandé de soumettre la personne ci-haut mentionné à une évaluation complète afin de s'assurer que ses habitudes de consommation d'alcool ou de drogue ne sont plus incompatibles avec la conduite sécuritaire d’un véhicule routier.

[…] »

(Transcription conforme)

[9]               Le requérant a témoigné lors de la présente audience. Il s’est dit épuisé concernant toutes les procédures entourant la suspension de son permis de conduire. Dans le métier qu’il occupe, il insiste sur le fait qu’il a absolument besoin de son véhicule pour son travail. Il ajoute qu’il ne boit presque plus. Il n’a aucune plainte à formuler concernant l’évaluation qui a eu lieu dans ce dossier.

[10]            Par la suite, le procureur de la partie intimée a fait part au Tribunal de ses représentations relativement à la solution du présent litige.

 

[11]            De prime abord, le Tribunal doit rappeler qu’il doit statuer en fonction du droit applicable en l’espèce, soit le contenu des articles 73, 109 et 190 du Code de la sécurité routière , lesquels relèvent du pouvoir discrétionnaire de la SAAQ.

[12]            Concernant l’échec de l’évaluation du risque, le rôle et les pouvoirs du Tribunal sont extrêmement limités.

[13]            En effet, le Tribunal n’est pas autorisé à fait fit des conclusions d’évaluation en substituant sa propre opinion. Il n’est pas non plus habilité à juger de la valeur ou de la pertinence de cette évaluation.

[14]            Le rôle du Tribunal en cette matière se limite à vérifier si l’évaluation a été adminis-trée par une personne ayant la compétence requise, si toutes les étapes du processus ont été suivies, si les données factuelles ont dûment été colligées et rapportées et enfin, si la partie requérante a reçu les informations nécessaires afin de bien compléter l’évaluation.

[15]            À la lumière de la preuve soumise, il appert que toutes les étapes du processus ont été suivies et sous la responsabilité d’un évaluateur accrédité auprès de l’Association des centres de réadaptation en dépendance du Québec.

[16]            Les documents qui ont été déposés lors de la présente audience traduisent bien la situation du requérant et le Tribunal se doit de s’y rapporter.

[17]            La partie intimée était donc justifiée, dans les circonstances, de maintenir la suspension du permis de conduire du requérant, et ce, jusqu’à la transmission d’un rapport favorable.

[18]            Pour tous ces motifs , le Tribunal :

Rejette le présent recours.

 

 


 

 

PAUL MERCURE, j.a.t.a.q.


 

Me François Desroches-Lapointe

Procureur de la partie intimée