Union des chauffeurs de camions, hommes d'entrepôts et autres ouvriers, Teamsters Québec, section locale 106 (FTQ) et Marché Labrie & Landry inc. (Sylvio Cormier) |
2014 QCTA 524 |
TRIBUNAL D'ARBITRAGE |
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CANADA |
PROVINCE DE QUÉBEC |
N o de dépôt : 2014-5636
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Griefs : QC-0931, 61378, 61385, 69974, 69975 et 54478
Date de la décision : 30 avril 2014 |
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DEVANT L'ARBITRE : Me JEAN-FRANÇOIS LA FORGE |
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Union des chauffeurs de camions, hommes d'entrepôts et autres ouvriers, Teamsters Québec, section locale 106 (FTQ) |
Ci-après appelé le Syndicat |
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Et |
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Marché Labrie & Landry inc. |
Ci-après appelé l'Employeur |
Nature des griefs : Mesures disciplinaires, harcèlement psychologique et congédiement. Convention collective : 2011-2018
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SENTENCE ARBITRALE |
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I. OBJET DU LITIGE
[1] L'arbitre soussigné a été nommé par le ministre pour entendre et disposer de plusieurs griefs concernant M. Sylvio Cormier. Le premier grief, QC-0931 présenté le 12 décembre 2011 sera déposé sous la cote S-3 et se lit ainsi :
Résumé du grief :
Suspension du 9 et 10 décembre 2011. Je conteste ma suspension imposée par mon employeur. Je réclame l'annulation et le retrait de la mesure disciplinaire, le tout avec pleine compensation.
Réparation demandée :
Je demande le tout avec pleine compensation, dommages de toute nature avec les intérêts et l'indemnité supplémentaire prévus par le Code ainsi que le maintien des droits et privilèges prévus par la convention collective.
[2] Un deuxième grief sera présenté le 17 février 2012. Il s'agit du grief 61378 déposé sous la cote S-4 :
Résumé du grief :
Intimidation. Suite à la réunion du 16 février 2012 à 15h57, je conteste l'intimidation injustifiée dont je suis victime de la part de l'employeur.
Réparation demandée :
Je réclame la cessation immédiate de cette sorte d'intimidation et le maintien des conditions de travail justes et raisonnables prévues par le Code ainsi que le maintien de mes droits et privilèges prévus à la convention collective et de nature continue.
[3] M. Cormier signera un troisième grief cette fois-ci daté du 21 mars 2012. Ce grief numéro 61385 sera déposé à l'audition sous la cote S-5 :
Résumé du grief :
Nous contestons le harcèlement injustifié dont je suis victime de la part de l'employeur.
Réparation demandée :
Je réclame la cessation immédiate de ce harcèlement et le maintien des conditions de travail, perte de salaire, juste et raisonnable et réclame le paiement de tout dommage et intérêts, incluant les dommages moraux et exemplaires, le tout avec intérêts et l'indemnité supplémentaire. Et ce de nature continue.
[4] Le 16 mai 2012, le syndicat soumettra à l'employeur le grief 69974 déposé à l'audition sous la cote S-7 :
Résumé du grief :
Violation collective
Réparation demandée :
Je conteste la lettre du 10 mai 2012 et je demande immédiatement le retour à mon travail sans perte de salaire avec tous mes droits et privilèges et ce de nature continue.
[5] Dès le lendemain, soit le 17 mai 2012, un autre grief portant le numéro 69975 déposé sous la cote S-9 sera présenté pour contester une autre lettre remise le 16 mai 2012 :
Réparation demandée :
Je conteste la lettre du 16 mai 2012 (suspension). Je demande immédiatement et sans préjudice le remboursement de toute perte de salaire avec intérêts avec tous mes droits et privilèges.
[6] Enfin, un grief daté du 19 juillet 2012, celui portant le numéro 54478, sera déposé sous la cote S-11 , M. Cormier contestant le congédiement dont il se dit victime :
Réparation demandée :
Annulation du congédiement, réintégration au travail immédiate, remboursement de toutes les pertes monétaires prévues à la convention avec intérêts, maintien des droits et privilèges et paiement des dommages moraux et punitifs subis par le plaignant.
[7] Pour une bonne compréhension des enjeux, il convient dès à présent de reproduire diverses lettres adressées au plaignant avant son congédiement. Il y a d'abord la lettre datée du 8 décembre 2011 déposée sous la cote S-2 :
Objet : attitude, comportement et rendement au travail Monsieur,
La présente fait suite aux évènements survenus dernièrement et en particulier samedi le 3 décembre et aujourd'hui. Cette journée-là tu as adopté un comportement inacceptable, sans respecter la politique d'achat en magasin. Tu t'es fait cuire de la saucisse sur la plaque chauffante pour ensuite la consommer. Aujourd'hui, tu as adopté une attitude arrogante envers ton supérieur immédiat. Encore ce matin, tu chantais de façon exagérée. De plus, tu ne respectes pas ton horaire de travail, tu quittes et/ou arrêtes de travailler avant la fin de ton quart de travail. De plus, tu ne respectes pas ce que l'on t'a demandé au sujet des pauses (aller aux toilettes durant cette période de pause). Beaucoup de perte de temps de ta part en l'absence de supérieur.
Le 9 septembre dernier, on t'avisait par écrit et nous t'avons demandé à ce moment de changer car si rien ne changeait nous serons dans l'obligation de sévir de façon plus sévère. Sylvio, tu ne sembles pas prendre au sérieux les nombreux avertissements déjà reçus à ton égard. Tu devras changer ton attitude arrogante et les comportements de « je m'enfoutisme » car nous ne tolérerons plus rien dans l'avenir.
Tu dois comprendre que tes comportements, attitudes et rendement au travail nuisent beaucoup aux opérations du magasin. De plus, tu n'es pas sans savoir que tes collègues de travail sont tannés de voir tes agissements désagréables.
Plusieurs de tes collègues nous ont rencontrés pour nous demander à ce que la situation change car c'est très nuisible d'avoir un individu négatif dans une équipe positive.
Pour toutes ces raisons et considérant les fautes multiples et graves du manquement à la politique d'achats, nous te suspendons sans solde pour une période de 2 jours les 9 et 10 décembre.
Comme déjà mentionné dans la dernière lettre, tu devras fournir une prestance de travail normale et ce en évitant toutes pertes de temps inutiles. Il est important de respecter les périodes de pause et repas pour les besoins naturels. Si toutefois ceci est causé par des conditions personnelles, veuillez nous en informer par un billet de médecin dans les plus brefs délais.
Nous vous rappelons que vous pouvez communiquer avec notre programme d'aide aux employés si votre situation est reliée à des problèmes personnels. Le numéro est : 1-800-387-4765.
Encore une fois, dans le futur, nous ne tolérerons aucun autre manquement de ta part à ces sujets.
J'espère avoir été clair car si cela se reproduit de nouveau, nous devrons sévir de façon plus sévère pouvant aller jusqu'au congédiement.
[8] La lettre du 10 mai 2012 dont il est question au grief QC-69975 a été déposée sous la cote S-6 :
Monsieur,
La présente fait suite à notre rencontre du 10 mai 2012 et confirme qu'à compter de cette date et pour une période indéterminée, vous êtes relevé de vos fonctions pour fins d'enquête.
Dès que nous aurons complété notre enquête, nous vous informerons le plus rapidement possible de notre décision dans ce dossier.
[9] La décision qui en a résulté est consignée dans la lettre du 16 mai 2012, contesté par le grief QC-69974 déposé sous la cote S-9 . Cette lettre fut déposée sous la cote S-8 :
Objet : Bris d'équipement/attitude au travail/suspension
Monsieur,
La présente fait suite aux évènements survenus le 10 mai 2012. Ce jour-là, vous avez causé un bris majeur au moulin à viande. En effet. Vous avez fait de la viande hachée en ne respectant pas les normes d'utilisation de cet équipement.
Vous connaissez très bien la façon d'utiliser le moulin à viande. Nous considérons ce geste comme un manquement majeur de votre part. Votre façon d'agir a eu comme conséquence un bris majeur sur l'équipement.
De plus, vous avez eu un comportement inacceptable lors de notre rencontre en cognant violemment sur le mur à deux reprises et en affrontant le propriétaire avec agressivité.
La façon dont vous avez utilisé l'équipement et votre comportement lors de notre rencontre sont inacceptables dans notre établissement.
Ce n'est pas la première fois que l'on se rencontre au sujet de vos comportements et de votre attitude au travail. Vous avez reçu dans le passé des avis verbaux ainsi que des écrits les 9 septembre 2011 (avis écrit) et le 8 décembre 2011 (avis suspension).
Considérant tout ce qui précède, nous vous imposons une suspension sans ré-munération du 11 au 23 mai 2012. Vous reprendrez le travail le 25 mai prochain.
Si vous avez des problèmes personnels, vous pouvez communiquer avec le programme d'aide aux employés au 1-800-361-5676.
Dorénavant, nous ne tolérerons aucun autre manquement de votre part de même nature. Dans le cas contraire, nous n'aurons d'autre alternative que d'appliquer des mesures plus sévères pouvant aller jusqu'au congédiement.
[10] Finalement, les faits sur lesquels repose le congédiement de M. Cormier sont contenus dans une lettre datée du 19 juillet 2012, lettre déposée sous la cote S-10 :
Objet : Congédiement
Monsieur,
Le 12 juillet dernier, vous étiez relevé de vos fonctions par votre gérant, monsieur André Robitaille. Ce dernier vous a alors mentionné que lorsqu'une décision finale serait prise, cette dernière vous serait communiquée.
Les faits sont les suivants :
Vers 8h40, le jeudi 12 juillet, votre gérant vous pose une question sur votre « poinçon » des heures de travail du mercredi 11 juillet, car il manquait une (1) heure.
Vous avez répondu en criant, que vous aviez travaillé selon votre horaire et que Pierre Vincent, l'assistant-gérant du rayon, pouvait le confirmer.
Votre gérant et l'assistant quittent alors la salle de coupe.
Après quelques minutes, Pierre Vincent retourne dans la salle de coupe afin de vous confirmer que tout était correct en ce qui concerne les heures travaillées le 11 juillet.
Avant même qu'il ait le temps de vous adresser la parole, vous levez les mains dans les airs avec un couteau de dix (10) pouces. En vous tournant vers lui et en frappant sur la table de travail avec les poings vous criez : « Ça va faire, ça suffit, je ne suis plus capable ».
Pierre Vincent vous demande alors de déposer le couteau.
Vous vous êtes alors approché agressivement vers lui en criant. Tout en reculant, il vous a alors demandé à nouveau de déposer le couteau. Vous n'avez pas donné suite à sa demande. Pierre était alors accoté contre la porte.
Afin de protéger sa sécurité, Pierre a alors quitté rapidement la salle de coupe.
Dans les instants qui suivent, il revient dans le corridor de l'entrepôt près de la salle de coupe avec votre gérant.
Ce dernier vous a dit de vous calmer et vous explique les motifs de sa demande concernant le poinçon. Par la suite, il vous relevait de vos fonctions.
Vous avez eu, en présence de plusieurs autres salariés, un comportement très agressif et violent envers un collègue de travail sans aucune provocation de sa part.
Ce n'est pas la première fois que nous vous avisons relativement à votre comportement et votre agressivité. En effet, vous avez reçu des avis les 16 mai 2012, 8 décembre 2011 et 9 septembre 2011.
À titre d'employeur, nous avons l'obligation d'offrir un milieu de travail assurant la santé et la sécurité de nos salariés. La violence en milieu de travail ne peut être tolérée.
Devant la gravité des gestes que vous avez posés et considérant tout ce qui précède, nous n'avons d'autre choix que de procéder à votre congédiement, et ce, en date du 12 juillet 2012. Ainsi, l'avis verbal de suspension du 12 juillet 2012 est retiré et remplacé par la présente.
Vous recevrez au cours des prochains jours, votre relevé d'emploi ainsi que toutes les sommes susceptibles de vous être dues par l'entreprise.
Il. LES FAITS
M. André Robitaille
[11] Il est gérant des viandes depuis mai 2005. À ce titre il fait les achats de marchandises, s'assure de la qualité et de la fraicheur des produits offerts. De plus, il s'occupe de la confection des horaires de travail en programmant des heures en fonction de l'achalandage prévu. Il doit également vérifier les inventaires en plus de gérer le personnel.
[12] C'est ainsi qu'il doit superviser le travail d'environ une quinzaine d'employés dont un assistant gérant, onze bouchers, deux emballeurs (viande) et de trois à quatre commis.
[13] Pour assurer un bon service à la clientèle, les heures sont modulées de façon à avoir les bons employés en nombre suffisant et au bon moment. Étant donné que les horaires sont modulés, les employés doivent poinçonner leurs heures d'entrées et de sorties. Chaque employé a un numéro qui lui est attribué et qui est reproduit par le poinçon. Le système fournit un rapport journalier que M. Robitaille vérifie quotidiennement. Il vérifie et approuve s'il y a lieu les dépassements et demande des explications pour les informations non conformes aux projections des heures.
[14] Il était le supérieur immédiat de M. Cormier qui était boucher à temps plein au moment de son congédiement. D'abord embauché à l'épicerie, il a été formé par l'employeur pour agir à titre de boucher car il était volontaire et l'employeur avait de la difficulté à recruter des personnes qualifiées pour ce poste.
[15] M. Cormier a reçu son attestation de boucher du ministère de l'éducation en 2010. Au début, M. Cormier « allait bien ». Même si le rythme de travail était plus lent que ses confrères, il semblait motivé.
[16] Il procèdera à une première évaluation de rendement le 24 mars 2011. Le document « évaluation de la performance » sera déposé sous la cote P-1 . M. Robitaille estime alors qu'il satisfait aux exigences et écrit les commentaires suivants :
Commentaires : connait bien son travail, bonne expérience mais doit démontrer plus d'implication et de constance dans certaines tâches de son travail pour arriver à nos attentes.
Défi(s) à relever pour la prochaine année : Augmenter ton niveau de production, voir par toi-même qu'il y a toujours du travail à accomplir dans le département et l'exécuter afin de compléter ton quart de travail.
[16] Parmi les point positifs, l'on note les rubriques reliées au service à la clientèle alors que l'employeur note son insatisfaction par rapport à la productivité. M. Robitaille précisera que l'insatisfaction au niveau du rendement était surtout en fin de journée. M. Cormier avait de la difficulté à combler son temps et avait tendance à perdre son temps.
[17] C'est d'ailleurs cette attitude qui lui a valu une mesure disciplinaire le 18 août 2011, le document ayant été déposé sous la cote P-2 :
Description des faits : Pertes de temps en sortant régulièrement du département sans raison, mains dans les poches en regardant passer les clients, accessoires de travail déjà au lavage toujours de dix à vingt minutes avant la fin de son quart. Prend de 2 à 3 fois plus de temps à exécuter certaines tâches que ses confrères de travail.
Correction requise :
Cesser toutes les pertes de temps. Exécuter les tâches à accomplir avec plus de convictions et de sérieux, donner à l'employeur des journées normales de travail.
Mesure imposée : Avis verbal
[18] Les accessoires dont il est question dans la pièce P-2 sont essentiellement les couteaux et le gant de maille. Une période de dix à vingt minutes est beaucoup trop longue et ne devrait pas dépasser cinq minutes. Les tâches pour lesquelles il prend plus de temps que les autres sont notamment pour dégraisser un intérieur de ronde ou pour désosser une longe de porc. Tout ce que veut l'employeur, c'est une journée normale de travail.
[19] M. Cormier avait alors promis de faire attention et de s'améliorer. Cette promesse ne se réalisera pas et M. Robitaille devra le rencontrer à nouveau le 25 août 2011 afin « de le motiver ». On lui reprochait alors un rythme de travail insuffisant. Des exemples furent donnés : porter des boites vides une à la fois au compacteur, déposer des cuisses de poulet une à la fois et les corder sur le plat de styromousse. Il lui demandait de plus d'arrêter son » petit jeu avec Vincent ».
[20] Aucune mesure disciplinaire ne sera alors prise. M. Cormier promettra malgré tout de changer d'attitude envers M. Vincent. Il n'y aura pas d'amélioration et les actes de reproches continuaient : arrêter de travailler avant la fin de son horaire et être en avant dans le département au lieu d'être en salle de découpe. C'est ce qui incitera l'employeur à lui remettre la lettre du 9 septembre 2011 déposée sous la cote P-3 :
Objet : attitude, comportement et rendement au travail Monsieur,
La présente fait suite aux évènements survenus dernièrement et en particulier dimanche dernier le 4 septembre 2011. Cette journée tu as adopté un comportement et une attitude au travail qui était inacceptable, tu riais avec exagération, tu criais, tu chantais à tout tête, tu claquais les cabarets sur la table de travail. Un client s'est plaint en mentionnant : un employé n'est pas normal dans le département des viandes. De plus cette journée là, un des propriétaires passait au magasin, tu as demandé à M. Landry à deux reprises sur un ton arrogant : C'est moi que tu cherches...
Sylvio, ce n'est pas la première fois que l'on discute de ces sujets ; lors de ton évaluation en mars dernier, je t'avais donné comme objectifs d'augmenter ton niveau de productivité. Le 18 août dernier (avis verbal), je t'ai rencontré au sujet des pertes de temps au travail et je te demandais une prestation de travail normale. Le 25 août dernier je te rencontrais à nouveau pour discuter de ton travail insuffisant et tenter de te motiver (rencontre amicale).
Sylvio nous sommes dans l'obligation d'agir puisque ton comportement, ton attitude et ton rendement au travail nuit à l'entreprise ainsi qu'au travail d'équipe. Plusieurs de tes collègues nous ont rapportés, des évènements et ton comportement est très désagréable pour l'équipe de travail.
Ces comportements sont inacceptables dans notre établissement et tu le sais très bien car tu es un employé avec une certaine expérience qui connaît très bien les pratiques dans ce domaine.
Sylvio, tu devras changer ton comportement et ton attitude comme déjà mentionné dans les dernières rencontres : Les éclats de rire exagérés, le respect des supérieurs.....
De plus, tu devras fournir une prestation de travail normale et ce en évitant toutes pertes de temps inutile. Il est important de respecter les périodes de pause et repas pour les besoins naturels. Si toutefois ceci est causé par des conditions personnelles, veuillez nous en informer par un billet de médecin dans les plus brefs délais.
Nous vous rappelons que vous pouvez communiquer avec notre programme d'aide aux employés si votre situation est reliée à des problèmes personnels. Le numéro est : 1-800-387-4765.
Dorénavant, nous ne tolérerons aucun autre manquement de ta part à ce sujet.
J'espère avoir été clair car si cela se reproduit de nouveau, nous devrons sévir de façon plus sévère pouvant aller jusqu'au congédiement.
[21] La même journée, une autre lettre lui sera remise, lettre déposée sous la cote P-4 :
Objet : Avis écrit / état douteux
Monsieur,
La présente fait suite aux évènements du 4 septembre dernier. En effet, cette journée là, vous avez adopté des comportements douteux qui nous portent à croire que vous étiez sous les effets de drogue ou alcool. Ceci n'est pas toléré dans notre établissement.
Nous profitons pour vous rappeler que nous avons une politique en matière de drogue et d'alcool dans notre établissement que vous avez signée en date du 22 juillet 2005. Nous vous remettons à nouveau ladite politique dans le but de vous renouveler les dires.
Vous comprendrez que malgré vos années de service, cette situation est inacceptable et ne peut, en aucun temps et pour aucune considération, être tolérée.
En conséquence, nous vous demandons de bien vouloir prendre les moyens nécessaires pour corriger cette situation dans les meilleurs délais. Nous tenons à vous offrir notre aide dans les circonstances et nous vous recommandons de communiquer avec notre programme d'aide aux employés (PAE).
À défaut de corriger cette situation, soyez avisé que toute récidive de votre part entraînera des mesures disciplinaires beaucoup plus sévères et que vous serez soumis à un test de dépistage afin de confirmer votre état, ce qui pourrait mener au congédiement.
[22] On lui rapporte que le 4 septembre M. Cormier criait et chantait fort en plus de s'être déguisé pour faire rire les autres employés. On avait tenté de le rejoindre pour qu'il puisse intervenir. Il n'a pu observer ces faits de lui-même.
[23] La deuxième lettre lui avait été adressée car M. Cormier semblait être sous l'influence de la drogue ou de l'alcool. Tous les employés à l'embauche sont informés de la politique en matière de drogues et d'alcool et d'ailleurs, M. Cormier avait signé un accusé réception de cette politique écrite le 9 septembre 2011.
[24] Puis arrivent les évènements des 3 et 8 décembre 2011 et qui ont provoqué la remise de la pièce S-2 , soit la lettre du 8 décembre 2011 relative à l'attitude, au comportement et au rendement au travail. On lui reprochait alors d'avoir fait cuire de la saucisse sans l'avoir préalablement payé. M. Robitaille l'avait de plus vu accoté dans la salle de coupe à boire un café et de s'en être débarrassé de façon arrogante après s'être fait rappeler qu'il était interdit pour des raisons d'hygiène de consommer des liquides dans la salle de coupe.
[25] À plusieurs reprises il lui a été permis de constater que M. Cormier perdait son temps et que sa productivité était en baisse continuelle. Il a donc décidé d'aller voir M. Labrie, un des copropriétaires, pour qu'il intervienne auprès de M. Cormier. La rencon-tre à laquelle assistaient M. Cormier, M. Robitaille, M. Labrie et Mme Basque a résulté en la pièce S- 2 et en deux jours de suspension. Même s'il disait alors comprendre la démarche de l'employeur, il déposait le grief S-3 . Malgré le grief, il fut suspendu.
[26] De retour de suspension, M. Cormier a conservé le même rendement et le même comportement sans autre rencontre avant celle du 16 février 2012 qui provoquera le dépôt du grief déposé sous la cote S-4.
[27] Cette rencontre était nécessaire car le rendement était insuffisant. En plus des récriminations habituelles, M. Cormier allait trop souvent à la toilette et à des heures illogiques, comme par exemple une dizaine de minutes avant sa pause repas. Ce reproche avait déjà été soulevé par le la lettre P-3 du 9 septembre 2011 mais l'employeur n'avait pas reçu depuis de billet médical.
[28] La rencontre se tenait juste avant le départ de vacances de M. Cormier et l'employeur voulait qu'il profite de cette occasion pour réfléchir sur la situation et discuter du grief déposé sous la cote S-4 soulevant des allégations d'intimidation.
[29] À son retour de vacances il sera effectivement rencontré à nouveau. L'employeur lui demandera ce qu'il entend par « intimidation » et sortira alors un billet médical pour expliquer qu'il doit aller souvent à la toilette. L'employeur, bien que satisfait du billet, devait déplorer la performance qui était toujours insuffisante. M. Cormier a alors promis de s'améliorer en donnant une bonne performance. L'employeur constatera ultérieurement qu'il n'y a pas d'amélioration.
[30] Puis vient l'incident reproché à la lettre de réprimande du 16 mai 2012 déposée sous la cote S-8 . L'employeur lui reproche d'avoir été négligent en manipulant le moulin à viande. L'opérateur doit faire un mélange des deux tiers de viande fraiche et du tiers de viande semi congelée. Cette dernière doit être sortie un peu avant l'utilisation pour qu'elle ramollisse. Il est facile de voir si le produit est gelé ou non et un salarié peut avoir à préparer du bœuf haché jusqu'à dix fois par jour.
[31] Contrairement à la procédure usuelle, M. Cormier s'est servi de viandes congelées, a coupé les morceaux sur la scie électrique trop épais puis a mis la viande fraiche en premier et la congelée en deuxième. La vis sans fin s'est rompue et le « shaft » a tordu rendant le moulin inutilisable.
[32] Un évènement semblable était déjà arrivé dans le passé et M. Robitaille avait alors convoqué une rencontre pour expliquer à tous la bonne façon de procéder et surtout quoi ne pas faire.
[33] M. Cormier aura une suspension de dix jours pour cet évènement. La rencontre disciplinaire a été tumultueuse. M. Cormier a frappé dans le mur et M. Labrie, propriétaire, a dû le rappeler à l'ordre. Devant ce comportement, M. Labrie lui a permis d'aller à sa pause repas pour décompresser. C'est à ce moment que la période de suspension de dix jours a été décidée. La suspension visait à désapprouver le bris d'équipement et le comportement affiché lors de la rencontre.
[34] Il y aura un grief déposé par la suite puis à nouveau une autre rencontre pour discuter des griefs déposés sous les cotes S-7 et S-9 .
[35] Le 12 juillet 2012, il vérifie les poinçons de la veille et constate qu'il manque une heure de travail sur le rapport concernant M. Cormier. Un rapport de poinçon sera déposé sous la cote P-6 pour démontrer qu'une sortie et une entrée étaient inexplicables. Il ira donc voir M. Cormier pour s'enquérir de ce fait. Il se fera répondre : « Vous allez me laisser tranquille, je ne suis plus capable. J'étais là h....e, demande à l'assistant-gérant ».
[36] Cet assistant-gérant, M. Vincent revenait quelques minutes plus tard pour dire à M. Cormier que tout était correct mais il n'aura jamais le temps de lui dire. M. Cormier a menacé M. Vincent de son couteau et l'assistant-gérant est reparti pour lui rapporter l'évènement. Ils retourneront les deux pour constater qu'il était sur le bord de la porte. M. Robitaille lui dira de se calmer, que tout ce qu'il voulait était de lui parler de son poinçon. « Excusez-moi, j'ai pété un plomb. J'espère que je n'aurai pas de conséquences, je m'excuse, je m'excuse ».
[37] M. Labrie était alors absent. Ils l'ont surveillé de loin en attendant l'arrivée du propriétaire. Dès son arrivée, M. Robitaille va le voir pour lui raconter les évènements. M. Labrie lui dira aussitôt qu'il aurait dû l'envoyer chez lui car la violence ne doit pas être tolérée. À ce moment, M. Cormier cogne à la porte du bureau et s'excuse à nouveau et demande de ne pas être retourné chez lui. M. Labrie lui dira que les évènements sont très graves et qu'il doit le retourner chez lui. Il quittera les lieux pour être congédié peu après.
[38] Contre interrogé, M. Robitaille précisera que tout le monde avait participé à la formation de M. Cormier, que cette formation avait débuté en 2007 pour aboutir au diplôme décerné en 2010. M. Cormier a toujours été plus lent que les autres.
[39] Il n'a pas eu d'évaluation de rendement en 2010 ni en 2012. M. Labrie a demandé lui même de ne pas faire d'évaluation en 2010 alors qu'en 2012, il y avait eu beaucoup de rencontres pour que M. Cormier apporte des correctifs. Le document P-1 est donc la seule évaluation de rendement concernant M. Cormier.
[40] M. Cormier n'a pas reçu d'avis écrit pour le respect des horaires, juste des avis verbaux.
[41] M. Robitaille avait des bonnes relations avec M. Cormier. Toutefois les relations étaient mauvaises entre M. Vincent et M. Cormier.
[42] Il n'y a pas de cours de formation continue offerts par l'entreprise. Les bouchers les plus anciens ont de 27 à 28 années d'expérience.
[43] La rencontre du 25 août en était une informelle qui a duré une dizaine de minutes et qui s'est terminée avec l'engagement de M. Cormier de cesser de provoquer M. Vincent.
[44] Interrogé sur la lettre déposée sous la cote P-3 , il précisera que c'est M. Neil Degarie qui se plaignait de M. Cormier et demandait une action de l'employeur. Il y avait aussi M. Steve Proulx qui se plaignait de la performance de M. Cormier. C'est dans ce même document que l'on parle pour une première fois de problèmes personnels auxquels M. Cormier peut être confronté.
[45] Concernant les évènements du 9 septembre, M. Cormier a admis être déguisé mais qu'il était en état de travailler. Il n'y avait donc pas de questions relatives à un problème de drogue ou d'alcool, juste la remise de la politique.
[46] L'exigence d'un billet médical n'était pas spécifique et il fut remis lors d'un retour de vacances. C'est M. Labrie qui l'a informé de la remise du billet et c'est à cette même occasion qu'il l'informait que M. Cormier devrait dorénavant poinçonner à chaque fois qu'il s'absenterait pour aller à la toilette. C'était la décision de M. Labrie de lui imposer cette procédure qui est unique à M. Cormier.
[47] La rencontre du 10 mai est relative au bris du moulin à viande. Elle est tenue avant la suspension. M. Labrie dirige la rencontre et prend des notes. Le ton est au départ correct mais les deux interlocuteurs monteront le ton. À un moment donné, M. Cormier foncera vers M. Labrie les poings fermés. Aucune question ne sera posée pour comprendre les raisons de sa colère et de son comportement. La rencontre durera entre une demie heure et trois quarts d'heure.
[48] L'entretien du moulin se fait en soirée et est assumé par des étudiants. Ceux-ci ne sont pas censé cogner sur l'appareil pour dégager les lames et lui-même n'a jamais vu de marteau proche de l'appareil. Il ne connaît pas la cause du bris et il n'y a pas eu d'expertise faite. Toutefois, M. Cormier aurait dit que la viande était trop gelée sans par-ler de coups de marteau donnés sur la vis sans fin pour accéder et nettoyer les lames.
[49] Lors des évènements concernant la feuille de temps déposée sous cote P-6 , M. Cormier est vite devenu nerveux et parlait fort sans toutefois faire de menaces. Après les évènements, il n'appellera pas la police ni ne conseillera pas M. Vincent de le faire.
[50] M. Cormier est revenu de lui-même pour s'excuser avant l'arrivée de M. Labrie.
M. Gino Roussy
[51] Il est gérant du département de la poissonnerie depuis sept années.
[52] Le 4 septembre 2011 il était gérant de garde, soit celui qui veille au bon déroulement de l'entreprise en l'absence des propriétaires. Vers 7h30 il entend chanter, crier et des bruits de casseroles en provenance de la boucherie. Les deux départements sont côte à côte. C'était M. Cormier.
[53] Il n'est pas intervenu directement mais a plutôt tenté de rejoindre MM. Robitaille et Landry qu'il réussira à rejoindre vers 8h30, 9h00. Il ne voulait pas intervenir directement car il l'avait fait une fois lors d'un bio contrôle et avait eu alors droit à un doigt d'honneur. De plus, il ne savait pas comment réagir. Le commerce ouvre à 8h00 et un client lui avait fait une remarque concernant cet évènement. Il a finalement rejoint M. Jean-Martin Landry vers 9h00.
M. Jean-Martin Landry
[54] Il est copropriétaire de l'entreprise depuis 2004. Il est passé de commis en 1990 à gérant puis assistant directeur. Il s'occupe plus particulièrement des opérations sur le plancher, des achats et des ententes avec les fournisseurs. Il ne s'occupe pas de la gestion des ressources humaines qui est du ressort de M. Labrie.
[55] Le 4 septembre il a du intervenir après avoir reçu un appel de M. Gino Roussy vers 8h30. Celui-ci lui a alors dit qu'un employé se comportait de manière anormale, qu'il criait, chantait fort et faisait du bruit.
[56] Il est arrivé à l'entreprise vers 11h00. M. Cormier lui a dit à une dizaine de pieds de lui : « Est-ce moi que tu cherches ». Il lui a répondu que non et c'est tout. M. Cormier est rentré dans son département par la suite.
[57] Ce n'est pas à lui à faire de la discipline et de toute façon, ce qu'il a vu lui apparaissait normal. Il n'a pas été revoir M. Roussy et n'a pas fait enquête. Cela a été une question de secondes. Il a été surpris, il a dit non à M. Cormier et c'est tout.
M. Arlain Labrie
[58] Il est copropriétaire depuis juillet 2004 et a été directeur pendant neuf années. Il s'occupe plus particulièrement du service, de la mise en marché, de l'inventaire, de la gestion des ressources humaines et du service à la clientèle. Il y a huit gérants de départements.
[59] Le grossiste auquel l'entreprise est affiliée est Sobeys qui donne un certain service de gestion des ressources humaines mais pas de service ou de support directement en entreprise.
[60] La première fois qu'il a dû traiter directement avec M. Cormier est le 6 avril 2012. Il était à diner quand la secrétaire lui a dit que M. Cormier voulait le voir et il est apparu dans le cadre de porte. Il lui a demandé de revenir en après midi mais malgré son accord il reviendra de lui-même vers 15h00 pour lui dire qu'il n'était plus capable, qu'il voulait s'en aller et qu'il avait l'accord de M. Robitaille.
[61] Le lendemain matin M. Cormier est retourné le voir pour lui parler de l'évènement de la veille. Pierre Vincent aurait crié après lui en le cherchant dans l'entrepôt. Il a ajouté qu'il n'avait pas à lui crier et qu'il était raciste et qu'il était toujours sur son dos. Il fallait que cela cesse.
[62] Devant ces faits, M. Labrie a planifié une rencontre au cours de laquelle il avait l'intention d'agir à titre d'arbitre. Il demandera à M. Cormier d'y participer de manière calme, propice au dialogue, ce qu'il a accepté. La rencontre aura lieu le 12 avril. Il laisse la parole à M. Cormier qui accusera M. Vincent de lui avoir crié après. M. Vincent répliquera qu'il n'a pas crié mais qu'il le cherchait. M. Cormier répliquera en lui demandant pourquoi il était toujours sur son dos. M. Robitaille lui a répondu qu'il faisait essentiellement son job d'assistant-gérant.
[63] En aucun temps durant la rencontre qui a duré une demie heure il n'a été question de racisme et l'atmosphère était correcte.
[64] C'est le 7 décembre 2011 que MM. Philippe Provencher et Neil Desgagnés sont venus le rencontrer pour se plaindre de M. Cormier. Ils se disaient tannés de la perte de temps et voulait savoir ce que l'employeur ferait. M. Labrie leur a dit que M. Robitaille devait gérer la situation.
[65] Il dit avoir respecté le billet médical et que c'est à sa demande que le poinçon fut imposé avec l'effet que la fréquence a vite diminué.
M. Neil Dégarie
[66] Il est boucher depuis le 31 janvier 2011. Il était présent et au travail le 4 septembre lorsqu'il a entendu vers 7h45 M. Cormier crier et chanter dans la salle de coupe à la boucherie. Quand ces évènements arrivent, le magasin est fermé au public. M. Cormier est toujours de bonne humeur mais c'est la première fois qu'il le voyait dans cet état. À 7h55 tout était revenu à la normale.
[67] Il sait que MM. Provencher et Proulx ont été se plaindre à M. Labrie.
[68] À part M. Robitaille, il n'y a personne d'autre autorisé à faire cuire des aliments et M. Robitaille le faisait que pour faire gouter de nouveaux produits offerts au public.
[69] Il travaillait souvent en compagnie de M. Cormier qu'il décrit comme quelqu'un de plus minutieux, à qui cela prenait plus de temps à accomplir une tâche mais le résultat était plus beau.
M. Philippe Provencher
[70] Il est boucher depuis le 25 novembre 2008. Il est un de ceux qui ont demandé une rencontre avec M. Labrie en décembre 2011. M. Provencher considère alors que la prestation de travail de M. Cormier était déficiente. Il ne travaillait pas suffisamment et perdait son temps à regarder les clients passer.
[71] M. Labrie l'aurait rassuré. Il était déjà sur son cas « en train de monter un dossier ».
[72] Le 12 juillet 2012 il a été témoin d'un évènement au cours duquel M. Cormier aurait dit : « Qu'est-ce qu'il y a encore ? Tu me cherches encore ? Tu me cherches, tu veux me mettre à bout ! ».
[73] Il a vingt cinq années d'expérience. À la vue de la pièce P-5, la photographie de la vis sans vin du moulin, il sera d'avis qu'un tel appareil ne peut pas se briser qu'en utilisant de la viande congelée car l'appareil est muni d'une protection qui arrêtera le moteur dans de telles circonstances. Il s'agit d'une protection thermique. « Ça peut pas casser comme ça ! » Il confirmera que le moulin à viande est nettoyé le soir par des commis de soir mais il n'a pas vu de marteau. Il y a une clé pour dévisser. Il serait possible d'utiliser que du congelé par compactage.
M. Claude St-Laurent
[74] Il est boucher depuis 1996. Il a occupé successivement les fonctions suivantes : responsable de nuit, assistant-gérant de l'épicerie, gérant d'épicerie et boucher.
[75] Il a constaté le 3 décembre 2011 que M. Cormier n'était pas dans un état normal. Il sifflait et chantait « plus fort que d'habitude ». Il dit également avoir vu M. Cormier faire cuire et manger une saucisse.
[76] Il s'est plaint auprès de la direction car il trouvait que M. Cormier se traînait les pieds, qu'il prenait beaucoup de temps à dégraisser des parties de viande, qu'il lavait ses couteaux vers 3h00, 3h1/4 de l'après-midi et que même parfois ses couteaux restaient propres pendant cinq jours de temps.
[77] Le 12 juillet 2012, il a vu et entendu M. Cormier dire : « Crisse, que je suis tanné. Vous voulez me crisser dehors ». Il s'adressait alors à M. Pierre Vincent. Il précisera que M. Cormier avait alors les deux mains en l'air avec un couteau de 10 pouces, à un pied et demi, deux pieds de M. Vincent. M. Cormier pleurait.
[78] Contre-interrogé, il admettra avoir été mal placé pour tout voir. Ainsi, il n'a pas vu M. Vincent entrer dans la salle de coupe ni M. Robitaille avant l'incident.
[79] Cependant, il a constaté que la lame du couteau était vers le haut et qu'en aucun temps M. Cormier a pointé la lame en direction de M. Vincent.
[80] Il n'a pas donné de suite à cet évènement auprès de la direction.
M. Pierre Vincent
[81] Il est assistant-gérant au département de la viande, poste qu'il occupe depuis novembre 2010.
[82] Ses fonctions consistent à seconder le gérant, veiller à la productivité et faire la supervision du personnel du département.
[83] Le 12 juillet 2012, vers 8h30, il allait au frigo quand M. Robitaille allait voir M. Cormier pour un oubli de poinçon. M. Cormier lui a dit : « laissez-moi tranquille, j'étais ici, demande à Pierre (Vincent), j'étais là ». Puis M. Vincent est reparti avec M. Robitaille au bureau de gérance.
[84] Il retournera vers la salle de coupe. M. Cormier est à la table de poulet, il est rouge et accoté à la table. Il a juste le temps de dire « Sylvio » que M. Cormier lui dit : Sylvio est plus capable, laissez moi tranquille, ça suffit ». Il a prononcé ces paroles avec un couteau dans les airs. Il a avancé et M. Vincent a alors reculé. Il lui a demandé une deuxième fois de déposer son couteau et il a plutôt fait un pas de plus. Il a alors quitté la salle de coupe pour aller voir M. Robitaille et lui a dit : « on a un problème avec Sylvio ».
[85] M. Robitaille a alors dit : « Nous y allons ensemble ». M. Cormier est arrivé et a dit : « J'ai pété un plomb, je vais être puni pour ça » puis est revenu pour dire qu'il était calme et pour s'excuser.
[86] M. Robitaille lui a dit de quitter immédiatement pour fins d'enquête. M. Cormier a alors dit : Je suis fini ici ».
[87] Au quotidien, il entretenait les mêmes rapports avec M. Cormier qu'avec les autres bouchers. Toutefois, M. Cormier travaillait à sa manière et non pas tel que demandé. Il travaillait de façon à ce que cela prenne plus de temps. Il perdait souvent son temps avec les deux mains dans les poches.
[88] Le 6 avril 2012, il cherchait M. Cormier et l'appelait à voix forte. M. Cormier a répliqué par une plainte à la direction alléguant qu'il avait plutôt crié. Il aura été convoqué au bureau pour une rencontre qui s'est bien déroulé et qui a même terminé par une poignée de mains.
[89] M. Cormier allait à la toilette plus fréquemment que les autres employés et la direction lui a demandé un certificat médical. Le témoin sait que la direction l'a obtenu mais lui personnellement n'en connait pas la teneur. Il sait cependant que suite à la remise du certificat médical, M. Cormier devait poinçonner à chaque fois qu'il se rendait à la toilette. C'est M. Robitaille qui l'a informé de cette obligation. M. Cormier est le seul employé ayant l'obligation de poinçonner pour aller à la toilette.
(90) Contre-interrogé sur l'incident du 12 juillet 2012, il précisera que la lame était vers le haut et qu'elle n'a jamais été pointée vers lui. Il n'a pas porté plainte à la police. Il n'a que discuté de l'incident avec M. Robitaille.
[91] M. Cormier est venu de lui-même s'excuser. Avant, il était dans la salle de coupe et travaillait.
[92] Même si M. Cormier était un des bouchers avec le plus d'ancienneté, il arrivait qu'il lui donnait du travail ne relevant pas nécessairement d'un boucher tel que la préparation du poulet ou la fabrication de viande hachée. Toutefois, dans certains cas il devait lui faire reprendre une pièce mal dégraissée.
[93] Il fait partie du personnel syndiqué et est sans pouvoir disciplinaire.
M. Arlain Labrie
[94] Avant septembre 2011, il entendait parler de M. Cormier concernant sa productivité et sa lenteur d'exécution. À chaque fois, M. Cormier disait que tout était correct et qu'il allait fournir un effort. En août 2011, il y a eu la remise d'un avis verbal, soit la lettre déposée sous la cote P-2.
[95] Sa première implication formelle est en septembre 2011. C'est ainsi qu'il participera à la rédaction de l'avis écrit et à la rencontre du 9 septembre, ce qui donnera les documents déposés sous les cotes P-3 et P-4 .
[96] Étant donné son comportement, monsieur Labrie lui a demandé s'il était normal car il avait été vu à chanter fort, à faire un vacarme avec des cabarets et à faire le clown à la boulangerie. Il lui a rappelé le PAE disponible en entreprise. La rencontre s'est bien déroulée et s'est terminée avec la promesse de M. Cormier de s'améliorer.
[97] Ce n'était pas la première fois que M. Cormier prenait connaissance de la politique déposée sous la cote P-4 puisqu'il l'avait vu à l'embauche et avait signé un accusé de réception en 2005.
[98] Il est à nouveau consulté en décembre 2011 pour des évènements survenus les 3 et 8 décembre. Ainsi, on lui rapporte qu'il a mangé dans la salle de coupe, malgré une interdiction connue de tous les employés.
[99] M. Cormier réagit assez bien lors de cette rencontre mais malgré tout il déposera un grief. Il y aura une autre rencontre le 21 décembre 2011 parce que le grief soulève plusieurs questions. Malgré tout, il n'y aura pas d'autres démarches relatives à ce grief avant la demande d'arbitrage de mai 2012.
[100] Le 16 mai 2012, autre rencontre avec M. Cormier. Cette rencontre rassemble MM. Labrie, Robitaille et Cormier. L'employeur lui reprochait alors l'usage abusif des toilettes et le lavage des couteaux trop hâtif. M. Cormier s'en allait alors en vacances et M. Labrie voulait l'inciter à réfléchir sur la situation. Il n'y a donc pas eu remise d'un avis disciplinaire ni d'intimidation exercée, M. Labrie s'en défend. Il ne comprend donc pas les allégations d'intimidation pourtant soulevées par le grief déposé sous la cote S-4 .
[101] Il y aura une autre rencontre à son retour de vacances. M. Labrie lui demandera ce qu'il entend par de « l'intimidation ». Il lui répondra que la surveillance dont il se dit victime est de l'intimidation tout autant que sa simple présence dans le bureau pour la rencontre.
[102] Le premier mars 2012, M. Cormier lui présentera un billet médical pour justifier la fréquence à laquelle il va à la toilette. Il lui demandera alors de poinçonner à chaque fois qu'il se rendra à la toilette. M. Cormier a alors dit qu'il se corrigerait. Il n'y a pas eu de mesures disciplinaires mais M. Cormier a quand même déposé un autre grief S-5 , fondé sur des allégations de harcèlement.
[103] En mai 2012, il est impliqué dans l'épisode du bris survenu au moulin à viande. Il s'implique dans la prise de décision et la rencontre disciplinaire. Cette rencontre a lieu le 10 mai 2012. La rencontre ne se déroule pas bien. M. Cormier se lève, quitte la salle de rencontre et M. Labrie l'entend cogner sur les murs. Il va le chercher et lui dit de se calmer. Quelques questions lui furent posées et la rencontre a été ajournée pour la période du repas. Il a finalement été décidé de le suspendre pour fins d'enquête. Il a été suspendu le 16 mai 2012 pour dix jours. Il a contesté par grief la suspension pour fins d'enquêtes et la suspension effective de dix jours. C'est ce qui donnera les griefs déposés sous les cotes S-7 et S-8 .
[104] Finalement, il a rencontré M. Cormier en juillet 2012 pour lui annoncer le congédiement et lui faire lecture de la lettre confirmant la décision de l'employeur. La rencontre a duré environ 10 minutes. M. Labrie a fait la lecture complète de la lettre et M. Cormier a ensuite quitté.
[105] Contre-interrogé, il précisera qu'il n'a jamais été témoin direct des actes reprochés dans la lettre.
[106] Il a pris la décision de forcer M. Cormier à poinçonner à chaque fois qu'il devait se rendre à la toilette car il trouvait le billet médical trop vague.
[107] Lors de la rencontre de mai 2012, il considère que M. Cormier était nerveux mais pas choqué. Après les coups de poings dans le mur, il est revenu et était dans tous ses états. Il pleurait.
Mme Eva Basque
[108] Elle est caissière depuis le 9 mai 1996 et est représentante syndicale depuis 2011. À ce titre, elle a assisté aux rencontres de nature disciplinaire.
[109] Lors de ces rencontres, l'employeur lui reproche d'avoir fait cuire et mangé une saucisse. Il admettra l'avoir fait cuire mais de l'avoir jeté à la poubelle. L'employeur lui reprochait aussi de chanter à haute voix, ce qu'il a admis, étant un gars joyeux. L'employeur jugeait toutefois que c'était exagéré comme attitude.
[110] L'employeur lui reprochait également la fréquence à laquelle il allait à la toilette. Il lui a même demandé un certificat médical pour justifier cette fréquence.
[111] On lui reprochait également sa flânerie, le fait que ses couteaux étaient au lavage trop tôt. Il argumentait qu'il s'occupait même si les couteaux étaient au lavage.
[112] L'employeur, lors de la rencontre précédant les vacances, lui a demandé de se reposer pour revenir en forme.
[113] Toutes ces rencontres se passent au bureau de M. Labrie.
[114] Elle assiste à la rencontre du 10 mai 2012 suite au bris du moulin à viande. M. Labrie lui demande des explications et M. Cormier soumet qu'il a fait attention et que c'est probablement un jeune chargé de nettoyer l'équipement le soir qui l'aurait brisé avec un coup de marteau. M. Cormier insiste pour dire que ce n'est pas de sa faute et sort de la pièce fâché. Elle n'entendra qu'un seul coup de poing donné sur le mur. M. Labrie ira le chercher en lui disant : « Reviens, sinon tu aggraves ton cas ». Il pleurait et il était rouge. Il n'y avait rien de menaçant dans son comportement. À tout le moins, elle ne s'est pas sentie en danger. Il y a eu ajournement pour le diner et au retour elle apprenait la suspension. Au cours de la rencontre, M. Labrie aurait dit qu'il était incapable de prouver la cause du bris d'équipement.
[115] La lettre S-10 n'a pas été lue au complet.
[116] M. Cormier n'a jamais été agressif et lorsque requis, il a été vider son casier et est parti. En aucun moment elle ne l'a vu agressif.
[117] Contre-interrogée, elle affirmera que M. Labrie s'est dit incapable de prouver le bris et la responsabilité de M. Cormier et elle est tout aussi affirmative que M. Cormier lors de l'épisode du coup de poing pleurait, avait les yeux rouges mais n'avait pas le torse bombé ou n'avait pas adopté une autre position menaçante.
M. Sylvio Cormier
[118] Il a débuté son emploi en juillet 2005, d'abord à la réception des marchandises. On lui propose très rapidement de suivre une formation pour devenir boucher. Il acceptera à la condition de revenir à son poste initial si la formation cesse pour quelle que raison que ce soit.
[119] La formation a été donnée « sur le tas » au cours de deux années.
[120] M. Vincent a débuté en 2010 comme assistant-gérant et les relations étaient très mauvaises. Il lui donnait que du sale boulot sans rien à voir avec son statut de boucher.
[121] Il affirme qu'il avait raison de se plaindre de son comportement envers lui car M. Vincent avait vraiment crié après lui.
[122] Pour ce qui est de la saucisse, il admet l'avoir fait cuire mais ajoute qu'il ne l'a pas mangé et que tout cet exercice ne visait qu'à confirmer qui pouvait être un rapporteur.
[123] Le 8 décembre 2011, il était « magané ». Il avait pris trop de boissons alcoolisées la veille mais était capable de travailler. Un autre employé le voyant dans cet état lui a crié dans les oreilles. Il a alors pris deux cabarets qu'il a frappé ensemble pour faire du bruit en lui disant : « Si tu veux faire du bruit, on peut en faire à deux ». Tout ce qui lui est reproché était terminé avant l'ouverture de l'établissement au public.
[124] Il n'est pas le rédacteur du grief S-3 , il l'a juste signé. Même chose pour le grief S-4 . C'est sa conjointe qui l'a rédigé.
[125] L'intimidation dont se plaint M. Cormier vient du comportement de M. Vincent qui, sans être agressif, était insistant. De plus, ils étaient souvent deux à le presser de questions. D'ailleurs, c'est M. Vincent qui était visé par le grief déposé sous la cote S-5 . Il a en mémoire notamment un épisode au cours duquel M. Vincent I’avait forcé à reprendre le dégraissage d'une pièce de viande. Il lui aurait déjà dit n'être compétent que pour le poulet ou le bœuf haché.
[126] Relativement au bris du moulin à viande, M. Labrie lui a admis être incapable de démontrer qu'il était responsable, que selon toute vraisemblance, il s'agissait d'un bris mécanique. Il sera tout de même suspendu.
[127] Relativement à l'incident des coups de poings sur le mur, M. Cormier précise qu'il était fâché car victime de fausses accusations. C'est pour cette raison qu'il a frappé le mur à environ dix pieds de la porte et s'est mis à pleurer.
[128] Le 12 juillet 2012, M. Robitaille va le rencontrer en l'accusant d'avoir pris deux heures pour dîner. Il s'objecte et fait remarquer que M. Vincent le sait fort bien. Les deux repartent alors que M. Cormier continue son travail. Il est à préparer du poulet. Il a donc un couteau à la main ainsi qu'un gant de maille. Quand M. Vincent revient pour lui parler, il pleure car il craint devoir faire un retour au bureau du patron. Il lui dira : « Sylvio est tanné, Sylvio est plus capable » avec le couteau en main car il était au travail mais insiste pour dire que la lame a toujours été vers l'arrière, jamais pointée vers M. Vincent. Il précisera que l'évènement dure moins de trente secondes et qu'il est à deux ou trois pieds de M. Vincent et qu'il ne pouvait pas faire plus car il y avait la table de coupe entre les deux.
[129] Il dit qu'il est faux que M. Vincent était « accoté » sur la porte qui de toute façon est basculante.
[130] Il est sorti cinq secondes après l'incident en lui disant : « Si vous voulez me congédier, dites moi le donc ». M. Vincent n'a pas répondu. Il est resté seul à pleurer. Il est monté ensuite au bureau de M. Robitaille pour s'excuser.
III. ARGUMENTATION
Argumentation patronale
[131] Le plaignant a été embauché en 2005 pour être commis d'épicerie. Étant donné la difficulté de trouver des bouchers, il se fait offrir la formation nécessaire.
[132] Au début, tout va bien, il semblait motivé même si la rapidité d'exécution laissait à désirer. La première évaluation faite au printemps 2011 en fait mention et lui-même veut s'améliorer.
[133] Le 18 août 2011 il y aura une rencontre avec M. Robitaille qui se traduira par la remise de l'avis verbal déposé sous la cote P-2 . Ce n'est pas une mesure disciplinaire et M. Robitaille ne voulait pas le discipliner mais bien le sensibiliser concernant les pertes de temps et la lenteur dans l'exécution des tâches. Il s'engage à s'améliorer.
[134] Il y aura une autre rencontre en août 2011, rencontre qui se veut informelle et amicale sans document à remettre. L'employeur veut à nouveau le motiver car la prestation de travail est insuffisante. M. Vincent rapporte lui aussi la lenteur d'exécution. Sur ces points, les témoignages de MM. Robitaille et Vincent sont crédibles et se corroborent.
[135] M. Cormier ne parlera jamais de racisme avant le dépôt des griefs, même si l'occasion lui est donnée.
[136] Le 4 septembre 2011, M. Roussy, gérant de la poissonnerie, a entendu M. Cormier chanter et crier jusqu'à 8h15. Il n'intervient pas car il avait peur de lui. Il attendra donc le retour d'un autre représentant de l'employeur car l'épisode du doigt d'honneur est encore frais en mémoire. Neil Dégarie confirme les propos et le comportement après 8h00, soit après l'ouverture du magasin au public.
[137] M. Cormier admet l'essentiel, soit d'avoir chanté, crié et d'avoir fait le clown dans un autre département. Il semblait de plus sous l'influence de l'alcool.
[138] Il recevra deux mesures disciplinaires en septembre 2011. La première, déposée sous la cote P-3 était pour lui demander de cesser de perdre son temps et de respecter les périodes de repos et de repas. C'est à cette occasion que l'employeur sollicite un billet médical. L'autre mesure disciplinaire déposée sous la cote P-4 concernait un problème relié à l'usage de drogues ou d'alcool. On référera M. Cormier à la politique et au programme PAE de l'entreprise. Il ne fera jamais appel au PAE qu'il assimile de toute façon à l'employeur. Aucun grief ne sera déposé pour contester ces deux lettres.
[139] 8 décembre 2011, remise de la lettre déposée sous la cote S-2 . On lui reproche d'avoir fait cuire et d'avoir consommé une saucisse. Ce geste allait à l'encontre directe d'une politique connue de M. Cormier. Le témoignage de M. Robitaille est sans équivoque, il n'y a pas d'exception et la politique est connue de tous.
[140] Cette même journée, l'employeur lui reproche de perdre son temps et son attitude en général. D'ailleurs, d'autres employés se plaignent de cette attitude. Considérant ces évènements et le dossier antérieur, M. Cormier sera suspendu deux jours sans solde, suspension non contestée par grief.
[141] Il sera de nouveau rencontré le 16 février 2012 pour les mêmes sujets déjà discu-tés. L'employeur l'invite à réfléchir sans prendre de mesures disciplinaires. Il répliquera par le dépôt d'un grief pour se plaindre d'intimidation. À son retour de vacances il sera rencontré le 1 er mars pour discuter des griefs soulevant une plainte de harcèlement. M. Cormier définira le harcèlement par la surveillance dont il se dit victime.
[142] L'employeur se plaint également des nombreuses pauses pour aller à la toilette. Le plaignant aurait dû doser ses allées et venues en fonction de ses périodes de repos et de repas et jumeler les deux activités pour minimiser les pertes de temps. De bonne grâce, l'employeur acceptera le billet médical mais lui demandera de poinçonner à chaque fois sans jamais l'avoir pénalisé au niveau du temps payé.
[143] Il renouvellera son engagement de bien travailler lors de cette rencontre du 1 er mars 2012. Toutefois, il déposera un grief S-5 alléguant être victime de harcèlement. M. Robitaille ne comprend pas cette attitude car il est évident que discipliner n'est pas du harcèlement mais de la gestion de personnel. M. Cormier prétend que M. Vincent le harcèle, le surveille de trop près et il revient sur la pièce de viande qu'il a dû dégraisser de nouveau. M. Cormier reproche également à M. Vincent de l'empêcher de faire de la coupe alors qu'il s'agit d'une question d'efficacité sans connotation de harcèlement. Il n'y a aucune preuve de harcèlement commis par M. Vincent.
[144] Il en va de même pour la rencontre du 6 avril 2012 alors que M. Cormier se plaignait que M. Vincent avait crié au lieu de l'appeler sur un ton normal. Cette journée là, il quittera plus tôt. Le lendemain il accusera M. Vincent d'être raciste et d'être continuellement sur son cas. La rencontre, à la demande de M. Cormier, se fera sans représentant syndical. Les explications nécessaires seront données et l'insistance sera mise sur le fait que M. Vincent ne fait que son travail. La rencontre se terminera avec une poignée de mains.
[145] Que dire de l'épisode du bris du moulin à viande. Il a utilisé des viandes conge-lées au lieu de suivre la procédure. Il quitte la rencontre en donnant un coup de poing et en perdant son calme. M. Labrie l'a rappelé et lui a demandé de se calmer car il crai-gnait pour sa sécurité. M. Cormier a une toute autre version, prétendant être revenu cal-mement et en pleurant. Il se dit non responsable, qu'il s'agit d'un bris mécanique alors que les photographies démontrent le contraire. Il sera alors suspendu dix jours car on lui reprochait de la négligence dans l'exécution de son travail et de la violence lors de la rencontre disciplinaire.
[146] Le 12 juillet 2012, M. Robitaille remarque une erreur de poinçon, ce qui arrive fréquemment. Pour éviter une erreur de paye qui se traduirait par une coupure, il vérifie les données avant le traitement de la paye. M. Robitaille va donc voir M. Cormier et lui demande calmement ce qu'il en est. M. Cormier s'est fâché et a répliqué qu'ils étaient toujours sur son dos. M. Robitaille lui dit de se calmer. M. Vincent retourne à la salle de coupe pour informer M. Cormier que tout est correct. Il n'aura que le temps de lui dire « Mario ». M. Cormier lui dira aussitôt : « Ça fait, je ne suis plus capable », avec un couteau à la main. Il cogne sur la table en faisant des mouvements circulaires. M. Vincent lui demande de déposer son couteau. Il répondra plutôt : « Vous voulez me crisser à la porte ». Il lui demandera à nouveau de déposer son couteau et, sans réponse, il quittera les lieux pour aller voir M. Robitaille.
[147] M. Vincent a eu peur d'être « piqué ». L'employeur a décidé alors de le congédier car le geste est grave et l'employeur a l'obligation d'assurer la santé et la sécurité de ses employés. M. Cormier n'a jamais regretté les gestes posés lors de la rencontre de congédiement et il faut conclure qu'il n'a aucun respect pour ses supérieurs, la procédure et les normes. De plus, jamais il n'a cessé de perdre son temps pas plus qu'il n'a changé ses habitudes concernant la toilette.
[148] M. Cormier promettait toujours de s'améliorer sans livrer la marchandise avec comme conséquence que ses collègues de travail lui en voulaient, ce qui se reflétait au niveau quantitatif et qualitatif.
[149] Le congédiement doit être confirmé car il y a eu violence commise de la part de M. Cormier. À titre d'exemples :
M. Landry : « C'est moi que tu cherches » ;
M. Roussy : un doigt d'honneur ;
M. Robitaille : l'épisode du café et l'arrogance démontrée alors ;
M. Labrie : les coups de poing dans le mur ;
M. Vincent : la menace au couteau.
[150] Il y a de plus une accentuation des gestes de violence et l'employeur se devait d'agir et de prendre les mesures appropriées C'est en ce sens que l'employeur soumet les dispositions suivantes :
Article
Article
et enfin,
la clause 1.1 de la convention collective S-1 .
[151] Les critères de jurisprudence devant être retenus sont les suivants :
Gravité de l'agression : une lame de dix pouces ;
Identité de la victime : un assistant-gérant, donc une personne hiérarchiquement supérieure ;
Conséquences pour les autres victimes : climat de travail malsain ;
Cas isolé vs récidive : ici, il s'agit clairement d'un cas de récidive ;
Attitude postérieure au congédiement : aucun regret, aucun remord
Absence de provocation.
[152] L'employeur n'avait d'autres choix que de congédier M. Cormier. Même si l'épisode du 12 juillet en était un unique, le congédiement s'imposerait quand même car il y va de la sécurité des autres devant travailler dans un département où les couteaux sont omniprésents. Mais ici, il y avait plus car le dossier disciplinaire de monsieur était déjà chargé et l'employeur avait appliqué la gradation des sanctions.
[153] De par ses gestes et paroles, M. Cormier portait directement atteinte à l'autorité de I’employeur et ainsi le congédiement doit être maintenu.
[154] Il n'y a pas non plus de circonstances atténuantes car il n'y a pas eu d'abus d'autorité et l'employeur, en tout temps, a agi avec politesse, respect et retenue. L'employeur demande donc que les griefs soient rejetés.
[155] Le 6 mars 2014, le procureur fera parvenir
copie de la décision rendue par le Commissaire Roger Barrette dans
André
Boucher c. Pneus Ratté
,
[44] Dès lors, la question à laquelle il faut répondre est la suivante : l'employeur avait-il une cause juste et suffisante de mettre fin à l'emploi ? En d'autres termes, il faut se demander si la sanction était, ou non, disproportionnée par rapport à la faute.
[45] En matière de violence au travail, l'auteure
Nathalie-Anne Béliveau (Nathalie-Anne Béliveau,
La violence au travail peut se traduire tout autant dans les gestes que dans les paroles d'un salarié. Il s'agit à notre avis d'un comportement inacceptable en milieu de travail et que l'employeur ne saurait tolérer.
La jurisprudence distingue, quant à la violence physique, la situation qui implique deux salariés de même niveau hiérarchique de celle qui implique un salarié ainsi qu'un individu dont le niveau hiérarchique est plus élevé. Le salarié qui fait preuve de violence à l'endroit d'un supérieur, outre son geste répréhensif, porte directement atteinte à l'autorité de ce dernier. Pour ce motif, la jurisprudence majoritaire maintient généralement le congédiement imposé par l'employeur en de telles circonstances. L'identité de la personne qui a été attaquée s'inscrit donc comme un facteur important.
Argumentation syndicale
[156] Il y a un autre côté à la médaille et l'argumentation syndicale va s'appliquer à le démontrer.
[157] On lui reproche régulièrement sa productivité alors qu'il a reçu sa formation en entreprise et que l'entrainement est crucial. De plus, M. Cormier est minutieux. Il faut tenir compte de ces deux caractéristiques.
[158] À vrai dire, on veut s'en débarrasser. Dès août 2011, on commence « à monter un dossier ». On prend des notes sur des bouts de papier, on se plaint du rendement et on donne des avis verbaux.
[159] L'employeur est insatisfait du travail accompli. Avant tout évènement significatif, M. Labrie déclare à un autre employé : « On est déjà sur son cas et on est en train de monter un dossier ». Il devient donc inévitable dans ces circonstances que l'employeur se met sur le dos du salarié. Ajoutez à cela que les fonctions que l'on donne à M. Cormier sont des fonctions de commis et non de boucher même si dans les faits il bénéficie de plus d'ancienneté que les autres.
[160] L'avis verbal déposé sous la cote P-2 reproche à monsieur que ses couteaux étaient souvent propres, au lavage, avant la fin de son horaire. L'utilisation de couteaux est inutile pour la préparation de poulets et la fabrication de viandes hachées. Il accomplissait souvent ces deux tâches et il n'y a donc pas de preuve que les couteaux au lavage signifiaient que monsieur ne faisait rien.
[161] Le 9 septembre 2011, l'employeur lui reproche d'avoir chanté et crié alors que le magasin n'est pas encore ouvert au public. Il n'y avait donc pas de client pouvant être témoin de ces actes.
[162] La lettre déposée sous la cote S-2 lui reproche d'avoir fait cuire une saucisse. Oui, un tel geste constitue une contravention à la politique d'achat et n'est certes pas l'idée du siècle mais tout s'explique dans les circonstances. L'employeur a placé M. Cormier dans un état d'esprit où il sait qu'on le surveille et veut savoir qui peut le rapporter.
[163] On lui reproche son rendement sans s'assurer s'il a besoin de formation.
[164] Le 16 février 2012, M. Cormier est dans un tel état d'esprit qu'il se sent intimidé. Le grief S-4 demande donc justement à ce que l'intimidation cesse immédiatement.
[165] Le 1 er mars 2012, remise d'un certificat médical concernant le besoin de se rendre fréquemment à la toilette. La remise faisait elle-même suite à des demandes formulées par l'employeur tel qu'il appert des pièces déposées sous les cotes P-3 et S-2 . L'employeur lui demande un certificat médical pour aller à la toilette et pousse l'audace, une fois en possession du document, jusqu'à lui demander de poinçonner chaque fois qu'il devra aller à la toilette ?
[166] Lorsque M. Vincent l'oblige à reprendre le travail de dégraissage sur une pièce de viande, les circonstances et la manière utilisée constituent un traitement dégradant. M. Cormier était donc bien fondé de se plaindre de harcèlement.
[167] Concernant le bris du moulin, M. Labrie a admis qu'il s'agissait d'un bris mécanique mais décide tout de même de discipliner. On l'accuse d'avoir été violent, ce qui est nié catégoriquement par Mme Basque qui ajoute même qu'elle aurait quitté les lieux si tel avait été le cas. M. Cormier n'était pas violent, il pleurait car il se sentait victime et traité injustement. Il n'y a donc pas eu de violence ni de confrontation de sa part.
[168] Les circonstances entourant le congédiement concernent plus spécifiquement trois acteurs : MM. Robitaille, Vincent et Cormier.
[169] Les circonstances particulières doivent être prises en compte. M. Cormier est à bout et a beaucoup de difficultés avec M. Vincent. Celui-ci a d'ailleurs menti. Il déclare que M. Cormier a pris le couteau dans ses mains ce qui est faux. M. Cormier était au travail et avait déjà le couteau dans les mains. M. Vincent dit avoir eu peur pour sa sécurité mais n'en parle pas à M. Robitaille se contentant de dire qu'ils ont un problème avec M. Cormier.
[170] S'il était vrai qu'il a eu peur de se faire « piquer », cette information se retrouverait à au moins deux endroits. Le document déposé sous la cote P-13 n'en fait aucunement mention pas plus que la lettre de congédiement déposée sous la cote S-10 . Et personne n'appelle la police. Lors de l'audition, M. Vincent lui-même a témoigné que la lame était toujours en l'air sans pointer vers lui.
[171] Cet évènement ne mérite même pas une mesure disciplinaire encore moins un congédiement. Le tribunal doit intervenir pour casser le congédiement et y substituer une suspension qui respecterait la gradation des sanctions.
[172] De plus, M. Cormier s'est excusé à la toute première occasion. Pourquoi alors prétendre que monsieur est en date du 19 juillet sans regret et sans excuse.
[173] Finalement, le procureur syndical rappelle au tribunal la clause 8.5 de la convention collective S-1 :
8.5 L'arbitre n'a aucune juridiction pour altérer ou modifier l'une ou l'autre des dispositions de la présente convention, ni d'y substituer quelque nouvelle disposition, ni de prendre quelque décision qui peut entrer en conflit avec les termes et dispositions de la convention.
Dans les cas de griefs relatifs à des mesures disciplinaires, l'arbitre a le pouvoir de maintenir, de réduire ou d'annuler la dite mesure. Il a l'autorité pour décréter la réembauche d'un salarié, et le remboursement de tout montant dû au salarié.
Dans les cas de griefs relatifs à des mesures non disciplinaires incluant la suspension ou le congédiement administratif, le pouvoir de l'arbitre est limité à maintenir ou à annuler la mesure administrative imposée au salarié. Lorsque la mesure administrative est annulée, l'arbitre a le pouvoir d'établir le remboursement de tout montant dû au salarié.
IV. DÉCISION
Grief QC-0931
[174] L'employeur a prouvé à la satisfaction du tribunal les éléments essentiels sur lesquels sa démarche s'appuyait.
[175] Quel que soit le but recherché ou la motivation sous jacente, M. Cormier a fait cuire une saucisse dans le département. Il contrevenait ainsi à la logique la plus élémentaire concernant la salubrité et l'hygiène. Il n'a pas payé cette saucisse allant à l'encontre de la politique des achats.
[176] Il a été également prouvé que M. Cormier allait à la toilette plus fréquemment que la norme et en des temps qui provoquaient des pertes de temps et de productivité. Au moment de la remise de la lettre disciplinaire, l'employeur n'avait toujours pas de billet médical et était donc en droit d'agir pour voir cesser un comportement qu'il jugeait défavorablement.
[177] L'attitude de nonchalance ou d'arrogance aux dates visées par la mesure est également prouvée par une suite d'évènements qui justifiaient l'employeur d'intervenir.
[178] Le grief QC-0931 est donc rejeté.
Griefs 61378 et 61385
[179] Ces deux griefs ont le même objet, soit de se plaindre du comportement de l'employeur que l'on qualifie de comportement d'intimidation ou de harcèlement.
[180] Dans les deux cas, les actes reprochés s'inscrivent dans l'exercice des droits de gérance dont celui entre autres de discipliner un salarié.
[181] Le harcèlement est défini comme suit à
l'article
81.18 Pour l'application de la présente loi, on entend par « harcèlement psychologique » une conduite vexatoire se manifestant soit par des comportements, des paroles, des actes ou des gestes répétés, qui sont hostiles ou non désirés, laquelle porte atteinte à la dignité ou à l'intégrité psychologique ou physique du salarié et qui entraîne pour celui-ci, un milieu de travail néfaste.
[182] Dans le cas soumis et aux dates concernées par les griefs on ne retrouve pas les éléments constitutifs et nécessaires pour conclure à du harcèlement.
[183] L'employeur tente, avec une maladresse certaine, d'obtenir le concours de M. Cormier, un changement d'attitude et une prestation normale de travail. La maladresse, en l'absence de mauvaise foi, n'est pas un élément constitutif du harcèlement.
[184] L'employeur était bien fondé d'agir dans les circonstances et son action s'inscrivait alors dans l'exercice de son pouvoir disciplinaire et visait un but légitime. Une plainte de harcèlement ne saurait faire obstacle à cet exercice que dans les cas y donnant ouverture, soit lorsque les éléments constitutifs sont rencontrés et prouvés.
[185] En conséquence, les griefs 61378 et 61385 sont rejetés.
Grief 69974
[186] Ce grief concerne la suspension sans solde imposée à M. Cormier pour le bris du moulin à viande et pour le comportement qu'il a adopté lors de la rencontre d'enquête.
[187] La preuve est nettement insuffisante pour imputer à M. Cormier le bris de la machine. Mme Basque confirme de plus la version de M. Cormier voulant que M. Labrie aurait lui-même admis son incapacité de prouver la faute. Il n'a pas été prouvé à la satisfaction du tribunal que l'utilisation de produits congelés soit la cause du bris.
[188] De plus, M. Cormier n'en était pas le seul utilisateur. Enfin, la vis sans fin a peut-être simplement cédé par usure ou faiblesse. Dans tous les cas, la preuve ne permet pas d'imputer à cent pour cent la responsabilité du bris à M. Cormier. Il y a aussi le témoignage de M. Provencher qui déclare sans hésitation qu'il est impossible de briser ce genre d'équipement que par utilisation de produits congelés.
[189] La suspension sans solde dont se plaint monsieur par ce grief devra être revue pour en réduire la durée.
[190] Cependant, l'autre reproche relatif à son comportement lors de l'enquête a été démontré. La description des évènements est la même tant du côté patronal que du côté syndical avec des différences au niveau de l'intensité. Dans ce cas bien précis, rien ne justifiait monsieur Cormier de s'emporter comme il l'a fait. Il aurait dû se contenter d'expliquer les faits, sa version des faits quitte à déposer un grief pour contester les conclusions de l'employeur si ce dernier, après enquête décidait de lui imputer, en tout ou en partie, la faute.
[191] Malgré tout, deux éléments doivent être pris en compte par le tribunal.
[192] La preuve de la responsabilité de monsieur était plus que faible et ne pouvait pas servir de base à l'imposition d'une mesure disciplinaire. L'évènement n'aurait pas dû avoir de suite.
[193] Le climat de travail s'envenimait dans la même foulée avec en arrière scène l'employeur qui « monte un dossier » pour reprendre l'expression de monsieur Philippe Provencher. Dans de telles circonstances, monsieur Cormier pouvait se sentir épié, surveillé dans ses moindres mouvements ou injustement discipliné. En aucun temps, ce sentiment peut le justifier d'agir ainsi. Toutefois, un employeur qui « monte un dossier » risque de commettre des erreurs par empressement ou par manque de recul.
[194] La suspension de dix jours doit donc être
révisée à la lumière de ces circons-tances. C'est la raison pour laquelle le
tribunal y substitue une suspension de cinq jours. L'employeur devra payer à
monsieur Cormier les cinq autres jours de suspension sans solde avec intérêts
et l'indemnité additionnelle, les intérêts courant depuis le dépôt du grief tel
que prévu à l'article
[195] Le grief 69974 est donc accueilli en partie.
Grief 69975
[196] Ce grief contestait la suspension sans solde imposée à monsieur Cormier pour fins d'enquête. Cette suspension et l'avis disciplinaire ont par la suite été remplacés par l'avis de congédiement, tel qu'il appert de la lettre déposée sous la cote S-10 .
[197] Étant devenu sans objet, le grief est rejeté.
Grief 54478
[198] Par ce grief, M. Cormier conteste le congédiement qui lui fut imposé suite aux évènements du 12 juillet 2012.
[199] Le congédiement est fondé sur un seul évènement soit lorsque le plaignant aurait menacé l'assistant-gérant avec un couteau. Bien sur, le dossier antérieur a été pris en considération, mais la rédaction de la lettre de congédiement laisse voir l'évènement de juillet comme l'évènement culminant, celui nécessitant une rupture immédiate et définitive du lien d'emploi.
[200] Les témoignages sont contradictoires. De son côté, l'employeur prétend que le plaignant a tout simplement perdu la tête et a menacé un représentant de l'employeur, M. Pierre Vincent, avec un couteau de boucher ayant une lame de dix pouces. L'évènement est à ce point violent que monsieur Vincent est alors contraint à la fuite.
[201] De l'autre côté, le plaignant soutient ne pas avoir menacé M. Vincent pas plus que d'avoir pointé la lame en sa direction. Il était tout simplement découragé du traitement dont il se disait victime.
[202] Le tribunal ne peut retenir qu'une seule version. Le Code du travail , L.R.Q., c C-27 prévoit ce qui suit :
100.12 Dans l'exercice de ses fonctions l'arbitre peut :
f ) en matière disciplinaire, confirmer, modifier ou annuler la décision de l'employeur et, le cas échéant, y substituer la décision qui lui paraît juste et raisonnable, compte tenu de toutes les circonstances de l'affaire . ( mon souligné )
[203] Le tribunal retient la version proposée par le syndicat pour les motifs suivants, tous reliés aux circonstances de l'affaire dont il est saisi.
[204] M. Cormier est sous la loupe de l'employeur depuis longtemps, il le sait et essaie de composer avec la situation tant bien que mal. Ainsi, l'employeur lui demande un billet médical pour justifier la fréquence d'utilisation de la toilette. M. Cormier se plie à cette exigence et remet un billet médical émis par un médecin affirmant qu'effectivement monsieur doit aller à la toilette aussi souvent que nécessaire. On peut s'interroger autant sur l'exigibilité d'un tel billet que sur son fondement médical, mais n'en demeure pas moins qu'en remettant ce billet, monsieur répondait correctement à l'unique condition alors imposée par l'employeur.
[205] L'employeur ne cherche pas à contester ce billet en le faisant expertiser par un médecin de son choix ou en demandant un complément d'informations. L'employeur ajoute quand même une nouvelle obligation soit celle de poinçonner à chaque fois que monsieur devra se rendre à la toilette. Cette exigence est surajoutée à une autre à laquelle M. Cormier avait donné suite.
[206] Dans de telles circonstances, il avait droit de se sentir sous surveillance et d'avoir un traitement particulier. C'est dans cette optique que doit être évalué ce qui se passe le 12 juillet. Qu'en est-il ? Pourquoi l'employeur intervient cette journée là et qu'est-ce que monsieur fait au moment de l'intervention.
[207] Première constatation : monsieur Cormier est au travail, à préparer du poulet dans son département sur une table à découpe.
[208] Deuxième constatation : l'employeur se trompe et n'a aucune raison d'inquiéter le plaignant concernant son poinçon. L'employeur est dans l'erreur.
[209] De plus, le témoignage du travailleur est crédible. Il est tout à fait normal d'avoir un couteau dans la main pendant que l'on prépare du poulet. La version de M. Vincent voulant qu'il ait saisi un couteau est non crédible. Le couteau était déjà dans la main de M. Cormier. Il ne l'a pas déposé sur la table mais cela aussi s'explique et s'explique autrement que par un désir de menacer un autre individu.
[210] M. Cormier était découragé de se voir encore dans le trouble pour quelque chose qui n'était vraiment pas de sa faute. Il s'est mis à pleurer par désespoir et non par rage.
[211] M. Vincent est le seul qui est sorti à toute allure de la salle de coupe alors que d'autres bouchers y étaient présents. Seuls MM. Claude St-Laurent et Philippe Provencher seront entendus à ce sujet. Ils reprendront les paroles de M. Cormier relatives à l'état de découragement et M. St-Laurent précisera qu'en aucun moment la lame était pointée vers M. Vincent. Ce dernier, devant le tribunal, confirmera que la lame n'était pas pointée vers lui.
[212] L'employeur prétend que M. Vincent avait eu peur pour sa vie alors qu'il avait suf-fisamment récupéré peu de temps après pour retourner à la salle de coupe en compa-gnie de M. Robitaille alors que monsieur Cormier quant à lui était en pleurs. Même si la lettre de congédiement S-10 parle de l'évènement « en présence de plusieurs autres salariés », aucun autre employé ne sera entendu sur ce sujet. La preuve ne peut pas soutenir la version patronale voulant que M. Cormier ait été violent, agressif ou même menaçant. Dans un tel cas, le tribunal n'aurait pas hésité à confirmer le congédiement.
[213] La thèse syndicale doit donc être préférée à celle de l'employeur qui semble exagérée pour servir ses fins, soit de se débarrasser d'un employé que l'on juge incompétent ou négligent. L'employeur ne s'y ait pas pris de la bonne manière et le tribunal ne peut cautionner cette action en rejetant le grief. Ce qui est vrai, c'est que l'employeur ne veut plus d'un salarié parce qu'il le juge incompétent, nonchalant ou désintéressé. Ce n'est toutefois pas la nature du grief dont est saisi le tribunal. La lettre de congédiement ne nous réfère qu'à cette journée du 12 juillet pour justifier la rupture.
[214] Certes M. Cormier a plusieurs défauts et il devra les corriger mais les évènements du 12 juillet tel que mis en preuve et tel que compris par le tribunal ne peuvent servir de base et justifier un congédiement. L'employeur, mal renseigné ou trop expéditif, a mal jugé ce qui s'est réellement passé et a sauté sur l'occasion pour mettre un terme à l'emploi du plaignant.
[215] M. Cormier semble avoir un réel problème de compétence ou de motivation que la présente décision ne règlera pas. Il devra s'amender et fournir l'effort nécessaire pour assurer à l'employeur une prestation normale et non une prestation déficiente. Il y a toutefois des étapes fort importantes qui devront être accomplies au préalable. Un salarié jugé incompétent doit quand même avoir un certain support, une forme d'aide, de l'information et l'employeur doit assurer un suivi serré de l'aide fournie et des attentes formulées.
[216] La réintégration est le redressement normal face à un congédiement fait sans cause juste et suffisante. Elle sera donc imposée dans ce dossier, les parties n'ayant soumis aucun motif pour décider autrement. Mais, M. Cormier devra faire un sérieux examen de conscience avant d'exercer son droit d'être réintégré. Veut-il retourner dans ce climat de travail ? Est-il à la hauteur des attentes légitimes de l'employeur ? Lui seul peut y répondre.
[217] M. Cormier n'est pas non plus sans reproche. La réintégration pure et simple est donc écartée et ne saurait se justifier eu égards à la preuve faite. Le sort réservé aux autres griefs est éloquent. Il doit apprendre à fournir un effort constant et ne pas travailler dans un climat de constante méfiance. Il devra de plus apprendre à s'exprimer et être confronté à de la discipline. C'est pour ces raisons que le tribunal substitue une suspension sans solde d'une année complète au congédiement. Cette suspension est donc réputée avoir été purgée du 12 juillet 2012 au 12 juillet 2013. L'employeur devra le compenser pour tout le salaire perdu entre le 13 juillet 2013 et la date de réintégration, moins tout le salaire gagné ou tout revenu touché ailleurs au cours de la même période.
[218] Il n'y a pas matière à se prononcer sur l'octroi de dommages moraux ou punitifs. Le tribunal ne croit pas que l'employeur était de mauvaise foi ou cherchait à nuire. Il a tout simplement fait, c'est notre opinion, une mauvaise évaluation de ce qui s'est passé le 12 juillet 2012. Il aurait dû procéder à une enquête sérieuse avant de prendre une telle décision. Malgré tout, il n'a pas engagé sa responsabilité au-delà de la juste compensation pour le salaire perdu. La conclusion du grief 54478 au sujet du paiement de dommages moraux et punitifs est en conséquence rejetée.
V. DISPOSITIF
Pour les raisons qui précèdent, après avoir étudié la preuve, la jurisprudence et les autorités soumises par les parties, soupesé les arguments des procureurs et sur le tout délibéré, l'arbitre soussigné :
Rejette les griefs QC-0931, 61378 et 61385 ;
Accueille partiellement le grief 69974 pour réduire de dix à cinq jours la suspension sans solde qui aurait dû être purgée ;
Ordonne à l'employeur de compenser M. Cormier pour le salaire perdu, soit les cinq autres journées de travail ;
Le tout avec
intérêts et l'indemnité additionnelle
tel que prévu à l'article
Rejette , parce que sans objet, le grief le grief 69975 ;
Accueille partiellement le grief 54478 , casse le congédiement imposé le 12 juillet 2012 et y substitue une suspension sans solde d'une année ;
Ordonne à l'employeur de compenser M. Cormier pour tout le salaire perdu depuis le 12 juillet 2013, date à laquelle la suspension se terminait jusqu'à la date de réintégration, déduction faite de tout salaire ou revenu gagné ailleurs au cours de la même période.
Le tout avec
intérêts et l'indemnité additionnelle
tel que prévu à l'article
Ordonne à l'employeur de réintégrer M. Cormier dans ses fonctions de boucher dans les quinze jours de la présente décision avec tous les droits et privilèges ;
De plus, l'arbitre soussigné réserve sa juridiction pour déterminer les sommes dues sur requête d'une des parties ou pour régler toute autre difficulté.
Québec, 30 avril 2014
Me Jean-François La Forge, arbitre
Pour le Syndicat : Me Daniel Tremblay, Tremblay Lafleur Petitclerc
Pour l'Employeur : M. Maurice Vincent
Auditions tenues le 21 et 22 mai 2013 ainsi que le 25 et 26 février 2014, Pris en délibéré le 6 mars 2014, date de la dernière communication.