Syndicat des technologues d'Hydro-Québec, section locale 957 (SCFP-FTQ) et Hydro-Québec (Raynald Simard Jr) |
2014 QCTA 597 |
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TRIBUNAL D’ARBITRAGE |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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N o de dépôt : |
2014-6727 |
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Date : |
3 juillet 2014 |
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DEVANT L’ARBITRE : |
Me Louise Viau |
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Syndicat des technologues d’Hydro-Québec, section locale 957 (SCFP - FTQ) |
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Ci-après appelé « le syndicat » |
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Et |
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Hydro-Québec |
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Ci-après appelé « l’employeur » |
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Plaignant : |
Raynald Simard Jr. |
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Grief : |
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2012-R09-002 |
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Convention collective : |
Convention collective de travail entre Hydro-Québec et le Syndicat des Technologues d’Hydro-Québec, section locale 957, Syndicat canadien de la fonction publique (FTQ) du 1 er janvier 2009 au 31 décembre 2013 |
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SENTENCE ARBITRALE |
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(En vertu du Code du travail du Québec, art.100) |
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PRÉLIMINAIRES
[1] La soussignée a été mandatée par les parties pour entendre le grief n° 2012.R.09.002 déposé par le syndicat au nom du salarié Raynald Simard Jr.
[2] Son grief daté du 8 février 2012 se lit comme suit (pièce S-1) :
Description du grief ou de la mésentente :
La direction n’a pas respecté la convention collective de travail notammement (sic), mais non limitativement, la Lettre d’entente no. 20 en omettant de me contacter selon les dispositions de la convention collective, le ou vers le 5 janvier 2012. En effet, un appel de personne salarié temporaire a été effectué sur le poste Technicien Soutien Électrique Maintenance à la centrale de Péribonka au début de janvier 2012 et on ne m’a pas attribué ce rappel.
Règlement demandé :
Que ce poste soit comblé selon les dispositions de la convention collective et qu’on m’accorde le poste et ce rétroactivement, qu’on m’accorde pleine compensation monétaire pour les dommages et préjudices subis ainsi que les jours cumulés en durée de service et ce, sans atteinte à tous mes droits et privilèges, avec intérêts légaux.
[3] Le 19 mars 2012, monsieur David Côté, chef Diagnostic et Pérennité, Production - Saguenay / Lac-St - Jean a répondu au directeur des griefs, monsieur Denis Jomphe, pour l’aviser qu’il ne pouvait accueillir, l’employeur étant d’avis que « le rappel au travail de (sic) employé temporaire Raynald Simard a été effectué selon les dispositions de la convention collective. » (pièce S-3).
[4] Les parties ont fait les admissions suivantes lors de la première journée d’audience qui s’est tenue le 6 mai 2013 (pièce S-4) :
- La procédure de grief a été régulièrement suivie;
- L’arbitre a juridiction pour disposer du grief ;
- Le grief concerne un rappel effectué selon la lettre d’entente # 20 de la convention collective en vigueur pour un emploi temporaire de technicien support électrique maintenance dans le secteur de la centrale de Péribonka;
- M. Pierre-Luc Martel a été retenu pour ce rappel. Il a débuté l’emploi le 16 janvier 2012;
- Raynald Simard, en janvier 2012 était inscrit sur la liste de rappel. Il possédait plus de durée de service que monsieur Martel;
- La compétence de Raynald Simard n’est pas en cause dans la présente affaire;
- L’arbitre conserve compétence sur le quantum s’il y a lieu.
1. QUESTION EN LITIGE
[5] Il s’agit de décider si l’employeur a contrevenu à la convention collective et plus particulièrement à la partie de la Lettre d’entente n° 20 portant sur le rappel au travail de la personne salariée temporaire licenciée. Les articles pertinents sont les suivants :
L.E. N° 20 - PERSONNE SALARIÉE TEMPORAIRE -
DURÉE DE SERVICE
[…]
3. La personne salariée temporaire licenciée est inscrite sur la liste de rappel de sa région.
4. Lorsque la Direction a besoin d’une personne salariée temporaire, elle convient de rappeler par ordre de durée de service la personne salariée temporaire de la région dans la mesure où elle répond aux exigences normales du poste pour lequel elle est rappelée.
La liste de rappel de la région est divisée, s’il y a lieu, par lieu géographique. La personne salariée en service actif voit son nom inscrit sur la liste de rappel de son endroit de travail. La personne salariée de la liste de rappel voit son nom inscrit sur la liste de rappel de son dernier endroit de travail. Une personne salariée peut voir son nom inscrit sur plusieurs listes de rappel géographiques à l’intérieur d’une même région si elle l’a signifié à la Direction par écrit.
5. Il est convenu que lorsque la Direction doit rappeler une personne salariée temporaire conformément aux dispositions du paragraphe 4, elle le fait par téléphone avec confirmation écrite à la personne salariée dont une copie est envoyée au Syndicat.
Si une personne salariée refuse un poste lorsqu’elle est ainsi rappelée ou si elle ne se présente pas dans les délais prévus au paragraphe 7, de la présente, elle abroge son droit sur ce poste mais le conserve sur les postes futurs.
[…]
7. La personne salariée temporaire doit répondre à la Direction dans les vingt-quatre (24) heures de la demande qui lui est faite à l’adresse inscrite à son dossier et doit se présenter au travail dans les soixante-douze (72) heures à compter de la date de son rappel.
[…]
10. La personne salariée temporaire de la liste de rappel peut formuler par écrit un grief et le soumettre aux Ressources humaines de son unité administrative. Par la suite, les dispositions des paragraphes 15.03 B) et suivants s’appliquent.
[…]
[Nos soulignements]
[6] L’article 15.03 de la convention collective auquel réfère l’article 10 traite de la procédure pour étude et règlements de griefs menant à la nomination d’un arbitre pour décider du litige.
2. LA PREUVE
[7] Le syndicat, qui assume le fardeau de la preuve, a fait entendre le plaignant à titre de seul témoin dans le cadre de sa preuve principale.
[8] L’employeur a ensuite fait entendre madame Josée Simard, une employée retraitée depuis mars 2012. Au moment des faits en litige, elle travaillait à titre de commis à la direction des ressources humaines de l’unité Production. Il a aussi fait entendre madame Claire Marchand, qui était conseillère en ressources humaines de la même unité et qui avait aussi quitté son emploi au moment de son témoignage. Enfin, monsieur Gaétan Barrette, conseiller en ressources humaines de l’unité TransÉnergie, a été entendu comme dernier témoin de l’employeur. Ce dernier n’a pas été impliqué dans le dossier du plaignant. Son témoignage s’est limité à faire la démonstration de la composante du système informatique de l’employeur permettant à tout employé de mettre à jour ses coordonnées personnelles.
[9] Puis, la soussignée a autorisé le syndicat à faire entendre madame Lina Tremblay, une commis de l’unité TransÉnergie. Son témoignage a été entendu sous réserve de l’objection de l’employeur qui s’opposait à ce que le syndicat la fasse entendre en contre-preuve.
[10] Il ressort ce qui suit de la preuve entendue et des documents produits.
[11] Le plaignant a été embauché par Hydro-Québec en juillet 2008 à titre d’employé temporaire. Il a d’abord occupé un poste de releveur de compteurs pour la région Saguenay / Lac-St-Jean pendant 8 mois environ, soit jusqu’au 20 mars 2009. Dès qu’il a été mis à pied, il a obtenu un poste d’installateur mesurage à Chicoutimi. Il a occupé ce poste jusqu’en avril 2010, toujours à titre d’employé temporaire.
[12] Puis, il a obtenu un poste de technicien, Automatismes Maintenance, relevant de l’unité TransÉnergie à Saguenay. Il est entré en fonction le 3 mai 2010 et a été soumis à une période de probation de 63 jours. Il s’agissait encore une fois d’un poste temporaire qui a toutefois été renouvelé trois fois, de telle sorte qu’il a travaillé sans interruption jusqu’au 15 décembre 2011, date de son licenciement.
[13] Au moment du dépôt de son grief, le 8 février 2012, le plaignant était toujours sans emploi, n’ayant pas été rappelé pour occuper le poste de « Technicien Soutien Électrique Maintenance » à la Centrale Péribonka de l’unité Production d’Hydro-Québec qui avait fait l’objet d’une demande de comblement temporaire de poste visant à remplacer une affectation temporaire de son titulaire. Ce poste a été attribué à monsieur Pierre-Luc Martel en dépit du fait qu’il comptait deux fois plus de jours de durée de service que ce dernier.
[14] L’historique salarial du plaignant mis en preuve par l’employeur et qui couvre la période du 1 er janvier 2006 au 2 mai 2013 (pièce H-9) permet de constater qu’après sa mise à pied du 15 décembre 2011, le plaignant a été rappelé au travail du 26 juin 2012 au 13 décembre 2012 dans la même unité que celle où il avait été mis à pied et pour le même poste. Après une nouvelle période de mise à pied, il a ensuite été rappelé au travail le 11 février 2013 pour occuper un poste de technicien Automatismes Maintenance, dans l’unité d’Abitibi / Chibougamau. C’est le poste qu’il occupait au moment de son témoignage le 6 mai 2013. Bien que la deuxième journée d’arbitrage n’ait eu lieu que près d’un an plus tard, ni le syndicat ni l’employeur n’ont complété l’historique de carrière du plaignant que ce soit par preuve testimoniale ou documentaire.
[15] Le plaignant a affirmé qu’il aurait accepté sans hésitation le poste à la Centrale Péribonka s’il lui avait été offert, car son objectif était d’obtenir le plus rapidement possible un poste permanent. Or, il s’agissait d’un remplacement d’une durée d’au moins un an et demi. De plus, les salariés travaillant à la centrale de Péribonka y sont nourris et logés. Ils s’y rendent à partir d’Alma, qui est situé à environ 60 km de Saguenay, tandis que le poste qu’il a dû accepter en juin 2012 est à Chibougamau, qui se trouve à 400 km de Saguenay, soit environ 4 heures de route. De plus, il doit s’y rendre et s’y loger à ses frais.
[16] Le plaignant a expliqué avoir appris environ une semaine avant la date du dépôt du grief que le poste avait été attribué à monsieur Martel par un appel d’un ancien collègue de travail, monsieur Denis Jomphe. C’est en jouant au tennis avec le père de monsieur Martel que monsieur Jomphe avait appris qu’un poste avait été ouvert à la Centrale Péribonka. Il lui a téléphoné et lui a demandé pourquoi il n’avait pas accepté ce poste. Le plaignant a ensuite communiqué avec le salarié Martel, qu’il connaissait déjà, car ils avaient suivi une formation au même moment pour lui demander quand et comment le poste lui avait été offert.
[17] Le plaignant s’est ensuite enquis auprès de la direction des ressources humaines des raisons pour lesquelles il n’avait pas été rappelé. La réponse qu’il a obtenue a été qu’on n’avait pas réussi à le rejoindre et qu’on avait laissé un message sur le répondeur d’un cellulaire. Or, il s’agissait d’un appareil qui appartenait à Hydro-Québec et qu’il avait dû remettre au moment de sa mise à pied.
[18] Le plaignant a aussi entrepris des démarches auprès du gestionnaire de la centrale de Péribonka de qui relève le poste, monsieur David Côté. Ce dernier l’a assuré que s’il y avait quelque chose à faire, il serait remédié au problème. Il en a fait part à la responsable du rappel, madame Josée Simard. Cette dernière lui a dit de se mêler de ses affaires et qu’il n’avait pas à contacter le gestionnaire. En contre-interrogatoire, le plaignant a dit qu’il ne savait plus trop s’il avait rejoint monsieur Dany Côté, le gestionnaire de la Centrale Péribonka ou monsieur David Côté le gestionnaire de qui relèvent les techniciens de cette centrale.
[19] Par ailleurs, le plaignant a reconnu qu’il était effectivement absent de sa résidence le 5 janvier 2012, puisqu’il s’était rendu à Québec ce matin-là et n’en était revenu que le dimanche 8 janvier. Il a affirmé qu’il possède des appareils téléphoniques munis d’afficheurs et qu’il a aussi un répondeur qu’il a programmé pour entrer en fonction après six sonneries. À son retour à la maison, il dit avoir vérifié s’il y avait des messages. Il n’y en avait aucun. Par ailleurs, il avait reçu des appels provenant de numéros inconnus. Comme il a des amis dont le numéro est bloqué, il a pensé que l’un d’eux avait tenté de le rejoindre.
[20] Le plaignant a ajouté qu’il s’était procuré un téléphone cellulaire intelligent au cours de la semaine précédant sa mise à pied et qu’il en avait donné le numéro à sa commis, madame Lina Tremblay, ainsi qu’à son gestionnaire, monsieur Carol Hébert.
[21] Le plaignant a affirmé par ailleurs que son adresse résidentielle n’avait pas changé et qu’elle était connue de l’employeur. Or, il n’a reçu aucune correspondance de sa part en lien avec le comblement du poste. Il croit également que son adresse courriel se trouvait inscrite dans le système SAP. Il assure qu’il aurait pu prendre ses courriels à distance avec son téléphone intelligent, mais il n’en a reçu aucun l’informant du rappel.
[22] En contre-interrogatoire, l’employeur a cherché à savoir si le plaignant s’était assuré personnellement de la justesse de ses coordonnées dans le système Intranet, ce à quoi il a répondu que l’année précédente, il avait donné son numéro à la commis et qu’elle avait fait le changement pour lui. Il dit n’avoir jamais été formé pour utiliser la plate-forme Libre-Service, mais qu’il savait comment y accéder pour vérifier ses coordonnées. Il a affirmé n’avoir jamais changé lui-même son numéro de téléphone dans le système.
[23] Questionné quant à savoir s’il avait communiqué chez l’employeur avec la personne responsable de modifier ses coordonnées, le plaignant a dit qu’après avoir appris les raisons pour lesquels il n’avait pas été rappelé pour le poste de la Centrale Péribonka, il avait communiqué avec son ancienne commis, madame Lina Tremblay, et cette dernière lui avait dit d’appeler aux ressources humaines pour changer son numéro de cellulaire. Il croyait que cette dernière avait fait les modifications lorsqu’il lui avait donné son nouveau numéro de cellulaire. Il affirme avoir téléphoné deux fois aux ressources humaines le jour même où il a été informé du comblement du poste à la Centrale Péribonka visé par son grief. Son numéro de téléphone résidentiel était déjà dans le système. Il y a fait ajouter son numéro de cellulaire qui est le 418 690-XXXX.
[24] Le plaignant a aussi a reconnu avoir postérieurement aux faits en litige utilisé la plate-forme Libre-Service en 2013 et avoir aussi déjà téléphoné au numéro général des ressources humaines 1-800-XXX-XXXX pour faire changer son numéro de cellulaire lorsqu’il a changé de fournisseur de service de téléphonie mobile vers la fin de l’année 2012.
[25] Quant à madame Josée Simard, celle-ci avait comme responsabilité de procéder aux rappels de personnes salariées temporaires pour combler des postes selon les demandes qui lui étaient adressées par les gestionnaires de l’unité Production. Elle a confirmé que c’est elle qui a procédé au rappel à la suite d’une demande de comblement temporaire d’un poste de technicien en soutien électrique - maintenance à la Centrale Péribonka. Selon le formulaire produit sous la cote H-2, la demande de comblement avait été faite le 20 décembre 2011 en vue d’une entrée en service prévue pour le 9 janvier 2012.
[26] Il appert d’un document intitulé « Registre de Rappel Technicien » (pièce H-3) et portant la date du 5 janvier 2012 que le plaignant était le salarié ayant le plus d’ancienneté parmi ceux ayant les qualifications pour occuper le poste à combler. Cela a d’ailleurs fait l’objet d’une admission des parties. Sur ce document, on trouve l’adresse et le numéro de téléphone des personnes salariées éligibles avec leur durée de service et leurs qualifications.
[27] Madame Simard a affirmé qu’elle avait tenté sans succès de joindre le plaignant au numéro de téléphone apparaissant sur la liste de rappel, puisque personne n’a répondu et il n’y avait aucun répondeur. Elle a expliqué qu’« en principe » elle « laisse sonner assez longtemps, au-delà de six coups sûrement », car elle possède elle-même un répondeur qu’elle a réglé de telle façon qu’il se mette en fonction après six sonneries. Elle est d’avis que c’est ce que font la majorité des gens.
[28] Elle a alors cherché dans le système SAP afin de voir si, parmi les coordonnées du plaignant, il y avait un autre numéro de téléphone. Elle y a trouvé un numéro de cellulaire. Elle a donc appelé à ce numéro. Personne n’a répondu, mais il y avait un répondeur. Elle a donc laissé un message détaillé à l’intention du plaignant en indiquant que ce dernier avait 24 heures pour la rappeler, sinon elle passerait au candidat suivant sur la liste de rappel pour lui offrir le poste. Elle a dit avoir cru qu’il s’agissait du téléphone cellulaire du plaignant, car c’est généralement le cas. Elle convient qu’il n’y avait pas de message d’accueil pour lui donner l’assurance qu’il s’agissait bien d’un téléphone cellulaire appartenant au plaignant. Il s’avère qu’il s’agissait d’un téléphone cellulaire que l’employeur avait remis au plaignant pour les fins de l’exécution de ses tâches, appareil qui lui avait été rendu au moment où le plaignant avait été licencié. En contre-interrogatoire, madame Simard a dit ignorer qu’au moment de leur licenciement les salariés doivent remettre le cellulaire qui leur est fourni par l‘employeur.
[29] Au soutien de son témoignage, elle a déposé un formulaire (pièce H-4) qui s’intitule « Démarche dans le comblement d’un poste temporaire ». Elle y a consigné les démarches qu’elle a effectuées au cours de l’après-midi du jeudi 5 janvier 2012 en vue de combler le poste. On y lit qu’elle a tenté de rejoindre le plaignant à un premier numéro, le 418 306-XXXX, à 13h50 et qu’elle n’a pas eu de réponse puis, à 13h51, elle a effectué un autre appel au numéro 418 817-XXXX où elle a laissé un message sur un répondeur. Sur le même document, on retrouve le nom d’un second salarié, monsieur Pierre-Luc Martel, ainsi que son numéro de téléphone. On y lit également qu’elle a fait un appel à ce numéro le même jour à 15h20 et qu’elle a laissé un message à sa conjointe qui a accepté le poste pour lui. On y lit une seconde inscription avec la mention de 15h21 sans détails ou informations. La date semble avoir été modifiée du 5 au 9 janvier. En contre-interrogatoire, madame Simard a confirmé que le 9 janvier à 15h21 est « possiblement la première fois » qu’elle parlait à monsieur Martel personnellement. Elle reconnaît n’avoir pas tenté de rejoindre à nouveau le plaignant entre 8 h et 15 h ce lundi 9 janvier. Elle affirme qu’à partir du moment où elle avait laissé un message sur un répondeur, « c’est automatique », elle ne rappelle pas.
[30] Madame Simard a convenu qu’on ne retrouve pas l’adresse de courriel des employés parmi les coordonnées qui peuvent être inscrites dans le système SAP. Elle a ajouté que, de toute façon, en 20 ans de carrière, elle n’a jamais communiqué avec un salarié par courriel.
[31] Madame Simard a par ailleurs expliqué qu’elle n’avait pas accès au dossier d’employé du plaignant, car ce dossier se trouvait dans l’unité où il était affecté au moment de son licenciement, à savoir l’unité TransÉnergie. Elle n’aurait donc pas été en mesure de le consulter pour y trouver d’autres coordonnées pour le rejoindre.
[32] Madame Simard a expliqué que « normalement » quand elle ne joint pas le premier candidat sur la liste de rappel à qui elle a laissé un message, elle appelle tout de suite le candidat suivant pour lui offrir le poste, tout en lui disant qu’il y a un salarié avant lui. C’est ce qu’elle a fait le 5 janvier.
[33] Comme elle devait s’absenter le lendemain, madame Simard a donné à madame Claire Marchand le code lui permettant d’accéder à sa boîte vocale afin que cette dernière puisse vérifier au cours de l’après-midi du vendredi si le plaignant avait rappelé. Il ressort du témoignage de cette dernière qu’elle a fait cette vérification et qu’il n’y avait aucun message émanant du plaignant. Elle en a informé madame Simard à son retour au bureau le 9 janvier.
[34] Devant cet état de fait, madame Simard a alors confirmé à monsieur Martel que le poste lui était attribué. En pratique, bien que le gestionnaire ait souhaité que le salarié retenu entre en service dès le 9 janvier, ce n’est que le 16 janvier que monsieur Martel a commencé son nouvel emploi, tel qu’il appert d’un document destiné au dossier d’employé de monsieur Martel joint à un courriel échangé entre madame Martel et une préposée de la Centrale Péribonka datés du 10 janvier 2012 (pièce H-5).
[35] Madame Simard a expliqué ce retard d’entrée en service de monsieur Martel par le fait qu’elle n’avait pas obtenu de réponse du plaignant le vendredi 6 janvier et que, ayant été elle-même absente ce jour-là, elle n’avait pu lui confirmer le poste avant le lundi. De plus, des vérifications devaient être faites auprès du bureau de santé. Elle a suggéré que le gestionnaire avait sans doute préféré attendre au lundi suivant, puisque les salariés devant se rendre à la Centrale Péribonka partent ensemble d’Alma le lundi matin et qu’il aurait été compliqué d’y faire venir monsieur Martel en milieu de semaine.
[36] Madame Simard a relaté que le plaignant lui avait téléphoné soit vers la fin janvier ou le 2 février pour se plaindre de n’avoir pas reçu d’appel de sa part pour le rappel à la Centrale Péribonka. Elle lui avait alors expliqué qu’elle avait tenté de le joindre et qu’elle ne pouvait savoir que le numéro de téléphone où elle avait laissé un message correspondait à un numéro d’Hydro-Québec. Il ne lui a jamais dit à ce moment-là qu’il avait un répondeur à la maison. Le plaignant s’est ensuite présenté à son bureau avec un délégué syndical. Madame Simard a affirmé qu’elle lui a probablement redit la même chose et a peut-être ajouté que même s’il appelait le gestionnaire que cela ne changerait pas grand-chose. Elle lui a également dit : « C’est à toi de t’assurer que les numéros dans le système sont les bons ». Elle a ajouté qu’il aurait pu effectuer ces changements par lui-même à partir de la plateforme Libre-Service avant d’être mis à pied. Elle convient toutefois que par après, le plaignant n’y avait plus accès. Il devait alors s’adresser au numéro central à Montréal pour faire apporter les changements à ses coordonnées personnelles.
[37] Elle a admis qu’il lui était arrivé par le passé d’effectuer des changements aux coordonnées d’employés dans le système SAP, mais ne l’avoir jamais fait avant d’avoir préalablement reçu un écrit de leur part. Elle a expliqué qu’elle n’avait pas accès au Libre-Service d’un employé en particulier, mais qu’elle avait des autorisations d’accès au système SAP lui permettant d’apporter de telles modifications dans le dossier des employés. Puis, elle a déposé un document (pièce H-6) tiré justement du système SAP concernant le plaignant et qui permet de constater quels étaient les numéros de téléphone qui y étaient inscrits avant que des changements soient apportés à ses coordonnées le 2 février 2012. On y trouve le numéro de téléphone de la résidence du plaignant ainsi que celui du cellulaire où madame Simard a laissé un message. Les codes d’identification personnelle (CIP) qu’on retrouve sur ce document donnent à penser que c’est le plaignant qui avait fait les entrées le 18 avril 2011, tandis que les modifications apportées le 2 février 2012 l’avaient été par une autre personne dont le CIP est BV2297. Il ressort de ce document que, le 2 février 2012, le numéro de téléphone résidentiel du plaignant a été changé pour le 418 690-XXXX, tandis que le numéro de cellulaire est resté inchangé. L’identité de la personne ayant ce CIP n’a pas été établie au moment du témoignage de madame Simard.
[38] L’employeur a aussi mis en preuve d’autres pages d’entrées de données au système SAP (pièce H-7 en liasse) afin d’établir que le plaignant avait apporté des modifications à ses coordonnées à plusieurs reprises, tant avant qu’après le dépôt du grief, à savoir le 9 août 2010, puis le 12 mars 2013. D’autres captures d’écran permettent par ailleurs de constater que des modifications ont été apportées par d’autres personnes qui n’ont été identifiées que par leur CIP. Une première modification a été apportée le 17 décembre 2012 par la personne ayant le CIP BS1187. On y voit le numéro de téléphone 418 690-XXXX et le numéro de cellulaire 418 817-XXXX. Ces modifications avaient une portée rétroactive au 18 avril 2011 pour valoir jusqu’au 16 décembre 2012. Une seconde modification a été apportée le 7 janvier 2013 par une personne ayant le numéro de CIP C20700. Le premier numéro de téléphone redevient le 418 306-XXXX, tandis que le cellulaire inscrit à cette date est le 418 719-XXXX. Cette modification est rétroactive au 17 décembre 2012 et est valide jusqu’au 6 janvier 2013. Une autre modification a ensuite été effectuée par cette même personne pour y inscrire un nouveau numéro de téléphone cellulaire, le 418 590-XXXX.
[39] À la vue de ces documents, madame Simard a affirmé que les coordonnées qui apparaissaient le 2 février 2012 semblent avoir disparu du système. Elle a expliqué qu’il y a deux façons de travailler avec le système SAP soit en modifiant une inscription, ce qui a pour effet d’écraser l’inscription qui s’y trouvait avant la modification, soit en créant une nouvelle entrée. En modifiant une entrée, celle-ci aura une portée rétroactive. Les instructions qu’elle avait personnellement reçues à la direction des ressources humaines étaient de ne jamais écraser une entrée afin de toujours conserver l’historique des modifications. Manifestement, ces instructions n’ont pas été suivies par les personnes qui ont apporté des modifications au dossier du plaignant, sans doute lorsqu’il a communiqué avec la personne chargée de telles modifications à Montréal, opine madame Simard. Elle a ajouté en contre-interrogatoire qu’il y avait eu des manipulations qui avaient eu pour effet d’écraser certaines informations. C’est pourquoi une demande a été adressée à l’informaticien d’aller dans le système pour récupérer les informations en date du 2 février 2012, puisque les captures d’écran produites sous H-7 ne semblaient pas fiables, d’où les captures d’écran produites sous H-8.
[40] L’employeur a en effet produit par ce même témoin deux autres documents en liasse (pièce H-8) qui sont des entrées qui apparaissaient au système SAP le 2 février 2012. Sur le premier, le numéro de téléphone du plaignant est le 418 690-XXXX, tandis que le numéro de cellulaire est le 418 817-XXXX, tandis que sur le second document le numéro de téléphone est le 418 306-XXXX et celui du cellulaire le 418 690-XXXX. Ces deux modifications ont été apportées au système par la personne ayant le CIP BU9178 le 2 février 2012. La première inscription a une portée rétroactive au 18 avril 2011, tandis que la seconde comporte la date du 3 février 2012 comme point de départ des nouvelles coordonnées. Selon le souvenir de madame Simard, après que le plaignant soit venu à son bureau, une capture d’écran de ses coordonnées apparaissant au système SAP avait été imprimée. Elle ajoute « on a dû faire vérifier le 8 février et on s’est aperçu de deux modifications la même journée ». Quoi qu’il en soit, elle assure que les numéros y apparaissant ne correspondent pas aux informations qui se trouvaient au système SAP le 5 janvier lorsqu’elle l’avait consulté pour procéder au rappel.
[41] Concernant la visite du plaignant à son bureau le 2 février, madame Simard a dit ne pas se souvenir s’il était accompagné du président du syndicat et du délégué. Elle se rappelle qu’il était accompagné uniquement de son délégué, mais elle ne peut exclure qu’ils aient été trois, car le président venait souvent à son bureau. Elle affirme par ailleurs ne pas se souvenir qu’il y ait eu des discussions en vue « d’arranger les affaires ». Elle ajoute que de toute façon, ça ne se ferait pas à son niveau. Sa seule responsabilité était de faire les rappels et de confirmer l’octroi des postes, mais pour le reste, cela ne relevait pas d’elle.
[42] Madame Simard a admis en contre-interrogatoire n’avoir transmis aucun écrit au plaignant après le 5 janvier 2012. Elle explique ne pas l’avoir fait, car elle croyait que le message laissé sur son répondeur serait entendu.
[43] En réinterrogatoire, elle a expliqué que cela faisait au moins cinq ans qu’elle n’envoyait plus de correspondance en lien avec les rappels. Cette correspondance dont copie était transmise au syndicat, disait qu’on avait tenté de rejoindre le salarié. Selon elle, cela ne changeait rien au délai de 24 heures pour accepter un rappel, puisque la lettre était envoyée quelques jours après l’appel téléphonique.
[44] Au moment des faits en litige, madame Claire Marchand était pour sa part conseillère en ressources humaines pour l’unité Production, tandis que le plaignant relevait au moment de sa mise à pied de l’unité TransÉnergie. Elle a confirmé que le dossier d’employé de ce dernier était resté dans cette unité selon la pratique usuelle. Elle a expliqué que ce n’est qu’une fois qu’une personne salariée est embauchée dans une autre unité après avoir accepté le poste qui lui est offert lors d’un rappel, que son dossier d’employé y est transféré par courrier interne. Elle a produit les organigrammes de ces deux unités (pièces H-10 à H-12) pour bien situer les lignes hiérarchiques.
[45] Madame Marchand a confirmé que c’est la préposée aux ressources humaines qui a la responsabilité de procéder au rappel des employés temporaires à partir de la liste de rappel. Dans le cas de la demande de comblement de poste formulée par monsieur David Côté, cela relevait donc de madame Josée Simard. Elle a expliqué que madame Simard lui avait demandé le 5 janvier 2012 de vérifier le lendemain en fin d’après-midi si le plaignant avait rappelé à la suite du message qu’elle lui avait laissé la veille dans le cadre du processus de rappel et c’est ce qu’elle a fait. Elle a ensuite informé madame Simard lors de son retour au travail le lundi 9 janvier que le plaignant ne lui avait pas laissé de message. Elle n’a pas été davantage impliquée dans ce dossier qui n’était pas de sa responsabilité.
[46] Elle a confirmé par ailleurs que les notes manuscrites que l’on retrouve sur les deux documents produits en liasse sous la cote H-8 sont les siennes. On lit sur la première page en lien avec le numéro 418 817-XXXX : « # de téléphone valide dans nos système (sic) » ainsi que la note suivante : « Version de l’employé : il avait demandé à sa commis de faire le changement de no de téléphone et celle-ci ne l’a pas fait . » Sur la deuxième page où le numéro 418 306-XXXX est réapparu, tandis que le numéro 418 690-XXXX y est inscrit pour le cellulaire, madame Marchand a écrit : « nouveau # de cell changement a été fait dans SAP 2 fév. 2012 ». Elle a expliqué qu’il s’agit de deux captures d’écran concernant le plaignant qu’elle a imprimées le ou vers le 2 février 2012 après que le plaignant soit venu au bureau de madame Simard pour s’enquérir des raisons pour lesquelles le poste ne lui avait pas été offert. Elles ont été mises dans le dossier, car les numéros de téléphone ne correspondaient pas et que cela suscitait des interrogations chez elle. Elle a dit avoir compris par la suite que les informations antérieures avaient été écrasées à cette date.
[47] On apprendra aussi par le témoignage de madame Marchand que le CIP BU9178 qui apparaît sur les documents produits sous la cote H-8 appartient à une préposée des ressources humaines de Montréal. Cependant, ni madame Marchand ni aucun autre témoin n’a identifié les autres personnes dont le CIP apparaît sur les documents produits par l’employeur, hormis le CIP du plaignant lui-même.
[48] Madame Marchand a affirmé que lors de la visite du plaignant, madame Simard avait sorti son dossier dans lequel se trouvait le document produit sous la cote H-4 qui consigne ses démarches pour effectuer le rappel. Madame Simard leur a dit avoir d’abord téléphoné au numéro débutant par 418 306-XXXX. N’ayant pas eu de réponse, elle a vérifié dans le système SAP pour savoir s’il s’y trouvait un autre numéro où le plaignant pourrait être joint. Elle a téléphoné à ce second numéro et y a laissé un message. N’ayant pas eu de retour d’appel, elle a appelé l’employé suivant sur la liste de rappel.
[49] Madame Marchand a également confirmé que le plaignant n’a pas dit qu’il avait un répondeur au numéro 418 306-XXXX. Tout ce qu’il a dit, c’est que le second numéro correspondait à un appareil cellulaire appartenant à Hydro-Québec et qu’ayant été mis à pied, il n’avait plus cet appareil et qu’en conséquence il n’avait pas reçu le message. Or, c’était le numéro qui apparaissait au système et rien ne permettait de savoir qu’il s’agissait d’un numéro enregistré au nom de l’employeur. Après le départ du plaignant, qui était manifestement insatisfait des réponses qui lui avaient été données, madame Marchand a elle-même vérifié les informations se trouvant dans le système SAP. Ce qu’elle y a vu correspond à la première page de H-8. Elle a constaté que le premier numéro qui y apparaît est le 418 690-XXXX, tandis que le numéro de cellulaire est le 418 817-XXXX alors que selon la liste de rappel datée du 5 janvier 2012 (pièce H-3), le numéro pour rejoindre le plaignant est le 418 306-XXXX qui ne se retrouve pas sur la capture d’écran qu’elle a effectuée le 2 février.
[50] Madame Marchand a aussi confirmé qu’il était de la responsabilité des employés de mettre leurs coordonnées à jour et que cela était particulièrement important pour les employés temporaires. Ceux-ci connaissent l’importance que leur numéro de téléphone soit à jour. Elle affirme qu’ils peuvent le faire par l’Intranet Libre-Service. Elle admet toutefois qu’après leur mise à pied, les salariés n’y ont plus accès. Ils doivent alors téléphoner à la préposée des ressources humaines d’Hydro-Québec dont le bureau est à Montréal afin d’apporter des modifications à leurs coordonnées.
[51] En contre-interrogatoire, madame Marchand a reconnu n’avoir pas vérifié la véracité de la version du plaignant quant à la demande qu’il avait faite à sa commis de modifier ses coordonnées. Elle explique qu’elle considérait n’avoir pas à le faire vu qu’elles avaient le registre de rappel. Elle confirme que le seul numéro de téléphone qui y apparaissait était le 418 306-XXXX. Officiellement, c’était le numéro où le rappel devait s’effectuer. Elle a par ailleurs réitéré qu’il était impossible de savoir que le numéro 418 817-XXXX n’était pas bon.
[52] Questionnée sur les informations qui se trouvaient dans le système SAP au moment où madame Simard a procédé au rappel, madame Marchand affirme que le numéro 418 817-XXXX devait s’y trouver, puisque cette dernière a téléphoné à ce numéro.
[53] En ce qui concerne les informations se trouvant sur les deux captures d’écran produites sous H-8, le syndicat a suggéré au témoin que la préposée a pu faire une erreur en inscrivant les données et l’avoir corrigée. Madame Marchand ne pouvait se prononcer sur la question. Elle a par ailleurs reconnu que les salariés en situation de mise à pied doivent se fier à la préposée à qui ils demandent de modifier leurs coordonnées sans pouvoir les vérifier, à moins de lui demander une preuve écrite de la modification demandée.
[54] Madame Marchand a aussi reconnu qu’elle n’était pas présente au moment où madame Simard a fait ses appels le 5 janvier et ne saurait dire si cette dernière a rappelé au 418 306-XXXX avant d’offrir le poste à monsieur Martel.
[55] Le dernier témoin de l’employeur, monsieur Gaétan Barrette a reconnu d’emblée n’avoir pas été impliqué dans le dossier de rappel du plaignant. Il a été invité à témoigner simplement pour faire une démonstration du fonctionnement de l’Intranet Libre-Service à partir de son propre ordinateur et de son CIP. En contre-interrogatoire, après avoir avoué ne pas être très « techno », il a expliqué que le système SAP est un système central de banques de données et qu’il y a diverses plateformes qui vont chercher des informations dans le système SAP et qu’il est possible pour l’employeur de savoir qui a effectué une entrée dans le système.
[56] Reste maintenant à décider si le témoignage de madame Lina Tremblay offert par le syndicat en contre-preuve est recevable. Le syndicat a indiqué son intention de la faire entendre afin d’apporter un éclairage sur les questions touchant le système SAP et pour corroborer le témoignage du plaignant.
[57] L’employeur s’est opposé à ce qu’elle soit entendue, étant d’avis que le syndicat aurait dû l’assigner comme témoin dans le cadre de sa preuve principale. Selon l’employeur, le dépôt de la pièce H-8 ne justifiait pas qu’elle soit entendue en contre-preuve. En outre, la contre-preuve ne peut servir à faire entendre un témoin pour corroborer le plaignant.
[58] Vu toutes les questions que soulèvent les entrées de données dans le système SAP, dont plusieurs n’auraient pu faire l’objet de la preuve principale du syndicat, il y a lieu de permettre cette contre-preuve.
[59] Au moment des faits en litige, madame Tremblay était commis à l’administration pour le département de l’automatisme dans lequel le plaignant avait travaillé jusqu’à son licenciement de décembre 2011. Son bureau était situé dans le même immeuble que celui du service des ressources humaines de l’unité de Production, son bureau étant au premier étage et celui de madame Simard au 2 e étage.
[60] Madame Tremblay a dit connaître le système SAP, puisque c’est elle qui devait y saisir diverses informations concernant les salariés, dont leurs feuilles de temps. Il lui était également possible d’accéder aux coordonnées d’une personne salariée. Elle a aussi affirmé que madame Simard n’avait pas communiqué avec elle pour obtenir les coordonnées du plaignant. Si elle l’avait fait, elle aurait pu lui donner son nouveau numéro de cellulaire, puisque le plaignant l’en avait informée avant son licenciement. Elle a par ailleurs expliqué qu’elle n’avait pas apporté de modifications au système SAP pour que ce nouveau numéro de cellulaire y apparaisse, car elle était convaincue que le plaignant l’avait lui-même fait.
[61] Cependant, lorsque le plaignant a communiqué avec elle pour lui demander si ses nouvelles coordonnées avaient été inscrites dans le système, elle a alors contacté les ressources humaines pour donner le nouveau numéro de cellulaire du plaignant.
[62] En contre-interrogatoire, madame Tremblay a expliqué que le plaignant lui avait donné son nouveau numéro de cellulaire avant sa mise à pied, car il devait remettre l’appareil appartenant à Hydro-Québec. Questionnée quant à savoir précisément si le plaignant lui avait demandé de changer les informations dans le système SAP lorsqu’il lui a remis son nouveau numéro de cellulaire, celle-ci a répondu qu’il lui avait donné son nouveau numéro en pensant de bonne foi qu’elle le ferait et qu’elle aussi était de bonne foi lorsqu’elle avait cru qu’il avait déjà apporté lui-même les modifications dans le système.
[63] Elle a affirmé avoir communiqué avec les ressources humaines dès que le plaignant lui a dit qu’il n’avait pas été rappelé. Elle ne pouvait cependant préciser la date, si ce n’est que c’était en janvier 2012 selon son souvenir. Elle ne se rappelait pas si elle avait alors communiqué avec les ressources humaines à Saguenay ou à Montréal pour demander que le changement soit effectué.
3. L’ARGUMENTATION
[64] Le syndicat rappelle que le grief résulte du fait que l’employeur n’a pas rappelé le plaignant, mais bien un salarié ayant moins d’ancienneté que lui, pour occuper un poste à la centrale de Péribonka à compter du 16 janvier 2012. Les parties ont admis que le plaignant était compétent et qu’il avait plus de jours de service que le salarié rappelé. Il réclame donc ce poste ainsi qu’une compensation pour les pertes encourues.
[65] Le syndicat invite l’arbitre à analyser le grief sous trois angles : (1) Est-ce que la façon de procéder de l’employeur est conforme à la convention collective et à la Lettre d’entente n° 20 ? (2) L’employeur a-t-il rempli son obligation de moyen lorsqu’il a procédé au rappel du plaignant ? (3) L’employeur s’est-il comporté de façon juste avec le salarié ?
[66] Le syndicat rappelle que la Lettre d’entente n° 20 s’applique indistinctement à toutes les unités d’Hydro-Québec (TransÉnergie, Production et Distribution). Les articles de cette lettre d’entente qui nous intéressent sont les articles 4, 5 et 7. L’article 4 précise que les salariés doivent être rappelés par ordre de durée de service. Il est admis que le plaignant avait plus de durée de service que le salarié à qui le poste a été octroyé. L’article 5 prévoit que le rappel doit se faire par téléphone avec confirmation écrite au salarié et au syndicat, alors que l’article 7 précise que le salarié doit répondre dans les 24 heures de la demande qui lui a été faite à l’adresse se trouvant dans son dossier.
[67]
Il est établi que le plaignant s’est rendu à Québec au cours de la fin
de semaine du 5 janvier 2012. Ce faisant, il n’a pas agi de manière
déraisonnable. Il n’avait pas à rester chez lui à côté de son téléphone
pendant toute la durée de sa période de mise à pied. C’est ce qu’a conclu
l’arbitre Denis Provençal au paragraphe 22 de sa décision dans l’affaire
Syndicat
canadien des communications, de l’énergie et du papier, section locale 700
(FTQ)
- et -
Clarke Transport (Entrepôt)
, sentence arbitrale du 14
février 2012, p. 12,
[68] À son retour, il a vérifié son répondeur, lequel se déclenche après six coups de sonnerie. Il n’avait aucun message. Son afficheur indiquait des appels manqués, mais sans indiquer le numéro de téléphone de l’appelant. Comme il a des amis qui l’appellent et dont le numéro n’apparaît pas à son afficheur, il n’avait aucun moyen de savoir qu’il s’agissait d’un appel de l’employeur. Le syndicat s’interroge sur les raisons pour lesquelles l’employeur masque son numéro de téléphone.
[69] S’appuyant sur plusieurs sentences arbitrales dont la liste est dressée en annexe, le syndicat soutient que l’employeur ne s’est pas acquitté de son obligation de moyen.
[70] Résumant le témoignage de madame Josée Simard, l’employée responsable de procéder au rappel des salariés, le syndicat note qu’elle a été incapable de dire pourquoi elle n’avait pas laissé de message au domicile du plaignant dont le numéro de téléphone est le 418 306-XXXX. Elle a par ailleurs admis n’avoir pas tenté à nouveau de l’appeler à son domicile. En outre, elle a été incapable de répondre aux questions qui lui ont été posées quant au nombre de coups de sonnerie qu’elle avait entendus avant de tenter de rejoindre le plaignant en composant le numéro d’un cellulaire qu’elle avait trouvé dans le système SAP. Aucune capture d’écran en date du 5 janvier 2012 n’a été mise en preuve. La preuve a établi que le numéro de cellulaire correspondait à celui d’un appareil appartenant à l’employeur et que le plaignant lui avait au moment de son licenciement. Madame Simard a convenu qu’il n’y avait pas de message d’accueil lui permettant d’avoir l’assurance que c’est bien à l’appelant qu’elle laissait un message.
[71] Le syndicat soutient que la preuve que l’employeur a tenté de faire quant à la capacité du plaignant de changer ses coordonnées dans le système SAP alors qu’il était en situation de mise à pied n’est pas concluante. La preuve démontre qu’il n’y a pas de procédure claire et bien connue des salariés pour la mise à jour de leurs coordonnées, laquelle est plus ardue pour les salariés en situation de mise à pied. En outre, ces derniers n’ont aucun moyen de savoir si les informations au système sont exactes. La preuve démontre par ailleurs que chaque fois que le plaignant a déménagé, il a fait suivre ses coordonnées résidentielles à l’employeur. Le plaignant a affirmé qu’il avait demandé à la commis Lina Tremblay de changer son numéro de téléphone cellulaire dans le système SAP. Cette dernière a corroboré son témoignage.
[72] Tout en reconnaissant que l’obligation de l’employeur en est une de moyen et non de résultat, le syndicat est d’avis que les efforts faits par madame Simard pour tenter de joindre le plaignant étaient faibles. Il n’était pas raisonnable de ne faire qu’un seul appel à son domicile, surtout avec un appareil qui masque le numéro de téléphone de l’appelant. En outre, le syndicat fait remarquer que madame Simard n’a téléphoné qu’une seule fois au domicile du plaignant alors qu’elle a téléphoné à deux reprises à celui du salarié retenu, soit une première fois le 5 janvier puis le lundi suivant. De plus, madame Simard a été incapable de dire si l’acceptation verbale du poste offert, consignée en date du 5 janvier, émanait de ce salarié ou de sa conjointe.
[73] Le syndicat plaide aussi que madame Simard a affirmé avoir suivi la procédure, laquelle serait inscrite sur le document H-4. Or, cet aide-mémoire ne saurait remplacer la convention collective et la lettre d’entente qui précisent les obligations de l’employeur en matière de comblement de postes. Il soutient que madame Simard n’a pas respecté celles-ci, notamment en ce qu’elle n’a pas communiqué par écrit avec le plaignant. Ce n’est que par hasard que le plaignant a appris qu’un poste s’était ouvert à la centrale de Péribonka et qu’il n’avait pas été rappelé, puisqu’il n’avait reçu ni lettre ni même un courriel pour l’informer de la situation. Le syndicat non plus ne pouvait faire de démarche en faveur du plaignant, n’ayant pas davantage informé de la situation.
[74] Le syndicat écarte l’argument de l’urgence à combler le poste. Même si au départ le poste devait l’être pour le 9 janvier, la preuve a démontré que c’est à cette date que le salarié Martel s’est vu confirmer par madame Simard l’octroi du poste et qu’il n’a commencé à travailler à la Centrale Péribonka que le lundi suivant. Si madame Simard pouvait attendre au lundi 9 janvier pour rejoindre ce dernier afin de lui confirmer le poste, rien ne l’empêchait de tenter d’abord de rejoindre le plaignant.
[75] Le syndicat conclut en rappelant qu’il a résulté des conséquences graves pour le plaignant du non-respect de la procédure de rappel, car ce dernier a perdu six mois d’ancienneté en plus d’avoir eu à voyager pendant un an à ses frais pour occuper un poste à Chibougamau alors qu’il aurait pu avoir plus rapidement un poste à la Centrale de Péribonka et, de surcroît, un poste comportant l’avantage d’y être nourri et logé. Il demande à l’arbitre d’accueillir le grief et de garder compétence quant au quantum de la réparation.
[76] L’employeur plaide pour sa part que la question en litige doit être tranchée en tenant compte des événements du 5 janvier 2012, date à laquelle madame Simard a procédé au rappel. Après avoir signalé que les parties se sont entendues sur les buts de la convention collective (art. 1.01) qui sont notamment d’assurer des relations ordonnées et équitables pour tous, l’employeur affirme que le plaignant n’avait pas un droit absolu d’être rappelé pour le poste. Il soutient que le rappel s’est effectué en fonction de la procédure convenue entre les parties et que les mêmes règles ont été appliquées à tous les salariés. Les appels téléphoniques ont été effectués en fonction du registre de rappel et le plaignant avait 24 heures pour répondre à l’offre de l’employeur après quoi l’employeur était en droit d’offrir le poste au salarié suivant sur la liste de rappel.
[77] Il soutient que l’article 6.01 confère à l’employeur tous les droits de direction sur les questions sur lesquelles ceux-ci ne sont pas limités par la convention collective. L’employeur n’avait pas à attendre que le plaignant revienne de Québec pour le rappeler ni à attendre 5 ou 6 jours pour tenter de joindre à nouveau un employé absent au moment de son premier appel. La preuve a établi que madame Simard a suivi les règles qui s’appliquaient depuis longtemps. Il n’y a aucun reproche à lui faire.
[78] Puis, s’attardant à la Lettre d’entente n° 20, l’employeur insiste sur le fait que l’article 4 prévoit l’ordre dans lequel les personnes salariées doivent être rappelées, mais ne leur confère pas de droits acquis en lien avec leur durée de service. Quant à l’article 5, il prévoit que le rappel se fait par téléphone avec confirmation écrite. L’essentiel n’est pas la confirmation écrite, mais bien le rappel téléphonique. Selon l’article 7, la personne salariée doit manifester son acceptation dans les 24 heures du rappel. Madame Simard a été prudente en déléguant à madame Marchand la responsabilité de prendre ses messages en fin de journée le 6 janvier, afin de vérifier si le plaignant avait tenté de la joindre. La confirmation écrite n’y change rien.
[79] L’employeur plaide également que si le syndicat avait voulu contester l’absence de confirmation écrite, il aurait dû le faire bien avant et ajoute que l’obligation pour le salarié de se présenter au travail dans les 72 heures du rappel ne s’additionne pas aux 24 heures pour faire part à l’employeur de son acceptation du poste.
[80] Quant à l’article 10, il prévoit le droit de grief du salarié. Tout au plus l’absence d’écrit pourrait-elle être invoquée pour prolonger la durée du délai pour déposer une contestation. Or, l’employeur note que le salarié n’a pas invoqué l’absence d’écrit dans son grief. Celui-ci a été déposé le 8 février sans objection de la part de l’employeur. Il n’y a donc pas eu de préjudice pour le salarié lié à l’absence d’écrit visant à confirmer le rappel.
[81] L’employeur termine sa revue des dispositions pertinentes en rappelant que l’article 16.04 a) de la convention collective prévoit les pouvoirs de l’arbitre de la manière usuelle, à savoir que ceux-ci se limitent « à décider des griefs suivant la lettre et l’esprit de cette convention » sans « ajouter, soustraire, modifier ou amender quoi que ce soit dans cette convention ».
[82] Puis, l’employeur insiste sur le fait que chaque rappel constitue un cas d’espèce et il reprend ce que la preuve a démontré. Le poste devait être pourvu pour le 9 janvier 2012 à la suite d’une demande du gestionnaire datée du 20 décembre 2011. C’est en raison de la période des Fêtes que le registre de rappel (pièce H-3) n’a été établi que le 5 janvier. Il s’agissait donc d’un rappel urgent. Sur ce document, rien n’indique que le numéro de téléphone est celui de la résidence du salarié plutôt que celui d’un téléphone cellulaire. C’est le numéro où l’employeur doit téléphoner pour lui parler. La haute direction ne connaît pas les numéros de téléphone de ses employés. Il appartient à ceux-ci d’indiquer à l’employeur à quel numéro ils peuvent être joints pour un éventuel rappel.
[83] Dans le cas du plaignant, le numéro de téléphone apparaissant sur le registre de rappel est celui que madame Simard a considéré comme étant celui le plus susceptible d’être fiable pour le rappel. Madame Simard a indiqué sur le document de traçabilité (pièce H-4), ce qu’elle avait fait et quand. Elle a confié à madame Marchand la responsabilité de vérifier si le plaignant avait rappelé à la suite du message qu’elle avait laissé à un second numéro de téléphone, puisqu’il n’y avait pas de répondeur au premier. L’employeur soutient que l’arbitre aura à apprécier la crédibilité de madame Simard qui affirme avoir attendu six coups de sonnerie et qu’il n’y avait pas de répondeur par rapport à celle du plaignant qui affirme le contraire. Selon l’employeur, la version de madame Simard doit être retenue, puisque le plaignant n’a pas affirmé qu’il avait un répondeur, lorsqu’il est venu se plaindre de n’avoir pas été rappelé. Il a plutôt affirmé qu’il avait demandé à sa commis de changer son numéro de cellulaire dans ses coordonnées. Or, il y a une nuance importante entre la version du plaignant dans son témoignage, ce qui a été noté par madame Marchand le 2 février 2012 et ce qu’a dit madame Tremblay dans son témoignage.
[84] L’employeur insiste sur le fait qu’il était de la responsabilité du plaignant d’identifier un numéro de téléphone aux fins de rappel. Dans le cas du plaignant, faute de répondeur, madame Simard est allée dans un autre système informatique de l’entreprise et elle y a trouvé un numéro de cellulaire. Elle a laissé un message explicite et n’a pas eu de retour d’appel. Il n’y a pas à douter que ces informations avaient été inscrites au système par le plaignant lui-même le 18 avril 2011, puisque c’est son CIP qui y est inscrit sur le document produit sous la cote H-6. Ces informations ont été par la suite écrasées, et ce, de façon rétroactive. C’est la conclusion qui s’impose en examinant les pièces H-6, H-7 et H-8. Cependant, il ne fait aucun doute que les numéros composés par madame Simard étaient ceux qui étaient dans le système au moment où elle a fait ses appels le 5 janvier 2012 et qui correspondaient à ceux que l’on retrouve à la pièce H-6 qui est le document le plus fiable. Selon l’employeur, il y a fort à parier qu’une demande a été faite au numéro 1-800 XXX-XXXX afin que les coordonnées soient modifiées pour donner à penser que le numéro au dossier était le 418 690-XXXX. Or, ce n’était pas l’information qui était au dossier le 5 janvier 2012.
[85] L’employeur souligne que la pièce H-7 permet de constater que deux entrées ont été effectuées dans les coordonnées du plaignant le 7 janvier 2013. À ce moment, il était en situation de mise à pied selon la pièce H-9, dont l’une a une portée rétroactive au 17 décembre 2012 et valide jusqu’au 6 janvier 2013 et l’autre prend effet à compter du 7 janvier 2013. La dernière page de la pièce H-7 permet par ailleurs de constater que le plaignant lui-même a accédé au système le 12 mars 2013. On ne voit pas de changement apporté à cette date par rapport aux informations inscrites le 7 janvier 2013 pour valoir à compter de cette date. On ne peut savoir pourquoi certaines entrées faites dans le système à la demande du plaignant ont une portée rétroactive. Pour l’employeur, tout cela manque de limpidité. Chose certaine, on ne peut mettre en doute de façon convaincante que madame Simard a mal travaillé.
[86] Lorsque madame Simard a laissé un message à l’intention du plaignant, elle a pris les dispositions nécessaires pour vérifier s’il la rappellerait dans les 24 heures. Il ne peut lui être reproché d’avoir fait des démarches de façon préventive auprès du candidat suivant. Comme le rappel du second salarié n’a pu s’effectuer que le 9 janvier, il était trop tard pour qu’il puisse entrer en fonction avant le 16 janvier. Cela n’a pas pour effet de conférer des droits au plaignant. L’employeur invoque à cet égard la décision de l’arbitre Denis Tremblay qu’a citée le syndicat. La liste de rappel est cristallisée à une certaine date, dans le cas présent, c’est le 5 janvier. Le plaignant devait s’être assuré avant cette date de fournir à l’employeur les bons numéros de téléphone où il pourrait être joint. L’employeur peut comprendre la déception du plaignant, il soutient toutefois qu’il a respecté ses obligations.
[87] L’employeur plaide que la présente affaire se distingue grandement au plan factuel de celle dont était saisi l’arbitre J.-Jacques Turcotte, également citée par le syndicat. Il était de la responsabilité du plaignant de s’assurer de la justesse de ses coordonnées dans le système. Or, il veut faire porter la responsabilité de ses manquements à madame Tremblay et à madame Simard. Il ne peut invoquer sa propre turpitude. Quant à la question du courriel, la pièce H-6 permet de constater qu’il n’y a aucune possibilité d’entrer une telle donnée dans le système SAP. Peut-être que le plaignant l’a inscrit sur son curriculum vitae et que cette information se trouve dans son dossier physique, mais elle n’est pas dans son dossier électronique. La preuve a démontré que son dossier physique se trouvait toujours dans l’unité TransÉnergie. Dès lors, madame Simard en tant que préposée aux ressources humaines de l’unité Production n’y avait pas accès.
[88] L’employeur termine sa plaidoirie en déposant deux sentences arbitrales rendues dans des dossiers concernant Hydro-Québec dont les références sont inscrites en annexe. La première rendue par l’arbitre Rodrigue Blouin en 1994 permet de constater que la Lettre d’entente n° 20 existait déjà à cette époque. L’arbitre avait statué qu’il était de la responsabilité de la personne salariée de s’assurer que son numéro de téléphone soit le bon. La deuxième décision citée par l’employeur a été rendue en 1991 par l’arbitre Germain Jutras dans une affaire d’absence du travail. Ce dernier a conclu qu’il n’était pas de la responsabilité de l’employeur de communiquer avec un salarié absent afin de s’enquérir des motifs de son absence. L’employeur invite l’arbitre à l’appliquer mutatis mutandis et à conclure qu’il n’était pas de la responsabilité de l’employeur de chercher où le plaignant pouvait être joint. Il y a une liste de rappel sur laquelle se trouvent ses coordonnées et la responsabilité de l’employeur se limite à cela. L’employeur n’a pas à faire de recherches pour trouver un moyen alternatif de le joindre. Quant aux décisions déposées par le syndicat, l’employeur est d’avis qu’elles doivent toutes être distinguées de la présente affaire.
[89] En réplique, le syndicat rappelle que sur les documents produits en liasse sous la cote H-7, on constate une modification faite par le plaignant à ses coordonnées en 2010 ainsi qu’en 2013. Toutes les autres modifications ont été apportées par une autre personne. Le syndicat ne prétend pas que le plaignant a tenté de faire changer son numéro de cellulaire par madame Tremblay, mais simplement qu’il l’avait fourni à cette dernière en ayant la conviction qu’elle pouvait apporter le changement. Lorsqu’il a constaté que le numéro apparaissant à son dossier était erroné, il a contacté madame Tremblay pour le faire changer. Il n’y a pas eu de capture d’écran des coordonnées du plaignant en date du 5 janvier 2012. L’employeur ne peut prétendre que c’est le plaignant qui a tenté de faire changer son numéro de cellulaire rétroactivement.
[90] Le syndicat soutient par ailleurs que la responsabilité de la personne salariée est de s’assurer que son adresse et son numéro de téléphone soient exacts. Or, l’information concernant le plaignant apparaissant sur la pièce H-3 était exacte. Le numéro de téléphone qui s’y trouve est bien celui du plaignant. Que serait-il arrivé si madame Simard avait fait une erreur en le composant ? Va-t-elle rappeler une deuxième ou une troisième fois ? Certes, le plaignant était absent de chez lui le 5 janvier 2012. Mais madame Simard ne pouvait le savoir. Pourquoi n’a-t-elle pas tenté de le joindre à nouveau à ce bon numéro avant de confirmer le poste au salarié suivant sur la liste de rappel ?
[91] Le syndicat soutient, contrairement à ce qu’a plaidé l’employeur, que la décision de l’arbitre Turcotte est très pertinente, car les faits présentent une grande similitude avec ceux du présent litige. L’employeur a une obligation de moyen et il ne s’en est pas déchargé. Il doit communiquer avec le salarié par téléphone et par écrit. Or, un courriel ne demanderait pas plus de temps qu’un appel téléphonique. De plus, si le dossier du plaignant était disponible dans son ancien département, lequel est clairement indiqué dans les coordonnées du plaignant comme le démontre la pièce H-8, l’employeur avait ses propres responsabilités à assumer avant de lui faire porter le blâme. C’est ce dernier qui a subi tous les inconvénients de la situation. Madame Simard était peut-être d’avis qu’elle avait fait tous les efforts qu’elle jugeait raisonnables. Cependant, une fois l’erreur constatée, l’employeur n’a rien fait pour y remédier. La preuve a démontré que lorsqu’un employé temporaire est mis à pied, il ne peut valider l’information qui se trouve dans son dossier. Pourtant, l’employeur veut lui imputer une telle responsabilité.
[92] Le syndicat rappelle au surplus que l’arbitre Blouin indique bien que l’employeur est tenu de communiquer avec les salariés par téléphone et par écrit. La demande de comblement de poste est datée du 20 décembre 2011. Ce n’est pas de la faute des salariés si l’employeur n’a entrepris que le 5 janvier 2012 les démarches en vue du rappel. S’il était si urgent de combler le poste, l’employeur ne s’est pas donné une grande marge de manœuvre. Le syndicat ne prétend pas qu’il y a eu malversation, mais il est évident que l’aide-mémoire utilisé par madame Simard est inadéquat compte tenu des obligations qui incombent aux personnes responsables de procéder aux rappels. Le syndicat réitère en terminant que l’employeur ne peut se dégager de sa responsabilité en la faisant porter au plaignant.
4. DÉCISION ET MOTIFS
[93] Comme l’a rappelé l’employeur, le rôle de l’arbitre consiste à déterminer le bien-fondé du grief en respectant les limites de sa compétence, lesquelles sont clairement énoncées à l’article 16.04 A) de la convention collective qui se lit comme suit :
16.04 A) Les pouvoirs de l’arbitre sont limités à décider des griefs suivant la lettre et l’esprit de cette convention. Il n’a aucune juridiction pour ajouter, soustraire, modifier ou amender quoi que ce soit dans cette convention.
[94] Pour disposer du présent grief, il faut donc d’abord et avant tout relire ce dont les parties ont convenu à la Lettre d’entente n° 20. La seule conclusion qui s’impose à la lecture des articles 5 et 7 de celle-ci est que l’employeur ne s’est pas acquitté de ses obligations. En effet, la lettre d’entente exige que le rappel se fasse par téléphone avec confirmation par écrit et non pas uniquement par téléphone. Or, à partir du moment où madame Simard a admis n’avoir pas communiqué avec le plaignant par écrit, il y avait clairement un problème.
[95] Il ne faut pas lire l’article 5 de la lettre d’entente en faisant abstraction de l’article 7 qui prévoit que :
7. La personne salariée temporaire doit répondre à la Direction dans les vingt-quatre (24) heures de la demande qui lui est faite à l’adresse inscrite à son dossier et doit se présenter au travail dans les soixante-douze (72) heures à compter de la date de son rappel.
[96] Les faits mis en preuve démontrent toute l’importance que revêt l’écrit. Tout d’abord, rien dans la lettre d’entente n’exige des salariés qu’ils aient un appareil téléphonique muni d’un répondeur, ni qu’ils disposent d’un appareil cellulaire faisant en sorte qu’ils puissent être joints illico lorsque la préposée chargée d’effectuer un rappel au travail entreprend des démarches en ce sens et loge un premier appel au numéro de téléphone où une personne salariée peut être jointe selon la liste de rappel.
[97] En outre, si les parties avaient voulu que la personne salariée doive donner sa réponse dans les 24 heures du message laissé sur son répondeur, c’est ce qu’elles auraient écrit.
[98] Il ressort tant de l’affaire dont a été saisi l’arbitre Turcotte citée par le syndicat que de celle dont a été saisi l’arbitre Blouin invoquée par l’employeur que la lettre d’entente n° 20 existait déjà en 1992. Outre ces deux décisions datant de 1994, le syndicat a produit une seule autre décision, celle-là de l’arbitre Denis Tremblay et datant de 2003, dans laquelle la question en litige était plutôt de déterminer à quel moment un salarié doit avoir les qualifications nécessaires pour prétendre à son inscription sur la liste de rappel pour revendiquer un poste que l’employeur a comblé par une embauche externe. Pour utiles que puissent être les décisions déposées, il est néanmoins difficile d’en tirer une conclusion déterminante quant à une pratique constante de l’employeur en matière de rappel au travail de ses employés en situation de licenciement ou de mise à pied.
[99] Il est vrai que la décision de l’arbitre Turcotte dans l’affaire Syndicat des employé-e-s- de bureau d’Hydro-Québec, section locale 2000, S.C.F.P. F.T.Q. - et - Hydro-Québec , sentence arbitrale du 19 mai 1994, peut laisser croire qu’il n’accorde aucune importance à la confirmation écrite exigée par l’article 5 de la lettre d’entente. À sa décharge, il faut dire que c’est la position qui semble avoir été adoptée devant lui par le syndicat, l’affaire dont il était saisi soulevant la question de savoir si le plaignant avait ou non donné son nouveau numéro de téléphone à l’employeur. Cet arbitre s’est donc attardé à l’appréciation de la crédibilité du plaignant par opposition à celle de la préposée chargée du maintien à jour de la liste de rappel. Il a en outre examiné la question de la portée de l’obligation de moyen de l’employeur et a élaboré sur les démarches que ce dernier devait raisonnablement faire pour tenter de joindre le plaignant par téléphone, ce qui est sans contredit la première obligation de l’employeur selon l’article 5 de la lettre d’entente.
[100] Il appert par ailleurs de la lecture de la sentence arbitrale rendue par l’arbitre Blouin dans l’affaire Syndicat des employé-e-s- de bureau d’Hydro-Québec, sect. loc. 2000 - et - Madame Hélène André c. Hydro-Québec , sentence arbitrale du 25 février 1994, que l’employeur avait transmis un avis écrit à plusieurs employés temporaires qui étaient susceptibles d’être rappelés au travail après leur avoir d’abord téléphoné. On lit en effet ce qui suit (à la p. 2) :
De l’ensemble de la preuve, il ressort que les premiers faits utiles pour situer le litige peuvent être sommairement rappelés comme suit.
- Le 7 février, vers 16h30, l’employeur transmet aux employés temporaires cet avis :
« Vous êtes rappelés pour un poste d’agent releveur classe 3 (…). Nous vous offrons ce poste sous réserve que le plus ancien employé qualifié le refuse.
Prière de nous répondre (….). »
Chaque employé a été préalablement appelé par téléphone. Selon la preuve faite par l’employeur, il s’agit alors de vérifier si les employés visés possèdent la formation spécifique au poste et ainsi s’assurer que les informations contenues aux dossiers de chacun sont à jour .
Selon le témoignage de madame Louise Pelletier, agent GRH, le numéro de téléphone de la plaignante n’était pas le bon. La preuve documentaire établit que ce numéro au « Système de gestion des employés temporaires - Liste de rappel « est …. (voir pièce S-6).
- Monsieur Daniel Mathieu, employé temporaire de la liste de rappel et qui a moins de durée de service que la plaignante, a été assigné sur un surcroît de travail.
Cet employé avait déjà travaillé sur le poste et obtenu la formation spécifique.
La plaignante n’avait pas alors travaillé sur le poste ni reçu la formation requise et elle occupait un poste qui ne préparer pas à celui de releveur de compteurs.
[Notre soulignement]
[101] Dans cette affaire, il a été mis en preuve que le numéro de téléphone de la salariée en cause inscrit sur la liste de rappel était erroné. Le compte rendu de la preuve fait par l’arbitre Blouin ne permet pas de savoir si la plaignante avait par ailleurs reçu l’avis écrit. Mais cela importait peu pour trancher le grief dont il était saisi, puisque la question qui était véritablement en litige était de déterminer si l’employeur avait erré en écartant la candidature de la plaignante parce qu’elle n’avait pas la formation requise pour occuper le poste. Il s’agissait en définitive de décider si l’employeur était tenu de la former. Néanmoins, l’arbitre Blouin écrit ce qui suit en ce qui concerne les obligations de l’employeur (à la p. 6) :
En vertu de la lettre d’entente no 20, paragraphe 4, l’employeur est en droit de rappeler un employé temporaire qui rencontre les exigences normales de l’emploi. En l’espèce, la validité des exigences spécifiques requises pour occuper l’emploi d’agent releveur de compteurs n’est pas en cause.
Pour disposer du grief, il nous faut donc savoir si la plaignante possédait la formation spécifique requise et, le cas échéant, si l’employeur était tenu de lui fournir la formation exigée.
Signalons qu’en vertu des paragraphes 5 et 7 de l’entente, l’employeur est tenu de communiquer avec l’employé temporaire avec confirmation écrite à l’adresse inscrite à son dossier, ce qui présume aussi du numéro de téléphone inscrit au dossier.
Or, en l’espèce la preuve de l’employeur est à l’effet que le numéro de téléphone de la plaignante n’était pas le bon. Il appartenait à la plaignante de faire tenir à jour son dossier ou de tenter d’infirmer la preuve patronale (ex. erreur de composition si le numéro au dossier est le bon) .
[Notre soulignement.]
[102] L’employeur a cité l’extrait souligné de cette décision au soutien de sa prétention qu’il incombait au plaignant de s’assurer que les informations entrées dans le système informatique soient exactes. Le syndicat s’est pour sa part appuyé sur la sentence arbitrale rendue par l’arbitre Turcotte ainsi que sur d’autres sentences arbitrales pour plaider que l’employeur ne s’était pas acquitté de son obligation de moyen dans le présent dossier vu les faits révélés par la preuve. Attardons-nous à ces arguments en tenant compte de ce que révèle la preuve et en retenant d’entrée de jeu que l’arbitre Blouin, en interprétant corrélativement les articles 5 et 7 de la lettre d’entente, a fait le lien entre le numéro de téléphone inscrit au dossier de la plaignante et son adresse qui y est également inscrite.
[103] Il est établi de façon incontestable que la liste de rappel qui devait être utilisée par madame Simard pour procéder au rappel pour le poste à combler à la Centrale Péribonka est celle qui a été produite sous la cote H-3. Il appert que, sur ce document, l’adresse du plaignant est exacte et que le numéro de téléphone de sa résidence l’est tout autant. On note également aussi bien pour le plaignant que pour tous les autres salariés dont le nom y apparaît qu’il ne s’y trouve qu’un seul numéro de téléphone pour tous les employés éligibles. Il s’agit donc là du numéro officiel où l’employeur doit chercher à joindre une personne salariée aux fins d’un rappel.
[104] En examinant la pièce H-6, on y voit toutes les entrées concernant les coordonnées du plaignant que permet le système SAP. Une seule entrée a comme « Nom zone » le « N° de téléphone ». En effet, le numéro de cellulaire y est entré à partir de deux noms de zone, le premier ayant pour nom « Communications » où on retrouve comme contenu de zone « CELL » et le second qui a pour nom « Numéro » et c’est là qu’on retrouve le numéro 418-817-XXXX. Il serait possible d’inscrire ainsi trois numéros de téléphone additionnels en plus de celui inscrit sous la rubrique « N° de téléphone ».
[105] Lorsque l’on compare ce document à celui intitulé « Registre de Rappel Technicien » (pièce H-3), on constate que le numéro de téléphone qui y est inscrit pour le plaignant est celui qui correspond à l’information se trouvant à la zone « N° de téléphone » de la pièce H-6. En comparant les pièces H-3 et H-4, on constate également que madame Simard a contacté le salarié Martel au numéro de téléphone apparaissant à la pièce H-3.
[106] Le plaignant a affirmé qu’il y avait un répondeur chez lui ainsi qu’un afficheur. À son retour de Québec, il n’y avait aucun message. Par contre, il a constaté qu’il avait reçu des appels pendant son absence dont il ne pouvait identifier la provenance. Il a été admis que lorsqu’une personne appelle depuis Hydro-Québec la provenance de l’appel n’apparaît pas sur l’afficheur.
[107] Madame Simard a pour sa part affirmé avoir d’abord tenté de joindre le plaignant au numéro qu’on peut qualifier de numéro officiel aux fins d’un rappel et avoir été incapable d’y laisser un message à l’intention du plaignant, car il n’y avait pas de répondeur.
[108] Nous sommes donc en présence de témoignages contradictoires sur ce point, madame Simard affirmant avoir été dans l’impossibilité de laisser un message au plaignant au numéro apparaissant sur le registre de rappel, faute de répondeur et le plaignant affirmant pour sa part qu’il y avait un répondeur. Il est impossible de conclure d’emblée que l’un des témoignages est plus crédible que l’autre. Celui du plaignant semble néanmoins plus crédible que celui de madame Simard, et ce, même si, comme l’a reconnu l’arbitre Turcotte, le salarié qui cherche à contester le fait de n’avoir pas été rappelé a un intérêt plus grand dans l’affaire que la préposée qui a procédé au rappel.
[109] Il reste que madame Simard a affirmé qu’« en principe » elle « laisse sonner assez longtemps, au-delà de six coups sûrement ». Son témoignage fait donc davantage état de sa pratique habituelle. On n’y retrouve pas une affirmation claire à l’effet que c’est bien ce qu’elle a fait le 5 janvier 2012. Or, il est loin d’être certain que ce soit le cas. En effet, selon les notes qu’elle a elle-même inscrites au document intitulé « Démarche dans le comblement d’une (sic) poste temporaire » pièce H-4) à peine une minute s’est écoulée entre ce premier appel effectué au numéro apparaissant dans le registre de rappel et un second fait à un numéro de téléphone cellulaire qu’elle a trouvé dans le système SAP vu l’absence de répondeur selon ses dires. C’est un délai qui paraît bien court pour faire toutes ces démarches. Au surplus, il semble assez étonnant qu’elle ait d’abord appelé monsieur Martel le 5 janvier à 15h20 et le 9 janvier à 15h21, sans compter que la date du second appel semble avoir été modifiée. Ce document paraît donc d’une fiabilité assez douteuse. Comme madame Simard en est l’auteur, cela entache sa crédibilité pour l’ensemble du processus de rappel.
[110] L’employeur a certes tenté d’attaquer la crédibilité du plaignant en plus de plaider qu’il s’était déchargé de son obligation de moyen, puisque le plaignant avait l’entière responsabilité de s’assurer que ses coordonnées étaient les bonnes. Pour ce faire, il a mis en preuve des documents comportant des données extraites de son système informatique relatives à divers changements apportés aux coordonnées du plaignant tant avant qu’après les faits en litige. Il s’est particulièrement attardé au fait que certaines modifications avaient un effet rétroactif. Or, en comparant les pièces H-7, H-8 et H-9, une seule conclusion s’impose : aucune modification ayant un effet rétroactif n’a été apportée par le plaignant lui-même, puisqu’il était licencié au moment où de telles entrées ont été faites. De ce fait, il n’avait pas accès au système Libre-Service permettant aux employés de mettre eux-mêmes leurs coordonnées à jour. Il n’avait d’autre choix que de s’en remettre au personnel des ressources humaines ayant les droits d’accès pour apporter de telles modifications à ses coordonnées. D’ailleurs, il ne semble pas que l’employeur ait jugé bon de mettre en place un système de confirmation permettant aux personnes salariées dans la situation du plaignant d’avoir l’assurance que les modifications demandées ont été correctement apportées à leurs coordonnées alors que, pourtant, leur rappel au travail dépend de la justesse de certaines d’entre elles.
[111] Madame Simard avait les autorisations d’accès lui permettant de modifier les coordonnées du plaignant. Cependant, la preuve ne permet pas d’établir qu’elle l’aurait fait, que ce soit à la demande de madame Tremblay ou de sa propre initiative. D’ailleurs, il ressort que, dans le cas des salariés licenciés, cette tâche incombait plutôt à des préposées travaillant à un centre d’appel centralisé à Montréal. Or, s’il est vrai, comme en a témoigné madame Simard, que l’employeur a donné comme instructions aux employées des ressources humaines de toujours faire de nouvelles entrées plutôt que d’utiliser une fonction du système SAP qui permet de modifier une donnée existante, et ce, afin de conserver l’historique des données qui doivent être mises à jour, force est de constater que certaines personnes ayant les autorisations d’accès leur permettant de modifier les coordonnées des personnes salariées ne connaissent pas cette directive ou ne l’appliquent pas. On ne saurait là encore en faire porter la responsabilité au plaignant sur la base de la seule preuve qui a été administrée dans le présent dossier.
[112] D’ailleurs, l’employeur n’a identifié nommément qu’une seule des personnes dont le CIP apparaît comme ayant été responsable des modifications des coordonnées du plaignant, à savoir la préposée qui a fait deux entrées dans le système le 2 février 2012 selon les documents produits sous la cote H-8. Cette employée travaillait à Montréal. Elle n’a pas été entendue pour expliquer pourquoi elle a fait une première entrée au système informatique pour valoir jusqu’à cette date et une seconde devant prendre effet à compter du lendemain. Qui a communiqué avec elle ? S’agit-il d’une seule personne ou de plusieurs personnes ? Il ressort de la preuve que madame Simard pouvait apporter des modifications au système et que madame Tremblay pouvait en demander à la personne responsable, puisqu’elle a affirmé l’avoir fait après que le plaignant eut communiqué avec elle pour savoir si elle avait changé son numéro de cellulaire dans le système informatique. Se peut-il que madame Tremblay ait appelé cette préposée le 2 février plutôt que « vers la fin janvier » et que le plaignant l’ait fait également ce même jour ? Le témoignage de madame Tremblay est trop vague pour qu’on puisse savoir si elle a fait ou fait faire une modification avant le 2 février. Si tel est le cas, cette modification aurait été écrasée par la première modification de cette date.
[113] On peut aussi se demander s’il y a eu un problème de communication le 2 février entre la préposée et son interlocuteur ou interlocutrice quant à savoir quel numéro de téléphone devait rester inchangé et quel autre devait être modifié de telle sorte qu’elle aurait dû corriger à nouveau les coordonnées du plaignant.
[114] Cette dernière hypothèse est tout aussi valable, sinon plus, que celle d’instructions qui lui auraient été données en vue de manipuler les informations contenues dans le dossier du plaignant. En effet, sur la première page de la pièce H-8, le numéro résidentiel du plaignant qui apparaît sur le registre de rappel avait disparu au profit de son numéro de cellulaire personnel, tandis que le numéro du cellulaire de l’employeur auquel il n’avait toujours pas accès demeurait au dossier comme moyen de communication. Sur la deuxième page, le numéro de téléphone résidentiel a été rétabli et le numéro du téléphone cellulaire personnel du plaignant avait remplacé celui que l’employeur lui avait fourni.
[115] Il faut aussi constater que le numéro de CIP de cette préposée, qui est le BU9178, n’est pas celui qui apparaît au document produit sous la cote H-6 et que l’employeur a déposé comme étant le plus véridique. En effet, selon la pièce H-6, la personne qui aurait apporté une modification aux coordonnées du plaignant le 2 février 2012 pour remplacer le numéro apparaissant à la zone « N° de téléphone » soit le 418 316-XXXX par le 418 690-XXXX serait celle dont le CIP est BV2297. Il faudrait donc conclure que deux employé(e)s auraient fait des manipulations ce même 2 février 2012. Par ailleurs, en analysant également bien attentivement le document produit sous H-7, il faut constater que l’employeur n’a pas déposé la capture d’écran qui permettrait d’avoir l’assurance que c’est bien le plaignant lui-même qui aurait apporté la modification de ses coordonnées le 18 avril 2011 comme le suggère la pièce H-6, selon les explications données pour interpréter ce document.
[116] En fait, la preuve tant documentaire que testimoniale ne permet pas de tirer une conclusion définitive quant à savoir ce qui a bien pu se passer le 2 février 2012. La seule conclusion irréfutable qui puisse être tirée de toute cette preuve est que le plaignant ne peut porter la responsabilité pour le cafouillage survenu à cette date dans le système SAP. Si des données ont pu être écrasées, elles l’ont été par une, voire plusieurs personnes, ayant des autorisations d’accès au système, ce qu’il n’avait pas. Par ailleurs, on ne peut conclure à partir de cette preuve que le plaignant a menti et qu’il faudrait en conséquence accorder plus de crédibilité au témoignage de madame Simard et surtout qu’il doit porter le poids de l’information erronée quant à son numéro de cellulaire utilisé par madame Simard pour procéder à son rappel.
[117] Quant à madame Marchand, bien que cette dernière ait répété ce que madame Simard avait dit avoir effectué comme démarches en vue de combler le poste, son témoignage ne saurait ajouter de la crédibilité à celui de madame Simard, puisqu’elle a admis qu’elle n’était pas présente au moment où madame Simard effectuait ses appels.
[118] Reste tout de même à déterminer si l’employeur s’est effectivement acquitté de son obligation de moyen dans le processus de rappel décrit par madame Simard. Il est clair que l’employeur n’avait effectivement à remplir qu’une obligation de moyen et non de résultat lors du rappel au travail du plaignant pour occuper le poste à la Centrale Péribonka, poste qui lui revenait de droit s’il l’acceptait. Il est indéniable qu’aucune personne salariée sur la liste de rappel n’a un droit absolu d’obtenir un poste pour lequel elle est qualifiée. Le plaignant n’y fait pas exception. En outre, on ne saurait exiger de l’employeur qu’il réussisse à parler à une personne salariée afin de connaître ses intentions avant d’offrir le poste à une autre ayant moins de durée de service qu’elle. Tout de même, les démarches effectuées par madame Simard ne convainquent pas la soussignée que l’employeur s’est déchargé de son obligation de moyen.
[119] Madame Simard a sans aucun doute agi de bonne foi en cherchant un second numéro de téléphone pour joindre le plaignant afin de lui parler ou de laisser un message à son intention, faute d’avoir pu lui parler lorsqu’elle lui avait téléphoné au numéro apparaissant au registre de rappel. Il est difficile de lui reprocher une telle initiative qui vaut bien celles suggérées par le syndicat et qui étaient notamment de communiquer avec madame Tremblay, l’ancienne commis à l’administration de l’unité à laquelle appartenait le plaignant ou encore d’obtenir le dossier physique du plaignant afin d’y trouver son adresse courriel.
[120] Selon l’arbitre Turcotte, dans l’affaire sur laquelle s’appuie le syndicat, plusieurs initiatives peuvent être prises par l’employeur pour s’acquitter de son obligation de moyen en matière de rappel au travail. Ce qui importe, c’est qu’il fasse des efforts raisonnables pour ce faire. Cet arbitre écrit à la page 15 de sa décision :
Dans le dossier sous étude, nous sommes d’avis que madame Labbé, en appelant au moins quatre (4) fois, a utilisé sur ce plan uniquement, toute la diligence raisonnable exigible en matière de rappel par téléphone.
Cependant, comme nous l’avons vu, il y avait d’autres moyens à la portée de madame Labbé, ceux-ci consistant dans les particularités suivantes :
a) Communication avec le service de la paie pour comparer les entrées de téléphone dans le dossier des ressources humaines et dans celui du service de la paie;
b) Émission d’une directive par le département concerné, lorsqu’il y a un changement au dossier personnel de l’individu, dans un autre service que celui des ressources humaines, à l’effet d’aviser ce dernier service de tout changement, et ce surtout quand il s’agit de l’adresse exacte, du numéro de téléphone modifié du salarié temporaire.
Ce n’est par ces deux (2) moyens seulement, lorsqu’il n’y a pas de réponse à la résidence de l’employé, qu’il y a lieu de rejoindre un salarié temporaire sur liste de rappel et, dans cette obligation de moyen qu’a l’employeur, il doit prendre, à notre avis, les mesures nécessaires, logiques, pour couvrir l’ensemble du terrain de son obligation.
Dans le cas actuel, force nous est d’en arriver à la conclusion d’une preuve prépondérante et vraisemblable, en faveur du syndicat, à l’effet que le salarié concerné a donné son changement de numéro de téléphone, cette preuve circonstancielle faisant en sorte que l’arbitre ne peut arriver à d’autres conclusions raisonnables, selon toutes les facettes de la preuve, qu’à celles plus haut édictées.
[Notre soulignement]
[121] Selon la soussignée, madame Simard n’a pas fait des efforts raisonnables pour joindre le plaignant en ne composant qu’une seule fois le numéro de téléphone qui est celui où elle devait tenter de le joindre. Elle a certes fait un effort pour le joindre autrement. Cependant, le message laissé sur un répondeur d’un cellulaire ne rencontre pas les obligations de moyen de l’employeur, puisque cela ne respecte pas les règles convenues par les parties. La façon dont les coordonnées d’une personne salariée sont inscrites au système SAP, qui distingue clairement entre le numéro de téléphone et les autres numéros où il est possible de communiquer avec celle-ci, permet de conclure, particulièrement à la lumière des informations qui en ont été extraites pour la confection du registre de rappel, qu’il n’y a qu’un seul numéro de téléphone officiel. Le témoignage de madame Marchand milite d’ailleurs en faveur d’une telle interprétation. Le composer une seule fois est loin d’être suffisant pour conclure que l’obligation de moyen de l’employeur est remplie.
[122] Il est par ailleurs pour le moins consternant que l’employeur ait plaidé que madame Simard avait rencontré les exigences de la Lettre d’entente n° 20 en laissant simplement un message dans une boîte vocale associée à un numéro de téléphone autre que celui où le plaignant devait être joint selon le registre de rappel (pièce H-3). On peut en outre s’étonner qu’elle n’ait eu aucun moyen de savoir qu’elle avait téléphoné à un numéro correspondant à un appareil cellulaire appartenant à l’employeur et dont le plaignant n’avait plus l’usage depuis son licenciement. Pourquoi l’employeur n’avait-t-il pas prévu un message d’accueil du répondeur indiquant clairement qu’il s’agissait d’un appareil téléphonique appartenant à Hydro-Québec ? Pourquoi cet appareil n’avait-il pas été désactivé au moment du licenciement du plaignant ? Pourquoi le système SAP n’identifiait-il pas clairement, dans les coordonnées du plaignant, qu’il s’agissait d’un téléphone cellulaire appartenant à Hydro-Québec? Voilà trois moyens simples qui auraient évité l’erreur commise par madame Simard dans le présent dossier. La soussignée est d’avis que l’employeur ne peut faire porter au plaignant une responsabilité quelconque pour l’initiative de madame Simard de laisser simplement un message sur un appareil cellulaire dont le message d’accueil ne lui permettait aucunement de s’assurer qu’elle parlait bien au plaignant et qui n’était pas le numéro apparaissant au registre de rappel.
[123] Tout en reconnaissant qu’il était de la responsabilité du plaignant de s’assurer de l’exactitude de ses coordonnées apparaissant à son dossier, force est de constater que tant son adresse que son numéro de téléphone étaient rigoureusement exacts. Or, ce sont ces coordonnées qui devaient servir aux fins d’un rappel. Ce sont d’ailleurs celles qui apparaissent au registre de rappel (pièce H-3). Un employé licencié ne saurait s’attendre à ce que l’employeur communique avec lui autrement qu’au numéro de téléphone ainsi qu’à l’adresse qu’il lui a fournis et encore moins l’exiger. Aucune des décisions soumises par les parties ne permet de soutenir le contraire.
[124] Pour s’acquitter de son obligation de moyen, l’employeur doit faire des efforts raisonnables à la fois pour s’assurer de l’exactitude du numéro de téléphone qu’il a dans son dossier et pour tenter de joindre la personne salariée à ce numéro de téléphone qu’elle lui a fourni. Il ne saurait faire de doute qu’avec la mise en place du système SAP et de la plate-forme Libre-Service, l’employeur a fait des efforts importants pour s’acquitter de cette obligation. On constate néanmoins qu’il y a encore quelques lacunes en ce qui concerne la mise à jour des coordonnées d’une personne salariée après sa mise à pied ou son licenciement.
[125]
Par
ailleurs, une seule tentative d’entrer en communication avec la personne
salariée au numéro de téléphone apparaissant au Registre de rappel est loin de
suffire pour s’acquitter de cette obligation de moyen. En effet, on ne saurait
faire perdre à une personne salariée son droit de rappel à la suite de ce qui
pourrait être une simple erreur de composition de son numéro de téléphone ou
parce qu’elle s’est absentée pour un court moment. Comme l’a dit l’arbitre
Denis Provençal dans l’affaire
Syndicat canadien des communications, de
l’énergie et du papier, section locale 700 (FTQ)
- et -
Clarke Transport
(Entrepôt)
, sentence arbitrale du 14 février 2012,
[126] Dans le présent dossier, la preuve ne permet pas de soutenir la prétention de l’employeur voulant que le plaignant invoque sa propre turpitude au seul motif qu’en plus des deux informations essentielles aux fins d’un rappel, à savoir son adresse et son numéro de téléphone, se trouvait encore dans le système SAP le numéro de l’appareil cellulaire que l’employeur avait mis à sa disposition jusqu’à son licenciement. Comme ce numéro de cellulaire n’était pas le numéro de téléphone apparaissant au registre officiel devant servir aux fins de rappel, la soussignée est incapable de conclure que madame Simard a fait diligence en se contentant simplement d’y laisser un message sans aucunement chercher par la suite à parler au plaignant en appelant à nouveau au numéro de téléphone inscrit au registre de rappel. Pour dire le moins, les moyens employés par madame Simard étaient plutôt faibles et dénotent une certaine désinvolture de sa part face aux conséquences pour la personne salariée à qui elle n’avait pas réussi à parler.
[127] On constate à la lecture de la sentence arbitrale rendue par l’arbitre Turcotte que la préposée qui, dans l’affaire dont il était saisi, devait combler sept postes de façon urgente avait fait preuve de plus de professionnalisme que madame Simard. En effet, elle avait téléphoné chez le salarié à quatre reprises pour tenter de lui parler, soit à 9h00, 12h30, 15h20 et 15h45 (à la p. 4). Or, dans le cas présent, quoiqu’en ait dit l’employeur, s’il y avait urgence à combler le poste le 5 janvier, puisqu’il devait l’être théoriquement pour le 9 janvier, c’est qu’il y avait préalablement eu un certain manque de diligence, puisque le délai entre la demande de comblement de poste et le moment où le gestionnaire souhaitait voir le poste pourvu lui donnait amplement de temps pour que le rappel soit effectué selon les règles.
[128] En effet, cette demande était datée du 20 décembre 2011. Aucune preuve n’a été faite du moment où cette demande s’est retrouvée sur le bureau de madame Simard. Tout au plus peut-on constater que le registre de rappel est daté du 5 janvier 2012. Si c’est à cette date que la liste des personnes salariées admissibles s’est trouvée cristallisée, rien n’indique que le processus de rappel devait être complété le jour-même. D’ailleurs la preuve a démontré qu’il ne l’a pas été.
[129] Vu que madame Simard n’a entrepris ses démarches qu’en milieu d’après-midi le 5 janvier et qu’elle avait décidé de s’absenter le lendemain, elle savait par expérience dès ce jour-là que le poste ne pourrait vraisemblablement pas être attribué à temps pour une entrée en service le 9 janvier. D’ailleurs, en pratique monsieur Martel n’est entré en fonction que le 16 janvier. On ne saurait donc parler d’une véritable urgence à combler le poste pouvant justifier de passer au salarié suivant sur la liste de rappel sans que des efforts raisonnables aient été faits pour tenter de joindre le plaignant qui y avait en principe droit compte tenu du fait qu’il avait deux fois plus de jours de service que monsieur Martel.
[130] Il est vrai que, selon le témoignage du plaignant, madame Simard n’aurait pu le joindre le jeudi 5 janvier, même si elle avait téléphoné à nouveau à son domicile ce jour-là après son premier appel, puisqu’il était parti à Québec plus tôt dans la journée. Par ailleurs, avant de confirmer à monsieur Martel que le poste lui était attribué le 9 janvier, elle aurait pu et même dû tenter à nouveau de joindre le plaignant, d’autant plus qu’elle n’avait pas confirmé par écrit sa démarche téléphonique en vue de son rappel au travail. Or, madame Simard a admis ne l’avoir pas rappelé le 9 janvier.
[131] Plus encore, elle a reconnu bien franchement qu’elle n’avait pas écrit au plaignant pour l’informer du rappel. Elle a expliqué qu’elle ne le faisait plus depuis au moins cinq ans, car cela ne donnait rien, selon elle, puisque la correspondance était acheminée quelques jours après son appel téléphonique. Or, ces explications ne justifient pas de passer outre aux règles convenues entre les parties et qui sont celles qui se trouvent à la Lettre d’entente n° 20.
[132] Celle-ci vient préciser les droits et obligations du travailleur autant que de l’employeur en matière de rappel. Ainsi, les droits de direction reconnus à l’employeur par l’article 6.01 de la convention collective sont encadrés par cette lettre d’entente. Dès lors, l’employeur ne peut faire fi des règles qui y sont édictées et qui précisent qu’il doit communiquer avec les personnes salariées ayant les qualifications requises « par ordre de durée de service » (art. 4) et qu’il doit le faire « par téléphone avec confirmation écrite » (art. 5).
[133] On comprend de la lecture de l’article 7 que cette confirmation écrite constitue une demande formelle adressée à la personne salariée de se présenter au travail et que celle-ci doit lui être « faite à l’adresse inscrite à son dossier ». La personne salariée n’est cependant pas tenue d’accepter le poste qui lui est ainsi offert vu le deuxième paragraphe de l’article 5 qui précise les conséquences de son refus. Ainsi, contrairement à ce qui se passe dans d’autres entreprises, le défaut de la personne salariée d’accepter le poste qui lui est offert ne saurait justifier un congédiement.
[134] Le fait de confirmer par écrit à une personne salariée un rappel d’abord effectué par téléphone n’est pas utile uniquement pour s’assurer que celle-ci a les compétences nécessaires comme on a pu le lire dans la décision de l’arbitre Blouin, ni aux seules fins du calcul des délais pour le dépôt d’un éventuel grief comme l’a plaidé l’employeur dans le présent dossier. En effet, selon l’article 7 de la lettre d’entente, le point de départ des délais de 24 heures pour accepter l’offre de poste et de 72 heures pour se présenter au travail n’est pas l’appel téléphonique de l’employeur. Cet article indique clairement que le délai se calcule à partir de l’écrit par lequel l’employeur confirme à la personne salariée « la demande qui lui est faite à l’adresse inscrite à son dossier ».
[135] La confirmation écrite a le mérite d’informer officiellement les salariés susceptibles d’être rappelés pour un poste donné, que l’employeur est en processus de comblement de ce poste et que, selon leur ancienneté, ils pourraient se voir octroyer le poste s’ils manifestent leur acceptation et ils sont également informés qu’advenant que le poste leur soit attribué, ils devront se rendre disponibles pour entrer au travail dans les délais prévus à l’article 7 de la lettre d’entente. Même s’il devait y avoir un délai de quelques jours entre l’appel téléphonique et la confirmation écrite, cela n’est pas un délai bien long pour prendre une décision qui peut être lourde de conséquences aussi bien pour la personne salariée que sa famille. Le témoignage du plaignant démontre bien que le poste de la Centrale Péribonka qu’il revendique et celui qu’il a éventuellement obtenu à Chibougamau comportaient leur lot d’inconvénients, que ce soit en raison de l’obligation de résidence sur place dans le cas du premier ou des frais encourus pour s’y rendre et s’y loger dans le cas du second.
[136] Comme le démontre le présent dossier, un délai d’environ 20 jours entre la demande de comblement de poste et la date souhaitée d’entrée en fonction permettait amplement de remplir toutes les exigences de la lettre d’entente, pourvu qu’on fasse diligence pour procéder au rappel. Comme le dit si bien le proverbe : Rien ne sert de courir, il suffit de partir à point !
[137] Si, en raison de l’heure tardive où elle a fait ses appels, madame Simard ne pouvait écrire au plaignant ainsi qu’à monsieur Martel dès le 5 janvier, cela aurait eu pour effet de prolonger le délai donné à ces derniers pour donner leur réponse à l’employeur et, dans le cas du candidat retenu, pour se présenter au travail. En effet, selon l’article 7 de la lettre d’entente, la réponse est attendue d’une personne salariée dans les 24 heures de la demande faite à l’adresse inscrite à son dossier et non pas du message laissé sur son répondeur. Elle doit en outre se présenter au travail dans les 72 heures de cette demande. Rien n’interdit à une personne salariée de donner sa réponse dès le moment où elle reçoit l’appel de l’employeur et également de se présenter au travail dans un délai plus court que le délai de 72 heures qui lui est alloué si l’employeur le souhaite. Rien n’interdit non plus à l’employeur de s’adresser en même temps à plus d’une personne salariée pour lui offrir un poste qui sera ensuite attribué selon la durée de service tel que le prévoit l’article 4. C’est ce qu’a fait madame Simard en communiquant à la fois avec le plaignant et avec monsieur Martel et c’est d’ailleurs ce qui avait été fait également dans le dossier dont l’arbitre Blouin avait été saisi.
[138] Incidemment, si les délais de la poste régulière peuvent rebuter l’employeur, tandis que le recours à un service de courrier rapide ou à un huissier peuvent engendrer des coûts pouvant le rebuter encore plus, l’employeur pourrait songer à écrire aux personnes salariées un courriel pour leur confirmer un rappel, du moins à celles qui lui auraient fourni une adresse électronique. Il pourrait ainsi confirmer le rappel téléphonique par écrit sans que cela nuise à la rapidité de la procédure de rappel. La technologie lui permettrait même d’obtenir une confirmation de réception et de lecture des courriels au même titre qu’un suivi postal ou un rapport de signification par huissier lui permet d’établir que sa lettre s’est bien rendue à l’adresse inscrite au dossier de la personne salariée qu’il veut rappeler. Il lui suffirait de demander aux personnes salariées de lui fournir une adresse électronique en leur précisant que ce serait l’adresse qu’il utiliserait pour leur confirmer par écrit un rappel initialement fait par téléphone, si une telle adresse est inscrite à leur dossier.
[139] Si l’employeur s’était doté d’une telle procédure dès janvier 2012, il ne fait aucun doute que le plaignant aurait été avisé du message laissé à son intention par madame Simard en vue de lui offrir un nouveau poste, puisqu’il s’était procuré un téléphone intelligent lui permettant d’accéder à ses courriels. Il se serait empressé de la rappeler ou de lui envoyer un courriel pour avoir plus d’informations quant au poste qui lui était offert. Nul doute également que le plaignant aurait pu se présenter au travail dès le lundi 9 janvier, puisqu’il était de retour chez lui depuis la veille. Selon la preuve, il ne serait néanmoins probablement pas rentré au travail avant le 16 janvier parce que madame Simard n’aurait vraisemblablement pas eu le temps de compléter le processus d’embauche pour le 9 janvier vu son absence du vendredi précédent.
[140] L’employeur a plaidé que le syndicat aurait dû contester bien avant le présent grief la façon de faire de l’employeur qui a été exposée par madame Simard. Or, ni la preuve administrée ni les sentences arbitrales traitant de la procédure de rappel applicable chez l’employeur ne permettent de conclure que l’abandon de la confirmation écrite y est une pratique généralisée, plutôt qu’une initiative personnelle de madame Simard et de son service. La preuve a en effet démontré une grande décentralisation des activités de ressources humaines de l’employeur.
[141] Au surplus, la preuve présentée dans le présent dossier ne permet pas de conclure que nous sommes dans une situation de préclusion qui empêcherait le syndicat de se plaindre de l’irrespect des règles convenues entre les parties en matière de rappel. En effet, même dans l’hypothèse où le syndicat aurait pu être forclos de se plaindre de ne pas recevoir de copie de la confirmation écrite du rappel adressé à une personne salariée, puisque cela faisait plusieurs années qu’il en est ainsi, du moins dans le cas des rappels sous la responsabilité de madame Simard, rien dans la preuve ne permet de conclure que le syndicat savait que les personnes salariées faisant l’objet d’un rappel ne recevaient pas non plus de confirmation écrite à la suite de l’appel téléphonique ayant pour but de leur offrir un nouveau poste dans le cadre du processus de rappel.
[142] L’employeur a aussi plaidé que le grief ne reprochait pas expressément l’absence d’avis écrit. Or, le libellé du grief est suffisamment large pour que le défaut de confirmation écrite puisse être soulevé au même titre que le manquement à l’obligation de diligence de l’employeur en vue de tenter de joindre le plaignant.
[143] Pour tous les motifs énoncés ci-haut, il y a donc lieu de faire droit au grief.
[144] Tel que demandé par les parties, la soussignée réserve sa compétence et demeure disponible pour les entendre, sur demande écrite de l’une d’entre elle, afin de statuer sur les mesures de réparations applicables en l’espèce si elles ne parviennent pas à un règlement négocié.
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
ACCUEILLE le grief n° 2012-R09-002 déposé par le syndicat au nom de monsieur Raynald Simard Jr.;
DÉCLARE que l’employeur n’a pas respecté la Lettre d’entente n° 20 dans le comblement du poste de Technicien Soutien Électrique Maintenance à la Centrale Péribonka qu’il a attribué à un autre salarié le 9 janvier 2012 avec entrée en service le 16 janvier 2012;
RÉSERVE sa compétence quant aux mesures de réparation réclamées.
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________________________________ __ LOUISE VIAU Arbitre de grief [ C.a.q .] |
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Pour le syndicat : |
Monsieur Steven Laforest et Madame Claire Simard Syndicat canadien de la fonction publique |
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Pour l’employeur : |
Me Odette Rochon Hydro-Québec |
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Dates d’audience : |
6 mai 2013; 23 avril 2014 |
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LISTE DES AUTORITÉS
I AUTORITÉS DE LA PARTIE SYNDICALE
Syndicat canadien des
communications, de l’énergie et du papier, section locale 700 (FTQ)
- et -
Clarke
Transport (Entrepôt)
, sentence arbitrale du 14 février 2012, Me Denis
Provençal, arbitre,
Syndicat des travailleurs(euses) de la Station
Mont-Tremblant (CSN)
- et -
Station Mont-Tremblant, Société en
commandite
, sentence arbitrale du 15 mai 2003, Jean Vézina, arbitre,
Syndicat des employé-e-s- de bureau d’Hydro-Québec, section locale 2000, S.C.F.P. F.T.Q. - et - Hydro-Québec , sentence arbitrale du 19 mai 1994, Me J.-Jacques Turcotte, arbitre
Le Syndicat National
(TCA-Québec)
- et -
Disque Améric Inc. (établissement de Drummondville),
sentence arbitrale du 7 août 2007, Me Richard Marcheterre, arbitre,
Syndicat des employé-e-s- de métiers d’Hydro-Québec, section locale 1500 (S.C.F.P. -F.T.Q.) - et - Hydro-Québec , sentence arbitrale du 27 août 2003, Me Denis Tremblay, arbitre
II AUTORITÉS DE LA PARTIE PATRONALE
Syndicat des employé-e-s- de bureau d’Hydro-Québec, sect. loc. 2000 - et - Madame Hélène André c. Hydro-Québec , sentence arbitrale du 25 février 1994, Me Rodrigue Blouin, arbitre
Hydro-Québec - et - Syndicat des employé-e-s- de bureau d’Hydro-Québec, section locale 2000,sentence arbitrale du 9 mai 1991 , Me Germain Jutras, arbitre.