Mazilu c. Montréal (Ville de)

2014 QCCQ 5068

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

 

 

« Chambre civile »

N° :

500-32-127946-111

 

 

 

DATE :

21 mai 2014

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

JACQUES PAQUET, J.C.Q.

 

 

 

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MIRUNA ROXANA MAZILU

et

TATAR NICU

Demandeurs

c.

VILLE DE MONTRÉAL

Défenderesse

 

 

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JUGEMENT

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LE CONTEXTE

[1]            Les demandeurs sont propriétaires d’une maison située sur la rue Flemming dans l’arrondissement Pierrefonds, à Montréal.

[2]            Le 30 septembre 2010, le sous-sol de leur maison est endommagé par l’eau.

[3]            Selon les demandeurs, le système d’égout sanitaire de la défenderesse est principalement en cause.  Lors de chutes de pluie ou encore au moment de la fonte des neiges, la défenderesse doit transporter sur la rue à proximité de la résidence des demandeurs une pompe mobile pour extraire l’eau de l’égout sanitaire, de manière à l’évacuer via la canalisation réservée à l’égout pluvial.

[4]            Les demandeurs soutiennent que de tels refoulements sont fréquents et, conséquemment, que la défenderesse doit régulièrement déplacer une pompe mobile pour éviter les inondations.

[5]            Or, le 30 septembre 2010, la défenderesse aurait tardé à se présenter sur la rue Flemming avec la pompe mobile, ce qui a eu pour effet de ne pas empêcher  un refoulement d’eau dans le sous-sol de la maison des demandeurs, même si celle-ci est équipée d’une pompe submersible pour évacuer le surplus d’eau et d’un clapet anti-refoulement.

[6]            Les dommages causés à l’immeuble des demandeurs à cette occasion se chiffrent à 27 588 $, selon une évaluation faite par leur assureur, de qui ils ont par ailleurs reçu une somme de 10 000 $, laissant une différence de 17 588 $.  De manière à se prévaloir des dispositions du Code de procédure civile relatives aux petites créances, les demandeurs réduisent leur réclamation à 7 000 $ et renoncent à réclamer le surplus.

[7]            Sans en faire son moyen de contestation principal, la défenderesse soulève la prescription du recours, puisque l’événement dommageable est survenu le 30 septembre 2010, alors que la demande est déposée le 31 mars 2011.

[8]            Le moyen principal soulevé par la défenderesse pour contester la demande réside par ailleurs dans le fait que la propriété des demandeurs, comme plusieurs autres dans le secteur, ne serait pas pourvue de systèmes d’évacuation des eaux pluviales et sanitaires conformes au Code national du bâtiment .

[9]            Ces maisons n’auraient qu’une seule voie d’évacuation de ces eaux, puisqu’elles sont toutes évacuées par le tuyau d’égout sanitaire.

[10]         De plus, la défenderesse souligne que le 30 septembre 2010 une quantité importante de pluie est tombée sur la région, ce qui constitue, selon elles, une situation s’apparentant à la force majeure.

DISCUSSION

[11]         Le moyen de contestation fondé sur la prescription n’est pas fondé  Le délai de prescription de six mois auquel réfère la défenderesse est prévu à l’article 586 de la Loi sur les cités et villes (RLRQ, c. C-19) dans les termes suivants :

Art. 586.   Toute action, poursuite ou réclamation contre la municipalité ou un de ses fonctionnaires ou employés, pour dommages-intérêts résultant de fautes ou d’illégalités, est prescrite par six mois à partir du jour où le droit d’action a pris naissance, nonobstant toute disposition de la loi à ce contraire.

[12]         Pour déterminer le « jour où le droit d’action a pris naissance », il faut référer à l’article 585 de la même loi, qui prévoit la nécessité d’un avis préalable à l’action dans les termes suivants :

Art. 585.   1.  Si une personne prétend s’être infligée, par suite d’un accident, des blessures corporelles, pour lesquelles elle se propose de réclamer de la municipalité des dommages-intérêts, elle doit, dans les 15 jours de la date de tel accident, donner ou faire donner un avis écrit au greffier de la municipalité de son intention d’intenter une poursuite, en indiquant en même temps les détails de sa réclamation et l’endroit où elle demeure, faute de quoi, la municipalité n’est pas tenue à des dommages-intérêts à raison de tel accident, nonobstant toute disposition de la loi à ce contraire.

     2.  Dans le cas de réclamations pour dommages à la propriété mobilière ou immobilière, un avis semblable doit aussi être donné au greffier de la municipalité dans les 15 jours, faute de quoi la municipalité n’est pas tenue de payer des dommages-intérêts, nonobstant toute disposition de la loi.

     3.  Aucune telle action ne peut être intentée avant l’expiration de 15 jours de la date de la signification de cet avis.

[…]

[13]         En l’espèce, l’avis prescrit par cette disposition législative a été donné le 7 octobre 2010.  C’est dire que le droit d’action n’a pris naissance que le 22 octobre 2010.  Le délai pour intenter le recours expirait donc le 22 avril 2011.  Comme la requête a été déposée le 31 mars 2011, le recours des demandeurs n’est pas prescrit.

[14]          Quant au moyen principal de contestation, trois remarques s’imposent :

-  Il n’y a pas de preuve prépondérante quant à l’état des canalisations de la maison des demandeurs;

-  Il n’y a pas de preuve quant aux exigences du Code national du bâtiment en 1961, date de la construction de la maison;

-  Tel que mentionné précédemment, la maison des demandeurs est dotée d’un clapet anti-refoulement.

[15]         De surcroît, la vidéo qui a été présentée au Tribunal montre qu’une quantité d’eau importante s’infiltre dans la cage où est placée la pompe submersible chez les demandeurs.  Une telle quantité d’eau ne peut pas s’expliquer par un système de canalisation inadéquat chez les demandeurs.

[16]         Il semble plutôt que le système d’égout sanitaire de la défenderesse n’est pas en mesure de répondre à la demande.

[17]         Le fait qu’il soit tombé une forte pluie lors de l’événement en cause [ce qui n’est pas exceptionnel, bien que non fréquent] n’explique pas non plus à lui seul la situation.  D’ailleurs, des refoulements surviennent non seulement lorsqu’il y a des orages, mais également lors d’une simple pluie ou encore lors de la fonte des neiges.

[18]         Les demandeurs ont établi à la satisfaction du Tribunal qu’une situation hors de leur contrôle et probablement due aux systèmes d’égouts de la défenderesse est la cause des dommages à leur immeuble, le 30 septembre 2010.

[19]         De surcroît, alors que la Ville déplace habituellement une pompe mobile pour éviter la situation qui s’est produite le 30 septembre 2010, leur défaut d’agir promptement a également participé au refoulement d’eau.

[20]         Quant aux dommages, il n’est pas nécessaire de les fixer de façon précise, puisqu’il est clair, tout en prenant en compte le montant que les demandeurs ont reçu de leur assureur, qu’ils s’élèvent à plus de 7 000 $.

[21]         Le Tribunal retient donc la responsabilité de la défenderesse et conclut au maintien de la demande.

[22]         POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[23]         CONDAMNE la défenderesse à payer aux demandeurs la somme de 7 000 $ avec intérêts au taux légal, en plus de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec , à compter du 31 mars 2011;

[24]         CONDAMNE la défenderesse au paiement des frais judiciaires de 159 $.

 

 

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JACQUES PAQUET, J.C.Q.

 

 

 

Date d’audience :

Le 13 mai 2014