Vigeant c. Tremblay

2014 QCCQ 5972

COUR DU QUÉBEC

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

TERREBONNE

LOCALITÉ DE

ST-JÉRÔME

« Chambre Civile »

N° :

700-22-029492-138

 

 

 

DATE :

18 juin 2014

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

RICHARD LANDRY, J.C.Q.

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MARTIN VIGEANT

et

CAROLINE SAINT-JACQUES

Demandeurs

c.

DOMINIC TREMBLAY

Défendeur

 

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

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[1]            Les demandeurs Vigeant et Saint-Jacques réclament de leur vendeur Tremblay la somme de 20 832,06 $ en raison de vices cachés affectant le mur de soutènement situé à l'arrière de la propriété achetée.

[2]            Le défendeur Tremblay plaide que le mur de soutènement était conforme aux règles de l'art et que la dégradation du mur a été causée par l'installation d'une piscine creusée par les demandeurs après la vente.

LES QUESTIONS EN LITIGE

[3]            Les principales questions en litige sont les suivantes:

1)     Le mur de soutènement était-il affecté de vices cachés (articles 1726 et suivants C.C.Q.)?

2)     La responsabilité du défendeur est-elle engagée en sa qualité d'« autoconstructeur » (articles 2098 , 2100 et 2118 C.c.Q.)?

3)     Selon les réponses apportées aux questions précédentes, les demandeurs ont-ils droit à des compensations en raison de l'état du mur?

LES FAITS

[4]            Le 16 juin 2009, monsieur Vigeant et madame St-Jacques achètent de monsieur Tremblay une propriété résidentielle à Terrebonne au prix de 385 000 $.  La vente est faite avec la garantie légale.  La vente fut précédée d'une inspection pré-achat.

[5]            À l'automne 2009, les demandeurs font installer une piscine creusée sur leur terrain à l'arrière, avec les aménagements de circonstances (trottoirs, pavés, cabanon).

[6]            À l'été 2011, monsieur Vigeant constate que le cabanon penche un peu vers l'arrière.  Il impute la situation à un léger mouvement de terrain et n'en fait pas de cas.

[7]            En mai 2012, il constate que la situation du cabanon a empiré et que les portes ne s'ouvrent et ne se ferment qu'avec beaucoup de difficulté.  De plus, la clôture implantée sur le mur de soutènement s'incline vers le terrain du voisin.

[8]            Les demandeurs inspectent les lieux de plus près et constatent que le mur de soutènement qui longe en totalité l'arrière de leur terrain est incliné et déformé: blocs de ciment de hauteurs inégales, certains blocs sont déplacés verticalement par rapport aux autres.

[9]            Cette situation les inquiète, d'autant plus que l'installateur de la piscine (Trévi), leur recommande de prendre des mesures rapides pour corriger la situation.

[10]         À la mi-juin 2012, ils font appel à l'ingénieur Luc Gauthier de Galion Experts Conseils pour vérifier l'état du mur de soutènement et émettre les recommandations appropriées le cas échéant.

[11]         Dans le rapport faisant suite à sa visite du 19 juin 2012  [1] , monsieur Gauthier constate que le mur a été construit il y a à peine 5 ans (en 2007) et que son état de dégradation est injustifiable en si peu de temps.  Dans son expertise non destructive, il questionne la qualité de la semelle d'assise du mur, la présence de matériaux granulaires et leur compaction ainsi que l'existence d'un tuyau de drainage pour évacuer l'eau du mur.  Il recommande de reconstruire le mur selon les règles de l'art à partir d'une fondation stable.

[12]         Les demandeurs dénoncent la situation par écrit au défendeur Tremblay.  Celui-ci impute la cause de ces dégradations aux travaux d'aménagement de la piscine réalisés après la vente et nie responsabilité.

[13]         Il témoigne qu'il était présent lors de la construction de ce mur de soutènement car il était l'autoconstructeur de sa résidence.  Il avait confié les travaux de construction  du mur à Excavations Allard qui, à ses dires, a réalisé un travail conforme aux règles de l'art.

[14]         Son point de vue est confirmé par son expert, l'ingénieur Claude Guertin de ProspecPlus Conseils inc., dans un rapport daté du 31 janvier 2013  [2] .  À l'avis de celui-ci, la construction du mur respectait les règles de l'art en la matière applicables à l'époque et c'est la construction de la piscine creusée et autres aménagements à l'automne 2009 qui sont responsables de la dégradation du mur.

[15]         Tout comme l'ingénieur Gauthier, il est d'accord que le mur doit être refait mais disculpe complètement son client quant à la responsabilité des travaux de réfection.

[16]         Le 29 octobre 2012, les demandeurs font transmettre à monsieur Tremblay une mise en demeure le tenant responsable des coûts et dommages reliés à la dégradation du mur et produisent des évaluations de 28 719 $ et 25 466 $ pour procéder à sa réfection  [3] .

[17]         À défaut d'entente, les travaux de réfection du mur sont réalisés à l'automne 2013 par Fontaine Paysagiste inc. pour la somme de 15 832,06 $.  La réduction des coûts estimés au départ s'explique par la réutilisation des blocs existants dans la construction du nouveau mur.

[18]         Une poursuite judiciaire est déposée en juillet 2013 réclamant le coût de réfection du mur, 5 000 $ en dommages et intérêts, plus les frais d'expertise encourus par les demandeurs.

 


LES RÈGLES DE DROIT APPLICABLES

1)      La garantie contre les vices cachés

[19]         La «  garantie légale » que l'on retrouve dans la plupart des contrats de vente comme celui à l'étude comprend la «  garantie légale de qualité   » d'un bien, mieux connue sous l'expression de «  garantie contre les vices cachés » .

[20]         Pour déterminer si cette garantie s'applique et comment elle peut s'appliquer dans la présente affaire, il y a lieu d'examiner les principes qui la caractérisent.

A) Les conditions d'application de la garantie

[21]         L'article 1726 du Code civil du Québec établit le contenu de la garantie de qualité d'un bien en ces termes:

1726. Le vendeur est tenu de garantir à l'acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l'usage auquel on le destine ou qui diminue tellement son utilité que l'acheteur ne l'aurait pas acheté, ou n'aurait pas donné si haut prix, s'il les avait connus.

Il n'est, cependant, pas tenu de garantir le vice caché connu de l'acheteur ni le vice apparent; est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert.

[22]         Ainsi, pour que la garantie légale concernant les vices cachés s'applique, certaines conditions doivent être présentes  [4] :

1 o le vice doit posséder une certaine gravité

L'acheteur doit prouver que le vice caché rend le bien «  impropre à l'usage auquel on le destine » ou «  diminue son utilité » au point où il «  ne l'aurait pas acheté » ou «  n'aurait pas donné si haut prix » .

Pour être considéré comme un «  vice  » , celui-ci doit engendrer un «  déficit d'usage   », c'est-à-dire qu'il doit, en tout ou en partie, nuire à l'usage auquel il est normalement destiné (ex: infiltrations d'eau, système de disposition des eaux usées inadéquat, etc.).  Cela exclut de la garantie les dégradations, imperfections ou anomalies peu importantes qui ne privent pas l'acheteur raisonnable de l'utilisation de ce bien  [5] .  Est également écartée de la garantie la perte d'usage «  normale » du bien causée par l'usure, le vieillissement ou la vétusté prévisible  [6] (ex: toiture ayant atteint sa durée de vie utile).

Pour apprécier la gravité du vice, le Tribunal tient compte du coût des travaux de réparations, l'importance de la nuisance ou des inconvénients subis par l'acheteur, la diminution réelle de la valeur du bien et le temps que l'acheteur a pris pour le faire réparer.

2 o le vice doit être antérieur à la vente

L'acheteur doit démontrer que le vice était présent au moment où il a acquis le bien.  Cela comprend le vice qui existait à l'état latent («  en germe » ) au moment de la vente mais dont la manifestation ne survient qu'après la vente.  Cela exclut donc le vice qui prend naissance après la vente et dont seul l'acheteur assume le risque ou le vice causé par un mauvais usage de l'acheteur lui-même.

La survenance d'un vice peu après la prise de possession de l'acheteur peut créer une présomption de l'existence antérieure d'un vice.

3 o le vice doit être inconnu de l'acheteur

Si l'acheteur a été informé de l'existence d'un vice avant la vente, ce vice ne peut être «  caché » .  C'est le cas où le vendeur, l'agent d'immeuble, un tiers, les documents contractuels, la fiche descriptive de l'immeuble ou le rapport d'inspection préachat dénoncent l'existence d'un vice quelconque.  La connaissance suffisante du vice par l'acheteur doit être prouvée par le vendeur.

4 o le vice doit être caché («  occulte  »)

Par «  caché » , on entend un vice qui ne peut être découvert par un acheteur prudent et diligent malgré un examen raisonnable de l'objet de la vente.  L'intensité de cet examen peut varier selon la nature du bien acheté:  on n'achète pas une maison comme on achète un parapluie.

Ainsi, un vice n'est pas «  caché » du seul fait que l'acheteur ne l'a pas aperçu ou n'en a pas apprécié la gravité.  Le vice qui aurait pu être constaté par un acheteur consciencieux sera considéré comme apparent  [7] .

Bien que l'article 1726 du Code civil du Québec n'exige pas que l'acheteur ait recours à un expert ou un inspecteur préachat, il demeure que, dans certaines circonstances, l'acheteur «  prudent et diligent » doit obtenir de l'aide.  C'est le cas de l'acheteur qui possède peu ou pas de connaissances en matière de construction et qui perçoit l' indice d'un problème (ex: cernes suggérant des infiltrations d'eau, fissures dans les fondations).  En l'absence d'indices révélateurs, on n'exigera pas de l'acheteur, par exemple, qu'il défasse les murs ou qu'il creuse autour des fondations pour en vérifier l'état.

La détermination de ce qui est «  caché » ou «  apparent » sera influencée par l'ensemble des circonstances particulières à chaque cas .  Ainsi, le Tribunal prend en considération le statut du vendeur (vendeur spécialisé ou non), le statut de l'acheteur (profane ou qualifié en construction), la nature du bien acheté (maison, commerce, industrie), son âge, le prix payé, la nature du vice, le comportement des parties [8] et tout autre élément qui particularise le litige.

Par exemple, on sera plus exigeant envers le vendeur si celui-ci est le constructeur de la maison.  À l'inverse, si l'acheteur est un professionnel de la construction, on n'exigera un examen plus poussé de sa part que s'il s'agit d'un profane.  De même, l'examen d'une maison âgée de 50 ans devra être plus poussé que celui d'une maison neuve ou presque neuve.

En matière de vice caché, il n'est pas requis de prouver que le vendeur connaissait l'existence du vice reproché; le plus souvent, il l'ignore, ce qui en confirme souvent l'aspect «  occulte » .

Par contre, si le vendeur connaissait le vice ou ne pouvait l'ignorer, sa responsabilité sera plus grande car il est tenu à des dommages plus étendus (article 1728 c.c.Q.):

1728.   Si le vendeur connaissait le vice caché ou ne pouvait l'ignorer, il est tenu, outre la restitution du prix, de tous les dommages-intérêts soufferts par l'acheteur.

5 o la dénonciation du vice

L'article 1739 exige que l'acheteur qui constate un vice doit le dénoncer par écrit au vendeur dans un délai raisonnable depuis sa découverte afin de permettre à ce dernier de faire ses propres constatations et protéger ses droits (contre-expertise, réparations à un prix moindre que celui exigé par l'acheteur).  La règle du délai raisonnable ne s'applique cependant pas s'il est prouvé que le vendeur connaissait ou ne pouvait ignorer le vice (article 1739 C.c.Q.).

1739. L'acheteur qui constate que le bien est atteint d'un vice doit, par écrit, le dénoncer au vendeur dans un délai raisonnable depuis sa découverte. Ce délai commence à courir, lorsque le vice apparaît graduellement, du jour où l'acheteur a pu en soupçonner la gravité et l'étendue.

Le vendeur ne peut se prévaloir d'une dénonciation tardive de l'acheteur s'il connaissait ou ne pouvait ignorer le vice.

B) Les indices

[23]         Lorsqu'un promettant-acheteur a connaissance d'indices suggérant qu'il existe des problèmes dans l'immeuble convoité, il ne peut rester passif devant cette situation.  Il doit se renseigner sur la cause des problèmes avant d'acheter au risque de voir son recours rejeté [9] .

            C) Les représentations du vendeur

[24]         D'autre part, la jurisprudence a aussi établi qu'un vice révélé par des indices pouvait quand même être considéré comme vice «  caché  » si le vendeur a fourni, même de bonne foi , des informations fausses ou inexactes qui sont de nature à créer chez l'acheteur un sentiment de fausse sécurité [10] .

D) Les compensations payables à l'acheteur

[25]         Concernant la détermination des compensations exigibles par l'acheteur lésé, il existe certaines règles qui doivent être prises en considération.

[26]         Dans leur traité sur La Responsabilité Civile [11] , les auteurs Baudouin et Deslauriers approchent la question de l'indemnisation en ces termes (à la page 313):

« La jurisprudence tente de réaliser un équilibre entre deux impératifs.  Le premier est de voir à ce que l'indemnisation ne soit pas une source d'enrichissement pour la victime.  Le second est, au contraire, d'éviter de la laisser dans une situation ne reflétant pas une réparation intégrale. »

[27]         Ils précisent (à la page 315):

« Lorsque l'objet avait déjà subi les assauts du temps et n'était donc pas neuf au moment où le dommage a été subi, accorder la pleine valeur de remplacement est, dans un sens, enrichir la victime qui se retrouve avec un objet complètement neuf et non dévalué.  C'est pourquoi, en général, les tribunaux compensent ce fait en tenant compte de la dépréciation selon les circonstances."  ( et, à la page 317) " Les réparations confèrent parfois (en matières immobilières par exemple) une plus-value au bien et augmentent sa valeur économique.  Les tribunaux déduisent alors du coût des réparations une certaine somme pour tenir compte de celle-ci. »

[28]         Par exemple, les tribunaux tiennent compte du fait que les réparations réalisées pour corriger un vice caché vont prolonger la durée de vie utile d'un bien ou en accroître l'utilité [12] .

[29]         Ce sont là les notions générales de droit applicables en matière de recours basés sur des vices «  cachés » .

[30]         Dans le cas à l'étude, la preuve n'établit pas qu'il y avait des d'indices apparents d'un problème quelconque avec le mur de soutènement lors de la vente ni de fausses représentations du vendeur à son sujet.

[31]         La question portera donc principalement sur l'« antériorité » du vice vu l'installation d'une piscine creusée après la vente, ce que nous examinerons plus loin.

2)      La jurisprudence en matière de mur de soutènement et vices cachés

[32]         La jurisprudence reconnaît généralement la responsabilité du vendeur lorsque des problèmes affectent prématurément la stabilité d'un mur de soutènement.

[33]         Ainsi, dans Blandino c. Colagiacomo   [13] , il s'agissait également d'un cas d'autoconstruction.  La Cour d'appel décide que le vendeur était présumé en connaître les défauts et qu'il devait démontrer que ces défauts ne lui étaient pas imputables, ce qu'il n'a pas réussi à faire.  D'autres jugements concluent à la responsabilité du vendeur lorsqu'un mur de soutènement est affecté de défauts cachés  [14] .

[34]         Inversement, dans Mangiola c. Pucella  [15] , la Cour d'appel conclut que les vices du mur de soutènement étaient apparents lors de la vente, nonobstant les représentations rassurantes du vendeur.  La responsabilité du vendeur a donc été écartée dans ces circonstances.

3)      La notion d'« entrepeneur » au sens des articles 2098 et suivants du Code civil du Québec

[35]         L'avocate des demandeurs plaide que le défendeur Tremblay doit être assimilé à un entrepreneur au sens des articles 2098 et suivants puisqu'il a été l'autoconstructeur de la maison et que les travaux de construction du mur de soutènement ont été réalisés sous sa direction.  En conséquence, ses clients disposent d'un recours pour vices de construction (articles 2100 et 2118 C.c.Q.)  [16] .

[36]         Le soussigné ne peut souscrire à l'argument de l'avocate des demandeurs sur ce point.  Si monsieur Tremblay a réalisé la construction de la maison sur le mode d'autoconstruction, la preuve révèle qu'il en fut autrement concernant la construction du mur de soutènement.

[37]         Pour ce faire, monsieur Tremblay a fait appel à une entreprise d'excavation impliquée dans le domaine depuis plusieurs années, Excavation Allard, et c'est cette entreprise qui a réalisé les travaux.  Il n'existe pas de contrat écrit puisque les travaux ont été réalisés « au noir».   Cependant, la preuve révèle clairement que c'est le fils du propriétaire de l'entreprise, monsieur Pierre Allard, accompagné d'un autre employé de la compagnie, qui ont réalisé les travaux prescrits par monsieur Allard.  Le fait que monsieur Tremblay ait été présent tout au long des deux journées qu'ont duré les travaux n'en fait pas un « entrepreneur » au sens de la loi.

[38]         De plus, il n'existe pas de relation «  clients-entrepreneur  » entre les demandeurs et le défendeur (article 2098 C.c.Q.);  celui-ci n'a pas construit ou fait construire le mur pour le compte de ceux-ci.  Les garanties du contrat d'entreprise ne peuvent donc pas s'appliquer.

[39]         Cependant, la connaissance du défendeur du mode de construction du mur pourra avoir un impact sur l'étendue des dommages (article 1728 C.c.Q.).

ANALYSE ET DÉCISION

1)     Le mur de soutènement était-il affecté de vices cachés (articles 1726 et suivants du C.C.Q.)?

[40]         La preuve prépondérante établit que le mur de soutènement tel qu'il existait lors de sa construction en 2007 n'était pas conforme aux règles de l'art en la matière, d'où les problèmes survenus subséquemment.

[41]         Cette conclusion découle principalement des constatations suivantes:

1)     Le mur a été construit sans avoir obtenu le permis municipal requis (pièce P - 3) qui exigeait la production de plans et devis;

2)     Le mur de soutènement a non seulement été aménagé à l'arrière de la propriété de monsieur Tremblay (60 pieds de large) mais également sur la propriété de son voisin de droite, monsieur Julien St-Pierre (également 60 pieds de large); or, des dégradations  semblables (tassements horizontaux et verticaux) ont également été constatées sur la section du mur situé sur la propriété de monsieur St-Pierre et cela, même si aucune piscine n'y a été installée  [17] .  L'acheteur de monsieur St-Pierre, monsieur Simard, s'est également plaint à ce dernier du mauvais état du mur;

3)     Les deuxième et troisième voisins de droite possèdent des piscines creusées mais leurs murs de soutènement, construits différemment, n'ont pas bougé;

4)     Bien qu'aucune norme réglementaire n'existait à l'époque de la construction du mur en 2007 selon la preuve présentée, il demeure que les règles de l'art requéraient une assise de pierres solidement compactée, une toile géotextile et un drain le long du mur tel que nous le verrons ci-dessous; le Tribunal retient que l'assise était inadéquate et qu'aucun drain n'a été installé;

5)     La construction de la piscine pourrait peut-être expliquer une certaine poussée horizontale sur le mur de manière latérale; cela ne saurait cependant pas expliquer les variations dans la hauteur des blocs de ciment qui requièrent des poussées verticales engendrées par le gel et dégel à cause d'une assise inadéquate et l'absence de drain;

6)     Le mur du défendeur s'est construit en deux jours; celui refait par Fontaine Paysagement inc., avec les mêmes blocs, a pris un mois;

7)     Le défendeur Tremblay reconnaît qu'il voulait construire un mur «  économique  » fait de blocs de qualité seconde et sans drain dont l'objectif était de retenir la terre qui descendait chez le voisin et agrandir son terrain; l'entrepreneur a été rémunéré en temps et matériel, au noir, sans garantie, le tout, pour sauver des coûts;

8)     L'entrepreneur Allard qui a construit le mur ne nie pas l'utilité d'un drain mais argumente qu'il aurait fallu un point de déversement qui n'existait pas; or, dans le cas du nouveau mur, le déversement se fait chez le voisin en contrebas, sans objection de celui-ci.

[42]         Bien que la norme réglementaire du Bureau de normalisation du Québec (BNQ 0605-500) n'ait été adoptée qu'en 2008, une année après la construction du mur, la preuve révèle qu'il existait depuis 2001 des normes émanant de l'Association des paysagistes professionnels du Québec (APPQ)  [18] qui prescrivaient diverses techniques de construction d'un mur de soutènement: excavation, assise compactée, toile géotextile, drainage, blocs de béton inclinés vers le terrain à retenir.  Ces normes ont été reprises intégralement dans la norme BNQ de 2008.

[43]         Dans Hill Clarke, Francis Ltd c. Cedarcrest Farms Ltd   [19] , la Cour d'appel déclare que les règles de l'art sont constituées de l'ensemble des techniques et bonnes pratiques connues dans un domaine.  En ce sens, les normes de l'APPQ pouvaient constituer une référence en la matière.

[44]         Enfin, il aurait été normal que le mur de soutènement soit conçu pour «  résister  » à l'installation d'une piscine, ce qui est la norme dans ce secteur cossu (trois des quatre terrains discutés en possèdent une).

[45]         Tous ces éléments amènent le Tribunal à privilégier l'opinion de l'ingénieur Luc Gauthier de Galion Experts Conseils plutôt que celle de l'ingénieur Claude Guertin de ProspecPlus Conseils inc.

2)     La responsabilité du défendeur est-elle engagée en sa qualité d'autoconstructeur (articles 2098 , 2100 et 2118 C.c.Q.)?

[46]         Vu l'analyse réalisée sur ce point à la question précédente, il n'y a donc pas lieu de retenir la responsabilité du défendeur sur ce point.

3)     Les demandeurs ont-ils droit à des compensations en raison de l'état de ce mur?

[47]         Considérant que le mur de soutènement construit par le défendeur en 2007 était affecté de vices cachés qui ont causé sa dégradation progressive et la nécessité d'en refaire un autre, le Tribunal accorde aux demandeurs la somme 15 832,06 $  [20] .

[48]         Quant à la réclamation en dommages et intérêts de 5 000 $, le Tribunal est d'avis que le défendeur Tremblay savait ou aurait dû savoir que le mur de soutènement n'était pas conforme aux règles de l'art (article 1728 C.c.Q.):

1728.  Si le vendeur connaissait le vice caché ou ne pouvait l'ignorer, il est tenu, outre la restitution du prix, de réparer le préjudice subi par l'acheteur.

[49]         Il aurait pu se le faire confirmer s'il avait requis en temps opportun le permis prescrit par la réglementation municipale.  S'il l'avait fait, il aurait été tenu de produire des plans et devis au soutien de sa demande.  Il aurait alors vraisemblablement appris les règles de l'art applicables, et, notamment, la nécessité d'avoir un drain pour évacuer l'eau le long du mur.  Sa négligence à demander un tel permis ne doit pas maintenant lui servir pour justifier son ignorance alléguée.

[50]         Quand on fournit une garantie de qualité sur une propriété vendue au prix de 385 000 $, on doit répondre des problèmes qui affectent la qualité de l'immeuble, incluant la stabilité du terrain.

[51]         Quant au quantum de 5 000 $ réclamé, il est indéniable que les événements décrits ci-dessus ont engendré des ennuis sérieux aux deux demandeurs.  Ils témoignent avoir consacré une dizaine de jours à la gestion de ce dossier: coordination des visites des experts, recherches, présences lors des travaux, etc. ce qui est compatible avec la preuve présentée.  Cela a ainsi entraîné une perte de jouissance de la propriété durant un mois.  De plus, les travaux de réfection sont survenus concurremment avec l'accouchement de madame St-Jacques.

[52]         Puisque les demandeurs sont respectivement ingénieur en informatique et médecin, une évaluation de 5 000 $ n'est pas exagérée.

[53]         Par conséquent, la somme de 5 000 $ leur est accordée.

[54]         Malgré l'invitation de l'avocate du défendeur à le faire, le soussigné n'attribue pas de plus-value au nouveau mur.  Aucune plus-value n'a été prouvée puisque l'ancien mur aurait dû avoir la même stabilité que le nouveau.  Ce dernier ne fait que satisfaire aux règles de l'art en la matière, sans amélioration.

LES FRAIS D'EXPERTISES

[55]         Les demandeurs produisent au dossier les factures de leur expert qui totalisent 2 529,46 $ pour les visites des lieux et la confection des rapports d'expertises.  À cela, il faut ajouter une somme de 600 $ pour la préparation du témoignage de l'expert ainsi que sa présence à la cour la journée de l'audition  [21] .

[56]         Le Tribunal estime que le remboursement de ces frais d'expertise est justifié compte tenu de l'aspect technique du dossier ainsi que de la contestation énergique du défendeur et de son expert concernant le mur de soutènement existant.

[57]         POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:

[58]         CONDAMNE le défendeur Dominic Tremblay à payer conjointement aux demandeurs Martin Vigeant et Caroline St-Jacques la somme de 20 832,06 $, avec intérêts au taux légal plus l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec à compter du 6 août 2013;

[59]         LE TOUT, avec dépens, incluant les frais d'expertise de 3 129,46 $.

 

 

__________________________________

RICHARD LANDRY, J.C.Q.

 

Me Geneviève Pilon

Avocate des demandeurs

 

 

Me Marie-Claude Dagenais

Dubois David avocats inc.

Avocate du défendeur

 

Date d’audience :

5 juin 2014

 



[1]     Pièce P-4, voir aussi rapports complémentaires P-5 et P-6

[2]     Voir rapport du 21 février 2013 et complément du 19 septembre 2013

[3]     Pièces P-9 et P-10

[4]      EDWARDS Jeffrey, La Garantie de qualité du vendeur en droit québécois, 2008, 2 ième édition, Wilson et Lafleur, pp. 165 à 187; BAUDOUIN J.L. et DESLAURIERS P., La Responsabilité Civile, 2003, 6 ième édition, Les Éditions Yvon Blais inc, pp. 1236 à 1250; LAMONTAGNE D.C. et LAROCHELLE B., Droit Spécialisé des Contrats, 2000, Les Éditions Yvon Blais inc., pp. 114 à 124; JOBIN P.G., La vente dans le Code Civil du Québec , 1993, Les Éditions Yvon Blais inc., pp 119 à 129; ABB inc. c. Domtar inc. [2007] 3 RCS 461

[5]     EDWARDS Jeffrey, déjà cité, note 2, aux pages 137 et suivantes; voir aussi 125385 Canada inc. c. Groupe Collège Lasalle B.E. 2006BE-784 (C.A.); ABB inc. c. Domtar inc. 2007 3 RCS, 461, au paragraphe 52

[6]     EDWARDS Jeffrey, déjà cité., note 2, aux pages 154 et suivantes

[7]     Naud c. Normand AZ-50454771 (C.A.)

[8]     Placement Jacmar inc. c. Benzakour [1989] R.J.Q. 2309 (C.A.)

[9]      Gélinas c. Beaumier J.E. 990-128 (C.A.); Cloutier c. Létourneau J.E. 93-143 (C.A.); Beaupré c.  Gélinas J.E. 2000-1823 (C.A.); Pominville c. Demers J.E. 95-1144 (C.A.); Ponci c. Desroches J.E. 88-574 (C.A.); Naud c. Normand , op.cit, note 5

[10]     EDWARDS Jeffrey, déjà cité note 1, à la page 182; Tremblay c. Paradis J.E. 2003-2113 ; Leblanc c. Biron B.E. 2001BE-686 ; Langlois c. Succession de Amyotte B.E. 2001BE-581 ; Marenger c. Lafleur J.E. 2001-940

[11]    Cowansville, Les Éditions Yvon Blais inc., 2003, 6 ième édition, 1953 pages

[12]    Voir à titre d'exemple Vachon c. Baril B.E. 2000BE-806 (remplacement d'une fournaise défectueuse) Manoir le Flandre c. Chabot J.E. 2002-78 (plomberie en mauvaise condition); 2618-5603 Québec inc. c. 135794 Canada inc. [1999] R.D.I. 575 (C.A.) (fosse septique); Leblanc c. Biron B.E. 2001BE-686 (fondations); Bernard c. Jobidon [1997] R.D.I. 666 (infiltrations d'eau); Chevalier c. Gariépy [1987] R.L. 626 (C.A.) (infiltrations d'eau); 2618-5603 Québec inc. c. 135794 Canada inc. J.E. 99-2142 (C.A.)

[13]    J.E. 89-93

[14]    Pressault c. Pirès 2011 QCCQ 13781 ; Rubinger c. Belcourt Construction Co 1986 RDI 737 (C.S.); Nadeau c. Whitton 2010 QCCQ 4327 ; Joly c. Lecours 2013 QCCQ 5294

[15]    B.E. 2004BE-936 (C.A.)

[16]    Clément c. Lessard 2007 QCCS 2857

[17]    Voir rapport P-6

[18]    Pièce P-13

[19]    1967 B.R. 278

[20]    Pièce P-14

[21]    Pièces P-11 et P-17