Fleury Léger & Associés ltée c. Construction Frank Lefrançois inc.

2014 QCCS 2095

COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

QUÉBEC

 

 

N° :

200-17-017234-121

 

 

 

DATE :

13 MAI 2014

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

PIERRE OUELLET, j.c.s.

 

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FLEURY LÉGER & ASSOCIÉS LTÉE

 

Demanderesse

c.

 

CONSTRUCTION FRANK LEFRANÇOIS INC.

 

Défenderesse

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JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

            Introduction

[1]            La demanderesse (Léger), une firme d’ingénieurs spécialisés dans la préparation de rapports d’expertise pour des entrepreneurs impliqués dans des litiges, réclame de la défenderesse, un entrepreneur de construction, 88 902,26 $, solde impayé de sa facturation totalisant 117 215,21 $ pour services professionnels rendus.

[2]            Dans une longue défense écrite, la défenderesse (CFL) conclut au rejet de la réclamation et plaide substantiellement :

Ø   Elle n’a jamais confié à Léger un mandat d’une telle ampleur.

Ø   Les services rendus par Léger sont loin d’être satisfaisants.

Ø   Il n’a pas respecté les échéances que son avocat lui avait indiquées eu égard au calendrier du déroulement de l’instance convenu dans un dossier de la Cour.

Ø   Il a failli à son devoir d’information dont celui d’évaluer adéquatement l’ampleur de ses honoraires plaçant la défenderesse devant un fait accompli.

Les faits

[3]            En août 2010, un contrat de construction intervient entre CFL, entrepreneur spécialisé dans la réalisation d’ouvrage de coffrage et de bétonnage de précision et Groupe Aecon Québec inc. (Aecon).

[4]            Cette dernière agit comme entrepreneur général dans le cadre des travaux d’agrandissement du Centre de foires de Québec.

[5]            L’entreprise Lefrançois rencontre de nombreux problèmes tout au cours du déroulement de ses travaux entre août 2010 et juin 2011 et se retrouve à ce moment avec des factures impayées de l’ordre de 850 000 $.

[6]            Elle présente également à Aecon une réclamation en dommages de l’ordre de 740 000 $ (tx. inc.) pour des coûts supplémentaires, perte de productivité, frais de financement supplémentaire pour les motifs énumérés au paragraphe 17 de sa requête introductive d’instance.

[7]            En compagnie d’une demi-douzaine d’entrepreneurs sous-traitants tous placés dans la même situation, elle mandate l’avocat Marc-André Gravel * pour la représenter.

[8]            Ce dernier dépose, dès le 18 juillet, une requête introductive d’instance [1] au nom de CFL contre Aecon pour réclamer les sommes ci-haut décrites.

[9]            La réclamation en dommages (658 000 $ av. tx.) préparée par les dirigeants de CLF, Martin Lefrançois * et Karine Ménard * (les clients), est décrite dans un volumineux cahier à anneaux [2] ( le cartable vert ).

[10]         Peu après la prise des procédures, Gravel informe ses clients qu’il serait approprié de parfaire ce volet de leur réclamation au moyen d’un rapport d’expertise, c’est-à-dire de valider les conclusions contenues dans leur étude et, reprenant son expression : « savoir si ça tient la route ».

[11]         Il leur fait part qu’il a déjà fait affaires dans un ou deux dossiers pour d’autres clients avec M. Serge Léger * , ingénieur, un des associés de la firme demanderesse.

 

[12]         Le 14 septembre 2011, Gravel rencontre Léger à son bureau : il lui explique son approche quant à l’objectif de cette expertise comme il l’avait décrit à ses clients ci-haut; devant nous, il s’exprime ainsi :

«Ce que je peux affirmer c’est que j’ai toujours mentionné, peu importe dans quelles circonstances, que ce que je voulais c’était une validation de ce qui avait été préparé par les clients, alors c’était évidemment au niveau de ce qui relève de l’expertise.  J’ai clairement utilisé à un moment donné le vocable sommaire, donc quelque chose dans la mesure où évidemment ça venait le valider.  Si ce qui avait été fait par les clients c’était tout croche, bien là évidemment on aurait pu explorer une autre piste.  Mais dans la mesure ce qui avait été préparé par les clients tenait la route, moi j’avais en tête quelque chose quand même d’assez simple ou sommaire.»

(Transcription, 17 décembre 2013 à 14 h 38 :16)

[13]         À ce moment, la première entente sur le déroulement de l’instance prévoit que l’expertise de la demanderesse soit produite pour le 1 er novembre, mais il avait déjà convenu avec l’avocat d’Aecon que le délai serait reporté.

[14]         Gravel voit à lui transmettre la documentation pertinente et une rencontre de travail (durée 5.75 heures) se tient le 28 septembre; Léger, l’avocat Gravel, M. Lefrançois et Mme Ménard sont présents.

[15]         Le même jour, en fin d’après-midi, l’ingénieur transmet un courriel [3] à Gravel dont les éléments essentiels sont :

«Nos services dans le dossier mentionné ci-haut consisteraient principalement à prendre connaissance des documents et à aider et conseiller Const. Frank Lefrançois (CFL) dans l’établissement de son dommage évalué à ~ 743 000 $ par l’utilisation de méthodes différentes de celles utilisées.

Mme Ménard (CFL) aura alors plusieurs calculs et informations à nous fournir.

J’ai un maximum de 70 heures à consacrer à cette tâche, et ce, à partir du ~ 11 octobre prochain.»

[16]         À la fin du courriel, il détaille l’estimation budgétaire : 

Serge Léger : 75 h. X 205 $ =        15 375 $

Personnel de soutien : 30 h. X 75 $ =             2 250 $

Total :                                                               17 625 $

[17]         Même s’il demande à l’avocat, dans ce courriel, une confirmation écrite du mandat, Gravel lui fait part d’en convenir avec les clients.

[18]         Lors d’une conversation téléphonique le 25 octobre, Gravel, lui souligne que sa cliente est une jeune entreprise de construction, sans expérience dans la gestion de réclamations et qu’il devait procéder même s’il n’a pas de mandat écrit.

[19]         Le 25 novembre, Gravel appelle Léger : en fonction de la nouvelle entente sur le déroulement déposée au dossier de la Cour, il a besoin d’un rapport d’expert pour Noël. Pour Léger, le dossier prend une nouvelle orientation, il doit amasser de l’information pour être capable d’appuyer son opinion quant aux démarches additionnelles consacrées par le client à ce chantier.

[20]         Dans sa première note d’honoraires [4] , on y lit qu’il consacre entre le 30 novembre et le 15 décembre, 36 heures dont : lecture des procédures judiciaires, élaboration d’un tableau des postes de réclamation, analyse des documents contenus dans le cartable, demande d’informations à Mme Ménard…

[21]         Tout comme il consacrera 22 heures entre le 16 et le 22 décembre [5] .

[22]         Le 9 janvier 2012, Gravel transmet à Léger la nouvelle entente [6] sur le déroulement de l’instance en lui indiquant que l’expertise doit être déposée le 31 janvier, échéance péremptoire .

[23]         Par ailleurs, dès le lendemain, Léger transmet un courriel [7] à Gravel, lui fait part qu’il manque beaucoup d’informations afin de pouvoir statuer sur les principaux postes de réclamation en dommages, de sorte qu’« il sera extrêmement difficile de vous livrer une expertise pour dépôt à la Cour le 31 janvier prochain ».

[24]         Les 18 et 31 janvier 2012, se tiennent deux longues rencontres de travail que Léger décrit ainsi dans sa facturation [8]  :

«12/01/18

Analyse des données pour le calcul de la Perte de productivité, révision notes, élaborations de tableaux pour discussion et réunion aux bureaux de Me M.-A. Gravel (GBV).

5,50

12/01/31

Compléter tableaux résumés de nos calculs et transmission pour courriel à Mme K. Ménard (CFL) et réunion Mme Ménard et m. Lefrançois à leurs bureaux.

6,75

[25]         Notons qu’en janvier, Serge Léger consacre au dossier :

Ø   9 au 13 janvier : 19.25 hres

Ø   16 janvier au 7 février : 51.00 hres

[26]         Recevant la facture du 15 février (12 715,82 $ avant taxes), Karine Ménard s’inquiète auprès de son avocat de l’ampleur des honoraires alors qu’elle n’a reçu jusqu’à maintenant que quelques tableaux récapitulatifs de l’information déjà contenue pour l’essentiel dans le cartable vert.

[27]         Gravel lui fait part que le travail de l’expert peut impliquer un certain dépassement, de sorte qu’il y a lieu de « le laisser travailler un peu ».

[28]         Le 20 mars, Léger transmet à Gravel un courriel [9] , Karine Ménard est en copie; il joint un tableau quant aux honoraires encourus jusqu’à maintenant :

- Honoraires facturés au 15 février :

30 027 $

- Facturation à venir pour le travail au 19 mars :

15 486 $

-    Estimation budgétaire approximative pour livrer le rapport :

§    S. Léger : 175 heures et C. Lamontagne : 100 heures

 

43 375 $

[29]         Il justifie ainsi l’ampleur du travail et le délai pour compléter son rapport d’expertise :

«Nos discussions du 19 mars avec Karine Ménard, ne nous ont pas permis de tirer une conclusion sur ce que nous devrons effectivement inclure dans nos calculs dû au fait que la Requête et l’hypothèque légale tiennent compte de l’ensemble des montants facturés et à facturer (DDM).  Une réunion spéciale s’impose avec toi et ces derniers afin d’en vider la question.

Notre provision additionnelle, tient compte du fait que nous devons déterminer ce qui doit réalistement être pris en compte dans nos calculs, en total accord avec tous.

En tenant compte des heures prévues à notre provision additionnelle, notre rapport pourrait être livré le 4 mai prochain.»

[30]         Prenant connaissance du courriel, Karine Ménard se dit «catastrophée», constate que Léger ne semble pas avoir encore déterminé la méthode de calcul appropriée et elle confie son état d’âme et celui de son conjoint, Martin Lefrançois, à son avocat.

[31]         Dès le lendemain, fin d’après-midi, Gravel transmet un courriel [10] à Léger :

«Je n’ai d’autre choix que de te demander de tout suspendre.

(…)

Avec respect, les charges me semblent totalement excessives considérant l’enjeu.  En plus, je fais face présentement à des retards qui vont m’être reprochés à la Cour.  Tu te souviendras que je t’avais dit que le délai du 31 janvier était impératif.

(…)

La cliente a autorisé un budget de 15000$, c’est tout ce qu’elle a eu de ta part.  Pour ce budget, je t’avais confié le mandat d’émettre une opinion sommaire, car nous étions serrés dans le temps.

Là, je suis hors délai, je n’ai pas d’opinion sommaire et le budget soumis au client a été excédé par trois fois.  Il s’agit d’une situation malheureuse et qui me rend très mal à l’aise face aux clients, à la Cour et à toi-même.»

[32]         Le 28 mars, clients, avocat et expert se rencontrent au bureau de l’avocat Gravel.

[33]         Une fois que l’on eut dressé un sommaire du travail exécuté à jour, de l’absence de rapport, de l’échéance de production du rapport non respectée, Gravel, ayant en mains le tableau de la réclamation [11] propose de réduire les sujets à être traités par l’expert à trois éléments parmi ceux qui constituent la réclamation de 658 000 $ :

Ø   Conditions hivernales : 162 750 $

Ø   Prolongement échéancier (matériel) : 50 430 $

Ø   Prolongement échéancier (mauvaise gestion) : 122 697 $

de façon à ce que l’expert puisse au plus tôt produire son rapport sans quoi il faudrait recommencer à neuf avec un autre expert, solution non envisageable eu égard à l’état des procédures dans le dossier Aecon.

[34]         En conséquence, l’expert n’aura plus à traiter des autres postes de dommages.

[35]         Karine Ménard résume ainsi sa perception quant à cette rencontre :

Ø   Elle a toujours transmis rapidement l’information à chaque fois que Léger lui en a demandé.

Ø   Léger n’était pas capable d’exprimer clairement où il en était rendu et a semblé soulagé que le poste « perte d’opportunité » soit retiré de son mandat.

[36]         À la lecture des factures de mars et avril [12] , nous constatons qu’entre le 29 mars et le 18 avril, il consacre de nombreuses heures (journées de 6.00 à 9.25 hres) à des analyses d’échéanciers, à la préparation de tableaux…

[37]         De fait, il débute la rédaction du rapport à compter du 19 avril (« Élaboration de notre rapport ») et il transmet un projet à Me Gravel, le 2 mai; pour cette étape, il consacre 71.5 heures.

[38]         Suite aux commentaires de l’avocat, Léger et son adjointe continuent à travailler sur le rapport et la confection des annexes jusqu’au 16 juin moment où les trois volumes sont livrés à l’avocat.

[39]         Le 16 juin, alors qu’il s’attendait à rencontrer et l’avocat et les clients pour discuter des honoraires impayés, Gravel le reçoit seul et il s’exprime ainsi :

Ø   Il ne peut justifier de tels honoraires auprès du juge qui sera saisi du dossier de CFL contre Aecon; il y a disproportion par rapport à l’importance des questions en litige.

Ø   Il lui demande de faire un effort afin de diminuer sa facturation et d’accorder des délais de paiement au client.

Ø   Léger présente une proposition en renonçant aux intérêts courus, à certains des derniers travaux en cours (valeur approximative de 2 500 $) à condition qu’un acompte important soit versé d’ici une semaine et le solde en deux versements d’ici l’automne.

Ø   Selon Léger, Gravel lui dit s’organiser pour qu’un montant substantiel soit versé avant son départ pour vacances et que les clients lui présentent une offre de paiement du solde en deux versements, au plus tard à l’automne.

Ø   Toutefois, Gravel affirme ne pas avoir pris un tel engagement, s’être engagé à transmettre sa proposition aux clients et que ces derniers décideraient.

[40]         Dans les semaines suivantes, s’ensuivent des conversations téléphoniques et des courriels entre Gravel et ses clients, d’une part, et Gravel et Léger, d’autre part, de sorte que, le 20 juillet, Gravel transmet une lettre [13] à Léger avec un chèque de CFL au montant de 15 000 $ en lui indiquant : « À cet égard, il a été convenu que nous nous rencontrerons au retour des vacances de la construction afin de conclure une entente relativement aux honoraires ».

[41]         À compter du 6 août, Gravel et Léger tentent de s’entendre sur une date pour une rencontre, laquelle se tiendra finalement le 23 août.

[42]         Contrairement à sa compréhension, Léger constate que les deux clients ne sont pas présents, Gravel lui réitère les mêmes arguments et lui demande s’il est prêt à réduire sa facturation.  Léger propose la somme de 75 000 $ (taxes incluses) et Gravel de lui répondre qu’il doit reparler à ses clients en espérant pouvoir «passer» une partie des honoraires dans le cadre de la négociation avec Aecon.

[43]         Ne recevant pas de réponse le lendemain, il relance Gravel qui lui dit n’avoir pu rejoindre ses clients.  Léger réagit en avisant Gravel par courriel [14] , qu’il vient de mandater un avocat pour prendre action.

[44]         De fait, la mise en demeure [15] porte la date du 19 septembre et la requête introductive d’instance sera signifiée le 26 octobre.

Les questions en litige

[45]         Le Tribunal devra trancher les questions suivantes :

Ø   La portée du contrat de louage de service? 

Ø   Y a-t-il eu modification des services demandés?

Ø   La Cour supérieure est-elle compétente pour statuer sur la valeur des services professionnels?

Ø   Dans l’affirmative, eu égard aux obligations d’un ingénieur en vertu de la Loi sur les ingénieurs, de son Code de déontologie et des règles du Code civil du Québec , de quelle façon doit-il établir ses honoraires?

Ø   La défenderesse ou son mandataire se sont-ils engagés à payer les honoraires tels que facturés?

I.-         Position des parties

I.1.-      La demanderesse : Fleury Léger

[46]         L’avocat de la demanderesse nous soumet la thèse suivante :

Ø   Un accord de volonté est intervenu entre les parties pour la portée des services professionnels, leur valeur et les modalités dont le paiement d’intérêts.

Ø   Le mandat initial n’en était un que d’assistance et de conseil et non pas de rédaction d’un rapport d’expert : ce n’est qu’à compter du 25 novembre 2011 que sa portée a été considérablement élargie.

Ø   Léger n’a pas contrevenu à son obligation d’information à cause de l’identité de son interlocuteur, Me Gravel, un avocat d’expérience dans le domaine des litiges de construction.

Ø   Le client a été informé de la nouvelle estimation d’honoraires le 20 mars 2012, il n’a pas mis fin au mandat comme il en avait le droit (2125 C.c.Q.).

Ø   La défenderesse avait le fardeau de prouver au moyen d’un expert que les honoraires facturés sont disproportionnés; autrement, Léger doit être cru à son serment quant aux travaux effectués par lui et son adjointe, le travail et la durée de chaque intervention sont correctement décrits.

Ø   Vu le contrat intervenu entre les parties, la Cour supérieure n’a aucune compétence pour modifier la quotité des honoraires; seul un comité d’arbitrage constitué par l’Ordre des ingénieurs peut le faire.

Ø   CFL et son avocat n’ont jamais nié devoir des honoraires avant la production de la défense; de plus, leur mandataire, Me Gravel, s’est engagé pour qu’un acompte substantiel de 35 000 $ soit versé dès le mois de juin 2012 et le solde en deux versements à court terme.

Ø   Enfin, CFL s’est engagé à payer des intérêts au taux annuel de 19.56 %.

I.2.-      La défenderesse cfl

[47]         L’avocat de CFL nous expose sa thèse de la façon suivante :

Ø   Les administrateurs de CFL n’ont jamais accepté de s’engager à payer des honoraires de l’ordre de 117 000 $.

Ø   La thèse de la demande voulant que le mandat à l’origine n’était que de conseil et assistance ne tient pas.

Ø   Même si l’on retient que la portée du mandat a été modifié le 25 novembre 2011 et que l’estimation d’honoraires de 17 000 $ ne tenait plus, Léger a contrevenu à son obligation de transmettre une nouvelle estimation de ses honoraires.

Ø   Le temps consacré à ce mandat est disproportionné : 75 % de l’ensemble des heures pour des études et analyses de la documentation par rapport à 25 % pour la rédaction du rapport à compter du 19 avril.

Ø   Eu égard aux propos de l’avocat et des clients lors de la rencontre du 28 mars où ils font part de leur insatisfaction face à l’ampleur des honoraires et à l’absence de résultats tangibles, il se devait d’informer adéquatement ses clients du travail à exécuter et des honoraires qui en découlent vu que son obligation d’agir en tout temps dans leur meilleur intérêt.

Ø   Gravel ne s’est jamais engagé au nom de CFL à ce que cette dernière verse un acompte de 35 000 $ suivi de deux versements plus tard à l’automne 2012.

Ø   CFL est en droit de soulever l’exception d’inexécution : les services rendus ne sont pas à la hauteur des honoraires qui sont réclamés.

Ø   Le Tribunal est en mesure d’évaluer les honoraires sur la base du quantum meruit (art. 2106 C.c.Q.).

II.-        L’encadrement légal et réglementaire

[48]         Les dispositions pertinentes du Code civil du Québec en ce qui concerne le contrat de louage de service sont les suivantes :

Ø   2098 : Définition du contrat de louage de service.

Ø   2100 : Le prestataire de service est tenu d’agir « au mieux des intérêts de [son] client, avec prudence et diligence ».

Ø   2102 : Il est tenu de fournir au client « toute information utile relativement à la nature de la tâche (…) et au temps nécessaire à cette fin ».

Ø   2106 : « Le prix (…) du service est déterminé par le contrat, les usages ou la loi, ou encore d’après la valeur (…) des services rendus ».

Ø   2107 : Si le prix fait l’objet d’une estimation, le prestataire de services doit justifier toute augmentation du prix et le client n’est tenu de payer que s’il s’agit de services non prévisibles au moment du contrat.

 

 

 

[49]         Il est aussi pertinent de se référer à certaines dispositions de la Loi sur les ingénieurs [16] et de la réglementation adoptée par cet ordre professionnel :

2.1  La Loi :

ü   Art. 2 : Définition du champ de pratique de l’ingénieur dont les fondations et la charpente d’un édifice public.

ü   Art. 3 : « Donner des consultations et des avis » concernant des travaux énumérés à l’article 2 fait partie de son champ de pratique.

2.2    Le Code de déontologie des ingénieurs [17]  :

3.01.01.     Avant d'accepter un mandat, l'ingénieur doit tenir compte des limites de ses connaissances et de ses aptitudes ainsi que des moyens dont il peut disposer pour l'exécuter.

3.03.02.    L'ingénieur doit, en plus des avis et des conseils, fournir à son client les explications nécessaires à la compréhension et à l'appréciation des services qu'il lui rend.

3.08.01.    L'ingénieur doit demander et accepter des honoraires justes et raisonnables.

3.08.02.     Les honoraires sont justes et raisonnables s'ils sont justifiés par les circonstances et proportionnés aux services rendus. L'ingénieur doit notamment tenir compte des facteurs suivants pour la fixation de ses honoraires:

a)           le temps consacré à l'exécution du mandat;

b)           la difficulté et l'importance du mandat;

c)           la prestation de services inhabituels ou exigeant une compétence ou une célérité exceptionnelles;

d)           la responsabilité assumée.

3.08.03.     L'ingénieur doit prévenir son client du coût approximatif de ses services et des modalités de paiement. Il doit s'abstenir d'exiger d'avance le paiement de ses honoraires; il peut cependant demander des acomptes.

2.3    Règlement sur la procédure de conciliation et d’arbitrage des comptes des ingénieurs [18] adopté en vertu du Code des professions  :

ü Art. 2.02 : le client peut demander à l’Ordre la conciliation d’une note d’honoraires d’un ingénieur.

ü Art. 3.01.01 : Une fois le rapport de conciliation déposé, le client peut demander l’arbitrage du compte selon le processus prévu au règlement.

 

 

III.              Analyse et discussion

III.1.-          La portée de l’entente entre l’ingénieur et le client

[50]         Le Tribunal ne retient pas l’argumentation présentée par l’avocat de la demanderesse en ce qui concerne la portée du contrat prévoyant une rémunération à taux horaire et l’absence de preuve par la partie défenderesse au moyen d’un expert quant à la disproportion des honoraires.

[51]         Les deux avocats nous réfèrent aux dispositions du Code civil du Québec (art. 1378 et 1380) ou à l’ouvrage Les obligations [19] quant aux caractéristiques du contrat : accord de volontés, intégrité du consentement (éclairé et réfléchi), accord sur la nature de l’engagement et les obligations qui en découlent.

[52]         Avant tout, il nous faut statuer sur la portée des engagements de l’ingénieur et de son client CFL à la lumière de la preuve qui nous a été soumise.

[53]         Au cours de ses représentations, l’avocat de Léger insiste beaucoup sur le fait que le mandat à l’origine n’était que « d’aider et conseiller » tel que l’ingénieur s’exprime dans son courriel du 28 septembre après la tenue de la longue rencontre de travail au bureau de Me Gravel alors que le 25 novembre on lui demande de rédiger un rapport, ce qui constitue un tout nouveau mandat.

[54]         Pour le Tribunal, ce débat est théorique et il n’y a pas lieu de trancher entre la version de Serge Léger par rapport à celle de Marc-André Gravel en ce que :

Ø   Entre le 29 septembre et le 25 novembre, Léger ne consacre au dossier que 15 minutes (le 25 octobre), et ce, à l’occasion d’une rencontre avec Me Gravel dans le cadre d’un autre dossier.

Ø   Le 25 novembre, sur sa note d’honoraires il réfère à une conversation téléphonique avec Me Gravel « relativement au type de rapport qu’il veut déposer dans ce dossier (...)».

Ø   Or, dans son estimation d’honoraires, il indiquait 75 heures de travail de sa part et 30 heures de son personnel de soutien.

Ø   N’ayant consacré à ce moment que 6 heures dont la rencontre de septembre avec l’avocat, le client est en droit de s’attendre à ce que le mandat sera exécuté à l’intérieur de cette estimation.

Ø   Si, de fait, la demande de Me Gravel le 25 novembre constitue un tout nouveau mandat pour reprendre l’expression de Me Turgeon, Léger se devait d’en aviser immédiatement ses clients et Me Gravel que son estimation devait être révisée.

 

Ø   Les dispositions du Code civil du Québec et du Code de déontologie auxquelles nous venons de référer ne laissent aucun doute quant à l’obligation d’information du professionnel, locateur de service, envers son client.

[55]         Le Tribunal a lu avec intérêt le jugement du juge Guy Gagnon [20] , alors à la Cour du Québec, il fait une révision de certains jugements dont les propos suivants du juge Monet [21] de la Cour d’appel :

«Ces dispositions ont pour effet d’imposer à l’avocat une obligation de renseignement.  Dans le présent cas, le juge constate en définitive qu’il y a un manquement à cette obligation.  Quelle est la sanction?  Le juge, me semble-t-il, est d’avis que la sanction est une réduction des honoraires.  Dans la relation avocat-client, je ne vois pas d’autres sanctions satisfaisantes.  Certes, le quantum de la diminution peut varier d’un cas à l’autre selon les éléments et circonstances propres à chaque espèce.  C’est affaire d’appréciation et d’équilibre.»

[56]         Le Tribunal, en l’adaptant aux circonstances du présent dossier, fait siens les propos du juge Gagnon :

«Dans le présent dossier, le fait qu’il n’y ait eu aucune convention d’honoraires, que la firme d’ingénieurs demanderesse devait, dès que possible, informer la défenderesse de l’ampleur et des modalités du mandat confié afin d’obtenir un accord à ce sujet et que la demanderesse n’a pas prévenu sa cliente du coût approximatif des services qu’elle s’apprêtait à rendre, justifient que les honoraires professionnels soient évalués sur la base du «quantum meruit» (voir article 2106 C.c.Q.)»

[57]         Le fait que le client soit représenté par un avocat d’expérience dans des litiges de construction ne diminue aucunement la portée du devoir d’information du professionnel.

[58]         Aucune entente quant aux honoraires n’ayant été signée entre M. Léger et CFL, celui-ci se devait encore plus de mettre à jour son estimation et définir plus précisément l’objet de son mandat, et ce, aux fins d’éviter toute ambigüité; de toute façon, les exigences de la bonne foi (art. 6 , 7 , 1375 C.c.Q.) justifient également de ce faire.

[59]         Le Tribunal ne retient pas non plus l’argument de la demanderesse voulant qu’il ne soit pas dans la même position qu’un comité d’arbitrage constitué en vertu du Règlement de l’Ordre des ingénieurs.

[60]         De plus, on nous plaide que le Tribunal n’a pas à intervenir sur la quotité des honoraires réclamés parce que le prestataire de services a le choix de ses méthodes de travail (art. 2099 C.c.Q.), que toutes les interventions sont détaillées et que la défense n’a pas présenté une preuve au moyen d’un expert pour démontrer que les honoraires sont disproportionnés.

[61]         Cet argument est contraire à l’article 2106 C.c.Q. et est contredit par la jurisprudence que nous avons citée auparavant.

[62]         En conséquence, le Tribunal se doit d’étudier la facturation à la lumière de la preuve testimoniale et documentaire aux fins d’établir la valeur des honoraires de la demanderesse sur la base du « quantum meruit ».

III.2.-    La valeur des services rendus

[63]         Notons que les trois premières notes d’honoraires (#794, 799 et 804) pour le travail effectué entre le 14 septembre 2011 et le 13 janvier 2012 sont payées :

Honoraires :

S. Léger :

83,50 heures X 205 $ =

17 117,50 $

 

C. Lamontagne

1,5 heure X 75 $ =

112,50 $

[64]         En principe, le Tribunal n’a pas à revenir sur ces factures sauf pour en tenir compte dans l’évaluation de l’ensemble du travail.

[65]         Il y a lieu de considérer, dans un autre bloc, tout le travail compris entre le 16 janvier jusqu’au 18 avril tel qu’énuméré dans les factures #811, 825, 835, 837 et 844 (pour les travaux du 16 au 18 avril) :

·         S. Léger :

225,25 heures X 205 $ =

46 176,25 $

·         O. Léger :

7,00 heures X 75 $ =

525,00 $

·         C. Lamontagne :

94,00 heures X 75 $ =

7 050,00 $

[66]         Même si on a produit le volumineux rapport d’expertise [22] , le Tribunal n’a pas à en commenter la valeur surtout que ce rapport a été ou sera communiqué dans l’instance qui oppose CFL à Aecon, fera l’objet de témoignages et de représentations quant à son contenu et à sa valeur probante.

[67]         Toutefois, le Tribunal doit disposer de la question qui lui est soumise : est-ce que, sur la base du quantum meruit , la demanderesse est en droit de réclamer 225 heures pour le travail de Serge Léger et 94 pour le travail de son adjointe, Caroll Lamontagne pour cette période?

[68]         Avec égards pour la représentation faite de façon professionnelle par Me Turgeon et pour les explications de M. Léger livrées de façon sincère lors de son témoignage devant la cour, les honoraires ne sont ni raisonnables ni justifiés et doivent être diminués de façon considérable.

[69]         L’ingénieur Léger a manqué à son obligation d’information envers le client tant à compter du 25 novembre lorsque l’avocat Gravel l’avise que son rapport doit être prêt pour la fin janvier.

 

 

[70]         De même, il a également contrevenu à son obligation d’information lors des rencontres des 18 et 31 janvier 2012 :

Ø   Depuis le 28 septembre, il avait transmis une estimation d’honoraires de 17 625 $ (S.L. : 75,00 heures, personnel de soutien : 30,00 heures).

Ø   Il sait très bien que l’avocat a besoin d’un rapport d’expertise, qu’il lui a demandé de valider le travail effectué par le client et qu’il désirait quelque chose de sommaire et d’assez simple.

Ø   Or, ce n’est que le 20 mars qu’il transmet un courriel mentionnant qu’en plus de la note d’honoraires du 15 février (S.L. 51,00 hres et C.L. 28,75 hres) il a consacré depuis 57,75 heures et son adjointe 46,50 heures pour des honoraires d’une ampleur similaire à ceux décrits dans sa  dernière facture.

Ø   Eu égard aux explications données par M. Léger à l’audience et celles données à Me Gravel et à Mme Ménard lors de la rencontre du 28 mars, il en ressort qu’il a entrepris une étude systématique de toute la documentation, qu’il a analysé toutes les feuilles de temps de l’entreprise durant la période des travaux, la facturation par unités, les échéanciers d’entrepreneur général, les contraintes, etc…, et ce, dans le but d’établir la perte de productivité eu égard entre autres au nombre d’ordres de changement émis par le donneur d’ouvrage.

Ø   En contre-interrogatoire, il reconnaît qu’il a consacré 75 % de son temps pour l’étude de la documentation et la confection des annexes du rapport.

Ø   Le Tribunal a été surpris que M. Léger ait donné comme explication qu’il devait contrôler lui-même toute l’information parce que le juge était susceptible de poser des questions, tout comme il est apparu à Mme Ménard et à son avocat qu’il avait été soulagé lors de cette même rencontre que l’on retire le poste perte d’opportunité (300 000 $) parce qu’il n’avait pas encore déterminé la bonne méthode de calcul.

[71]         Le Tribunal se doit donc d’arbitrer ces honoraires en utilisant les critères que l’on retrouve à l’article 3.08.02 du Code de déontologie eu égard à sa conclusion quant à l’obligation d’information et à ses constats quant à la démesure des honoraires par rapport au mandat qui lui a été confié.

[72]         En conséquence, le Tribunal est d’opinion qu’il y a lieu de réduire de 75 % les honoraires réclamés durant cette période ce qui signifie :

S. Léger : 46 176,00 $ X 25 % =

11 544,00 $

C. Lamontagne : 7 050,00 $ X 25 % =

1 762,00 $

O. Léger : (tel quel)

525,00 $

 

13 831,00 $

 

 

[73]         Quant au troisième bloc, c’est-à-dire la rédaction du rapport à compter du 23 avril, la facturation se lit ainsi :

Facture 844 (23/04 au 30/04) :

S. Léger : 51,25 heures X 205 $=

10 506,25 $

 

C. Lamontagne : 6,75 heures X 75 $ =

506,25 $

Facture 849 (1/05 au 15/05) :

S. Léger : 60,50 heures X 205 $=

12 402,50 $

 

C. Lamontagne : 51,75 heures X 75 $ =

3 881,25 $

Facture 862 (23/05 au 16/06) :

S. Léger : 11,50 heures X 205 $ =

2 357,50 $

 

C. Lamontagne : 4,5 heures X 75 $ =

318,75 $

[74]         Le Tribunal doit présumer, toujours sans avoir à se prononcer sur la qualité du rapport et sa force probante, que le travail durant cette période se situe dans le cadre des trois postes de réclamation auxquels avait été restreinte l’expertise lors de la rencontre du 28 mars.

[75]         Tout ce que le Tribunal a entendu de la part des défendeurs concerne la rédaction du texte, sa compréhension et l’ampleur des tableaux qui y sont joints.

[76]         Dans la facture #849, nous y retrouvons passablement de temps concernant des études, confection et révision de tableaux…

[77]         En conséquence, en utilisant sa discrétion, le Tribunal diminue les honoraires de la façon suivante :

Facture 849 (1/05 au 15/05) :

S. Léger : 12 402,50 $ X 50 % =

6 201,25 $

 

C. Lamontagne : 3 881,25 $ X 50 % =

1 940,25 $

 

 

8 141,50 $

et concernant ce bloc, il n’y aura pas de soustraction aux factures #844 (à compter du 19 avril) et #862.

 

 

 

 

[78]         Compte tenu des décisions du Tribunal ci-haut, la valeur des services rendus pour la période du 16 janvier au 16 juin 2012 s’établit ainsi :

Ø   Factures #811, 825, 835, 837, 844 (au 18 avril) :

§   S. Léger :

§   C. Lamontagne :

§   O. Léger :

11 544,00 $

1 762,00 $

525,00 $

13 831,00 $

§   Dépenses :

442,95 $

Sous-total :

14 273,95 $

T.P.S. :

713,97 $

T.V.Q. :

1 423,83 $

Total :

16 411,75 $

Ø   Factures #844 (depuis le 23 avril), 849, 862 :

§   S. Léger (93,25 hres) :

§   C. Lamontagne (36,85 hres) :

19 065,00 $

2 763,75 $

§   Dépenses :

592,35 $

Sous-total :

22 421,10 $

T.P.S. :

1 121,55 $

T.V.Q. :

2 236,55 $

Total :

24 779,20 $

[79]         En conséquence, l’action de la demanderesse sera accueillie pour la somme de 26 190,95 $ (41 190,95 - 15 000$, paiement du 20 juillet 2012).

IV.-      La défenderesse ou son mandataire se sont-ils engagés à payer les       honoraires et les intérêts tels que facturés?

[80]         Le Tribunal ne retient pas les prétentions de la demande voulant que, et Karine Ménard, administratrice de CFL, et l’avocat Gravel, en sa qualité de mandataire, se sont engagés à payer les honoraires de la demanderesse tels que facturés.

[81]         Caroll Lamontagne affirme qu’elle a téléphoné à Karine Ménard en avril 2012 parce que la facture du 15 février n’était pas payée et cette dernière lui a répondu qu’il y aurait paiement une fois le rapport produit.

[82]         Karine Ménard reconnaît que cette conversation téléphonique a eu lieu et précise avoir tout simplement répondu : « on attend toujours après le rapport ».

 

[83]         Compte tenu que cette conversation téléphonique se tient après la longue rencontre du 28 mars où clients et avocats ont fait part de leur insatisfaction, le Tribunal ne peut conclure qu’il s’agit là d’un engagement formel à payer les honoraires tels que facturés.

[84]         La demande plaide également qu’eu égard au témoignage de M. Léger et des échanges de correspondance à compter du 16 juin, Me Gravel s’est engagé au nom de sa cliente à ce qu’un acompte substantiel soit payé immédiatement et que le solde soit payé en deux versements rapprochés.

[85]         Le Tribunal n’a pas de raison d’accorder plus de poids au témoignage de M. Léger par rapport à celui de l’avocat Gravel, de sorte que la demanderesse n’a pas prouvé de façon prépondérante une telle entente :

Ø   Le 16 juin, Gravel fait part à Léger que les honoraires sont trop élevés, qu’ils ne pourront être justifiés auprès de la Cour et lui demande de faire un effort dans le but de trouver une solution.

Ø   Lorsque Léger lui offre une réduction de l’ordre de 15 000 $ et un versement important à courte échéance; Gravel lui répond qu’il doit transmettre cette offre aux clients et que ce sont eux qui décideront.

Ø   Léger affirme avoir fait cette offre à condition qu’un «montant substantiel» soit versé la semaine suivante et que le solde en deux versements d’ici à l’automne.  À l’audience, il définit ainsi le qualificatif substantiel : « Dans mon esprit 50 % ».  Le Tribunal est en mesure de conclure qu’il n’a jamais mentionné à Gravel le montant de 35 000 $.

Ø   Le même jour, tout juste avant son départ en vacances, il transmet un courriel [23] reprenant ces points à ses associés et à Mme Lamontagne, mais il ne transmet pas copie à Gravel qui confirme d’ailleurs n’avoir jamais reçu un tel courriel.

Ø   Dans les courriels qui suivent jusqu’au 27 août ou dans les discussions entre Gravel et Léger, le Tribunal n’y retrouve rien qui puisse constituer un engagement tel que décrit par ce dernier, et ce, de la part de Mme Ménard ou de Me Gravel, en sa qualité de mandataire.

[86]         Dans son état de compte pour établir la quotité de sa réclamation, la demanderesse calcule des intérêts au taux annuel de 19,56 % sur chacune des factures impayées, et ce, à compter du 16 e jour qui suit la date de la facture.

[87]         Compte tenu que le mandat type [24] n’a jamais été signé et que Mme Ménard n’en a jamais pris connaissance, on ne peut certes pas parler d’un engagement contractuel à payer de tels intérêts.

 

[88]         L’on retrouve au bas de chacune des factures la mention suivante :

« CONDITIONS : NET 15 JOURS

Intérêts de 1,5 % calculés mensuellement (19,56 % par année) sur tout solde non acquitté dans les 15 jours»

[89]         Il est reconnu depuis longtemps qu’une telle mention imprimée au bas d’une facture par un commerçant ne constitue aucunement un engagement contractuel du fait que le client acquitte certaines des factures sans protestation, et ce, à défaut d’un engagement contractuel dûment signé par le client [25] .

[90]         En conséquence, même si la demanderesse obtient gain de cause pour une partie de sa réclamation, elle ne peut réclamer que l’intérêt au taux légal en plus de l’indemnité additionnelle à compter de la mise en demeure, à savoir le 19 septembre 2012 (art. 1594 et 1595 C.c.Q.).

[91]         Ce procès aura nécessité trois jours d’enquête et audition à cause de l’ampleur de la réclamation de la demanderesse; eu égard au sort mitigé de son action, il y a lieu de n’accorder les dépens que pour une audition d’une seule journée.  En conséquence, les dépens en faveur de l’avocat de la demanderesse seront taxés en fonction d’une action de la classe III-B.

[92]         Toutefois, considérant que l’interrogatoire hors cour tenue le 11 janvier 2013 a permis à l’avocat de la défenderesse d’obtenir de nombreux documents ce qui a eu pour effet d’alléger l’enquête, le Tribunal, se prévalant de l’article 477 C.p.c., ordonnera à la demanderesse de rembourser à la défenderesse les honoraires (excluant les taxes) du sténographe dont elle a retenu les services.

[93]         POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[94]         CONDAMNE la défenderesse à payer à la demanderesse la somme de 26 190,95 $ avec intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle conformément à la Loi, et ce, à compter de la mise en demeure du 19 septembre 2012;

[95]         CONDAMNE la défenderesse aux dépens d’une action de la classe III-B pour un procès d’une durée d’une journée;

 

 

[96]         CONDAMNE la demanderesse, à titre de dépens à être taxés par le greffier, à rembourser à la défenderesse les honoraires (excluant les taxes) du sténographe dont elle a retenu les services pour l’interrogatoire hors cour tenu le 11 janvier 2013.

 

 

 

 

__________________________________

PIERRE OUELLET, j.c.s.

 

 

 

Me Raymond Turgeon

Turgeon Roy

(Casier 91)

Procureurs de la demanderesse

 

 

Me Hugo Lafrenière

Bédard Poulin

(Casier 207)

Procureurs de la défenderesse

 

 

 

 

 

Dates d’audience :

Les 16, 17 et 18 décembre 2013 

 

 



*     Pour faciliter la lecture du texte, le Tribunal emploiera le prénom et le nom de famille des personnes impliquées sans nécessairement insérer le préfixe monsieur, madame ou maître en ayant aucunement l’intention de faire preuve de familiarité ou de condescendance.

[1]     Pièce D-1.

[2]     Pièce D-13.

[3]     Pièce D-2.

[4]     Pièce P-1, facture #794, 15 décembre 2011.

[5]     Facture #799, 31 décembre 2011.

[6]     Pièce D-3.

[7]     Pièce P-3, doc. # 2.

[8]     Facture #811, 15 février 2012.

[9]     Pièce P-4.

[10]    Pièce P-4, 21 mars, 17 h 01.

[11]    Pièce D-6.

[12]    Factures #835, #837 et #844.

[13]    Pièce D-16.

[14]    Pièce D-16, courriel du 27 août, 9 h 29.

[15]    Pièce P-2.

[16]    Loi sur les ingénieurs , RLRQ, c. I-9.

[17]    RLRQ, c. I-9, r.6.

[18]    RLRQ, c. I-9, r.11.

[19]    J.-L. BAUDOUIN et P.-G. JOBIN, Les obligations , 7 e éd., Cowansville, Éd. Yvon Blais, 2005;

 

[20]    Consultants Simdan inc. c. Gestion Caron-Gervais inc. , AZ-99031009 .

[21]    Mathieu c. Marchand , [1986] R.D.J. 302 (C.A.).

[22]    Pièce D-5, 3 volumes.

[23]    Pièce D-8.

[24]    Pièce P-5.

[25]    Marcel Lessard et Fils et autre c. Les Cautionnements mutuels des Amériques inc ., AZ-99026233 , j. Dutil, j.c.s.