Section des affaires sociales

En matière de services de santé et de services sociaux, d'éducation et de sécurité routière

 

 

Date : 28 mai 2014

Référence neutre : 2014 QCTAQ 05876

Dossier  : SAS-Q-197785-1312

Devant le juge administratif :

LISE BIBEAU

 

R… A…

Partie requérante

c.

SOCIÉTÉ DE L'ASSURANCE AUTOMOBILE DU QUÉBEC

Partie intimée

 


DÉCISION


[1]               Le requérant conteste une décision rendue le 6 décembre 2013, en provenance du Service d’évaluation médicale et suivi du comportement de la Société d’assurance automobile du Québec, ci-dessous désignée l’intimée.

[2]               Dans la décision en litige, l’intimée avise le requérant que l’émission d’un permis de conduire est assujettie, notamment, à une évaluation complète à être réalisée dans un centre affilié à l’association des centres de réadaptation en dépendance du Québec. Cela, vu une recommandation non favorable résultant d’une évaluation sommaire du requérant passée le 29 novembre 2013 suivant l’article 76 du Code de la sécurité routière (RLRQ, chapitre C-24.2).

[3]               Une audience fut donc tenue par ce Tribunal au jour du 28 avril 2014.

[4]               Devant la soussignée, étaient présents le requérant, son procureur, ainsi que le procureur de l’intimée et l’évaluateur.

[5]               Dans sa requête, le requérant indique qu’au regard des résultats de l’évaluation sommaire, une recommandation favorable aurait dû être émise.

[6]               En début d’audience, le Tribunal invite le procureur du requérant à préciser le recours.

[7]               Au regard des quatre facteurs de risque énoncés dans le rapport d’évaluation sommaire (facteurs B, I, J et K), le procureur annonce qu’il remet en cause les facteurs I, J et K.

[8]               Il invite le Tribunal à s’interroger sur la formulation de la question 40 du Badds et conséquemment, il soutient que son client ne devrait pas être préjudicié quant à la réponse qu’il donna. Ainsi, son client ne démontrerait pas de risque modéré à l’échelle dite DB. Devrait en résulter 0 pour les facteurs I dits « Risque liés aux attitudes, intentions, comportements, cognition ».

[9]               Par ailleurs, le procureur conteste la question 12 contenue au stade de l’évaluation des facteurs J dits « Habitudes de conduite », car il remet en cause les endroits de consommation. Un seul endroit aurait dû être considéré impliquant des déplacements.

[10]            Finalement, le procureur estime que son client ne pouvait coter aux facteurs de risque K dits « Alcoolémie à l’arrestation ». Un taux d’alcoolémie de 0,161 et plus n’aurait pas dû être consigné en raison de sa culpabilité au deuxième chef d’accusation portée suivant l’article 253 (1) a) et l’acquittement sur le premier chef d’accusation porté suivant l’article 253 (1) b) du Code criminel . De sorte que le taux d’alcoolémie de 172 mg par 100 ml de sang ne pouvait être pris en considération par l’évaluateur.

[11]            Devant ces précisions du procureur du requérant, le procureur de l’intimée renonce à considérer les facteurs J à l’encontre du requérant, reconnaissant un seul endroit de consommation impliquant des déplacements. Toutefois, vu les facteurs de risque restants, elle demande au Tribunal de conclure à la nécessité que le requérant poursuive le processus d’évaluation.

[12]            Le procureur du requérant prend acte que les trois facteurs de risque B, I et K subsistent.

[13]            Pour décider, le Tribunal dispose d’une preuve testimoniale et documentaire.

[14]            La preuve documentaire est constituée du dossier administratif de l’intimée, paginé 1 à 24, ainsi que les documents suivants :

-         R-1 : Copie du procès-verbal informatisé du dossier 400-01-068500-123, reçue le 5 mai 2014;

-         I-1 : Documents reliés à l’évaluation sommaire du requérant.

[15]            À la demande du procureur de l’intimée, le document coté I-1 est assujetti à une ordonnance de confidentialité, suivant l’article 131 de la Loi sur la justice administrative (RLRQ, chapitre J-3). Le requérant et son procureur s’engagèrent à respecter cette ordonnance.

[16]            Vu la nature du litige, la soussignée ne fera pas un recensement et compte rendu détaillé de cette preuve documentaire, se limitant à souligner, au stade des motifs, les éléments déterminants sur l’issue du recours.

[17]            Quant à la preuve testimoniale, elle est constituée des témoignages du requérant et de l’évaluateur.

[18]            En résumé et pour l’essentiel, le requérant témoigne de ce qui suit :

Concernant la question 40, il a compris qu’elle visait la période du 29 juin au 29 mai, de sorte qu’il a inclus les consommations qu’il avait bues dans les heures précédentes à son arrestation. Il a donc inscrit une fois à la question 40 a). Toutefois, si l’on doit exclure les heures précédant l’arrestation, il affirme qu’il aurait répondu autrement. Il estime que la question 40 est donc mal posée.

En contre-interrogatoire :

-         Il reconnaît que l’évaluation sommaire s’est bien déroulée et pouvait compter sur la présence de l’évaluateur, afin de répondre à ses interrogations sur le sens des questions posées;

-         Il aurait souhaité qu’à la question 40 a) on précise que ceci doit exclure la consommation d’alcool donnant lieu à l’arrestation;

-         Le soir de son arrestation, il avait bu quatre consommations "de fort", ainsi que quelques verres de bière;

-         Il convient que précédemment à l’événement, il a déjà conduit une ou deux fois après avoir bu une bière;

-         Il décrit sommairement sa soirée précédant son arrestation : arrivée au restaurant vers 18h30, en est sorti aux alentours de 12h30 a.m., a bu un total de quatre à dix consommations d’alcool (bière et alcool fort). Il précise que son repas s’est terminé vers 20h00. C’est là qu’il a consommé de la boisson forte, environ un total de quatre verres, mais pas plus. Dans la dernière heure de sa soirée, il précise qu’il a tout au plus pris une à deux consommations. Vu sa consommation de la dernière heure, il se sentait "safe". Il est sorti seul du restaurant et n’avait pas son téléphone cellulaire. Les policiers l’ont vu marcher à l’extérieur. Il a alors bifurqué de chemin. Il explique cette attitude par le fait qu’il cherchait un taxi. Cette recherche dura environ 15 minutes. Ne voyant pas de taxi, il décida d’utiliser sa voiture, car il avait besoin de retourner chez lui, étant donné qu’il travaillait le lendemain;

-         Il utilisa donc son automobile afin de retourner chez lui. C’est alors qu’il fut intercepté par les policiers;

-         Il a une formation collégiale en génie du bâtiment et un diplôme de formation professionnelle en climatisation;

-         Il estime ne pas être aux prises avec un problème d’alcool et a cessé toute consommation d’alcool depuis septembre 2012;

-         Il reconnaît ses initiales apposées aux bas des pages de l’entrevue structurée et des questionnaires.

[19]            Quant au témoignage de l’évaluateur, pour l’essentiel, il se résume ainsi :

-          Il décrit sa formation académique et son accréditation d’évaluateur, ses formations annuelles et mises à jour qu'il doit suivre;

-          Le requérant a rempli manuellement les questionnaires et les réponses furent entrées au programme informatique;

-          Il a été présent tout au long de l’évaluation dans l'éventualité d'interrogations de la part du requérant;

-          Il n’a pas souvenance que le requérant aurait eu des interrogations sur une ou des questions posées;

-          S’il y avait eu, de la part du requérant, une demande d’informations relativement à une question, cela aurait été noté;

-          Si le requérant avait demandé des explications concernant la question 40, il aurait été avisé d’exclure l’épisode de consommation menant à son arrestation;

-          Le requérant lui affirma que le soir de son arrestation, il avait bu l’équivalent d’environ quatorze consommations de format standard d’alcool durant un peu plus de six heures;

-          Le requérant a fait preuve de collaboration à toutes les étapes de cette évaluation sommaire;

-          Il explique les résultats obtenus par le requérant et les facteurs de risque décelés;

-          À l’évaluation sommaire, on demande de prendre en considération le taux d’alcoolémie recueillie par le technicien qualifié, tel que consigné au certificat de ce dernier.

[20]            C’est ainsi que peut se résumer la preuve présentée au Tribunal.

[21]            Suivent les représentations des procureurs.

[22]            Le procureur du requérant invite le Tribunal à accueillir le recours.

[23]            Au stade de l’évaluation des facteurs I, précisément l’échelle DB, le procureur soutient que son client était crédible lorsqu’il interpréta la question comme incluant les heures précédant l’arrestation.

[24]            Au sujet des modalités entourant l’évaluation des facteurs K, le procureur du requérant soumet un cahier d’autorités au soutien de ses prétentions exposées en début d’audience. [1]

[25]            Le procureur de l’intimée ne partage pas l’opinion du procureur du requérant.

[26]            Elle réfère à la jurisprudence de ce Tribunal, relative aux demandes de modifica-tion de réponses. Le Tribunal privilégie les réponses données lors des épreuves. Celles-ci sont davantage fiables. Aussi, le niveau d’instruction du requérant permet difficilement de croire que sa compréhension de la question aurait été affectée par une telle formulation.

[27]            À l’égard du facteur K, le procureur de l’intimée réfère le Tribunal à plusieurs décisions et à la jurisprudence de tribunaux supérieurs [2] . En résumé, étant en matière de droit administratif, le décideur est justifié de privilégier le taux d’alcoolémie recueilli par le technicien, nonobstant un acquittement sous un chef d’accusation porté en vertu de l’article 253 (1) b) du Code criminel et une déclaration de culpabilité sous l’infraction réduite prévue à l’article 253 (1) a). Cela, dans un contexte où la partie requérante ne présente aucune preuve prépondérante portant sur un taux d’alcoolémie autre.

[28]            C’est ainsi que peuvent se résumer les arguments des procureurs et le déroulement de l’audience.

 

APRÈS CONSIDÉRATION DE L’ENSEMBLE DE LA PREUVE ET DES ARGUMENTS DES PARTIES, LE TRIBUNAL DÉCIDE COMME SUIT :

[29]            La nature du litige est gouvernée notamment par l’article 76.1.2 du Code de la sécurité routière . À cet article, il est prescrit ce qui suit :

« 76.1.2. Lorsque l'infraction donnant lieu à la révocation ou à la suspension est reliée à l'alcool et que la personne n'est pas visée à l'article 76.1.4, elle doit, pour obtenir un nouveau permis, établir que son rapport à l'alcool ou aux drogues ne compromet pas la conduite sécuritaire d'un véhicule routier de la classe de permis demandée.

La personne doit satisfaire à l'exigence prévue au premier alinéa:

1° au moyen d'une évaluation sommaire, si, au cours des 10 années précédant la révocation ou la suspension, elle ne s'est vu imposer ni révocation ni suspension pour une infraction consistant à refuser de fournir un échantillon d'haleine ou pour une infraction reliée à l'alcool;

2° au moyen d'une évaluation complète, si, au cours des 10 années précédant la révocation ou la suspension, elle s'est vu imposer au moins une révocation ou suspension pour une infraction consistant à refuser de fournir un échantillon d'haleine ou pour une infraction reliée à l'alcool.

La personne qui échoue l'évaluation sommaire doit satisfaire à l'exigence prévue au premier alinéa au moyen d'une évaluation complète.

La personne qui réussit l'évaluation sommaire doit, après avoir payé à la Société les droits afférents, suivre avec succès un programme d'éducation reconnu par le ministre des Transports et destiné à sensibiliser les conducteurs aux problèmes de la consommation d'alcool ou de drogue. »

[30]            Vu cette disposition, en cas de non-réussite de l’évaluation sommaire, le requérant devra se soumettre à une évaluation complète, s’il désire recouvrer un permis de conduire.

[31]            Ici, deux types de facteurs de risque sont en litige. Les facteurs B ne sont pas contestés. Seuls les facteurs I et K sont remis en cause par la partie requérante.

[32]            La soussignée estime que les questions 40, 40 a) et 40 b) du Badds peuvent, chez certains candidats, laisser place à interprétation. Il serait utile de préciser, au questionnaire, qu’on ne vise pas la consommation d’alcool précédant la dernière arrestation. Ceci dit, reste qu’en cas de doute, il appartenait au requérant de demander des précisions à l’évaluateur. Il avait l’opportunité de le faire, mais s’est abstenu. Il ne peut que se le reprocher. Au surplus, le requérant témoigna qu’il lui est déjà arrivé de conduire après avoir bu une bière ou deux. Certes, le procureur de l’intimée ne lui a pas fait préciser le mois. Toutefois, la soussignée estime que dans un tel contexte, elle n’est pas devant une preuve prépondérante lui permettant de modifier la réponse donnée initialement par le requérant à cette question 40 a). À ce Tribunal, il est admis qu’il faut privilégier les réponses contemporaines à la passation de l’évaluation. [3]

[33]            Demeure la question de savoir si l’évaluateur devait consigner le taux d’alcoolémie de 172 mg par 100 ml de sang, tel que prélevé par le technicien. Cela alors que le requérant n’a été reconnu coupable que de l’infraction prévue à l’article 253 (1) a) du Code criminel .

[34]            Suivant certains juges administratifs de ce Tribunal, l’existence d’un verdict d’acquittement, sans plus ample preuve quant aux motifs qui le soutendent ne peut être prépondérant par rapport au certificat du technicien qualifié. Cela ne permet pas d’écarter le constat fait par ce dernier et la présomption de validité énoncée à l’article 202.6.7 du Code de la sécurité routière . [4]

[35]            Avec respect pour l’opinion de ces juges, la soussignée ne peut souscrire à un tel raisonnement.

[36]            Elle ne peut s’en remettre au taux prélevé lors de l’arrestation puisqu’au terme d’une poursuite criminelle, le taux d’alcoolémie fut reconnu moindre.

[37]            Suivant le questionnaire, en page 61, est demandé le taux d’alcoolémie lors de la « dernière infraction ». Or, on est en présence d’une infraction lorsque la culpabilité est reconnue. C’est d’ailleurs ce que prévoit l’article 180 du Code de la sécurité routière . C’est l’infraction qui entraîne la révocation du permis de conduire et engage l'administré à se soumettre à une évaluation sommaire, s'il désire recouvrer un permis. Ayant été acquitté d’avoir conduit avec un taux d’alcoolémie dépassant 80 mg par 100 ml de sang, le taux d’alcoolémie lors de la « dernière infraction » ne peut donc être de 172 mg.

[38]            Bien que dans la décision 2014 QCTAQ 02454 , le juge administratif puisse exposer les distinctions entre les règles de preuve en droit administratif et celles prévalant en droit criminel et pénal, demeure le fait indéniable qu’au questionnaire, on requiert le taux d’alcoolémie « lors de la dernière infraction ». Le terme « infraction » réfère au résultat d’un processus judiciaire qui relève d’une cour de juridiction criminelle. Malheureusement, cet élément n’est pas pris en compte dans son raisonnement. Autrement dit, pour ce décideur, le terme « infraction » est réduit au taux d’alcoolémie lors du « dernier événement ». Le Tribunal, dans un tel contexte, n’instruit donc pas un litige purement administratif, car le tout gravite autour d’une infraction.

[39]            Malheureusement, au questionnaire, en page 61, on requiert exclusivement le certificat du technicien qualifié, sans faire quelque autre distinction et sans prendre en compte la décision de la Cour de juridiction criminelle. Convenons que c’est accorder beaucoup de force probante à ce certificat qui aurait davantage de valeur et de portée qu’un jugement (consigné par procès-verbal) prononcé par un juge agissant en juridiction criminelle. C’est le monde à l’envers !

[40]            Au surplus, rappelons qu’en dépit du fait que plusieurs jugements sont conséquents à des ententes sur plaidoyer (plea bargaining) entre le procureur de la Couronne et le procureur de la défense, demeure le fait que l’accusé est réputé acquitté sur un ou des chefs d’accusation.

[41]             En effet, dans l’affaire R. c. Allard-Sherkowski, il fut décidé que le retrait d’accusations, en raison du fait que le ministère public reconnaît ne pas avoir de preuve, fut jugé équivaloir à un acquittement. [5]

[42]            Rappelons aussi l’affaire R. c. Singh de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique traitant des effets d’un acquittement résultant d’une entente sur le plaidoyer (plea bar-gaining). La Cour d’appel avait considéré que l’accusé était réputé acquitté d’accusations abandonnées par la Couronne à la suite d’un plaidoyer de culpabilité portant sur d’autres accusations. Dans un tel contexte, la Cour précisa que la Couronne ne pouvait se servir de la preuve relative à ces infractions abandonnées afin de démontrer des faits similaires. [6]

[43]            Certes, dans les affaires Allard-Sherkowski et Singh, on discute des effets d’un acquittement en droit criminel et de règles de preuve pour des faits similaires relatifs à des infractions de droit criminel et pénal. Les affaires Allard-Sherkowski et Singh sont des litiges relevant du droit criminel. Or, dans la décision 2014 QCTAQ 02454 , le juge adminis-tratif fait état du fait que le litige devant le Tribunal administratif ne relève pas du droit crimi-nel ou pénal, mais de sécurité routière. [7] La soussignée ne partage pas cette conclusion.

[44]            Nous ne sommes pas en matière de sécurité routière tout court, mais de litiges relatifs à certaines dispositions du Code de la sécurité routière . Cette distinction apparaît importante pour la soussignée. Elle replace les articles 76.1.2 , 180 , 181 et suivants du Code de la sécurité routière au centre de cette analyse. Répétons que c’est une infraction au Code criminel qui entraîne la sanction administrative prévue au Code de la sécurité routière et l’application des articles 76.1.2 et suivants :

« 76.1.2. Lorsque l'infraction donnant lieu à la révocation ou à la suspension est reliée à l'alcool et que la personne n'est pas visée à l'article 76.1.4, elle doit, pour obtenir un nouveau permis, établir que son rapport à l'alcool ou aux drogues ne compromet pas la conduite sécuritaire d'un véhicule routier de la classe de permis demandée.

La personne doit satisfaire à l'exigence prévue au premier alinéa:

1° au moyen d'une évaluation sommaire, si, au cours des 10 années précédant la révocation ou la suspension, elle ne s'est vu imposer ni révocation ni suspension pour une infraction consistant à refuser de fournir un échantillon d'haleine ou pour une infraction reliée à l'alcool;

2° au moyen d'une évaluation complète, si, au cours des 10 années précédant la révocation ou la suspension, elle s'est vu imposer au moins une révocation ou suspension pour une infraction consistant à refuser de fournir un échantillon d'haleine ou pour une infraction reliée à l'alcool.

La personne qui échoue l'évaluation sommaire doit satisfaire à l'exigence prévue au premier alinéa au moyen d'une évaluation complète.

La personne qui réussit l'évaluation sommaire doit, après avoir payé à la Société les droits afférents, suivre avec succès un programme d'éducation reconnu par le ministre des Transports et destiné à sensibiliser les conducteurs aux problèmes de la consommation d'alcool ou de drogue.

[…]

180. Entraîne de plein droit la révocation de tout permis autorisant la conduite d'un véhicule routier ou la suspension du droit d'en obtenir un, la déclaration de culpabilité d'une personne à une infraction au Code criminel (L.R.C. 1985, c. C-46), commise avec un véhicule routier ou avec un véhicule hors route et prévue aux articles suivants de ce code:

1° les articles 220, 221, 236, le sous-paragraphe a du paragraphe 1, les paragraphes 3 ou 4 de l'article 249, les articles 249.1, 249.2, 249.3, les paragraphes 1, 3 ou 4 de l'article 249.4 ou les paragraphes 1, 1.2 ou 1.3 de l'article 252;

2° l'article 253, le paragraphe 5 de l'article 254 ou les paragraphes 2, 2.1, 2.2, 3, 3.1 ou 3.2 de l'article 255.

Le juge qui prononce la déclaration de culpabilité doit ordonner la confiscation du permis visé au premier alinéa pour qu'il soit remis à la Société.

181. Toute déclaration de culpabilité pour une infraction visée à l'article 180 entraîne une révocation du permis ou une suspension du droit d'en obtenir un distincte pour chaque déclaration.

Toutefois, une déclaration de culpabilité pour plus d'une infraction prévue à l'article 253, au paragraphe 5 de l'article 254 ou aux paragraphes 2, 2.1, 2.2, 3, 3.1 ou 3.2 de l'article 255 du Code criminel (Lois révisées du Canada (1985), chapitre C-46) n'entraîne qu'une seule révocation du permis ou une seule suspension du droit d'en obtenir un, lorsque les infractions se rapportent à un même événement. » [8]

[45]            Le processus d’évaluation sommaire ne peut éluder la nature de l’infraction commise (déclaration de culpabilité sur un chef et acquittement sur un autre) en priorisant le certificat. Insidieusement, l’administration se retrouve à reprocher au conducteur un taux d’alcoolémie autre que celui reconnu lors du verdict de culpabilité à l’infraction. L’effet est d’affecter le justiciable pour plus que l’infraction reconnue.

[46]            On peut difficilement comprendre que les règles gouvernant le droit administratif puissent avoir une telle portée, alors qu’ici le processus est subordonné à la commission d’une infraction relevant du droit criminel.

[47]            Par ailleurs, dans le cadre d’un litige en droit administratif, il apparaît difficile à la soussignée de prioriser les résultats consignés au certificat du technicien, lequel n’a pas été privilégié comme élément de preuve par le procureur délégué aux poursuites pénales et criminelles. Or, dans tout processus d’évaluation respecté, les données utilisées se doivent d’être non-litigieuses. [9]

[48]            Conséquemment, il apparaît trop aléatoire de privilégier les informations retrouvées au certificat en lieu et place du contenu du procès-verbal informatisé du dossier 400-01-068500-123. Ce procès-verbal tient lieu du jugement prononcé par le juge ayant une juridiction criminelle. Juridiquement, il est reconnu un taux d’alcoolémie tenant lieu au cours de la commission de l’infraction. Il ne s’agit pas d’un élément d’information litigieux.

[49]            Le procureur de l’intimée a fait valoir l’article 202.6.7 du Code de la sécurité routière . Certes, il est prescrit qu’un certificat en provenance d’un technicien qualifié portant sur le taux d’alcoolémie lors de l’événement fait preuve de son contenu. C’est là une présomption, mais l’on ne saurait y voir là une présomption d’application générale !

[50]            Rappelons cette règle d’interprétation légale qui invite à cerner la portée d’un article en examinant son environnement légal, ce qui comprend notamment les articles adjacents et les titres des rubriques qui le chapeautent.

[51]            Or, si l’on tient compte de cet environnement légal, la portée de cette présomption est réduite à un contexte légal bien particulier.

[52]            En effet, vu les titres des rubriques qui chapeautent cet article et plus particulièrement le titre de la section I.1 dit « Suspension des permis par un agent de la paix » ainsi que la teneur des articles 202.6.3 à 202.6.6, force est d’admettre que la présomption contenue à l’article 202.6.7 s’appliquerait dans le cadre du processus de révision administrative visant la levée de la suspension d’un permis, laquelle suspension aurait été effectuée par un agent de police. [10]

[53]            Il ne faut pas attribuer à cet article une portée plus grande que l’entend ce Code.

[54]            De sorte qu’aux fins de ce litige, il n’apparaît pas approprié de considérer le taux d’alcoolémie de 172 mg par 100 ml de sang et d’attribuer un résultat partiel de […] points, ayant pour conséquence une cotation aux facteurs K.

[55]            Une fois de plus, la soussignée déplore que la grille de cotation des facteurs K soit muette au regard d’une condamnation pour infraction à l’article 253 (1) a) du Code criminel . Aucun pointage n’est prévu à la grille de cotation pour une telle infraction. Aux fins du présent litige, il convient donc de n’attribuer aucun point, afin d’être cohérent avec les autres situations énoncées à cette grille.

[56]            Étonnamment, il est prévu 0 point pour un conducteur dont le taux d’alcoolémie dépasse 80 mg par 100 ml de sang (mais inférieur à 121 mg), de sorte qu’il ne se voit pas préjudicié à l’évaluation des facteurs K. Rappelons que ce taux d’alcoolémie est sanctionné par le Code criminel , car il s’agit d’un taux qui va au-delà de la limite légale. Mais force est de constater qu’un tel taux n’est pas indicateur de récidive, selon les auteurs de cette évaluation sommaire…

[57]            La soussignée exprime à nouveau qu’une telle grille de cotation aux facteurs K s’avère questionnable dans sa forme actuelle.

[58]            Peut-être serait-il utile de recevoir des explications de sources fiables, car à ce jour aucun évaluateur appelé à témoigner devant le Tribunal n'est venu répondre aux interrogations de la soussignée.

[59]            Par ailleurs, la soussignée estime important de rappeler au requérant que le Code de la sécurité routière est une loi d’ordre public donc obligatoire pour tous. L’objectif des mesures contenues au Code de la sécurité routière est de protéger tous les usagers de la route, ce qui comprend le requérant et ses proches. Ainsi, l’obtention d’un permis de conduire n’est pas un droit, mais un privilège. C’est le sens du mot « permis ». Il va sans dire que le requérant devra, pour l'avenir, adopter un comportement responsable et sécuritaire et s’appliquer à le maintenir.

[60]            POUR CES MOTIFS , LE TRIBUNAL [11]  :

ACCUEILLE le recours.

 

 


 

 

LISE BIBEAU, j.a.t.a.q.


 

Lacoursière, Lebrun, Vézina

Me Pénélope L. Provencher

Procureure de la partie requérante

 

Me Karine Giroux

Procureure de la partie intimée


 



[1] R. c. Laprise, C.A., district de Québec, no : 200-10-000162-946, 20 novembre 1996; Blais c. R, C.A., district de Montréal, no : 500-10-000110-948, 5 mars 1996; R. c. Boucher (2005) 3 R.C.S., 499 ; 2013 QCTAQ 10664 ; 2013 QCTAQ 10654 ; 2013 QCTAQ 07682 ; 2013 QCTAQ 1131 ; 2013 QCTAQ 12813 ; 2014 QCTAQ 02388 .

[2] 2014 QCTAQ 02454; 2013 QCTAQ-04155; 2010 QCTAQ 07251 ; 2014 QCTAQ 03316 ; 2013 QCTAQ 12817 ; Gilles Lapointe c. S.A.A.Q et P G du Québec, C.S. chambre criminelle, district de Québec, 200-36-000163-956, 2 février 1996; La Reine vs Claude Moreau, (1979) 1 R.C.S, 261 ; R c. Singh, (1996) C.C.C. (3d) 244 (C.A. C-B.; R. c. Allard-Sherkowski, C.Q. chambre criminelle, district de Hull, 550-01-003549-005, 10 octobre 2001; La Reine c. Bernshaw, (1995) 1 R.C.S., 276; Proulx c. P G du Québec, (2001) R.C.S., 66; R. c. Moreau (1979) 1 R.C.S., 261 .

[3] Voir notamment 2014 QCTAQ 02454 .

[4] Voir, entres autres, référence à la note 3.

[5] J.E. 2002-19 ou REJB 2001-29601 .

[6] (1996) C.C.C. (3d) 244 (C.A. C-B.) Au même effet, voir Vukelich c. Mission Institution, (2005) 252 D.L.R. (4th) 634 (C.A. C-B.).

[7]   Voir paragraphe 85 de la décision 2014 QCTAQ 02454 .

[8] Code de la sécurité routière , RLRQ, chapitre C-24.2.

[9] Voir l’opinion des juges administratifs dans 2013 QCTAQ 05645 , paragraphes 27 à 30 (laquelle décision se situe cependant dans le cadre d’une évaluation suivant l’article 109 du Code de la sécurité routière ) et rapportée dans 2013 QCTAQ 07682 .

[10] Voir à ce sujet la décision du juge administratif Daniel Lagueux identifiée SAS-Q-192721-1306. Voir aussi, 2013 QCTAQ 07682 , laquelle se situe toutefois dans le cadre d’une évaluation du risque sous les articles 73 et 109, paragraphe 4 du Code de la sécurité routière , alors que le requérant était en attente de procès sur les chefs d’accusation prévues à l’article 253 du Code criminel .

[11] Le Tribunal a autorisé une réduction du quorum à un seul membre, en vertu de l’article 82 , alinéa 3 de la Loi sur la justice administrative .