Bazinet et Commission administrative des régimes de retraite et d'assurances (CARRA)

2014 QCTA 421

TRIBUNAL D’ARBITRAGE

 

RÉGIMES DE RETRAITE ET D’ASSURANCES

 

C A N A D A                                    

PROVINCE DE QUÉBEC

                                                          

                                                           PIERRE BAZINET

 

ci-après appelé «L’APPELANT »

 

ET

 

COMMISSION ADMINISTRATIVE DES RÉGIMES DE RETRAITE ET D’ASSU-RANCES (CARRA)

 

ci-après appelée  « L’INTIMÉE »

 

                                                           Dossier du greffe :  2013 5011 (RRPE)

 

 

Objet : Contestation par l’appelant de la décision de l’intimée, le 30 avril 2012, confirmée par le Comité de réexamen dont la décision lui a été adressée par poste recommandée le 17 décembre 2012, lui refusant sa demande de rachat de sa période de service du 1 er septembre 1969 au 2 avril 1979 parce que reçue après le 1 er juillet 2011

 

 

 

ARBITRE :                                                  Me Jean Gauvin, avocat

Représentant de l’appelant :                 Lui-même               

Procureur de l’intimée :                          Me Alexandre Duplain

                                                                       Services juridiques

                                                                       CARRA

Date prévue de l’audience :                       16 mai 2014 

Lieu de l’audience :                                     Montréal (Québec)                          

Date de la décision :                                   23 mai 2014 

 

N/d :  2300-203-G/14

 

DÉCISION ARBITRALE

________________________________________________________________

I-          LA PREUVE

[1]             Les faits pertinents au présent litige sont contenus au dossier d’appel, il s’agit des faits ci-après énoncés.

[2]          Dès le mois de mai 2011, désirant effectuer le rachat des périodes de service suivantes :

-        du 1 er septembre 1969 au 24 juin 1972, alors qu’il était professeur à la Commission scolaire Chomedey de Laval,

-        du 13 novembre 1972 au 13 février 1973, alors qu’il enseignait au Collège de Maisonneuve,

-        du 10 avril 1978 au 2 avril 1969, alors qu’il occupait un tel poste au Collège de Montmorency,

l’appelant transmet à chacune de ces institutions un formulaire 728 que chacune d’elles doit remplir pour la période de service qui la concerne et  lui retourner, puis qu’il doit le joindre à sa demande de rachat (formulaire 727) qui doit également être signée par son employeur actuel, en l’occurrence la Commission scolaire Kativik, avant d’être expédiée à l’intimée.

[3]           En aucun temps, en dépit de l’envoi de ces formulaires 728 aux institutions précitées et de ses démarches antérieures, notamment à compter de 2009, auprès de son employeur actuel, il n’est alors informé que sa demande de rachat devra être reçue par l’intimée au plus tard le 1 er juillet 2011 aux termes des modifications apportées aux dispositions pertinentes en cette matière des lois sur le RREGOP et sur le RRPE en 2010 et en 2011 et entrées en vigueur les 1 er janvier 2011 et 2 novembre 2011.

[4]          Le 15 août 2011, l’appelant souscrit sa demande de rachat de service qui sera complétée et signée par son employeur le 16 août 2011 et ne sera toutefois reçue par l’intimée que le 13 septembre 2011 (pages 1 à 5 du dossier d’appel).

[5]          Le 30 avril 2012, l’intimée avise l’appelant que sa demande de rachat de service couvrant la période du 1 er septembre 1969 au 2 avril 1979 est refusée, le rachat de service antérieur pour une adhésion à son régime de retraite n’étant plus possible depuis le 1 er juillet 2011 par suite des modifications apportées aux dispositions pertinentes de la Loi sur le RREGOP et de celles de la Loi sur le RRPE  (page 6 du dossier d’appel).

[6]           Le 24 mai 2012, l’appelant souscrit une demande de réexamen qui sera reçue par le greffe des réexamens le 28 mai 2012 (pages 7 et 8 du dossier d’appel).

[7]          En résumé, il y allègue   les faits suivants :

-        Ses démarches auprès du Collège de Maisonneuve et de la Commission scolaire de Laval pour faire remplir les formulaires 728 concernant les années de service en cause.

-        L’expédition desdits formulaires dès le mois de mai 2011 à ces institutions pour qu’ils soient remplis et le retard du Service des ressources humaines de la commission scolaire de Laval à lui retourner le sien.

-        Son adhésion au RREGOP après 2008 et au RRPE en 2010.

-        On lui oppose la date limite du 1 er juillet 2011 pour la réception d’une demande de rachat de périodes de service antérieur à son régime de retraite comme motif de refus de sa demande.

-        En tant que participant à l’un des régimes de retraite administrés par l’intimée, en aucun il n’a été informé tant par l’intimée que par la Commission scolaire Kativik des modifications apportées à son régime de retraite desquelles découle cette date limite du 1 er juillet 2011.

-        Bien au contraire, même en date du 22 mai 2012, la Commission scolaire Kativik lui a encore affirmé qu’il n’y avait aucune date limite pour le rachat de périodes de service antérieures à son adhésion à son régime de retraite (page 8 du dossier d’appel).

 

[8]          Le 17 décembre 2012, le Comité de réexamen transmet par poste recommandée sa décision à l’appelant (pages 18 à 22 du dossier d’appel), qu’il  motive comme suit :

« L’article 3.2 de la Loi sur le RREGOP (2001 c.231) édicte notamment, à son premier alinéa, que les dispositions de la présente loi concernant les crédits de rente s’appliquent également à un employé qui participe au RRPE comme s’il était un employé visé par le présent régime.

L’article 85.35 de la Loi sur le RREGOP ( 2011, c. 24) précise que la présente section s’applique à l’employé pour le crédit de rente qu’il a obtenu en vertu de cette section à la suite de sa demande de rachat de service antérieur reçue par la Commission avant le 1 er juillet 2011.

Comme c’est la disposition du RREGOP qui s’appliquait à un participant du RRPE pour le rachat de service antérieur et qu’elle a été abolie le 1 er juillet 2011, elle ne peut s’appliquer à monsieur Bazinet car sa demande a été reçue après cette date.

La CARRA a le mandat d’administrer les différents régimes de retraite qui lui sont confiés en respectant les diverses dispositions applicables à chacun d’entre eux.  Vu la clarté de l’article 85.35 du RREGOP quant à la non recevabilité d’une demande de rachat de service antérieur reçue après le 1 er juillet 2011, celle-ci n’a d’autre choix que de refuser la demande de monsieur Bazinet. »

[9]           D’où la demande d’arbitrage logée par l’appelant le 11 février 2013 et reçue par l’intimée le 13 février 2013 (pages 23, 24 et 25 du dossier d’appel).

[10]       Les motifs que l’appelant y invoque se résument comme suit :

-           Madame Gisèle Akiki, responsable en matière d’assurances et de fonds de pension à la Commission scolaire Kativik, est la personne devant fournir des renseignements adéquats concernant les demandes que les participants aux régimes de retraite administrés par l’intimée désirent faire à l’intimée.

-           Cette personne ne l’a pas informé adéquatement concernant sa demande de rachat d’années de service.

-           Dès qu’il est arrivé à la Commission scolaire Kativik en 2009, il a téléphoné à madame Akiki pour lui demander s’il lui était possible de racheter des années de service.  Sa réponse a alors été affirmative mais sans qu’elle lui mentionne une quelconque date limite pour sa réception.

-           Par la suite tant en 2010 qu’en 2011, elle ne l’a jamais avisé de la date limite du 1 er juillet 2011;  en mai 2012, lorsqu’il lui demande s’il y avait une date limite pour la réception de sa demande, elle lui répond :  « non ! » et en janvier 2013, lorsqu’il lui demande par courriel quelle est la date limite pour effectuer un rachat d’années de service antérieures à son adhésion à son régime de retraite, sa réponse ne l’informe pas davantage  de la date du 1 er juillet 2011 tel qu’en fait foi l’échange de courriels suivants (pièce 27 du dossier d’appel) :

« From : Pierre Bazinet

Sent : Saturday, January 26, 2013 9 :05 AM

To :  Gisele Akiki

Subject :  RE : retraite

 

Bonjour,

 

Je réitère ma demande d’information sur le rachat d’années de service entre 1969 et 1979 à la CARRA.

 

Merci

 

De :  Gisele Akiki

Date d’envoi :  28 janvier 2013 11 :09

A :  Pierre Bazinet

 

Pièces jointes :  Demande de rachat de service

 

Bonjour M. Bazinet

 

La date limite pour un rachat est la première entre la date de retraite ou le 30 décembre de l’année où vous atteignez 71 ans.  Pour pouvoir effectuer le rachat de ces années,  il faut que vous y ayez travaillé comme occasionnel.  Si c’est le cas, vous pouvez remplir le formulaire 727 ci-joint et demander à chaque employeur de ces années là de remplir le formulaire 728 pour la période travaillée.  J’ai une partie à remplir dans le formulaire 727 que normalement vous m’envoyez après avoir rempli votre partie.  La CARRA demande les documents originaux, donc le tout doit être envoyé par la poste.

 

Pour toutes questions, n’hésitez pas à me contacter.

 

Bonne journée

       Gisèle Akiki

       Assurances et fonds de pension

       Commission scolaire Kativik

 

       … »

 

-       Ce sont les informations incomplètes de cette responsable, dues à sa méconnaissance flagrante des dispositions pertinentes aux demandes de rachat d’années de service antérieur à l’adhésion à un régime de retraite, qui sont la cause du fait que sa demande de rachat a été refusée.

 

II-         L’ARGUMENTATION

A)            Position de l’appelant

[11]        L’appelant s’en remet aux motifs énoncés à l’appui de sa demande d’arbitrage, tout en reconnaissant que sa demande est parvenue à l’intimée hors délai.

B)           Position de l’intimée 

[12]        Le procureur de l’intimée soumet, d’une part, que la demande de l’appelant est irrecevable parce que hors délai;  d’autre part, il fait valoir que les motifs que l’appelant allègue au soutien de sa demande de réexamen et de sa demande d’arbitrage ne sont pas invoqués devant le bon forum en plus d’impliquer un tiers étranger au présent recours.

 

III-        MOTIFS ET DÉCISION

[13]       Dans un premier temps, il est clair que la présente demande de rachat de périodes de service antérieures à l’adhésion de l’appelant à son régime de retraite était déjà caduque lorsqu’elle a été reçue par l’intimée le 13 septembre 2011, le délai requis à l’intérieur duquel elle aurait dû l’être étant expiré depuis le 1 er juillet 2011.

En outre, cette demande était même déjà hors délai lorsqu’elle a été souscrite par l’appelant le 15 août 2011, puis complétée et signée par son employeur actuel le 16 août 2011.

[14]        En effet, l’article 3.2 de la Loi sur le RREGOP stipule que «  Les dispositions de la présente loi concernant les crédits de rente (…) s’appliquent également à un employé qui participe au RRPE comme s'il était un employé visé par le présent régime », en l’occurrence le RREGOP .

[15]       Quant à l’article 85.35 de la Loi sur le RREGOP , lequel fait partie de la section de cette loi qui porte sur le rachat de service antérieur à l’adhésion d’un employé à un régime de retraite, un article entré en vigueur le 1 er janvier 2011 et alors libellé comme suit : «  La présente section ne s’applique qu’à l’égard de l’employé dont la demande de rachat de service antérieur a été reçue par la commission avant le 1 er juillet 2011 et qui a obtenu à la suite de cette demande un crédit de rente en application de cette section », bien qu’il ait été subséquemment modifié dans sa formulation le 2 novembre 2011, il se lit depuis lors néanmoins comme suit : « La présente section s’applique à l’employé pour   le crédit qu’il a obtenu en vertu de cette section à la suite de sa demande antérieure reçue par la Commission avant le 1er juillet 2011 ».

[16]        Conséquemment, force m’est de reconnaître que la présente demande de rachat de l’appelante est irrecevable.

[17]       Quant aux faits énoncés par l’appelant au soutien de sa demande de compensation formulée dans sa demande d’arbitrage, en l’occurrence des informations erronées qu’il aurait reçues de la responsable en matière d’assurances et de fonds de pension à la Commission scolaire Kativik, il s’agit de faits qui ne sont pas allégués devant le bon forum puisque ma compétence juridictionnelle est limitée aux questions énumérées à l’article 179 de la   Loi sur le RREGOP ou 196.18 de la Loi sur le RRPE, qu’il s’agit d’une réclamation en dommages relevant alors des tribunaux judiciaires et que, au surplus, la commission scolaire visée par ces allégués devra, le cas échéant, être partie à un tel litige.

[18]       POUR TOUS CES MOTIFS, mais sous réserve des droits de l’appelant le cas échéant, le présent recours est rejeté.

 

Québec, le 23 mai 2014

 

 

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JEAN GAUVIN, avocat

Arbitre