National Leasing Group Inc. c. Imprimerie Guy Legault inc. |
2014 QCCS 3091 |
|||||||
JB 4644
|
||||||||
|
||||||||
CANADA |
||||||||
PROVINCE DE QUÉBEC |
||||||||
DISTRICT DE |
MONTRÉAL |
|||||||
|
||||||||
N° : |
500-17-066013-114 |
|||||||
|
|
|||||||
|
||||||||
DATE : |
Le 25 juin 2014 |
|||||||
______________________________________________________________________ |
||||||||
|
||||||||
SOUS LA PRÉSIDENCE DE : |
L’HONORABLE |
DONALD BISSON, J.C.S. |
||||||
______________________________________________________________________ |
||||||||
|
||||||||
NATIONAL LEASING GROUP INC. |
||||||||
Demanderesse / Défenderesse reconventionnelle |
||||||||
c. |
||||||||
IMPRIMERIE GUY LEGAULT INC. |
||||||||
Défenderesse / Demanderesse reconventionnelle |
||||||||
______________________________________________________________________ |
||||||||
|
||||||||
JUGEMENT |
||||||||
______________________________________________________________________ |
||||||||
|
||||||||
INTRODUCTION
[1] La demanderesse réclame à la défenderesse le paiement d’une somme de 212 561.92 $ à titre de loyers mensuels impayés et des pénalités contractuelles aux termes d’un contrat intitulé « Lease Contract » conclu le 1 er août 2010 [1] (le « Contrat »). Elle réclame également la reprise de possession des biens qui font l’objet du Contrat et dont elle prétend être la propriétaire.
[2]
La demanderesse
qualifie le Contrat de crédit-bail au sens de l’article
[3]
La défenderesse soumet
subsidiairement que certains chefs de dommages réclamés ne sont pas prévus au
Contrat et que les montants réclamés doivent être annulés ou réduits, ceux-ci
étant imposés en vertu de clauses abusives prévues dans un contrat d’adhésion,
au sens de l’article
[4] Lors de l’audition, la défenderesse s’est désistée de sa demande reconventionnelle, au montant de 4 162.74 $, ce qui a été accepté par la demanderesse, qui réclame cependant les dépens à cet égard.
LES FAITS
[5] Le 1 er août 2010, les parties signent le Contrat afin de permettre à la défenderesse de refinancer le paiement de quatre copieurs de marque Canon, dont elle a besoin dans l’exploitation de son commerce d’imprimerie. Deux de ces quatre copieurs étaient déjà alors en possession de la défenderesse, puisqu’ils étaient l’objet de crédits-bails antérieurs conclus entre la défenderesse et CBSC Capital Inc. [2] , une compagnie membre du groupe Canon.
[6] Aux termes du Contrat, la défenderesse obtient la possession et l’usage de quatre copieurs usagés [3] , moyennant le paiement à la demanderesse d’une mensualité de 1 217.98 $ avant les taxes [4] , pour une durée de 66 mois.
[7] La défenderesse s’acquitte des trois premiers paiements mensuels (août, septembre et octobre 2010) et ne fait plus aucun paiement à la demanderesse par la suite. Considérant qu’il y a défaut aux termes du Contrat en date du 2 novembre 2010, la demanderesse demande à la défenderesse, par téléphone, visite et lettre [5] , le paiement des mensualités non payées au plus tard le 7 janvier 2011, à défaut de quoi elle n’aura pas d’autre choix que de demander la prise de possession des quatre copieurs et de réclamer tous les loyers mensuels impayés et les pénalités contractuelles prévues au Contrat.
[8] La défenderesse ne donne aucune suite à ces demandes et refuse même à plusieurs reprises en 2011, l’accès aux huissiers envoyés par la demanderesse pour reprendre possession des quatre copieurs. Les copieurs sont encore dans les locaux de la défenderesse au moment du procès.
[9] Face au refus de la défenderesse d’obtempérer, la demanderesse lui fait parvenir une mise en demeure formelle [6] , laquelle demeure sans réponse, d’où les présentes procédures.
POSITION DES PARTIES
[10] La demanderesse réclame le paiement des éléments suivants [7] , qu’elle justifie être dus aux termes du Contrat :
· solde des paiements mensuels : 87 417.54 $;
· frais de rachat d’équipement : 8 616.60 $;
· frais de chèque sans provision : 45.00 $;
· frais des huissiers : 341.77 $ [8] ;
· honoraires extrajudiciaires : 27 253.41 $ [9] ;
· Intérêt contractuel sur tous ces éléments, du 2 novembre 2010 au 26 mai 2014 : 98 001.20 $.
[11] Elle réclame également la reprise de possession des quatre copieurs.
[12]
La défenderesse plaide que le Contrat n’est pas un contrat de
crédit-bail au sens de l’article
[13]
La défenderesse soumet subsidiairement que les frais de rachat ne
peuvent pas être réclamés par la demanderesse, car ceux-ci ne sont pas prévus
au Contrat, que les montants réclamés à titre de solde des paiements mensuels
sont exagérés et que les montants réclamés à titre d’honoraires
extrajudiciaires et à titre d’intérêts doivent être annulés ou réduits, car ils
sont indéterminés ou indéterminables au sens de l’article
[14] La défenderesse n’offre pas de redonner possession des copieurs.
[15] La Cour abordera les trois éléments suivants :
1)
Le Contrat
est-il un contrat de crédit-bail au sens de l’article
2) Dans l’affirmative, quels sont les dommages que peut réclamer la demanderesse?
3) La demanderesse peut-elle reprendre possession des quatre copieurs?
ANALYSE ET DISCUSSION
1)
Le Contrat est-il un contrat de
crédit-bail au sens de l’article
[16]
L’article
1842. Le crédit-bail est le contrat par lequel une personne, le crédit-bailleur, met un meuble à la disposition d'une autre personne, le crédit-preneur, pendant une période de temps déterminée et moyennant une contrepartie.
Le bien qui fait l'objet du crédit-bail est acquis d'un tiers par le crédit-bailleur , à la demande du crédit-preneur et conformément aux instructions de ce dernier.
Le crédit-bail ne peut être consenti qu'à des fins d'entreprise. (soulignements ajoutés)
[17] L a défenderesse soutient que le Contrat est nul ab initio, car l’un des éléments essentiels à la formation d’un crédit-bail est absent, soit la nécessité que les biens aient été acquis d’un tiers par le crédit-bailleur. Selon elle, la demanderesse n’aurait pas fait la preuve qu’elle a acquis les copieurs d’un tiers, Canon Canada Inc. La défenderesse prétend que la preuve révèle que deux des copieurs ont été, de 2007 jusqu’à aujourd’hui, la propriété du crédit-bailleur précédent, CBSC Capital Inc., et que les deux autres lui ont été donnés en cadeau par Canon Canada Inc. à la signature du Contrat.
[18] Le Tribunal estime que l’argument de la défenderesse ne peut être retenu, car la preuve au dossier ne le soutient pas, selon la balance des probabilités.
[19] L’annexe du Contrat énumère les quatre copieurs qui en font l’objet. Cette annexe a été confectionnée avec le Contrat lui-même, le 1 er août 2010. Aucune mention de « cadeau » n’y apparaît. La facture [11] de l’achat des quatre copieurs par la demanderesse démontre que cette dernière a acquis les quatre copieurs auprès de Canon Canada Inc., le 30 juin 2010 [12] , pour livraison à la défenderesse. Cette facture énumère les quatre copieurs et comporte la mention « vendu à / sold to : National Leasing Group Inc. ». La preuve [13] révèle que cette facture a été payée par la demanderesse à Canon Canada Inc., avant la signature du Contrat.
[20] La défenderesse invoque trois éléments afin de contredire cette preuve, sans succès selon la Cour.
[21] Le premier élément que propose la défenderesse est le témoignage de son représentant, M. Guy Legault, qui a indiqué, lors de son interrogatoire après défense [14] , que deux des copieurs étaient des cadeaux de Canon Canada Inc. Le Tribunal est songeur quant à cette déclaration faite après l’institution des procédures, non corroborée et contredite par les documents décrits aux paragraphes précédents. La Cour ne peut retenir cet argument.
[22] Le second élément est l’existence des deux crédits-bails précédents [15] avec CBSC Capital Inc. pour deux des copieurs. Selon la défenderesse, ces crédits-bails démontrent la propriété des deux copieurs par CBSC Capital Inc. depuis 2007 jusqu’à ce jour. La Cour ne peut retenir cet argument, car ces contrats démontrent uniquement que CBSC Capital Inc. a conclu un contrat avec la défenderesse en 2007, sans plus. On ne peut déduire quoi que ce soit quant à la propriété des deux copieurs visés après juin 2010.
[23] Le troisième élément plaidé par la défenderesse consiste en une interprétation du contenu de la facture [16] de la vente des quatre copieurs entre Canon Canada Inc. et la demanderesse. Selon la défenderesse, malgré que ce document énumère les quatre copieurs, il porte les mentions suivantes :
- « Lease Liquidated Damages : 57,444.98 ($) »
- « Other - Copier : N/C »
[24] Cette mention « N/C » (ou « No Charge » selon la défenderesse) démontrerait selon elle, que le Contrat est en réalité un contrat de refinancement des copieurs, sans transfert de propriété entre Canon Canada Inc. et la demanderesse.
[25] La Cour ne peut non plus retenir cet argument. La preuve démontre que CBSC Capital Inc. était le crédit-bailleur pour les deux premiers copieurs, lesquels ont été vendus à Canon Canada Inc., laquelle a par la suite revendu ces deux copieurs avec les deux autres à la demanderesse, pour la réalisation du Contrat. Toute autre interprétation des faits est, selon la Cour, une tentative non supportée par la preuve de contester la validité du Contrat, aux fins de ne pas avoir à en respecter les obligations.
[26] En conséquence, la Cour estime que tous les éléments d’un crédit-bail sont présents au Contrat et que ce dernier a été validement conclu.
[27] La date du défaut de paiement de la part de la défenderesse est donc le 2 novembre 2010.
[28] Voyons maintenant les obligations qui découlent de ce défaut, soit les dommages que peut réclamer la demanderesse.
2) Quels sont les dommages que peut réclamer la demanderesse?
[29] Les clauses pertinentes du Contrat sont les suivantes [17] :
« 10. Late Charges and Administration Fees: If any payment of Rent or other sum payable under this Lease is late, you will be subject to an interest rate of 2.0% per month on the unpaid balance (24% per annum) with a minimum charge being $10 per month. You will also pay a returned cheque charge of $45 for any dishonoured cheque or pre-authorized payment. You agree to pay all other reasonable administrative fees charged by us to our lessees generally, including a contract processing fee of $125 or our actual processing costs, whichever is greater.
11. Default: If : (1) you fail to pay any Rent or other sum payable under this Lease when due; (2) you fail to comply with any other term of Lease; (3) you default under any other agreement with us; (4) any representation made by you to us in connection with obtaining this Lease is or becomes untrue; (5) any of the Equipment is lost, stolen, damaged or destroyed and such loss is not covered by insurance; (6) you make any assignment for the benefit of your creditors, you become insolvent, commit any act of bankruptcy, cease or threaten to cease to do business as a going concern or seek any arrangement or compromise with your creditors; (7) any proceeding in bankruptcy, receivership, liquidation, or insolvency is commenced against you or your property; or (8) we believe, acting reasonably and in good faith, that the prospect of payment to us under this lease is impaired; then, all Rent and any other payments to the end of the Term shall immediately become due and payable on demand. You will immediately deliver the Equipment to us, at your own expense. We may, without notice and without resort to legal process, take immediate possession of the Equipment. We may enter the premises where the Equipment is located without incurring any liability to you. You shall pay our costs of collection, re-possession of the Equipment and of the enforcement of our rights, including legal costs on a solicitor-client basis. Our remedies shall be cumulative and not alternative. »
[30] La demanderesse estime que tous les dommages réclamés sont légaux et dus aux termes de ces clauses.
[31]
Ajoutons ici que la demanderesse a tout fait pour minimiser ses dommages
au sens de l’article
[32] La Cour abordera donc les chefs de dommages dans l’ordre suivant :
a) solde des paiements mensuels et taxes applicables;
b) frais de rachat d’équipement;
c) frais de chèque sans provision;
d) frais des huissiers;
e) honoraires extrajudiciaires;
f) Intérêt contractuel sur tous ces éléments.
[33] Les arguments des parties seront étudiés avec chaque chef.
a) Solde des paiements mensuels et taxes applicables
[34] La défenderesse prétend que le solde de tous les paiements mensuels ne peut être réclamé par la demanderesse, car exagéré. Elle ajoute que les taxes ne peuvent être ajoutées, car la demanderesse ne mentionne nulle part ses numéros d’enregistrement de TPS et de TVQ.
[35] Le Tribunal ne peut retenir la position de la défenderesse, car il est acquis que lorsque le contrat de crédit-bail comporte une clause à cet effet, tout le solde des mensualités impayées peut être réclamé par le crédit-bailleur au crédit-preneur en cas de défaut répété, comme c’est le cas ici. L’auteur Lamontagne résume ainsi l’état du droit sur cette question [18] :
[122] Étant donné que le contrat de crédit-bail ne pourra être résilié qu’en cas de défaut répété du crédit-preneur, le crédit-bailleur aurait donc avantage à prévoir une clause de déchéance lui permettant de réclamer le paiement entier du contrat dès le défaut du crédit-preneur.
[36] La Clause 11 du Contrat est une telle clause de déchéance valide, dont voici l’extrait applicable:
« If : (1) you fail to pay any Rent or other sum payable under this Lease when due; […] ; then, all Rent and any other payments to the end of the Term shall immediately become due and payable on demand. »
[37] Rappelons que la demanderesse a tenté à maintes reprises, de novembre 2010 à juin 2011, de se faire payer les mensualités alors impayées, sans pour autant réclamer l’ensemble de toutes les mensualités dues aux termes du Contrat.
[38] La Cour n’accepte pas non plus l’argument de la défenderesse selon lequel les taxes de vente ne seraient pas payables, puisque les numéros d’enregistrement n’auraient pas été dévoilés. La défenderesse n’a soumis aucune disposition législative ou autorité pour soutenir son argument.
[39]
La Cour résilie donc le Contrat aux termes de l’article
b) Frais de rachat d’équipement
[40] La demanderesse réclame un montant de 8 616.60 $ pour frais de rachat d’équipement ou « Buyout Amount » [20] , qu’elle justifie dus en vertu de la Clause 8 du Contrat, qui réfère à la « Fair Market Value », « as determined by us ». Cette clause se lit ainsi :
« 8. Purchase Option: If you comply with all of the terms of this Lease, you will have an option to purchase the Equipment, “as is, where is”, on the Purchase Option Date for the Purchase Price. If the Purchase Price is “Fair Market Value”, then the Purchase Price shall be the fair market value of the Equipment, as determined by us, on the Option Date. You must notify us in writing at least 80 days before the Option Date if you intend to exercise the Purchase Option and you must pay the Purchase Price, plus applicable taxes, at least 30 days before the Option Date. If the required notice and payment are not received by us by the specified dates, the Purchase Option and your right to purchase the Equipment will terminate.»
[41] Selon la Cour, la Clause 8 prévoit la possibilité d’achat des équipements par le crédit-preneur et en décrit les modalités. Elle ne permet pas à la demanderesse de réclamer le paiement du montant réclamé. La Clause 11 ne le permet pas non plus, pas plus que d’autres dispositions du Contrat.
[42] La Cour n’accorde donc pas le paiement de ce montant à la demanderesse.
c) Frais de chèque sans provision
[43] La demanderesse réclame à la défenderesse un montant de 45.00 $ pour frais d’un chèque qui a été refusé pour provision insuffisante, ce qui n’est pas contesté. La Clause 10 permet l’imposition d’un tel frais et la Cour accorde ce montant de 45.00 $ à la demanderesse.
d) Frais des huissiers
[44] La demanderesse réclame à la défenderesse un montant de 341.77 $ [21] pour frais des huissiers, ce qui n’est pas contesté. La Clause 11 permet l’imposition de tels frais en cas de défaut de paiement des mensualités et la Cour accorde ce montant de 341.77 $ à la demanderesse.
e) Honoraires extrajudiciaires
[45] La demanderesse réclame à la défenderesse un montant de 27 253.41 $ pour les honoraires extrajudiciaires encourus pour recouvrer les montants dus en vertu du Contrat et récupérer les copieurs, incluant les frais pour la préparation et l’audition du présent dossier. Elle invoque le passage suivant de la Clause 11 du Contrat comme base contractuelle de sa réclamation :
« If : (1) you fail to pay any Rent or other sum payable under this Lease when due; […] . You shall pay our costs […] , including legal costs on a solicitor-client basis. »
[46]
La défenderesse soumet que les montants réclamés à titre d’honoraires
extrajudiciaires doivent être annulés ou réduits, car ils sont indéterminés ou
indéterminables au sens de l’article
[47]
La Cour ne peut retenir ces arguments de la défenderesse. La Cour
d’appel a clairement indiqué la validité au regard de l’article
100. On trouve une telle clause dans le bail P-1, clause que je reproduis de nouveau, par commodité (voir supra , paragr. [23]) :
9.07 Frais juridiques
Le LOCATAIRE paiera sur demande au LOCATEUR tous les coûts, dépenses et frais juridiques que ce dernier encourera (sic) ou paiera pour l'exécution ou pour faire respecter l'exécution des dispositions, conditions et obligations du présent bail.
(…)
122. Bref,
même lorsqu'elle n'indique pas un montant précis ou un mode détaillé de calcul
(ce qui serait assurément préférable ne serait-ce que pour éviter ou minimiser
le risque de litige accessoire sur ce point précis), la clause pourvoyant en
des termes suffisamment clairs au paiement des honoraires et débours
extrajudiciaires encourus par une partie dans l'exercice des droits
contractuels a un objet déterminé et comporte une prestation déterminable au
sens des articles
(…)
124. Cela
dit, il convient de rappeler, à l'instar de l'arrêt
Compagnie Montréal Trust
,
que l'application des clauses contractuelles de ce genre doit se faire de
manière raisonnable, sous le contrôle du tribunal, dans une perspective
contextuelle. En fait, on doit lire dans toutes ces clauses, en filigrane, que
seuls peuvent être réclamés les honoraires et débours raisonnablement encourus
et non excessifs ou abusifs, dans le respect des métarègles issues des articles
[48] Cet arrêt s’applique au présent cas et la Cour conclut que la Clause 11 du Contrat ne prévoit pas le paiement de prestations indéterminées ou indéterminables.
[49]
La Cour ne peut non plus retenir l’argument d’abus au sens de l’article
[50] Dans l’arrêt Groupe Van Houtte Inc. (A.L. Van Houtte Ltée) précité, la Cour d’appel a indiqué au paragraphe 124 que seuls les honoraires extrajudiciaires raisonnables peuvent être accordés en vertu de telles clauses contractuelles. Dans le présent dossier, la Cour accorde le montant réclamé de 27 253.41 $ à la demanderesse, car il est raisonnable. Les relevés d’honoraires [23] des avocats de la demanderesse démontrent que tout le temps facturé se rapporte à la préparation et à l’audition du présent dossier. Le montant des honoraires représente également moins de 15% de la réclamation totale de la demanderesse.
f) Intérêt contractuel sur tous les éléments
[51] La demanderesse réclame à la défenderesse un montant de 98 001.20 $ pour intérêt contractuel sur tous les éléments déjà réclamés ci-haut, du 2 novembre 2010 au 26 mai 2014. Elle justifie cette réclamation en vertu de l’extrait suivant de la Clause 10 du Contrat :
« If any payment of Rent or other sum payable under this Lease is late, you will be subject to an interest rate of 2.0% per month on the unpaid balance (24% per annum) with a minimum charge being $10 per month. »
[52]
La défenderesse soumet que les montants réclamés à titre d’intérêts
doivent être annulés ou réduits, car ils sont imposés en vertu d’une clause
abusive prévue dans un contrat d’adhésion, au sens de l’article
[53] La défenderesse a raison de prétendre que l’intérêt contractuel ne peut pas être imposé sur les honoraires extrajudiciaires. La Clause 10 permet d’imposer de l’intérêt sur les éléments suivants : « Rent or other sum payable under this Lease » (soulignements ajoutés). Or, les honoraires extrajudiciaires sont prévus à la Clause 11 du Contrat et sont décrits comme « costs », ce qui les exclut donc d’emblée de l’application de la Clause 10.
[54] La demanderesse a d’ailleurs prévu cette éventualité en fournissant une réclamation alternative des intérêts au montant de 81 307.40 $ [24] , lesquels excluent les honoraires extrajudiciaires comme élément entrant dans le calcul des intérêts.
[55] Les arguments de la défenderesse se résument ainsi :
· Le taux d’intérêt de 24% est en soi abusif car trop élevé;
· L’imposition d’un intérêt sur le solde des mensualités impayées est abusive, car les mensualités impayées incluent déjà une portion d’intérêts pour assurer le financement des copieurs achetés par la demanderesse;
· La date de départ du calcul des intérêts ne devrait pas être la date du défaut de la défenderesse (2 novembre 2010), mais bien celle où les paiements ont été déboursés par la demanderesse;
· Le total de la réclamation démontre que le tout est injustifié.
[56] La Cour ne peut retenir ces quatre arguments pour les raisons suivantes.
[57]
Comme le soutient la défenderesse, l’article
[58]
L’article
1437. La clause abusive d'un contrat de consommation ou d'adhésion est nulle ou l'obligation qui en découle, réductible.
Est abusive toute clause qui désavantage le consommateur ou l'adhérent d'une manière excessive et déraisonnable, allant ainsi à l'encontre de ce qu'exige la bonne foi; est abusive, notamment, la clause si éloignée des obligations essentielles qui découlent des règles gouvernant habituellement le contrat qu'elle dénature celui-ci.
[59] Mais, selon la Cour, le Contrat respecte cette disposition car il ne contient pas de clause abusive.
[60] Le premier argument de la défenderesse est que le taux d’intérêt de 24% est en soi abusif car trop élevé. Elle ne soumet cependant aucune autorité pour soutenir son argument.
[61] La jurisprudence de la Cour d’appel [25] est à l’effet qu’un taux d’intérêt contractuel de 24 % n’est pas abusif en matière de crédit-bail conclu entre entreprises. La défenderesse a signé le Contrat en toute connaissance de cause et en a accepté les risques. La Cour rejette donc ce premier argument.
[62] Le second argument de la défenderesse est que l’imposition d’un intérêt sur le solde des mensualités impayées est abusive car les mensualités impayées incluent déjà une portion d’intérêts pour assurer le financement des copieurs achetés par la demanderesse. On parlerait alors d’un taux d’intérêt criminel, selon elle. Elle ne soumet encore ici aucune autorité pour soutenir son argument.
[63] La Cour ne retient pas cet argument, car les mensualités à payer en vertu du Contrat sont constituées uniquement de capital. Il s’agit du prix des quatre copieurs que la défenderesse divise en 66 versements, sans plus. Un intérêt contractuel peut être ajouté au capital en cas de défaut en matière commerciale, comme indiqué plus haut.
[64] Le troisième argument de la défenderesse porte sur la date du départ du calcul des intérêts. À cet égard, la Clause 11 du Contrat prévoit que tous les montants sont dus immédiatement, dès un défaut de paiement d’une mensualité, ce qui dans ce cas-ci est le 2 novembre 2010 pour la demanderesse. Puisque ces montants sont dus le 2 novembre 2010, l’intérêt contractuel commence à courir à cette date. Il n’y a aucune autre interprétation possible de la Clause 10 sur les intérêts contractuels, contrairement à la prétention de la défenderesse.
[65] Enfin, quant au quatrième argument de la défenderesse, selon lequel le montant total de la réclamation démontre que le tout est injustifié, il ne repose sur aucune assise juridique ou jurisprudentielle, mais simplement sur une impression. La Cour ne peut donc pas le retenir et souligne qu’une des raisons ayant causé l’accumulation des intérêts repose sur le fait que la défenderesse avait initialement prévu cinq jours de preuve dans la Déclaration commune de dossier complet, ce qui a eu pour résultat la fixation d’une date de procès plus éloignée.
[66] La demanderesse a donc droit à l’intérêt contractuel prévu au Contrat sur le solde des paiements mensuels (avec taxes), les frais de chèque sans provision et les frais des huissiers, de la date du défaut (2 novembre 2010) à la date du procès (26 mai 2014).
[67] Le solde des paiements mensuels (avec taxes), les frais de chèque sans provision et les frais des huissiers que la Cour a accordés totalisent 87 804.31 $. L’intérêt contractuel de 24% du 2 novembre 2010 au 26 mai 2014 correspond à un montant de 74 041.41 $, que la Cour accorde à la demanderesse.
3) La demanderesse peut-elle reprendre possession des quatre copieurs?
[68] La demanderesse réclame la remise des copieurs aux termes du passage suivant de la Clause 11 du Contrat :
« If : (1) you fail to pay any Rent or other sum payable under this Lease when due; […] . You will immediately deliver the Equipment to us, at your own expense. »
[69] La défenderesse ne présente aucun argument pour contrer cette demande.
[70] La Cour estime que la demanderesse est propriétaire des quatre copieurs et est d’avis que la demande de reprise de possession est justifiée par les termes du Contrat, et l’accorde en conséquence à la demanderesse.
CONCLUSION
[71] La défenderesse a déjà payé à la demanderesse en 2010 un montant de 1 374.79 $ à titre de dépôt de sécurité, que la Cour doit donc déduire de la condamnation. La Cour accorde donc à la demanderesse les dommages suivants :
1) Solde des paiements mensuels |
87 417.54 $ |
2) Frais de rachat d’équipement |
Aucun |
3) Frais de chèque sans provision |
45.00 $ |
4) Frais des huissiers |
341.77 $ |
5) Intérêt contractuel du 2 novembre 2010 au 26 mai 2014 sur les éléments 1 à 4 |
74 041.41 $ |
6) Honoraires extrajudiciaires |
27 253.41 $ |
TOTAL des éléments 1 à 6 |
189 099.13 $ |
TOTAL ACCORDÉ (la Cour déduit le dépôt de sécurité de 1 374.79 $, déjà payé par la demanderesse) |
187 724.34 $ |
[72] La Cour accorde également à la demanderesse les dépens sur la demande reconventionnelle dont la défenderesse s’est désistée au procès.
POUR CES MOTIFS, le Tribunal
QUANT À LA REQUÊTE INTRODUCTIVE D’INSTANCE :
[73] ACCUEILLE en partie la requête introductive d’instance ré-amendée;
[74] RÉSILIE le contrat Pièce P-2 intitulé « Lease Contract » conclu le 1 er août 2010 entre la demanderesse et la défenderesse;
[75] DÉCLARE la demanderesse seule propriétaire des quatre copieurs de marque Canon numéros IR105, IRC180, IRF8000 et LC2050;
[76] ORDONNE à la défenderesse de remettre à la demanderesse la possession des quatre copieurs de marque Canon numéros IR105, IRC180, IRF8000 et LC2050 dans les trente jours du présent jugement;
[77] CONDAMNE la défenderesse à payer à la demanderesse la somme de 187 724.34 $ avec intérêts et indemnité additionnelle, à compter de la signification de la requête introductive d’instance initiale;
[78] LE TOUT avec dépens;
QUANT À LA DEMANDE RECONVENTIONNELLE :
[79] PREND ACTE du désistement de la demande reconventionnelle par la défenderesse/demanderesse reconventionnelle;
[80] LE TOUT, avec dépens à l’encontre de la défenderesse/demanderesse reconventionnelle.
|
||
|
__________________________________ DONALD BISSON, J.C.S. |
|
|
||
Me Véronique Belley |
||
Spiegel Sohmer Inc. |
||
Avocats de la demanderesse/défenderesse reconventionnelle |
||
|
||
|
||
Me Hugues Arsenault |
||
Avocat de la défenderesse/demanderesse reconventionnelle |
||
|
||
|
||
Date d’audience : |
26 mai 2014 |
|
[1] Pièce P-2.
[2] Voir crédits-bails, Pièce D-1 et D-2, visant les copieurs IR105 et IRC180.
[3] Copieurs numéros IR105, IRC180, IRF8000 et LC2050.
[4] Soit 1 387.58 $ avec les taxes applicables.
[5] Voir lettre de demande du 31 décembre 2010, Pièce P-10.
[6] Pièce P-6, en date du 2 juin 2011.
[7] Voir document « Accelerated Balance », Pièce P-8A en liasse.
[8] Voir relevé de travail et facture des huissiers, Pièces P-11 et P-12.
[9] Ce montant comprend les honoraires extrajudiciaires des avocats de la demanderesse pour débuter les procédures et mener le dossier à procès (19,514.60 $, décrits à la Pièce P-8 en liasse) et ceux pour la préparation et la tenue du procès (7,738.81 $, décrits à la Pièce P-13). Ces honoraires ont été payés par la demanderesse à ses avocats.
[10] La défenderesse demandait initialement par voie de demande reconventionnelle le remboursement des mensualités déjà payées, mais elle s’est désistée de cette procédure.
[11] Pièce P-3, en date du 30 juin 2010.
[12] Préalablement à la signature du Contrat.
[13] Voir document intitulé « Notice of Electronic Funds Payment », Pièce P-9, en date du 6 juillet 2010.
[14] Tenu le 5 décembre 2011 et produit au dossier de la Cour. Voir les pages 36 à 40.
[15] Précités, note 2.
[16] Précitée, note 11.
[17] On notera que l’avocat de la défenderesse a mentionné que le représentant de sa cliente ne comprend pas l’anglais, mais a spécifiquement dit qu’il n’en faisait pas un argument de contestation du Contrat, lequel prévoit à la Clause 12 : « The parties agree that this document be written in English. Les parties aux presentes conviennent a ce document soit redige en anglais (sic). ».
[18]
Denys-Claude Lamontagne,
Droit spécialisé des contrats, Vol. 2, Les contrats
relatifs à l’entreprise
, Éd. Yvon Blais, 1999, no. 122, p. 198. La Cour
d’appel a reconnu la validité d’une telle clause :
C.I.T. Financial
Ltd.
c.
Transport Mario Harvey Inc.
, C.A. Québec
[19] 1 217.98 $ par mois, plus les taxes, multiplié par 63 mois = 87 417.54 $
[20] Tel que décrit à la Pièce P-8A.
[21] Voir Pièce P-12, facture des huissiers pour les diverses tentatives de reprise de possession des copieurs.
[22]
[23] Pièces P-8 et P-13.
[24] Pièce P-8B.
[25]
C.I.T. Financial Ltd.
c.
Transport Mario Harvey Inc.
, précité, note
18, par. 9 à 12 (C.A.);
Dubois-Hamel (Graffik Art)
c.
CitiCapital
Inc.
, précité, note 18 (C.A.), confirmant sans motifs sur cet élément la
décision inférieure
: Dubois-Hamel
c.
de Langden
,