Stein Monast, s.e.n.c.r.l. c. Corporation financière Lasalle inc.

2014 QCCQ 3563

COUR DU QUÉBEC

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

QUÉBEC

LOCALITÉ DE

QUÉBEC

« Chambre civile  »

N o  :

200-22-062685-128

 

 

DATE :

30 avril 2014

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE L’HONORABLE PIERRE A. GAGNON, J.C.Q. [JG-2320]

______________________________________________________________________

 

 

STEIN MONAST, S.E.N.C.R.L.

 

Demanderesse

 

c.

 

CORPORATION FINANCIÈRE LASALLE INC.

 

Défenderesse

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

 

[1]            Les avocats Stein Monast, s.e.n.c.r.l. (« Stein ») réclame de Corporation Financière Lasalle inc. (« CFL ») le paiement de leurs honoraires et déboursés totalisant 29 331 $ pour les services rendus à CFL de janvier à mars 2011.

[2]            CFL refuse de payer invoquant qu'aucune convention d'honoraires n'est intervenue entre les parties et que les honoraires facturés sont grossièrement exagérés.

[3]            Le procureur de CFL s'est opposé au témoignage de Me St-Laurent de Stein sur la liquidation des Fonds que gère CFL. Le Tribunal a pris cette objection sous réserve.

Questions en litige :

[4]            L'opposition à la preuve est-elle bien fondée?

[5]            Stein a-t-elle droit à une condamnation au paiement de ses honoraires et déboursés facturés le 30 mars 2011 totalisant 29 331 $?

Les faits :

[6]            CFL est le gestionnaire des fonds de Placements Lasalle, section Actions et section Équilibrée (« les Fonds »).

[7]            Mme Pascale Houle est la présidente de CFL et également chef de conformité des Fonds.

[8]            À compter de 2003, CFL confie à Me Odette St-Laurent de Stein le mandat de préparer annuellement le prospectus et la notice annuelle des Fonds.

[9]            Me St-Laurent est avocate depuis 1996 et œuvre chez Stein depuis 1979. Elle a débuté à titre de secrétaire puis est devenue para-juriste et, enfin, avocate. Elle a toujours œuvré dans le domaine du financement public et des valeurs mobilières.

[10]         Au cours des ans, Stein facture à CFL des honoraires en fonction du temps consacré par les avocats de Stein à l'exécution du mandat confié, le taux horaire pouvant varier selon les compétences et l'expérience des associés ou des employés de Stein qui sont ainsi appelés à agir pour le compte de CFL.

[11]         Les honoraires et déboursés ainsi facturés varient d'une année à l'autre : en 2007 = 21 140,35 $, en 2008 = 45 083,93 $, en 2009 = 14 171,64 $, en 2010 = 24 154,16 $. CFL a toujours payé les honoraires et déboursés ainsi facturés selon des ententes de paiement convenues avec Stein.

[12]         Le 12 octobre 2010, Mme Houle confirme à Me St-Laurent qu'elle peut préparer le prospectus et la notice annuelle des Fonds pour l'année 2011.

[13]         Le 22 novembre 2010, Me St-Laurent finalise le prospectus provisoire des Fonds. Elle entend déposer le prospectus final le 5 janvier 2011.

[14]         À cette époque, Mme Houle est dans l'attente du résultat de ses examens des associés, administrateurs et dirigeants (« AAD »), condition règlementaire pour être chef de conformité des Fonds. Mme Houle a déjà échoué ses examens à deux reprises, ce qui inquiète l'Autorité des marchés financiers (l'« AMF »).

[15]         Le 23 décembre 2010, le père de Mme Houle informe Me St-Laurent que sa fille a échoué ses examens pour une troisième fois. Le lendemain, il donne le mandat à Me St-Laurent de discuter avec l'AMF afin d'obtenir une dispense et un délai additionnel pour régulariser la situation.

[16]         Le 30 décembre 2010, Mme Houle demande à Me St-Laurent de rédiger la lettre d’engagement relatif aux états financiers.

[17]         Le 31 décembre 2010, Stein émet à CFL les factures suivantes :

Factures

Objet

Montant facturé

Période visée

716251-A

Dépôt SEDAR

1 099,12 $

Février à décembre 2010

716251-B

Comité d'examen indépendant des Fonds

2 224,69 $

Mars 2010

716251-C

Conformité au Règlement 31-103 sur les obligations et dispenses d’inspection

1 991,88 $

Septembre 2010

716251-D

Renouvellement du prospectus et de la notice annuelle 2010-2011

18 838,47 $

Novembre-décembre 2010

[18]         Le 5 janvier 2011, Stein finalise et dépose le prospectus simplifié et la notice annuelle des Fonds.

[19]         Constatant le refus de l'AMF de lui émettre une dispense, Mme Houle se met à la recherche d'un chef de la conformité externe.

[20]         Malheureusement, le vendredi 14 janvier 2011, l'AMF transmet à Me St-Laurent un préavis d'intention de refus d'émettre le visa nécessaire à la poursuite des activités des Fonds.

[21]         Le même jour, à 17h00, l'AMF signifie notamment à Me St-Laurent, à Mme Houle et à CFL une demande au Bureau de décision et de révision (BDR) visant essentiellement à :

·         suspendre les droits conférés par l'inscription à titre de gestionnaire de fonds d'investissement de CFL;

·         suspendre les droits conférés à Mme Houle par l'inscription à titre de chef de la conformité de CFL;

·         prononcer des ordonnances d'interdiction d'opérations sur valeurs ainsi que d'autres mesures conservatoires requises afin de protéger les droits des participants des Fonds.

[22]         Cette demande est présentable au BDR le lundi 17 janvier suivant, à 9h30.

[23]         Mme Houle est dans tous ses états. Elle recourt au service des avocats Gowlings pour la représenter devant le BDR. Elle discute avec Me St-Laurent et lui demande d'assister à une rencontre avec les avocats Gowlings prévue le dimanche 16 janvier 2011 afin de préparer l'audience du 17 janvier 2011.

[24]         Le 16 janvier 2011, Me St-Laurent se déplace de Québec à Montréal, se prépare pour la rencontre, et rencontre en soirée Me Guimond de Gowlings et Mme Houle. Elle consacre neuf heures à cette fin.

[25]         Le 17 janvier 2011, Me St-Laurent rencontre à nouveau les avocats de Gowlings et de Mme Houle. Elle se déplace au BDR et discute avec les intervenants de l'AMF. Gowlings agit comme procureur de CFL à l'audience devant le BDR. Les parties conviennent que le BDR prononce une remise de l'audience au 28 janvier 2011 et, dans l'intervalle, interdise à CFL et au Fonds toute opération sur les parts des Fonds.

[26]         Les discussions avec les intervenants de l'AMF se poursuivent. Mme Houle recherche activement un chef de conformité pour les Fonds.

[27]         Le 28 janvier 2011, le BDR prononce une ordonnance autorisant la levée partielle de l'interdiction prononcée le 17 janvier 2011, permettant ainsi à chaque participant au Fonds de demander l'équivalent d'un maximum de 10% de la juste valeur des parts du participant.

[28]         Les avocats Gowlings demandent à Me St-Laurent de diffuser sur SEDAR la décision du BDR.

[29]         Le 31 janvier 2011, l'AMF émet à nouveau un préavis d'intention annonçant son refus d'apposer le visa sur le prospectus simplifié du 5 janvier 2011. Les avocats Gowlings et Me St-Laurent discutent avec les intervenants de l'AMF afin de trouver une solution.

[30]         Le 4 février 2011, Me St-Laurent se déplace à nouveau à Montréal. Elle rencontre deux avocats de Gowlings et Mme Houle. À la suite d'une réunion à l'AMF, une entente intervient aux fins d'assurer une gouvernance adéquate de CFL et de permettre la reprise des activités des Fonds conditionnellement à ce que CFL réalise certains engagements.

[31]         Conformément à l'entente, CFL augmente le nombre de ses administrateurs de un à trois dont l'un sera un administrateur rencontrant les conditions exigées par le Règlement 31-103 [1] s'appliquant à un chef de la conformité d'un gestionnaire d'un fonds d'investissement.

[32]         CFL doit également obtenir un visa de l'AMF. À cette fin, Me St-Laurent prépare un nouveau prospectus simplifié et une notice annuelle, lesquels reflètent les événements récents. Les Fonds déposent ainsi leur prospectus simplifié et notice annuelle le 21 février 2011.

[33]         Le 20 mars 2011, Mme Houle sollicite Me St-Laurent pour préparer le procès-verbal de la réunion du Comité d'examen indépendant qui doit se tenir le 28 mars 2011.

[34]         Le 30 mars 2011, Stein émet les factures en litige totalisant 29 331$, lesquelles se détaillent ainsi :

Factures

Objet

Montant facturé

Période visée

717296

Comité d'examen indépendant

637,98 $

23 mars 2011

717297

Prospectus et notice annuelle 2011

14 257,28 $

5 janvier 2011 au 23 février 2011

717322

Dépôt SEDAR et communiqués de presse

2 371,17 $

5 janvier 2011 au 3 mars 2011

717336

Règlement 31-103 sur les obligations et dispenses d'inscription

41,30 $

12 janvier 2011

717340

Litige - Autorités des marchés financiers

12 023,27 $

14 janvier 2011 au 4 février 2011

[35]         Le 20 septembre 2011, Me St-Laurent rappelle à Mme Houle par courriel que les factures du 30 mars 2011 demeurent toujours impayées.

[36]         Le 3 octobre 2011, Me St-Laurent demande à Mme Houle de donner suite au courriel du 20 septembre 2011.

[37]         Le 18 janvier 2012, Me St-Laurent rappelle à Mme Houle, par courriel, que Stein n'a reçu aucun paiement pour les honoraires facturés en 2011 totalisant 29 331 $.

[38]         Le 25 janvier 2012, Mme Houle répond qu'elle n'a aucune facture en suspens puisqu'elle a fait auprès de Stein «  un paiement final pour vos services de 2011  ».

[39]         Le 21 mars 2012, CFL reçoit une mise en demeure de Stein réclamant le paiement des factures du 30 mars 2011 totalisant 29 331 $.

Analyse et motifs :

L'opposition à la preuve du fait que les Fonds sont liquidés depuis le 1 er août 2011 est-elle bien fondée?

[40]         Le procureur de CFL s'est opposé à ce que Me St-Laurent témoigne sur le fait que Les Fonds sont liquidés depuis le 1 er août 2011. Il affirme que ce fait n'est pas pertinent pour décider du bien-fondé des honoraires facturés au 30 mars 2011.

[41]         Le procureur de Stein prétend au contraire qu'il s'agit là du véritable motif de refus de payer de CFL.

[42]         Le fait que les Fonds soient liquidés depuis le 1 er août 2011 est un fait pertinent dans l'évolution des relations entre Stein et sa cliente CFL. Par contre, ce fait n'est pas pertinent pour déterminer si CFL doit ou non être condamnée à payer les honoraires de Stein.

[43]         Le Tribunal accepte la preuve du fait que les Fonds sont liquidés depuis le 1 er août 2011 mais refuse de considérer ce fait comme étant pertinent aux fins de déterminer si CFL doit ou non les honoraires que Stein lui réclame.

[44]         Le Tribunal accepte également en preuve le témoignage de Mme Houle sur les raisons qui ont mené à la liquidation des Fonds. Elle explique que les frais du chef de conformité externe, l'emploi d'un aide technicien, la nécessité d'embaucher des vérificateurs spéciaux et les honoraires d'avocats découlant de l'adoption de nouvelles normes dans l'industrie des valeurs mobilières, ont rendu l'exploitation du Fonds non rentable. CFL s’est donc résignée à liquider les Fonds.

 

 

Stein a-t-elle droit a une condamnation au paiement de ses honoraires et déboursés facturés le 30 mars 2011 totalisant 29 331 $?

[45]         Les cinq factures de Stein du 30 mars 2011 transmises à CFL s'inscrivent dans une relation client-avocat de longue date.

[46]         Stein rend des services professionnels d'avocats au bénéfice de CFL depuis 2003. CFL requiert les services de Stein afin de l'aider dans les méandres du secteur hautement réglementé des valeurs mobilières. En particulier, CFL demande à Stein de préparer le prospectus et la notice annuelle des Fonds en vue d'obtenir le visa annuel de l'AMF nécessaire à la poursuite des activités du Fonds.

[47]         L'année 2010-2011 ne fait pas exception à cette relation de longue date. D'ailleurs, Stein facture 24 254,16 $ le 31 décembre 2010 pour ses services rendus au cours de l'année 2010 que CFL paie entièrement.

[48]         Toutefois, à la différence des autres années, Mme Houle, présidente de CFL, est en eaux troubles.

[49]         Mme Houle a échoué à trois reprises les examens AAD. Ce faisant, elle ne peut plus agir à titre de chef de conformité des Fonds. D’ailleurs, le 14 janvier 2011, l'AMF annonce son intention de refuser d'apposer son visa sur le prospectus simplifié du 5 janvier 2011 des Fonds et présente en conséquence sa demande au BDR le 17 janvier 2011. Si le BDR accorde la demande de l’AMF, c’est la fin des Fonds et partant, la fin des activités de CFL.

[50]         C'est dans ce contexte particulier que s’inscrivent les factures du 30 mars 2011, couvrant les services de janvier à mars 2011.

[51]         Examinons maintenant les motifs de contestation de CFL.

·         Les services facturés dans le cadre du litige avec l'AMF n'auraient pas dû l'être.

[52]         CFL reproche à Me St-Laurent de ne pas avoir respecté son devoir de conseil auprès de CFL en rendant des services qui font double emploi avec ceux de Gowlings. En particulier, Me St-Laurent aurait dû refuser de s'impliquer dans le litige avec l'AMF compte tenu que Mme Houle avait spécifiquement mandaté Gowlings pour agir dans ce dossier.

[53]         Ce motif de refus est mal fondé.

[54]         Lorsque, le 14 janvier 2011, Mme Houle reçoit coup sur coup le préavis d'intention de refus de l'AMF et la demande de l’AMF au BDR présentable le 17 janvier suivant, Mme Houle est dans tous ses états, avec raison.

[55]          Comme Mme Houle le dit elle-même : «  le feu est pris dans la maison  ». Elle voit son entreprise menacée et ses 150 clients « disparaître d'un coup ».

[56]         Pour lutter contre l'incendie, elle recourt aux services des avocats Gowlings qui la représente devant le BDR. Elle demande également à son avocate depuis 2003 de lui prêter assistance.

[57]         Me St-Laurent s'enquiert spécifiquement auprès d'elle si sa présence est véritablement requise à l’audience du BDR. Mme Houle insiste car elle a, selon ce qu'elle exprime à l'audience, «  besoin d'appui et d'aide  ».

[58]         Le Tribunal conclut que l'intervention de Me St-Laurent est faite à la demande de Mme Houle dans un contexte où Mme Houle et CFL sont en voie de tout perdre. Lorsque le feu est pris à la maison, ses propriétaires ont besoin de pompiers, d'urgence. Recourir au pompier qui connaît le mieux cette maison est un réflexe non seulement normal mais tout à fait approprié. C'est ce que Mme Houle fait en recourant aux services de Me St-Laurent.

[59]         Mme Houle explique qu’elle ne s’attendait pas à être facturée parce que sa demande à Me St-Laurent d’être présente visait son soutien moral, comme on le demande à une amie.

[60]         Or, la relation entre Mme Houle et Me St-Laurent est strictement professionnelle. Elles communiquent ensemble par téléphone ou par courriel. Elles se vouvoient. En requérant la présence de Me St-Laurent à Montréal les 16 et 17 janvier 2011, Mme Houle sait qu'elle devra rémunérer Stein. Me St-Laurent n’est pas une amie qui viendra bénévolement la soutenir dans l’épreuve mais bien une professionnelle qui lui prodiguera des conseils et discutera avec les intervenants de l’AMF.

[61]         Le fait que Gowlings représente CFL, les Fonds et Mme Houle devant le BDR ne rend pas la présence de Me St-Laurent superfétatoire. Me St-Laurent a une connaissance pointue de CFL et des Fonds. Elle est un acteur incontournable tant pour l'AMF que pour Mme Houle.

[62]         Mme Houle est partie prenante de chacune des rencontres à Montréal avec Me St-Laurent. Mme Houle demande spécifiquement à Me St-Laurent son intervention dans le dossier litigieux, soit par écrit, soit verbalement. En aucun temps, Mme Houle ne questionne l'implication de Me St-Laurent ou ne s'oppose à sa présence aux rencontres.

[63]         Bref, la preuve prépondérante ne permet pas de conclure que Me St-Laurent a manqué à son devoir de conseil ou que ses services ont fait double emploi avec ceux de Gowlings. Au contraire, Mme Houle a spécifiquement requis les services de Me St-Laurent. Tant Mme Houle, CFL et les avocats Gowlings ont profité de sa présence et de ses services.

·         Honoraires facturés pour modifier le prospectus et la notice annuelle 2010-2011 alors que Stein a déjà facturé CFL le 31 décembre 2010.

[64]         CFL allègue que la facture 717297 du 30 mars 2011 pour « prospectus et notice annuelle » au montant de 14 257,28 $ est grossièrement exagérée compte tenu que Stein a déjà facturé 18 838,47 $ le 31 décembre 2010 pour le renouvellement du prospectus et de la notice annuelle 2010-2011. En particulier, selon CFL, le prospectus simplifié des Fonds du 21 février 2011 est identique à celui déposé le 5 janvier 2011 sous réserve de la section « renseignements supplémentaires » contenue aux pages 20 et 21 qui ne font qu'une nomenclature des événements survenus en janvier et février 2011.

[65]         Le Tribunal conclut que CFL n’a pas prouvé ses allégations.

[66]         D’abord, Mme Houle reconnaît d’emblée que certaines entrées de temps de la facture 717297 visent à compléter l'obtention du visa et sont donc nécessaires.

[67]         Ensuite, le travail de Stein ne se limite pas aux pages 20 et 21 « renseignements supplémentaires » du prospectus du 22 février 2011. Une simple lecture comparative des deux versions permet de constater d'autres changements dans le contenu du prospectus du 22 février 2011. Par exemple, le contenu de l'introduction (page 2) est bonifié.

[68]         En outre, CFL n'a pas produit la notice annuelle déposée également le 22 février 2011, laquelle comporte nécessairement des changements puisque le prospectus précise dans sa rubrique « renseignements supplémentaires » : «  pour de plus amples informations sur les faits qui précèdent, se référer à la rubrique « litige et instance administrative » de la notice annuelle des Fonds  ».

[69]         Plus important, les services que rend Me St-Laurent à CFL sont nécessaires à la poursuite des activités des Fonds et de CFL. Sans l'obtention du visa de l'AMF, les Fonds doivent cesser leurs activités. Me St-Laurent informe régulièrement Mme Houle de l'évolution de la situation. Elle discute avec elle au téléphone et par courriel de ses démarches au fur et à mesure qu'elle les effectue. Elle obtient son consentement aux services à rendre.

[70]         Certes, le temps consacré à la préparation du prospectus et de la notice annuelle modifiée apparaît élevé au profane. Toutefois, comme l'explique Me St-Laurent, chaque mot est soupesé et fait l'objet d'une discussion avec l'AMF. Ce qui peut apparaître un simple énoncé des faits requiert donc un grand nombre d'heures de rédaction. Comme le disait Boileau : «  Vingt fois sur le métier, remettez votre ouvrage  ».

[71]         Bref, les services facturés étaient nécessaires à l'obtention du visa des Fonds et sont différents de ceux rendus antérieurement au 30 décembre 2011.

·         Les honoraires facturés sont grossièrement exagérés

[72]         Stein et CFL ont conclu un contrat d'entreprise [2] par lequel Stein rend des services juridiques à CFL moyennant des honoraires que CFL s'oblige à lui payer.

[73]         Les honoraires facturés le sont à tarif horaire, une méthode de calcul des honoraires qui est différente de celle du quantum meruit . En effet, Stein facture CFL depuis 2003 sur cette base. Stein peut raisonnablement présumer que CFL est informée de cette méthode [3] . CFL n’a pas prouvé que les parties ont modifié cette méthode de calcul des honoraires pour la période de janvier à mars 2011.

[74]         Même lorsqu’un avocat facture à tarif horaire, ses honoraires doivent demeurer justes et raisonnables. En effet, l'article 3.08.01 du Code de déontologie des avocats [4] («  C.d.a.  »), prescrit :

3.08.01.   L'avocat doit demander et accepter des honoraires justes et raisonnables.

[75]         L'article 3.08.02 du C.d.a. précise :

3.08.02.   Les honoraires sont justes et raisonnables s'ils sont justifiés par les circonstances et proportionnés aux services professionnels rendus. L'avocat doit notamment tenir compte des facteurs suivants pour la fixation de ses honoraires:

  a)      l'expérience;

  b)      le temps consacré à l'affaire;

  c)      la difficulté du problème soumis;

  d)      l'importance de l'affaire;

  e)      la responsabilité assumée;

  f)      la prestation de services professionnels inhabituels ou exigeant une compétence ou une célérité exceptionnelles;

  g)      le résultat obtenu;

  h)      les honoraires judiciaires et extrajudiciaires prévus aux tarifs.

[76]         Les auteurs de la Collection de droit résument bien la règle applicable aux honoraires extrajudiciaires :

2. La règle

Le montant des honoraires extrajudiciaires qu'un avocat peut réclamer d'un client doit correspondre à la valeur des services qu'il lui a rendus. En l'absence de convention expresse entre l'avocat et son client, on dit alors que les honoraires sont établis sur la base du quantum meruit , c'est-à-dire sur la base de la valeur des services rendus (art. 126 (3) de la Loi sur le barreau ). Ceux-ci doivent être justes et raisonnables (art. 3.08.01 C.d.a.). [5]

[77]         Le fait que les parties aient convenu d'avance d'une méthode de calcul des honoraires fondée sur le tarif horaire oblige le Tribunal à accorder plus d'importance au facteur «  temps consacré à l'affaire  » dans la détermination du caractère juste et raisonnable des honoraires facturés :

Bien qu'on qualifie ces méthodes de calcul des honoraires [6] d'exceptions à la règle du quantum meruit , le montant des honoraires qui en résulte doit demeurer juste et raisonnable. La particularité de ces méthodes de calcul est que les parties ont convenu d'avance, avec les risques que cela peut comporter, d'accorder plus d'importance à un ou plusieurs des facteurs d'évaluation mentionnés à l'article 3.08.02 C.d.a. [7] .

[78]         Appliquant les critères de l’article 3.08.02 C.d.a ., le Tribunal conclut que les honoraires de Stein facturés à CFL sont justes et raisonnables puisqu'ils sont justifiés par les circonstances et proportionnés aux services professionnels rendus. À cette fin, le Tribunal prend en compte la grande expérience de Me St-Laurent dans le domaine des valeurs mobilières, l’entente des parties sur un tarif horaire, la difficulté du problème que vit CFL eu égard aux échecs répétés de Mme Houle aux examens d'AAD, l'importance pour CFL de régler cette problématique et d'obtenir son visa, l'urgence de la situation et finalement, le résultat obtenu, soit l'obtention du visa et la poursuite des activités de CFL.

[79]         D'ailleurs, le Tribunal note que Mme Houle n'a manifesté son désaccord au paiement des factures du 30 mars 2011 que le 25 janvier 2012, en prétendant que CFL avait fait un paiement final pour ces services et non en prétendant qu’ils étaient exagérés.

[80]         Le Tribunal rejette l’argument que les services rendus de janvier à mars 2011 font double emploi avec ceux facturés en décembre 2010. CFL a requis et Stein a rendu les services de janvier à mars 2011 en raison de la situation exceptionnelle à laquelle CFL était confrontée.

[81]         Le Tribunal conclut que la contestation de CFL est mal fondée et que Stein a fait la preuve qu'elle a droit au paiement de ses factures du 30 mars 2011 avec les intérêts au taux légal à compter de la réception de la mise en demeure le 21 mars 2012.

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

ACCUEILLE la requête introductive d'instance;

CONDAMNE Corporation financière LaSalle inc. à payer à Stein Monast, s.e.n.c.r.l. la somme de 29 331 $ plus les intérêts au taux légal ainsi que l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec à compter du 21 mars 2012;

LE TOUT , avec dépens.

 

__________________________________

PIERRE A. GAGNON, J.C.Q.

Me Antoine P. Beaudoin

Stein Monast (casier n o 14)

Procureurs de la demanderesse

 

Me Rock Séguin

1000, avenue St-Charles, bureau 918

Vaudreuil-Dorion (Québec) J7V 8P5

Procureurs de la défenderesse

 

Date d’audience :

21 février 2014

 



[1]     Règlement 31-103 sur les obligations et dispenses d'inscription et les obligations continues des personnes inscrites , RLRQ c V-1.1, r 10.

[2]     C.c.Q. , art. 2098.

[3]     Code de déontologie des avocats , RLRQ c. B-1, r.3 , a rt. 3.08.04,

[4]     ibid, art. 30.08.01.

[5]     Me Pierre Bourbeau et Me Richard D'Amour, « Les honoraires », dans Collection de droit 2013-2014, École du Barreau, vol. 1, Éthique, Déontologie et pratique professionnelle , Cowansville, Éditions Yvon Blais, p. 296,

[6]     C'est-à-dire l'entente à forfait, l'entente à pourcentage et l'entente à tarif horaire.

[7]     P. Bourbeau et R. D'Amour, précité, note 5, p. 298.