Section des affaires sociales

En matière de services de santé et de services sociaux, d'éducation et de sécurité routière

 

 

Date : 13 juin 2014

Référence neutre : 2014 QCTAQ 051021

Dossier  : SAS-M-214878-1308

Devant les juges administratifs :

MARIO ÉVANGÉLISTE

ANDRÉE DUCHARME

 

I… R…

Partie requérante

c.

SOCIÉTÉ DE L'ASSURANCE AUTOMOBILE DU QUÉBEC

Partie intimée

 


DÉCISION


[1]               La requérante (ci-après madame) conteste la décision de l’intimée (ci-après la SAAQ) rendue le 21 juin 2013.

[2]               Par sa décision, la SAAQ informait madame qu'elle avait retenu la recommandation défavorable faite par l'Association des centres de réadaptation en dépendance du Québec (ci-après la ACRDQ) et considérait qu’elle constituait toujours un risque pour la sécurité routière en raison de son comportement envers la consommation d'alcool ou de drogue.

[3]               Elle l’informait par ailleurs que si elle désirait obtenir un nouveau permis, elle devait soumettre un rapport d'examen médical et se soumettre à une évaluation complète du risque. Cette dernière prend de 7 à 9 mois. Elle est également informée qu’elle peut conduire éventuellement si par ailleurs son véhicule est muni d’un détecteur d’alcool.

[4]               La recommandation défavorable à laquelle réfère la SAAQ est celle faite le 16 juin 2013. Dans cette évaluation il est indiqué notamment ce qui suit :

« […] Le résultat de cette évaluation s’appuie sur l’analyse des informations qui ont été recueillies lors de l’entrevue structurée, de la passation de questionnaires auto-révélés complétés par madame [la requérante] et du dossier de conduite. Le sens de la recommandation formulée s’appuie sur un cumul d’éléments qui sont associés au risque de récidive en matière de conduite avec les facultés affaiblies. Considérant ces données, nous croyons qu’une évaluation plus approfondie et un encadrement personnalisé doivent être suggérés afin d’accompagner madame dans le maintien d’habitudes sécuritaires face à sa conduite automobile et de consolider les prises de conscience quant aux risques de la conduite avec les capacités affaiblies.

Selon le protocole d’établi par l’Association des centres de réadaptation en dépendance du Québec, le cumul de l’ensemble des facteurs de risque décelés au cours de l’évaluation de monsieur [la requérante] dépasse le seuil significatif établi et conduit à une recommandation non favorable.

Dans le cas présent, le cumul de risques retrouvés chez madame [la requérante] atteint le seuil de risque significatif. D’après les résultats aux questionnaires auto-administrés, les résultats démontrent que madame a eu des difficultés au cours de sa vie, en lien avec la consommation de drogue, un nombre important d’indicateurs d’abus de drogue ont été décelés, c’est-à-dire que madame rapporte que la drogue a causé de nombreuses conséquences négatives couramment associées avec de l’abus de drogues. Les questionnaires auto-révélés évaluant les comportements et les attitudes envers la consommation d’alcool et la conduite automobile ont détecté qu’elle représente un risque, notamment en ayant une attitude laxiste ce qui sous-entend une certaine tolérance envers la conduite avec les facultés affaiblies. Finalement, un sous-questionnaire évaluant le risque de récidive chez les contrevenants a détecté qu’elle présente également un risque. » (sic)

[5]               Le 19 août 2013, madame a déposé sa requête introductive de son recours dans laquelle elle déclare avoir «  mis fin à ma problématique de stupéfiant et entrepris un programme de réinsertion à l’emploi . »

Preuve documentaire

[6]               Outre les documents faisant déjà partie du dossier tel que constitué par la SAAQ pour le Tribunal, la SAAQ dépose un document relié intitulé Documents relatifs à l’évaluation sommaire -ACRDQ. Le document est reçu sous la cote I-1.

[7]               Séance tenante, le Tribunal ordonne la non divulgation, non publication et non diffusion de la pièce I-1 et de toutes informations y reliées au cours de l’audience.

Preuve testimoniale

[8]               Madame travaille depuis février 2013 dans un centre communautaire. Elle témoigne et informe le Tribunal qu’elle n’a pas consommé de « speed » depuis décembre 2012 (cette information apparaît au rapport d’évaluation sommaire du 16 juin 2013). Elle dit être tout à fait consciente aujourd’hui qu’elle ne doit pas prendre de drogue et cette prise de conscience s’est faite en réfléchissant à la situation de son arrestation et à la possibilité que l’un de ses enfants l’ait accompagnée.

[9]               Madame Valérie Lacasse, évaluatrice témoigne. Elle corrige le rapport d’évaluation sommaire en indiquant que l’arrestation n’est pas au 14 décembre 2012 tel qu’il apparaît aux 2 e et 3 e paragraphes de son rapport, mais bien au 14 décembre 2010.

[10]            En s’appuyant sur la pièce I-1, elle explique les résultats au Tribunal. Ainsi, madame a eu un total de 3 points dans le cumul des facteurs A à K. Une recommandation non favorable est émise dès qu’une personne dépasse 2 points.

[11]            La ventilation des trois points est répartie sur trois facteurs pour lesquels madame a obtenu respectivement une cote de 1 point pour chaque facteur soit :

·         Facteur C  :         Problèmes liés aux drogues illégales/médicaments : Le résultat au DUDIT est de 2 ou plus pour une femme - donc 1 point plus le résultat de DAST est de 2 ou 3 donc 1 point. Une sommation de 2 dans le cas de madame (DUDIT + DAST). Ainsi dès qu’un seul point apparaît à la sommation une cote de 1 est attribuée pour le facteur C .

Pour ce qui est du test DUDIT madame a cumulé 3 points à raison de 1 point pour les réponses aux questions 1, 3 et 4. Dans le guide de cotation rapide pour le DUDIT [1] , il est indiqué : «  Une femme cotant 2 points ou plus a probablement des problèmes reliés aux drogues . »

Pour ce qui est du test DAST, madame a cumulé 2 points à raison de 1 point pour les réponses aux questions 1 et 17. Dans le document d’interprétation [2] , il est indiqué un continuum (5 niveaux) d’interprétation suggérée de score 0 (Pas d’évidence de problèmes à score16-20 (niveau sévère). Pour madame, un score de 2 la place sur l’échelle 1-5 avec une interprétation suggérée de bas niveau. Il est indiqué également : «  Donc, au fur et à mesure que le score du DAST augmente, on peut interpréter que l’individu a accumulé plusieurs conséquences négatives diverses reliées à son usage de drogues. On peut alors examiner les réponses aux items pour identifier les problèmes spécifiques, tels le travail ou la famille.» [3]

·         Facteur I  : Risques liés aux attitudes, intentions, comportements, cognition. Dès que la sommation des tests indique 1 point, la cote de 1 pour ce facteur est automatiquement donnée.

·         Facteur K : Alcoolémie à l’arrestation - Si les points sont de 2 et plus, une cote de 1 est attribuée pour ce facteur.  La consommation de drogue à l’arrestation en 2010 a valu 2 points à madame.

ANALYSE ET DÉCISION

[12]            La procureure de l’intimée a soulevé l’absence de juridiction pour le Tribunal. Le Tribunal conclut qu’il est compétent en la matière. Les motifs qui fondent sa compétence sont les mêmes que ceux rendus dans l’affaire C.C . [4] .

LE FOND DU DOSSIER

[13]            Dans le cas en l’espèce, madame a indiqué, dans son examen sommaire, qu’elle n’avait pas consommé depuis décembre 2012, ce qui la conduisait alors à une abstinence de 6 mois au moment de la passation des tests.

[14]            Cependant, rien n’indique dans la preuve que l’ACRDQ a pris en compte cette information dans le tableau général qui s’est dessiné face à la situation de madame. La compilation mécanique a conduit automatiquement à une décision défavorable qui a été suivie mécaniquement par la SAAQ.

[15]            Or, si on tient compte de cette déclaration et du temps passé depuis la passation des tests, dans l’éventualité où madame aurait maintenu cette abstinence, c’est de plus de 18 mois d’abstinence que le Tribunal devrait tenir compte lors de son examen même des tests tels que construits. Ainsi, la réponse aujourd’hui serait donnée suivant cette information et la recommandation serait alors favorable puisque madame ne coterait pas à ce facteur.

[16]            Conformément à la Loi sur la justice administrative [5] , le Tribunal a juridiction pour rendre la décision qui aurait due être rendue par la SAAQ :

« Pouvoir.

15.  Le Tribunal a le pouvoir de décider toute question de droit ou de fait nécessaire à l'exercice de sa compétence.

Contestation d'une décision.

Lorsqu'il s'agit de la contestation d'une décision, il peut confirmer, modifier ou infirmer la décision contestée et, s'il y a lieu, rendre la décision qui, à son avis, aurait dû être prise en premier lieu.»

[17]            Dans le présent dossier, la preuve faite en audience ne permet pas au Tribunal d’infirmer la décision prise par la SAAQ en première instance. En effet, le témoignage de madame est à l’effet qu’elle ne consomme plus depuis décembre 2012. Cependant, ce seul témoignage est insuffisant ici. En effet, il s’agit d’un élément essentiel au litige qui demande une certaine corroboration.

[18]            Bien que la SAAQ avait cette information d’abstinence de 6 mois au moment de décider de suivre la recommandation de l’ACRDQ, elle aurait pu prendre des moyens pour s’informer de la situation particulière de madame plutôt que de la référer mécaniquement à l’évaluation complète. Elle ne l’a pas fait.

[19]            Aujourd’hui, la preuve faite devant le Tribunal demeure tout aussi insuffisante non seulement pour accueillir le recours, mais également pour modifier la décision de la SAAQ et lui retourner le dossier pour qu’elle tienne compte davantage de la situation particulière de madame.

[20]            En effet, madame n’a pas convaincu le Tribunal de la fiabilité de sa déclaration quant à son abstinence.

[21]            Le Tribunal souligne par ailleurs que madame a fait plusieurs efforts pour trouver et conserver un emploi dans le cadre d’un programme de réintégration en emploi; ce qui démontre une responsabilisation, mais demeure insuffisant pour corroborer sa déclaration d’abstinence.

POUR TOUS CES MOTIFS, le Tribunal :

REJETTE      le recours de madame.


 

MARIO ÉVANGÉLISTE, j.a.t.a.q.

 

 

ANDRÉE DUCHARME, j.a.t.a.q.


 

Me Elena Iliescu

Procureure de la partie intimée


 



[1]           Pièce I-1, page 30.

[2]           Pièce I-1, page 33.

[3]           Madame n’a pas coté au niveau de la famille ni au niveau de l’emploi. D’ailleurs, elle travaille depuis février 2013 et aucune question n’y réfère.

[4]           C.C. c. Société d’assurance automobile du Québec, SAS-M-216334-1309, 2014 QCTAQ 04768 .

[5]           RLRQ, chapitre J-3.