RÉGIE DES ALCOOLS, DES COURSES ET DES JEUX

 

 

 

NUMÉRO DU DOSSIER

:

40-2434751-001

[ACCES]

 

DATE DE L’AUDIENCE

:

2014-06-03 (par téléphone) à Montréal

 

RÉGISSEUR

:

M e Jean Lepage

TITULAIRE

:

Constandina Mourelatos et François Marquis (Érablière du Nouveau Monde s.e.n.c.)

 

RESPONSABLE

:

M me Constandina Mourelatos

 

NOM DE L’ÉTABLISSEMENT

:

Érablière du Nouveau Monde

 

ADRESSE

:

3000, montée des Soucy

Mont-Laurier (Québec)

J9L 3G5

 

PERMIS EN VIGUEUR

:

Restaurant pour vendre

1 er étage (117 personnes)

N o 9704032

 

NATURE DE LA DÉCISION

:

Contrôle de l’exploitation

 

DATE DE LA DÉCISION

:

2014-07-03

 

NUMÉRO DE LA DÉCISION

:

40-0006215

 

 

 

 

DÉCISION

 

[1]                Par avis de report daté du 17 avril 2014, la Régie des alcools, des courses et des jeux (la Régie) a convoqué en audience les titulaires en vue de procéder à une enquête et déterminer s’ils avaient commis quelque manquement à leurs obligations légales relativement aux événements mentionnés au premier avis de convocation daté du 27 décembre 2013 et, le cas échéant, aux fins de sanctionner tels manquements.


LES FAITS

[2]                Les faits qui ont donné ouverture à la convocation se résument comme suit :

[Transcription conforme]

Tolérer des boissons alcooliques acquises non conformément au permis

 

Le 29 mars 2013, les policiers ont saisi, dans votre établissement, le(s) contenant(s) de boisson(s) alcoolique(s) suivant(s) (Document 1) :

 

- 3 bouteille(s) de vin rouge de 1 litre(s) de marque Vittori, 13% alc./vol. (item 1)

 

- 1 bouteille(s) de vin blanc de 1 litre(s) de marque Vittori, 11% alc./vol. (item 2)

 

Le timbre de droit de la Société des alcools du Québec n'était pas apposé sur ce(s) contenant(s).

 

Ce(s) contenant(s) a (ont) été trouvé(s) sous le comptoir derrière le bar et dans le réfrigérateur situé dans la cuisine.

 

Total en litres du (des) contenant(s) : 4 litre(s)

 

Madame Mourelatus a déclaré que ces boissons alcooliques sont consommées avec les employés après les heures de travail.

 

*****

 

AUTRES INFORMATIONS PERTINENTES :

 

Érablière du Nouveau Monde, s.e.n.c. (Constandina Mourelatos et François Marquis) est autorisé(e) à exploiter cet établissement depuis le 25 juillet 2008.

 

La date d'anniversaire du(des) permis est le 25 juillet.

 

 

L’AUDIENCE

[3]                L’audience s’est tenue au Palais de justice de Montréal, par conférence téléphonique, le 3 juin 2014. La représentante pour les titulaires, M me Constandina Mourelatos était présente et accompagnée de leur procureur, M e Dany Chamard. La Direction du contentieux de la Régie était représentée par M e  Guillaume Dutil-Lachance.


Preuve de la Direction du contentieux de la Régie

[4]                M e Guillaume Dutil-Lachance déclare que la preuve de la Direction du contentieux repose sur le document 1 annexé à l’avis de convocation.

[5]                Le document 1 est notamment constitué d’un rapport d’infraction général daté du 29 mars 2013 et portant la signature des agents André Doucet et Chantal Pivin de la Sûreté du Québec, MRC Antoine Labelle (SQ).

[6]                Les policiers de la SQ se sont présentés à l’Érablière du Nouveau Monde le 29 mars 2013, vers 14 h 17, afin d’effectuer une visite d’inspection systématique de l’établissement. Ils y ont rencontré la copropriétaire de l’établissement, M me   Constandina Mourelatos .

[7]                Le rapport indique que les policiers ont découvert, sous le comptoir derrière le bar, parmi d’autres bouteilles, les trois (3) bouteilles de vin rouge décrites à l’avis de convocation. Ces bouteilles ne portaient pas le timbre de la Société des alcools du Québec (SAQ).

[8]                Ils ont également découvert, dans le réfrigérateur de la cuisine, la bouteille de vin blanc décrite à l’avis de convocation. Cette bouteille ne portait pas, non plus, le timbre de la SAQ.

[9]                M me Mourelatos a expliqué aux policiers que ces bouteilles de vin étaient utilisées pour boire avec les employés une fois la journée de travail terminée.

 

Preuve des titulaires

Témoignage de M me Constandina Mourelatos

[10]            M me Mourelatos est copropriétaire de l’Érablière du Nouveau Monde avec M. François Marquis.

[11]            Elle explique que les activités de l’établissement sont le service de repas dans la salle à manger et la production de sirop d’érable. Le local servant à la production de sirop d’érable est adjacent à celui servant de restaurant.

[12]            Lors de la période de production du sirop, il n’y a pas de clients dans l’établissement. Les clients n’ont pas accès au local de production.

[13]            Les bouteilles de vin non timbrées ont été achetées pour la consommation personnelle des employés.

[14]            Elles étaient conservées dans la salle de production mais une employée les a rangées dans le restaurant.

[15]            Ils n’ont jamais, auparavant, contrevenu à la Loi sur les permis d’alcool (LPA). Au moins trois inspections policières ont été effectuées à l’établissement.

[16]            Le commerce est exploité deux à trois mois par année à partir de la fin du mois de février.

 

Représentations du procureur de la Direction du contentieux de la Régie

[17]            Selon M e Dutil-Lachance, la preuve démontre que les titulaires ont acheté quatre bouteilles de vin non timbrées pour la consommation personnelle des employés.

[18]            Même si ces bouteilles étaient normalement conservées dans le local servant à la production, ledit local fait partie des circonstances et dépendances de l’ installation dans laquelle est exploité le permis de restaurant.

[19]            Les titulaires ont donc contrevenu à l’article 72.1 de la LPA et la Régie a l’obligation d’intervenir en vertu de l’article 86, 2 e alinéa, paragraphe 4 de la LPA.

[20]            M e Dutil-Lachance recommande une suspension du permis d’alcool des titulaires pour une durée de deux (2) jours.

[21]            Il souligne que cette sanction, pour avoir une effet dissuasif, devrait être exécutée après le 1 er mars 2015.

 

Représentations du procureur des titulaires

[22]            M e Dany Chamard plaide que le local où sont utilisées les bouteilles de vin pour la consommation personnelle des employés n’est pas visé par le permis d’alcool des titulaires.

[23]            Il ajoute que, si le tribunal en arrive à une conclusion différente, il devrait considérer le fait qu’il n’y a aucun facteur aggravant et qu’il s’agit d’une première convocation pour les titulaires devant la Régie.

[24]            Dans les circonstances, une suspension d’une journée du permis des titulaires serait suffisante.

 

LE DROIT

[25]            Les dispositions légales qui s'appliquent dans le présent dossier sont les suivantes :

Loi sur les infractions en matière de boissons alcooliques [1] (LIMBA)

84.  Il est défendu à un titulaire de permis de garder dans l'établissement où ce permis est exploité un contenant de boissons alcooliques autres que la bière et le cidre et sur lequel n'est pas apposé le timbre de la Société ou un contenant de boissons alcooliques fabriquées par un titulaire de permis de production artisanale sur lequel n'est pas apposé un autocollant numéroté de la Régie. […]

 

Loi sur les permis d'alcool [2] (LPA)

72.1.  Un titulaire de permis autorisant la vente ou le service de boissons alcooliques ne doit tolérer dans son établissement que la présence de boissons alcooliques acquises, conformément à son permis, de la Société ou d'un titulaire de permis de production artisanale, de brasseur, de distributeur de bière ou de fabricant de cidre, délivrés en vertu de la Loi sur la Société des alcools du Québec (chapitre S-13), ou d'un agent d'un tel titulaire de permis.[…]

 

86.  […]

 

La Régie doit révoquer ou suspendre un permis si:

 

[…]

 

 4° le titulaire du permis a contrevenu à l'article 72.1;

 

[…]

 

La Régie, dans la détermination de la sanction administrative pour contravention à l'article 72.1, tient compte notamment des facteurs aggravants suivants:

 

  a)  la quantité de boissons alcooliques ou d'appareils de loterie vidéo;

 

  b)  le fait que les boissons alcooliques sont de mauvaise qualité ou impropres à la consommation;

 

  c)  le fait que les boissons alcooliques sont fabriquées frauduleusement ou falsifiées;

 

  d)  le fait que le titulaire du permis a contrevenu à l'article 72.1 dans les cinq dernières années;

 

  e)  le fait que les boissons alcooliques ne sont pas commercialisées par la Société des alcools du Québec et qu'elles ne sont pas fabriquées, embouteillées ou livrées conformément à un permis délivré en vertu de la Loi sur la Société des alcools du Québec (chapitre S-13).

 

 

ANALYSE

[26]            En vertu de l'article 72.1 de la LPA, un titulaire de permis d'alcool ne peut tolérer dans son établissement que des boissons alcooliques acquises conformément à son permis.

[27]            La preuve démontre que trois bouteilles de vin rouge et une bouteille de vin blanc non timbrées étaient présentes dans le restaurant de l’Érablière du Nouveau Monde le 29 mars 2013.

[28]            M me Mourelatos a honnêtement admis que ces bouteilles n’avaient pas été achetées timbrées. Elles n’étaient pas destinées à être servies aux clients du restaurant. Elles servaient à la consommation personnelle des employés au cours de leurs repas consommés dans le local servant à la production.

[29]            C’est par erreur qu’elles ont été rangées dans le restaurant par une employée.

[30]            Le terme « tolérer » n’est pas défini par le législateur aux fins de l’application de la LPA. En l'absence d'une définition législative, il est approprié de recourir au sens usuel du terme utilisé [3] .

[31]            Comme le retenait notamment le Tribunal de la Régie dans l’affaire Restaurant Saveur du Lac [4] , «  on peut dire que « tolérer », c'est laisser se produire ou subsister une chose ou une situation qu'on aurait le droit ou la possibilité d'empêcher ».

[32]            On doit donner une interprétation stricte et objective au mot « tolérer » laquelle exclut toute intention coupable [5] .

[33]            M e Dany Chamard a plaidé que le local de production où devaient être consommées ces bouteilles de vin n’est pas visé par le permis d’alcool.

[34]            Cet argument, en soi, ne peut être retenu puisque les bouteilles de vin fautives se trouvaient dans la pièce visée par le permis d’alcool, soit le restaurant.

[35]            Si ces bouteilles avaient été trouvées dans le local réservé à la production, il y aurait aussi eu contravention à l’article 72.1 de la LPA.

[36]            En vertu de l’article 1 de la LPA et de l’article 2 , paragraphe 13 de la LIMBA, un établissement comprend « l’ installation dans laquelle est exploité un permis ou dans laquelle sont fabriquées des boissons alcooliques sous l'autorité d'une loi fédérale ainsi que les circonstances et dépendances de cette installation. »

[37]            Dans l’affaire Bar Latour (9163-6456 Québec Inc.) c. RACJ [6] , le Tribunal administratif du Québec a traité de la question des circonstances et dépendances de la façon suivante :

[Transcription conforme]

14]                Comme l’indique Le Petit Robert , l’expression « circonstances et dépendances » désigne «  les accessoires d’un bien immeuble  ».

[15]                Il faut comprendre que les circonstances et dépendances d’un local où est exploité un permis d’alcool sont les espaces, les pièces ou même les bâtiments accessoires du local visé par le permis.

[38]            Le local de production qui, selon la preuve, est dans le même bâtiment que le restaurant où est exploité le permis d’alcool est donc visé par la définition législative du mot « établissement ».

[39]            Le Tribunal de la Régie conclut que les titulaires ont contrevenu à l’article 72.1 de la LPA et qu’en conséquence l’une des sanctions prévues au paragraphe 4, du deuxième alinéa de l’article 86 de la même loi s’impose.

[40]            Le témoignage de M me Mourelatos indique que le commerce est exploité trois mois par année, ce qui est peu.

[41]            La suspension de deux jours suggérée par le procureur de la Direction du Contentieux équivaudrait à une suspension de huit jours pour un commerce ouvert à l’année.

[42]            Dans les circonstances, le soussigné est d’avis qu’une suspension d’une journée du permis des titulaires sera suffisante.

[43]            L’objectif d’une sanction n’est pas de punir le contrevenant, mais de s’assurer plutôt que la mesure imposée « serve (..) à responsabiliser et à inciter cette personne à respecter la loi [7]  .»

[44]            Le soussigné avise les titulaires que toute nouvelle contravention de même nature pourra entraîner une sanction plus importante.

PAR CES MOTIFS,

La Régie des alcools, des courses et des jeux :

SUSPEND                                          pour une période d’un (1) jour , le permis de restaurant pour vendre n o 9704032 dont Constandina Mourelatos et François Marquis (Érablière du Nouveau Monde s.e.n.c.) sont titulaires, et ce, à compter de la mise sous scellés des boissons alcooliques;

ORDONNE                                       la mise sous scellés des boissons alcooliques se trouvant sur les lieux par un inspecteur de la Régie ou par le corps de police dûment mandaté à cette fin pour la période de la suspension ci-dessus mentionnée;

ORDONNE                                       que ladite suspension soit exécutée après le 1 er  mars 2015.

 

 

 

                                                           JEAN LEPAGE, avocat                                         

                                                           Régisseur

 

 



[1] RLRQ, chapitre I-8.1.

[2] RLRQ, chapitre P-9.1.

[3] Voir, notamment, 134677 Canada inc . c. Tribunal administratif du Québec (C.A.) [2004] R.J.Q. 1105 .

[4] RACJ, Décision n o 40-0005369, le 17 mars 2013.

[5] 134677 Canada inc . c. Tribunal administratif du Québec , op cit. note 3.

[6] 2010 QCTAQ 02287.

[7] RACJ, Récréathèque ( Les Entreprises Proment ltée), décision no 40-0001014, le 8 novembre 2005 et RACJ, Le Riverain Cuisine du Terroir , décision no 40-0005075, le 28 septembre 2012.