Lefebvre c. Immeubles Luc Léonard inc. (Groupe Sutton Laurentides)

2014 QCCQ 5358

COUR DU QUÉBEC

« Chambre civile »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

TERREBONNE

LOCALITÉ DE

 SAINT-JÉRÔME

« Division des petites créances »

N° :

700-32-026486-124

 

 

 

DATE :

4 juin 2014

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE

 L'HONORABLE JEAN-YVES TREMBLAY, J.C.Q.                                                

 

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MICHEL LEFEBVRE

 

 

          Partie demanderesse

 

 

c.

 

 

IMMEUBLES LUC LÉONARD INC. F.A.S.N.

GROUPE SUTTON LAURENTIDES

 

         

           Partie défenderesse

 

 

 

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JUGEMENT

JT0716

 
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Une transaction immobilière est à la source du litige.

[1]            D'après le demandeur, le courtier a inscrit que les installations sanitaire de la maison était composés d'une fosse septique et d'un champs d'épuration. Les installations sanitaires sont composées d'une fosse septique et de 2 bassins absorbants… [1] . L'acheteur prétend donc que cette information inexacte l'induit en erreur lorsqu'il acquiert la propriété en 2010, qu'elle en affecte la valeur et que la correction de la situation lui coûte cher.

[2]            La défenderesse produit une défense fort détaillée selon laquelle son courtier lit le contrat en entier à la venderesse, avant la signature, et que l'intéressée n'y suggère aucune modification. De même, on achemine à la venderesse la fiche descriptive de l'immeuble en lui demandant de la vérifier et de suggérer toute correction pertinente.

[3]            La contestation mentionne aussi une lettre de tolérance de la municipalité émise le 8 décembre 2009 qui n'est cependant pas un certificat de conformité et qui est remise à l'acheteur éventuel avant la transaction litigieuse. Le représentant de la défenderesse parle ensuite d'une promesse d'achat du demandeur conditionnelle à la production d'une lettre de la ville concernant les installations septiques et à une inspection en bâtiment qui a lieu. S'ensuit une diminution de 7 000, 00 $ du prix de la transaction faite sans garantie légale et à ses risques et périls .

[4]            L'acte notarié est signé le 13 mai 2010, qui souligne notamment l'absence d'avis de non conformité de l'immeuble aux lois et règlements, l'engagement de l'acquéreur à prendre l'immeuble dans l'état où il se trouve et la renonciation de l'acheteur à toute garantie légale.

[5]            Enfin, la responsabilité de la défenderesse ne peut être engagée parce que ses courtiers agissent en l'espèce de façon prudente et diligente; parce qu'on ne peut leur reprocher quelque vice caché, le cas échéant, puisqu'ils ne sont pas propriétaires ni inspecteurs en bâtiment; parce que le demandeur achète après réception de la lettre de tolérance de la municipalité, se réserve le droit d'inspection de l'immeuble, demande et obtient une diminution du prix de 7 000, 00 $, ne prouve pas diminution de valeur de sa propriété et finalement, doit ou devrait savoir que la durée d'utilisation d'une installation septique se situe aux environs de 20 ans, 12 ans de moins qu'en l'espèce.

[6]            À l'audience, les deux (2) représentants de la défenderesse maintiennent le cap et l'un d'eux rappelle en plus qu'un collègue représente le demandeur, qui avait la possibilité de le conseiller et de l'inciter à la prudence. Bref, la preuve permettrait difficilement d'accueillir l'action du demandeur. Il serait superflu de commenter tous les points soulevés en défense, le rappel de quelques éléments suffira.

[7]            D'abord, la construction de l'installation septique litigieuse remonte à 1980 et comme le note la Cour du Québec dans l'affaire Tremblay [2] ,  « selon toute probabilité , il s'agit de vétusté, d'usure normale du drain.  De fait, dans ce contexte, il ne faut pas perdre de vue qu'il s'agit d'un drain d'origine tel que révélé par la preuve, installé en 1960 selon les règles de l'art à l'époque et qui par surcroît n'a présenté aucune déficience jusqu'aux infiltrations du 12 mars 1990 et ce n'est pas un vice caché en tant que tel, puisqu'il s'agit indubitablement de détériorations dues à la vétusté:  un drain en fait n'a un potentiel de vie que de quinze (15) à vingt (20) ans tout au plus» . Ces remarques valent en l'espèce.

[8]            Que la vente se fasse sans garantie légale, aux risques et périls de l'acheteur prive également ce dernier de tout recours. L'article 1632. du Code civil du Québec prévoit en effet l'exclusion entière de la garantie légale, sauf faits personnels du vendeur. Or telle preuve ne se retrouve pas en l'espèce, qui pourrait justifier le recours du demandeur également lié par l'article 1726 selon lequel  le vendeur…n'est, pas tenu de garantir… le vice apparent; est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert.

[9]            La doctrine et la jurisprudence enseignent que ces obligations de prudence et de diligence augmentent dans le cas d'acquisition d'un immeuble âgé, en outre équipé en l'espèce d'une installation septique vieille de trente-deux (32) ans. Pour la Cour suprême du Canada [3] , le législateur ne vient pas au secours de l'imprudent qui achète les yeux fermés.  L'acheteur doit regarder, examiner et même s'informer avant de se décider à acheter.  Un vice dont il aurait pu se rendre compte s'il avait pris les précautions requises devient un vice apparent en autant qu'il est concerné...  Un vice est aussi considéré comme apparent lorsque, échappant aux yeux d'un acheteur inexpérimenté, son existence peut être constatée de suite par quelqu'un de plus compétent.  Dans cette hypothèse, l'acheteur est considéré en faute pour n'avoir pas utilisé les services d'une personne qui s'y connaît mieux que lui.

[10]         De même , les Tribunaux ont répété à profusion qu'une particulière prudence s'impose lors de l'achat d'un immeuble vieillissant et que souvent, dans ces cas, c'est une erreur de ne pas recourir aux services d'un expert [4] , et l'acheteur devra être d'autant plus prudent s'il possède des indices, si des déclarations lui sont faites et s'il s'agit d'un immeuble d'un certain âge [5] . Pour la Cour supérieure du Québec, quand il s'agit d'une maison neuve, la Cour peut comprendre qu'un acheteur doit prendre beaucoup moins de précaution, mais lorsqu'il s'agit d'une maison usagée, l'acheteur doit prendre des précautions beaucoup plus minutieuses avant de signer son contrat d'achat [6] .

[11]         Bref, une constatation s'impose en l'espèce, le demandeur se fait l'artisan de son propre malheur en contrevenant à ses obligations de prudence et de diligence.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

REJETTE l'action du demandeur, avec frais contre lui, 199, 00 $.

 

 

 

 

 

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                                                                                      JEAN-YVES TREMBLAY

                                                                                      Juge à la Cour du Québec   

 

 

 

 

Date d'audience : 2 juin 2014



[1] N.B. Les caractères en italique sont la reproduction fidèle des textes rapportés.

[2]     Carl Tremblay et Chantale Maltais c. Pierre Pilote et als, C.Q. Chic.150-02-000477-900, déc. 1991/09/30, hon. Jean-Paul Aubin

[3]     Phylomène Houde c. Louise Desjardins et autre, C.S.C. 150-05-000015-844

[4]     Sergerie et Tremblay c. Gagné, C.Q. Chic. 150-02-000710-912, 1993-04-21, hon. Lucien Tremblay, p. 11

[5]     Dufour c. St-Gelais, C.S. Chic. 150-05-001161-829, 1984-01-12, hon. Pierre Bergeron

[6]     Côté et Nicole c. Tremblay, C.S. Roberval 155-05-000039-827, 1984-01-09, hon. Gaston Harvey.