Nuriya et Victoria Park

2014 QCCLP 2963

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Montréal

20 mai 2014

 

Région :

Montréal

 

Dossier :

535284-71-1403

 

Dossier CSST :

141614743

 

Commissaire :

Michel Larouche, juge administratif

 

Membres :

Lise Tourangeau-Anderson, associations d’employeurs

 

Yves Leclerc, associations syndicales

 

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Sofia Tulu Nuriya

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Victoria Park

 

Partie intéressée

 

 

 

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DÉCISION

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[1]            Le 4 mars 2014, madame Sofia Tulu Nuriya (la requérante) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête à l’encontre d’une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 27 janvier 2014 à la suite d’une révision administrative.

[2]            Dans le cadre de cette décision, la CSST en confirme une qu’elle a rendue initialement le 13 novembre 2013 où elle déclare que la requérante n’est pas admissible au programme Pour une maternité sans danger étant donné qu’elle n’est pas une travailleuse au sens de la  Loi sur la santé et la sécurité du travail [1] (la LSST).

[3]            Une audience s’est tenue à Montréal en présence de la requérante de même que du représentant de Victoria Park (l’employeur) en date du 7 mai 2014.

L’OBJET DU LITIGE

[4]            La requérante demande à la Commission des lésions professionnelles de reconnaître qu’elle était admissible au programme Pour une maternité sans danger.

LES FAITS

[5]            La requérante témoigne à l’audience. Elle était à l’emploi de l’employeur et faisait l’entretien des spas. Pour réaliser ses tâches, elle utilisait des produits chimiques.

[6]            Lorsqu’elle a constaté qu’elle était enceinte en septembre 2013, elle a avisé son supérieur immédiat de ce fait pour lui demander de modifier ses tâches puisqu’elle considérait que ces dernières pouvaient être préjudiciables pour l’enfant à naître. Suite à cette rencontre, son employeur l’a remerciée de ses services.

[7]            Selon les propos de l’employeur rapportés aux notes évolutives, la travailleuse aurait démissionné.

[8]            En tout état de cause, la dernière journée travaillée est le 27 septembre 2013.

[9]            À la suite de la rupture de son lien d’emploi le 27 septembre 2013, la travailleuse n’a déposé aucune plainte.

[10]         En octobre 2013, la travailleuse a rencontré son médecin qui lui a parlé de la possibilité d’obtenir un retrait préventif. Ce dernier a donc adressé, en date du 22 octobre 2013, une demande d’étude de poste, laquelle a été complétée par le docteur Benoît Fortin de la Direction de la santé publique, en date du 23 octobre 2013.

[11]         Le 28 novembre 2013, la CSST a reçu par courrier le certificat visant le retrait préventif et l’affectation de la travailleuse enceinte ou qui allaite . Ledit certificat fait état de risques de nature ergonomique et chimique.

[12]         Le 13 novembre 2013, la CSST a refusé la demande de retrait préventif en raison du fait que la requérante n’est pas une travailleuse au sens de la loi, puisqu’elle n’occupait plus d’emploi au moment de la confection du Certificat visant le retrait préventif de la travailleuse enceinte ou qui allaite.

L’AVIS DES MEMBRES

[13]         La membre issue des associations d’employeurs de même que le membre issu des associations syndicales sont d’avis de maintenir la décision rendue par la CSST. En effet, la requérante ne détenait plus de contrat d’emploi au moment de la confection du Certificat visant le retrait préventif ou l’affectation de la travailleuse enceinte ou qui allaite . Il était donc impossible de l’affecter à des tâches ne comportant pas les dangers identifiés au certificat. Il n’appartient pas à la Commission des lésions professionnelles de se prononcer sur la légalité de terminaison du contrat d’emploi de la travailleuse puisqu’elle n’est pas saisie d’une plainte à cet effet.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[14]         La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si la requérante est admissible aux dispositions visant le retrait préventif et l’affectation de la travailleuse enceinte ou qui allaite prévues à la l’article 40 de la LSST qui détermine les conditions permettant de bénéficier de la réaffectation du retrait préventif en cas de grossesse. Cet article se lit comme suit :

40. Une travailleuse enceinte qui fournit à l'employeur un certificat attestant que les conditions de son travail comportent des dangers physiques pour l'enfant à naître ou, à cause de son état de grossesse, pour elle-même, peut demander d'être affectée à des tâches ne comportant pas de tels dangers et qu'elle est raisonnablement en mesure d'accomplir.

 

Certificat.

 

La forme et la teneur de ce certificat sont déterminées par règlement et l'article 33 s'applique à sa délivrance.

 

 

1979, c. 63, a. 40.

 

 

[15]         Ainsi, la première condition pour bénéficier des dispositions visant la réaffectation et le retrait préventif de la travailleuse enceinte est d’être une travailleuse au moment de fournir le certificat attestant des dangers pour l’enfant à naître. Cette notion de travailleuse est définie à l’article 1 de la LSST qui édicte :

1. Dans la présente loi et les règlements, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par:

«travailleur» : une personne qui exécute, en vertu d'un contrat de travail ou d'un contrat d'apprentissage, même sans rémunération, un travail pour un employeur, y compris un étudiant dans les cas déterminés par règlement, à l'exception:

 

 

1° d'une personne qui est employée à titre de gérant, surintendant, contremaître ou représentant de l'employeur dans ses relations avec les travailleurs;

 

 

2° d'un administrateur ou dirigeant d'une personne morale, sauf si une personne agit à ce titre à l'égard de son employeur après avoir été désignée par les travailleurs ou une association accréditée.

 

 

1979, c. 63, a. 1; 1985, c. 6, a. 477, a. 521; 1986, c. 89, a. 50; 1988, c. 61, a. 1; 1992, c. 21, a. 300; 1992, c. 68, a. 157; 1994, c. 23, a. 23; 1997, c. 27, a. 34; 1998, c. 39, a. 188; 1999, c. 40, a. 261; 2002, c. 38, a. 10; 2001, c. 26, a. 168; 2002, c. 76, a. 1; 2005, c. 32, a. 308

 

 

[16]         Dans le présent dossier, la requérante confirme qu’au moment où elle a évoqué pour la première fois avec son médecin la possibilité que son emploi comporte des dangers pour l’enfant à naître, elle n’avait plus d’emploi. Il n’existait donc plus de contrat de travail. La Commission des lésions professionnelles se doit donc de constater que la requérante n’était plus une travailleuse à ce moment-là. Il n’appartient pas au tribunal de se prononcer sur la légalité de la fin d’emploi, aucune plainte n’y étant ou n’ayant été soumise.

[17]         Le soussigné fait sien le commentaire exprimé dans l’affaire Essannouni et Excel Personnel inc. [2] où la Commission des lésions professionnelles écrivait :

[23]      La femme enceinte qui veut bénéficier du retrait préventif doit donc être une travailleuse au sens de la LSST. Il s’agit ici d’une condition essentielle à l’exercice de ce droit. C’est donc dire qu’au moment où une travailleuse demande un retrait préventif, il doit y exister un contrat de travail avec un employeur.

 

[24]      Dans le cas sous étude, on note que madame Essannouni est congédiée à compter du 22 août 2008 alors que son médecin traitant recommande un retrait préventif à compter du 9 septembre 2008.

 

[25]      Le tribunal en conclut que madame Essannouni n’était plus à ce moment une travailleuse au sens de la LSST. De ce fait, elle ne pouvait donc bénéficier du retrait préventif.

 

[26]      Lors de l’audience, ainsi que dans sa demande de révision, madame Essannouni estime que le congédiement est irrégulier parce qu’il a été imposé après l’exercice d’un droit.

 

[27]      La Commission des lésions professionnelles estime que son rôle dans l’actuel litige consiste à déterminer si les conditions décrites à l’article 40 de la LSST sont rencontrées. Il ne lui appartient pas à ce moment-ci de rendre une décision quant à la légitimité de la mesure que son employeur lui a imposée.

 

[28]      Si madame Essannouni désirait voir corriger une mesure disciplinaire non conforme à la loi, elle devait soumettre une plainte à la CSST dénonçant cette sanction, tel qu’il est précisé à l’article 32 de la LATMP. Cette disposition se lit ainsi :

 

32.   L'employeur ne peut congédier, suspendre ou déplacer un travailleur, exercer à son endroit des mesures discriminatoires ou de représailles ou lui imposer toute autre sanction parce qu'il a été victime d'une lésion professionnelle ou à cause de l'exercice d'un droit que lui confère la présente loi.

 

Le travailleur qui croit avoir été l'objet d'une sanction ou d'une mesure visée dans le premier alinéa peut, à son choix, recourir à la procédure de griefs prévue par la convention collective qui lui est applicable ou soumettre une plainte à la Commission conformément à l'article 253.

__________

1985, c. 6, a. 32.

 

 

[29]      C’est d’ailleurs la suggestion que faisait la décideure de la CSST à l’époux de madame Essannouni le 26 novembre 2008.

 

[30]      La Commission des lésions professionnelles est consciente des problèmes rencontrés par madame Essannouni, toutefois, tel qu’il a été précisé plus haut, en l’absence d’une plainte dénonçant le congédiement, le tribunal ne possède pas la compétence pour trancher de ce litige.

 

 

[18]         Puisque la requérante n’était pas une travailleuse au sens de la LSST, elle ne pouvait bénéficier du programme Pour une maternité sans danger. Sa requête doit donc être rejetée.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête de madame Sofia Tulu Nuriya, la travailleuse;

CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 27 janvier 2014, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que la requérante n’est pas admissible au programme Pour une maternité sans danger.

 

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Michel Larouche

Monsieur Daniel Sariento

Représentant de l’employeur



[1]           RLRQ, c. S-2.1.

[2]           C.L.P. 366986-71-0901 , 19 mars 2009, R. Langlois.