Section des affaires sociales

En matière de services de santé et de services sociaux, d'éducation et de sécurité routière

 

 

Date : 3 juillet 2014

Référence neutre : 2014 QCTAQ 06912

Dossier  : SAS-Q-194333-1308

Devant le juge administratif :

GISÈLE LACASSE

 

M… R…

Partie requérante

c.

SOCIÉTÉ DE L'ASSURANCE AUTOMOBILE DU QUÉBEC

Partie intimée

 

 


DÉCISION




[1]               Le Tribunal est saisi d’un recours introduit par la requérante à l’encontre d’une décision rendue le 4 juillet 2013, par le Service d’évaluation médiale et suivi du comportement de l’intimée, la Société de l’assurance automobile du Québec (la Société).

[2]               Cette dernière décision a été prise à la suite de la réception d’un rapport d’évaluation sommaire préparé par un évaluateur accrédité par l’Association des centres de réadaptation en dépendance du Québec (l’ACRDQ) concluant que la requérante a un comportement envers la consommation d’alcool ou de drogue demeurant à risque pour la sécurité routière. Considérant cette conclusion, la Société impose à la requérante, pour obtenir un permis de conduire un véhicule routier, de se soumettre à un examen médical et à une évaluation complète.

[3]               Bien que dûment convoquée par lettre du 7 mai 2014 à sa dernière adresse connue, la requérante est absente et non représentée au jour et à l’heure fixés pour l’audience de son recours tenue le 25 juin 2014. Celle-ci n’ayant pas motivé son absence, le Tribunal procède sans elle, tel que lui permet l’article 100 de la Loi sur la justice administrative et rend sa décision après revue du dossier et argumentation de la procureure de la Société.

[4]               Une ordonnance de non-diffusion, de non-publication et de non-reproduction a été émise avant l’audience, le 18 mars 2014, à l’égard des documents relatifs à l’évaluation sommaire de l’ACRDQ concernant la requérante.

 

LES FAITS

[5]               De l’ensemble de la preuve soumise, le Tribunal retient comme pertinents les faits suivants.

[6]               Le ou vers le 9 décembre 2010,  la requérante est accusée de conduite d’un véhicule moteur ou de garde ou de contrôle d’un véhicule à moteur alors qu’elle a consommé une quantité d’alcool telle que son alcoolémie dépasse quatre-vingts milligrammes d’alcool par cent millilitres de sang (art. 253 (1) b) du Code criminel ).

[7]               Le 25 février 2011, la requérante plaide coupable à l’accusation et son permis de conduire un véhicule automobile est révoqué jusqu’au 25 février 2012.

[8]               Le 7 mars 2011, la Société transmet une correspondance à la requérante lui indiquant que, puisqu’il s’agit d’une première infraction au Code criminel liée à l’alcool au cours des dix dernières années, pour être admissible à l’obtention d’un nouveau permis à la date d’échéance de sa sentence, elle devra se soumettre à une évaluation sommaire.

[9]               Le 28 juin 2013, la requérante se soumet à l’évaluation sommaire. Elle a répondu à toutes les questions de l’évaluatrice et aux divers questionnaires faisant partie du protocole d’évaluation.

[10]            L’évaluatrice conclut son rapport avec une recommandation non favorable en rai-son de la présence de cinq facteurs de risque reconnus en matière de récidive, un minimum de trois facteurs étant requis pour arriver à une recommandation défavorable. La requérante a coté au facteur C (problèmes liés aux drogues illégales/médicaments), au facteur D (habitudes de consommation d’alcool), au facteur H (infractions au code de la sécurité routière), au facteur I (risques liés aux attitudes, intentions, comportements, cognition) et au facteur J (habitudes de conduite). Elle recommande que la requérante se soumette à une évaluation complète afin de s’assurer que ses habitudes de consommation d’alcool ou de drogue ne sont plus incompatibles avec la conduite sécuritaire d’un véhicule routier.

[11]            Suite à la réception du rapport, la Société rend la décision du 4 juillet 2013 qui fait l’objet du présent litige.

[12]            La requérante conteste le résultat de l’évaluation sommaire simplement en indiquant que la décision est mal fondée en fait et en droit.

 

ANALYSE ET MOTIFS

[13]            Le Tribunal est appelé à statuer sur le bien-fondé de la décision de la Société d’exiger de la requérante de se soumettre, notamment, à une évaluation complète, conformément aux dispositions contenues dans le Code de la sécurité routière [1] (le Code ).

[14]            Le présent litige soulève l’application des articles suivants du Code  :

«  180. Entraîne de plein droit la révocation de tout permis autorisant la conduite d'un véhicule routier ou la suspension du droit d'en obtenir un, la déclaration de culpabilité d'une personne à une infraction au Code criminel (L.R.C. 1985, c. C-46), commise avec un véhicule routier ou avec un véhicule hors route et prévue aux articles suivants de ce code:

[…]

 2° l'article 253, le paragraphe 5 de l'article 254 ou les paragraphes 2, 2.1, 2.2, 3, 3.1 ou 3.2 de l'article 255.

[…] »

«   76.1.2.  Lorsque l'infraction donnant lieu à la révocation ou à la suspension est reliée à l'alcool et que la personne n'est pas visée à l'article 76.1.4, elle doit, pour obtenir un nouveau permis, établir que son rapport à l'alcool ou aux drogues ne compromet pas la conduite sécuritaire d'un véhicule routier de la classe de permis demandée.

La personne doit satisfaire à l'exigence prévue au premier alinéa:

1° au moyen d'une évaluation sommaire, si, au cours des 10 années précédant la révocation ou la suspension, elle ne s'est vu imposer ni révocation ni suspension pour une infraction consistant à refuser de fournir un échantillon d'haleine ou pour une infraction reliée à l'alcool;

2° au moyen d'une évaluation complète, si, au cours des 10 années précédant la révocation ou la suspension, elle s'est vu imposer au moins une révocation ou suspension pour une infraction consistant à refuser de fournir un échantillon d'haleine ou pour une infraction reliée à l'alcool.

La personne qui échoue l'évaluation sommaire doit satisfaire à l'exigence prévue au premier alinéa au moyen d'une évaluation complète.

La personne qui réussit l'évaluation sommaire doit, après avoir payé à la Société les droits afférents, suivre avec succès un programme d'éducation reconnu par le ministre des Transports et destiné à sensibiliser les conducteurs aux problèmes de la consommation d'alcool ou de drogue. »

«  76.1.9. Les évaluations visées aux articles 64, 76.1.2, 76.1.4 et 76.1.1.1 relèvent des centres de réadaptation pour personnes alcooliques et autres personnes toxicomanes et des centres hospitaliers offrant un service de réadaptation pour de telles personnes. Elles sont faites par des personnes autorisées par ces centres et suivant les règles établies par entente entre la Société et ces centres et entre la Société et l'Association des centres de réadaptation en dépendance du Québec. »

«  81. La Société peut refuser de délivrer un permis, d’en changer la classe ou de lui en ajouter une autre, si la personne qui en fait la demande :

[…]

3° selon un rapport d'examen ou d'évaluation visé aux articles 64, 73, 76.1.2, 76.1.4 ou 76.1.4.1 ou un rapport visé à l'article 603, est atteinte d'une maladie, d'une déficience ou se trouve dans une situation non visées dans les normes concernant la santé établies par règlement mais qui, d'après l'avis d'un professionnel de la santé ou d'un autre professionnel que la Société peut désigner nommément ou d’une personne autorisée par un centre de réadaptation pour personnes alcooliques et autres personnes toxicomanes, sont incompatibles avec la conduite d'un véhicule routier correspondant au permis de la classe demandée;

[…] »

[15]            Après avoir pris connaissance de la preuve documentaire et des argumentations de la procureure de la Société, et sur le tout dûment délibéré, le Tribunal conclut que le recours de la requérante doit être rejeté, et ce, pour les motifs suivants.

[16]            Le Code est clair à l’effet que, lorsqu’une personne est déclarée coupable en vertu de l’article 253 du Code criminel , le permis de conduire de cette personne est révoqué de plein droit.

[17]            À partir du moment où le permis d’une personne est révoqué suite à une « infraction reliée à l’alcool », pour obtenir un nouveau permis de conduire, cette personne doit établir que son rapport à l’alcool ou aux drogues ne compromet pas la conduite sécuritaire d’un véhicule routier selon l’article 76.1.2 du Code en se soumettant à l’évaluation sommaire.

[18]            L’évaluation sommaire a pour but d’évaluer la compatibilité du comportement d’une personne relativement à la consommation d’alcool ou de drogue avec la conduite sécuritaire d’un véhicule automobile. Elle sert à déterminer si les comportements passés et présents d’une personne en lien avec l’alcool ou la drogue constituent des facteurs de risque de récidive.

[19]            Cette évaluation se fait par l’administration de divers questionnaires standardisés, à une personne, par des évaluateurs autorisés par l’ACRDQ et suivant les règles établies par entente entre la Société et l’ACRDQ. Les réponses obtenues sont compilées et permettent, par la suite, à l’évaluateur d’émettre une recommandation.

[20]            Les dispositions du Code sont d’ordre public. Elles doivent donc être respectées.

[21]            Dans le présent cas, la requérante a coté à cinq facteurs de risque. Rien dans la preuve ne permet de déceler une erreur dans l’application du protocole. De plus, étant absente à l’audience, la requérante ne donne aucune explication et n’apporte pas de preuve pouvant éclairer le Tribunal à l’appui de son recours.

[22]            Malheureusement, les résultats obtenus, lors de l’évaluation sommaire, démontrent que la requérante présente plusieurs indicateurs de risque quant à la conduite sécuritaire d’un véhicule automobile, justifiant la recommandation non favorable. Le Tribunal n’a donc aucune raison d’intervenir.

[23]            Par conséquent, le Tribunal conclut que la décision rendue par la Société le 4 juillet 2013 est bien fondée en fait et en droit. Le Tribunal rejette donc la contestation de la requérante. La requérante devra donc se soumettre à une évaluation complète.

POUR CES MOTIFS, le Tribunal :

REJETTE le recours de la requérante;

CONFIRME la décision rendue par la Société le 4 juillet 2013.

.


 

 

GISÈLE LACASSE, j.a.t.a.q. [2]


 

Dussault, Mayrand

Me Karine Giroux

Procureure de la partie intimée


 



[1] RLRQ, chapitre C-42.2.

[2] Le Tribunal a autorisé une réduction du quorum à un seul membre, par ordonnance rendue en vertu de l’article 82 , alinéa 3 de la Loi sur la justice administrative .