Chayer (Gay Globe Magazine) c. Via Capitale Summum |
2014 QCCQ 6043 |
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COUR DU QUÉBEC Division des petites créances |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
MONTRÉAL |
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« Chambre civile » |
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N° : |
500-32-130852-116 |
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DATE : |
25 juin 2014 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
ELIANA MARENGO, J.C.Q. |
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ROGER-LUC CHAYER faisant affaires sous les nom et raison sociale de « Gay Globe Magazine » 5620, avenue Bourbonnière Montréal, Qc H1X 2N4
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Demanderesse |
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c.
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VIA CAPITALE SUMMUM 550, chemin du Golf, bureau 101 Île-des-Sœurs, Qc H3E 1A8 et JOHANNE TURENNE […] Île-des-Sœurs, Qc […]
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Défenderesses |
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JUGEMENT |
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[1] La partie défenderesse exerce dans le domaine du courtage immobilier. Elle avait le mandat de vendre une propriété appartenant à Stephen Wallack et voulait retenir les services du demandeur pour publiciser la vente.
[2] Le 5 octobre 2011, un contrat de service intervient entre les parties pour la période du 6 octobre au 6 novembre 2011.
[3] Dans l'entête du contrat, il y a une petite phrase qui se lit comme suit:
« Description de l'achat: 1 mailing complet aux abonnés + 1 cube statique sans son 50 % de rabais client Wallack »
[4] Le reste du contrat traite majoritairement des obligations du client.
[5] C'est un contrat d'adhésion par excellence.
[6] Le 7 octobre 2011, le demandeur fait parvenir le « cube » publicitaire commandé à la défenderesse Johanne Turenne (pièce P-6).
[7] Selon le demandeur, il prépare le « mailing » également.
[8] Cependant, dû à une erreur sur le serveur informatique de la partie défenderesse, le « cube » et le « mailing » ne se font pas correctement.
[9] Le 9 octobre 2011, le demandeur avise Turenne que sa campagne publicitaire continue à connaître des problèmes au niveau de la connexion et de la diffusion (pièce P-7).
[10] Le 12 octobre 2011, un nouveau contrat intervient entre les parties pour la période du 12 au 16 octobre 2011.
[11] Voici la « description de l'achat » qui apparaît dans l'entête du contrat:
« Renouvellement du contrat 305327 en complément à 50 % de rabais pour spécial Wallack. Mailing uniquement. »
(pièce P-3)
[12] L'on peut voir que le rabais de 50 % s'applique toujours.
[13] Le 13 octobre 2011, le demandeur écrit le courriel suivant à Turenne:
« Bonjour Johanne,
Le total des deux contrats publicitaires de Gay Globe #305327 et #305328 est de: 825,95 $.
Est-ce que vous pouvez vous assurer que le paiement nous parvienne avant demain vendredi comme convenu svp? Merci. »
(pièce P-9)
[14] Le 14 octobre 2011, il envoie le courriel suivant à Wallack et Turenne:
« Le mailing pour le condo de M. Wallack est terminé, il s'est terminé à 17 h 45 ce jour. Je trouve dommage de ne pas avoir reçu le paiement convenu malgré mes appels en ce sens ignorés jusqu'à maintenant.
Nous avons tous des responsabilités dans la vente de ce condo, la publicité devait être faite et le paiement lui aussi devait être fait. Nous fermons la semaine avec une facture ouverte, si nous pouvons rendre des services à 50 % de rabais, c'est conditionnel à ce que les factures soient acquittées selon le contrat. Madame Turenne devait acquitter ces factures mardi par carte de crédit, aucun retour d'appel ou de email depuis. »
(pièce P-10)
[15] Le 17 octobre 2011, le demandeur prépare une facture au montant de 850,20 $, avec les termes et conditions suivantes: « Paiement sur réception » (pièce P-11).
[16] Dans un courriel daté du 18 octobre 2011, le demandeur avise Wallack qu'il existe toujours un problème sur le site web de la partie défenderesse. Il ajoute que Turenne « niaise avec son paiement publicitaire » (pièce P-12).
[17] À la même date, Turenne écrit au demandeur, lui demandant de lui émettre une facture au montant de 825,95 $, représentant le prix total des 2 contrats (pièce P-12).
[18] Le jour même, le demandeur répond comme suit:
« Johanne que de formalités pour un paiement qui était convenu il y a près de 2 semaines.
Je vous ai offert 50 % de rabais pour un paiement avant campagne, nous sommes 2 semaines après la première campagne.
Vous avez signé deux bons de réservation avec les taxes et numéros de taxes et c'est écrit sur les deux bons qu'ils sont des factures aussi.
Mardi passé vous deviez payer avec votre carte de crédit 15 min après notre conversation, impossible de vous rejoindre le reste de la semaine ensuite et aucun retour de email avant lundi hier.
Hier à répétition vous m'avez demandé de payer avec carte de crédit, j'ai envoyé 3 demandes et factures Paypal et finalement vous changiez encore d'idée me faisais dire par Lise que vous alliez envoyer un chèque aujourd'hui, encore avec des délais.
Ce matin vous demandez des factures.
Ce tango ridicule viole l'entente intervenue. Si j'ai offert 50 % de rabais c'est EN PAIEMENT D'AVANCE des campagnes, toutes ces formalités et changements continuels de plans sont ridicules, c'est du jamais vu dans notre média depuis plus de 10 ans.
Vous allez recevoir une facture au plein montant publicitaire, comme indiqué dans les contrats, comme les contrats sont impayés le plein montant devient payable avec frais de montage et intérêts. Voilà, j'ai autre chose à faire que de gérer vos maniguances pour ne jamais payer. » (sic)
et Turenne de répondre:
« Roger,
Suite à vos courriels menaçants, je tiens à vous préciser que l'entente discutée fut pour un envoi courriel au montant total de 525,95 $ et non 2 091,66 $.
Hier, lors de la conversation téléphonique que vous avez eu avec mon assistante Lise, vous avez reçu une confirmation que le chèque de 825,95 $ serait posté aujourd'hui. Vous étiez en accord. En émettant le chèque ce matin, j'ai fait une demande par courriel pour une copie des factures. À mon étonnement, je viens de recevoir une mise en demeure de votre part. Que s'est-il passé entre hier après-midi et ce matin?
Votre mise en demeure est non justifiée et carrément criminelle. Votre comportement est totalement irrationnel.
Veuillez prendre note que comme convenu avec vous hier, le chèque de 825,95 $ suivra par la poste aujourd'hui.
Respectueusement, » (sic)
(pièce P-12)
[19] S'ensuit une mise en demeure du demandeur, le même jour, pour la somme de 2 091,66 $, avec une facture à l'appui (pièces P-13 et P-16).
[20] Toujours le 18 octobre 2011, Turenne tire un chèque au montant de 825,96 $ (pièce P-19) et l'envoi au demandeur par la poste.
[21]
Deux jours plus tard, le demandeur envoie une autre mise en demeure à
Turenne lui réclamant un montant additionnel de 500 $ « à titre de violation de
l'article
[22] Quelques heures plus tard, il envoie un autre courriel à Turenne:
« Votre document est faux, heureusement que les conversations sont enregistrées et mettent en évidence la fausseté de votre création, Nulle part sur votre document ne faites-vous la mention des conversations enregistrées dont certains messages sur notre répondeur…. Cela, dit aucun chèque n'a jamais été reçu alors votre récidive quant au terme "criminel" sera soulignée au moment venu.
Vous n'avez jamais eue l'intention de payer pour les services c'est clair.
Vous tentez de réécrire l'histoire mais nous tenons des registres plus précis, y compris des enregistrements dans les quels vous admettez vous-même certains problèmes etc. Vous connaissez les conditions pour régler ce dossier. » (sic)
[23] Le même jour, il écrit ce qui suit à Wallack:
« Je viens de recevoir un email de Mad. Turenne où elle me traite encore de criminel, qu'elle a fait son paiement et elle envoie des documents qui relatent toutes ses pseudos conversations avec moi qui contredisent les messages enregistrés laissés sur mon répondeur ou les contrats signés qu'elle semble avoir oubliée. Elle me fait penser à Ildiko avec ses créations.
Je ne suis pas fier du tout de ce qui se passe.
Elle déclare m'avoir payée depuis lundi passé mais j'ai pas reçu un rond, et elle me traite de criminel, merde mais je ne suis qu'éditeur d'un média qui a contracté avec elle et qui n'a pas été payé.
Je suis très fâché de m'être fait embarquer dans cette situation car je ne serai visiblement pas payé avant des années à cause des délais et elle m'a fait travailler pour rien sur ce condo malgré le bug de son site web et me faire traiter de criminel est probablement ce qui me dérange le plus. CRIMINEL, moi???
Je vais réfléchir mais je suis très fâché en fait. » (sic)
[24] Le 27 octobre 2011, « Le Groupe National » écrit à nouveau à Turenne:
« Un chèque de 825,96 $ a été reçu ce jour mais ne couvre pas la facturation ni les frais supplémentaires pour les violations contractuelles. Il sera appliqué à la facture actuelle et un solde résiduel de 1 765,70 $ est payable. »
(pièce P-19)
[25] Le lendemain, le demandeur intente son action contre Via Capitale Summum, qu'il amendera plus tard pour y ajouter Turenne.
[26] Te que susdit, les contrats P-1 et P-3 sont des contrats par adhésion.
[27]
Les articles
« 1437 . La clause abusive d'un contrat de consommation ou d'adhésion est nulle ou l'obligation qui en découle, réductible.
Est abusive toute clause qui désavantage le consommateur ou l'adhérent d'une manière excessive et déraisonnable, allant ainsi à l'encontre de ce qu'exige la bonne foi; est abusive, notamment, la clause si éloignée des obligations essentielles qui découlent des règles gouvernant habituellement le contrat qu'elle dénature celui-ci.
1438 . La clause qui est nulle ne rend pas le contrat invalide quant au reste, à moins qu'il n'apparaisse que le contrat doive être considéré comme un tout indivisible.
Il en est de même de la clause qui est sans effet ou réputée non écrite.
1439. Le contrat ne peut être résolu, résilié, modifié ou révoqué que pour les causes reconnues par la loi ou de l'accord des parties. »
[28] De plus, l'article 1375 se lit comme suit:
« La bonne foi doit gouverner la conduite des parties, tant au moment de la naissance de l'obligation qu'à celui de son exécution ou de son extinction. »
[29] Lorsque, le 12 octobre 2011, les parties ont signé un nouveau contrat pour une période moindre, le demandeur savait que Turenne n'avait pas encore payé ses frais. De plus, jusqu'au 18 octobre 2011, il consentait à ce que Turenne paie pour ses services avec quelques jours de retard. Cela était compréhensible dans les circonstances, vu les problèmes qu'elle accusait dans la propagation de ladite campagne publicitaire.
[30] D'ailleurs, le 17 octobre 2011, lorsque le demandeur a parlé à la secrétaire de Turenne, il a consenti à la confection d'une facture avant l'envoi d'un chèque au montant de 825,95 $ le lendemain.
[31] De façon intempestive et déraisonnable, le 18 novembre 2011, le demandeur a soudainement décidé que la partie défenderesse lui devait 2 091,66 $, et malgré qu'il ait reçu un chèque pour le susdit montant de 825,95 $ le 27 octobre 2011, il a néanmoins poursuivi le 28 octobre pour 1 765,70 $, se basant sur la clause du contrat voulant que le client paie le prix indiqué avant publication « sauf si entente contraire approuvée par l'éditeur et indiquée au contrat » pour bénéficier du rabais de 50 % sur le prix.
[32] Le Tribunal considère que l'éditeur a effectivement approuvé que le paiement se fasse 8 jours après le contrat du 12 octobre 2011.
[33] Qui plus est, dans les circonstances, le Tribunal considère que la clause voulant que le prix régulier devienne payable advenant un défaut de paiement avant publication est abusive, excessive et déraisonnable et la déclare nulle.
[34] Dans « Le Contrat D'Adhésion », l'auteure Nathalie Croteau écrit:
« Ainsi les tribunaux, dans tous les cas, pourront limiter les effets ou annuler toute clause abusive si le contrat est d'adhésion, peu importe le consentement donné par l'adhérent et en dépit du principe de la force obligatoire des contrats. […] » [1]
[35] Dans les circonstances, cette clause procure un désavantage excessif et déraisonnable pour le demandeur, allant à l'encontre de la bonne foi.
[36]
D'ailleurs, le demandeur a effectivement contrevenu à ses obligations de
bonne foi en agissant comme il l'a fait (articles
[37] Quant au langage inflammatoire utilisé par Turenne, dans le feu de l'action, langage instigué en grande partie par le demandeur lui-même, le Tribunal le considère comme un mauvais choix de vocabulaire, mais non une atteinte illicite de ses droits fondamentaux.
[38] Enfin, dans les circonstances, il n'y a pas lieu non plus d'indemniser le témoin du demandeur.
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:
REJETTE l'action, avec dépens.
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__________________________________ ELIANA MARENGO, J.C.Q. |
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Date d’audience : |
9 juin 2014 |
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[1] Nathalie CROTEAU, "Le Contrat D'Adhésion: de son émergence à sa reconnaissance", Montréal, Wilson & Lafleur Ltée, 1996, p. 131.