COMMISSION DES RELATIONS DU TRAVAIL |
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(Division des relations du travail) |
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Dossiers : |
AM-1005-2091, AM-1005-2145, AM-1005-2101 et AM-1005-1821
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Cas : |
CM-2014-4034 |
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Référence : 2014 QCCRT 0378 |
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Montréal, le |
10 juillet 2014 |
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DEVANT LE COMMISSAIRE : |
Pierre Flageole, juge administratif |
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Ville de Montréal
Requérante
c.
Syndicat des cols bleus regroupés de Montréal (SCFP 301)
Syndicat des fonctionnaires municipaux de Montréal (SCFP 429)
Association des pompiers de Montréal inc.
Fraternité des policiers et policières de Montréal
Intimés
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DÉCISION INTERLOCUTOIRE |
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[1] Le 19 juin 2014, Ville de Montréal (la Ville ) dépose à la Commission une requête en vertu des articles 106 à 108, 111.16 à 111.18 et 118 du Code du travail, RLRQ, c. C-27, (le Code ), contre Syndicat des cols bleus regroupés de Montréal (SCFP 301), Syndicat des fonctionnaires municipaux de Montréal (SCFP 429), Association des pompiers de Montréal inc. et Fraternité des policiers et policières de Montréal (les syndicats ).
[2] Le 23 juin 2014, la Commission tient une conférence préparatoire par téléphone.
[3] Au procès-verbal de cette conférence préparatoire, on peut lire les instructions suivantes :
- Les syndicats qui le désirent ont jusqu’au 27 juin 2014, à 16 h 30, pour s’adresser à la Ville afin d’obtenir des précisions concernant les allégués de sa requête; dans le cas du Syndicat des fonctionnaires municipaux de Montréal (SCFP), ce délai est reporté au 3 juillet 2014, à 16 h 30, vu l’absence actuelle de sa procureure;
- La Ville aura jusqu’au 7 juillet 2014, à 16 h 30, pour contester, si elle le souhaite, les demandes de précisions des syndicats et, dans ce cas, la Commission tranchera ces objections au cours d’une autre conférence téléphonique;
- La Ville devra répondre aux demandes de précisions acceptées par la Commission au plus tard le 11 juillet 2014, à 16 h 30. Elle devra, en même temps, préciser la nature, la durée et la forme de la preuve qu’elle entend présenter le 17 juillet 2014.
[4] Ce procès-verbal ne fait l’objet d’aucune contestation.
[5] De fait, les quatre syndicats présentent tour à tour des demandes de précisions qui sont relativement au même effet.
[6] Trois des syndicats demandent, entre autres, les noms des personnes comprises dans leur unité de négociation qui auraient cessé de fournir leur prestation de travail le 17 juin 2014.
[7] L’un des syndicats présente sa demande d’une manière différente, mais il veut connaître les faits au soutien de la requête de la Ville.
[8] L’un des syndicats demande le dépôt préalable des vidéos que la Ville entend utiliser pour faire sa preuve.
[9] Tous les syndicats demandent à la Ville de préciser en quoi les services auxquels le public a droit ont été perturbés.
[10] Le 7 juillet 2014, la Ville conteste les demandes de précisions. Il y a lieu de reproduire ici les extraits pertinents de sa contestation :
D’une part, nous sommes d’avis que notre requête contient toute l’information pertinente et nécessaire pour que chacune des parties puissent préparer une défense pleine et entière. Le paragraphe 3 de notre requête comprend les faits reprochés et correspond à une description raisonnable, tel que requis par la jurisprudence pertinente, de l’enjeu principal derrière notre requête soit celui d’un arrêt de travail illégal le 17 juin dernier effectué par les membres des unités d’accréditation visées. Les intimés ne peuvent donc alléguer qu’ils seront pris par surprise.
D’autre part, la Ville de Montréal est maître de sa preuve au sens où elle n’a pas à dévoiler celle-ci avant l’audience. Une demande en précision ne peut servir de voie détournée pour obtenir les moyens de preuve de la partie adverse de manière anticipée.
[…]
Par ailleurs et selon nous, en tout respect pour l’opinion contraire, un arrêt de travail illégal comme celui que nous avons connu le 17 juin dernier constitue en soi un préjudice intrinsèque à l’égard d’une population qui est en droit de s’attendre à ce que l’ensemble des services lui soient rendus, et ce, en tout temps, tel qu’il appert du paragraphe 7 de notre requête.
[11] Tel que prévu lors de la conférence préparatoire, la Commission convoque les parties à une conférence téléphonique, le 8 juillet à 17 h pour trancher les objections de la Ville.
[12] Lors de la conférence, la Ville et chacun des syndicats sont représentés.
[13] La Ville ajoute à ses motifs d’objection, le fait que les parties sont convoquées à une séance de conciliation le 17 juillet, suivie d’une audience si nécessaire. Elle dit craindre que la divulgation préalable des précisions demandées ne nuise au processus de conciliation, tout en ajoutant que les échanges, lors de la conciliation, permettront aux syndicats d’être mieux informés des faits.
[14] Les syndicats se disent tous surpris et perplexes face à la position de la Ville. Ils plaident que la divulgation préalable des informations qu’elles ont demandées constitue le minimum requis pour que les parties puissent se préparer adéquatement et pour que le débat ne s’éternise pas.
[15] Quant à la preuve par vidéos, la Ville annonce qu’elle prépare actuellement un montage des vidéos disponibles et qu’elle est disposée à en remettre une copie à chacun des syndicats avant l’audience.
[16] La Commission doit donc décider du sort des demandes de précisions des syndicats et des objections de la Ville.
[17] D’abord, la Commission est d’avis que contrairement à ce que plaide la Ville, sa requête ne contient pas l’information minimale requise pour que les syndicats puissent préparer leur défense. La Ville allègue que des membres des unités de négociation représentées par les syndicats ont participé à un arrêt de travail illégal le 17 juin 2014, mais sans donner un seul nom. Comment les syndicats peuvent-ils faire les vérifications nécessaires, s’ils ne connaissent pas les noms des personnes qui auraient participé à cet arrêt de travail dit illégal. Poser la question, c’est y répondre. Cette information, du moins une partie de l’information, est essentielle.
[18] Ensuite, l’argument voulant que la Ville n’ait pas à dévoiler sa preuve avant l’audience est carrément insoutenable. Il est tout à fait contraire aux dispositions du Code qui traitent de la conférence préparatoire et en particulier à son article 136. La divulgation préalable de certaines informations est nécessaire pour assurer l’efficacité des audiences. Le temps des cachotteries devant les tribunaux est révolu.
[19] Aussi, si tant est que, dans certains cas, la divulgation préalable des faits de la cause peut camper les parties sur leurs positions et nuire à la conciliation, ce n’est certainement pas le cas dans la présente affaire où ce ne sont pas uniquement les intérêts privés des parties qui sont en cause, mais aussi celui du public à recevoir les services auxquels il a droit. La Commission en est la gardienne ultime.
[20] La Commission décide donc de faire droit, en partie, aux demandes de précisions des syndicats.
[21] La Ville devra donc dévoiler à chacun des syndicats, au plus tard le 11 juillet 2014 à 16 h 30, les noms d’un nombre significatif de salariés compris dans leur unité de négociation respective qui ont cessé de fournir leur prestation de travail le 17 juin 2014. Un nombre significatif, c’est au moins dix personnes par syndicat, à moins que le nombre total de personnes impliquées en provenance de l’un ou l’autre des syndicats soit inférieur à dix.
[22] Pour chacun de ces noms, la Ville devra indiquer le titre d’emploi du salarié, son assignation de travail le 17 juin 2014, ses heures de commencement de la journée, de pauses, de repas et de fin de l’horaire. Elle devra aussi préciser l’endroit où le travail de chacun devait être accompli.
[23] Cette information minimale pourra permettre à chacun des syndicats de faire les vérifications nécessaires et de contrer la preuve de la Ville, le cas échéant.
[24] La Commission considère qu’un tel échantillonnage est raisonnable compte tenu du délai qu’il reste avant l’audience du 17 juillet 2014. Par ailleurs, cela n’empêchera pas les parties de présenter toute autre preuve et de faire valoir tout autre argument permettant à la Commission de vérifier s’il y a eu grève illégale le 17 juin 2014 ou s’il y a eu préjudice à un service auquel le public a droit.
[25] Quant aux vidéos que la Ville veut mettre en preuve, elle devra les transmettre à chacun des syndicats au plus tard le 11 juillet 2014 à 16 h 30.
EN CONSÉQUENCE, la Commission des relations du travail
ORDONNE à la Ville de Montréal de dévoiler à chacun des syndicats, au plus tard le 11 juillet 2014 à 16 h 30, les noms d’un nombre significatif de salariés compris dans leur unité de négociation respective qui ont cessé de fournir leur prestation de travail le 17 juin 2014. Un nombre significatif, c’est au moins dix personnes par syndicat, à moins que le nombre total de personnes impliquées en provenance de l’un ou l’autre des syndicats soit inférieur à dix.
PRÉCISE que pour chacun de ces noms, la Ville devra indiquer le titre d’emploi, l’assignation de travail le 17 juin 2014, les heures de commencement de la journée, de pauses, de repas et de fin de l’horaire. Elle devra aussi préciser l’endroit où le travail de chacun devait être accompli.
ORDONNE à la Ville de Montréal de transmettre à chacun des syndicats, au plus tard le 11 juillet 2014 à 16 h 30, les vidéos qu’elle entend mettre en preuve dans la présente affaire.
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__________________________________ Pierre Flageole |
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M e Martin Charron |
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Représentant de la requérante |
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Ville de Montréal |
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M e Laure Tastayre |
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Représentante du Syndicat des cols bleus regroupés de Montréal (SCFP 301) |
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M e Marie-Hélène Bélanger |
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Représentante du Syndicat des fonctionnaires municipaux de Montréal (SCFP 429) |
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M e Bernard Philion |
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Représentant de l’Association des pompiers de Montréal inc. |
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M e Louise-Hélène Guimond |
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Représentant de la Fraternité des policiers et policières de Montréal |
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