Collin c. Desautels

2014 QCCQ 6406

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

SAINT-FRANÇOIS

LOCALITÉ DE

SHERBROOKE

« Chambre civile »

N° :

450-32-016414-138

 

DATE :

20 juin 2014

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

MADELEINE AUBÉ, J.C.Q.

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FRANCINE COLLIN , domiciliée et résidant au […], Sherbrooke (Québec) […]

Demanderesse

c.

ANNE-SANDRINE DESAUTELS , domiciliée et résidant au […], Sherbrooke (Québec) […]

Défenderesse

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JUGEMENT

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OBJET DU LITIGE

[1]            Invoquant un vice caché affectant la toiture de l’immeuble acheté de la défenderesse, la demanderesse (ci-après « Mme C. ») lui réclame 7 000 $

[2]            La défenderesse (ci-après « Mme D. ») conteste la réclamation. Elle allègue que Mme C. n’a pas fait inspecter l’immeuble avant l’achat et invoque avoir vendu la maison sans garantie légale.

LES FAITS PERTINENTS

[3]            Le 31 octobre 2008, Mme C. achète la résidence de Mme D [1] .

[4]            En avril 2010, Mme C. constate une légère infiltration d’eau par les fenêtres du côté est et du côté nord-ouest, au deuxième étage et dans la cuisine.

[5]            Sans aviser Mme D., Mme C. fait des travaux avec l’aide d’un ami pour résoudre le problème d’infiltration et corriger la corniche extérieure au deuxième étage.

[6]            En 2012, des problèmes d’infiltrations sont apparus à nouveau.

[7]            En janvier 2013, il y a des infiltrations du côté est de l’immeuble.

[8]            Le 9 février 2013, Mme D. reçoit, par poste recommandée, une dénonciation pour les problèmes à la toiture [2] .

[9]            Le 22 février 2013, Mme D. se rend constater la situation. Le 23 février 2013, elle répond à la dénonciation en demandant des précisions sur les travaux et leurs coûts [3] .

[10]         Le 12 mars 2013, Mme C. informe Mme D. que la toiture doit être refaite en entier et lui transmet l’estimation de 16 127 $, taxes en sus [4] .

QUESTIONS EN LITIGE

1.         Considérant la clause excluant la garantie quant à tous défauts ou vices cachés, Mme C. a-t-elle prouvé que Mme D. connaissait le vice caché ou qu'elle aurait fait de fausses représentations à ce sujet?

2.         Dans l'affirmative, Mme C. a-t-elle droit à la diminution du prix de vente qu'elle réclame?

ANALYSE ET MOTIFS

1.         La clause d’exclusion de la garantie et les fausses représentations

[11]         La promesse d’achat [5] et le contrat de vente du 31 octobre 2008 [6] contiennent une clause excluant la garantie contre les vices cachés. Le contrat notarié contient la clause suivante [7]  :

GARANTIE

Cette vente est faite sans autre garantie que celle des faits personnels du vendeur quant à la garantie du droit de propriété et sans aucune garantie quant à tous défauts ou vices cachés.

[12]         Généralement, le vendeur est tenu de garantir à l'acheteur la qualité de l'immeuble vendu.

[13]         Cette garantie est prévue à l'article 1726 du Code civil du Québec (ci-après « C.c.Q. ») :

1726.  Le vendeur est tenu de garantir à l'acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l'usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l'acheteur ne l'aurait pas acheté, ou n'aurait pas donné si haut prix, s'il les avait connus.

Il n'est, cependant, pas tenu de garantir le vice caché connu de l'acheteur ni le vice apparent; est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert.

[14]         Toutefois, l'article 1732 C.c.Q. permet aux parties d'exclure entièrement cette garantie légale dans leur contrat :

1732.  Les parties peuvent, dans leur contrat, ajouter aux obligations de la garantie légale, en diminuer les effets, ou l'exclure entièrement, mais le vendeur ne peut, en aucun cas, se dégager de ses faits personnels.

[15]         L'article 1733 C.c.Q. tempère cette possibilité tout en prévoyant une exception de la façon suivante :

1733.  Le vendeur ne peut exclure ni limiter sa responsabilité s'il n'a pas révélé les vices qu'il connaissait ou ne pouvait ignorer et qui affectent le droit de propriété ou la qualité du bien.

Cette règle reçoit exception lorsque l'acheteur achète à ses risques et périls d'un vendeur non professionnel.

[16]         Dans le présent dossier, les parties ont exclu expressément la garantie légale, Mme C. ayant acheté, sans garantie contre tous les défauts ou vices cachés, d'un vendeur non professionnel. Le premier alinéa de l’article 1733 C.c.Q. trouve donc application.

[17]         Le fardeau de preuve de démontrer que cet article s'applique et que Mme D. connaissait le vice ou ne pouvait l’ignorer et qu’elle ne l’a pas dénoncé au cours de la vente incombe à Mme C. [8]

[18]         Elle doit apporter une preuve probante et prépondérante à cet égard tout en repoussant la présomption de bonne foi de toute personne, dont Mme D. dans le présent dossier [9] .

[19]         Mme C. doit démontrer que le fait litigieux est non seulement possible, mais probable [10] .

[20]         Avant la vente, Mme D. informe Mme C. que la toiture a été refaite, sans préciser la date.

[21]         Le rapport d’inspection préachat, daté du 8 octobre 2008, indique concernant la toiture [11]  :

TOITS :

Nous suggérons de vérifier le toit au moins deux fois l'an. Comme il s'agit d'une inspection visuelle, aucune certification, assurance ou garantie ne peut être donnée pour le toit.

      Les bardeaux des toits de la galerie avant et de la petite galerie gauche présentent une usure assez importante pour que leur remplacement à court terme doive être envisagé.

      Commentaires/Autres :   ♦   Les creux dans le toit de la galerie droite nous indiquent que le matériau de support des bardeaux (contreplaqué) doit être endommagé.

                                               ♦   À quelques endroits, et plus particulièrement, sur les deux versants de la partie arrière droite de la toiture principale, des marques de souliers ont endommagé la protection de surface des bardeaux.

                                               ♦   De chaque côté de la lucarne gauche, les solins métalliques étagés sont en surface des bardeaux depuis que ceux-ci ont été remplacés. Le goudron de scellement appliqué devrait être réparé et entretenu régulièrement afin d'éviter des infiltrations d'eau.

                                               ♦   Au bas (1 er rang) de la partie avant du versant gauche de la toiture de la maison, un pureau a été arraché; il devrait être remplacé.

                                               ♦   En partie avant du ventilateur « Maximum » (près du faîte du toit) il manque une partie de bardeaux (± 1½ pureau).

[22]         Le rapport indique également que le lecteur est invité à prendre connaissance de la déclaration du vendeur complété le 5 août 2008.

[23]         La déclaration du vendeur [12] indique que la toiture a été refaite et qu’il y a déjà eu des accumulations de glace ou de glaçons en bordure du toit en hiver (« légèrement ds pente du bas »).

[24]         Mme C. a acheté l’immeuble en octobre 2008 et les premières infiltrations ont eu lieu en avril 2010. Elle a procédé à des travaux correctifs. La preuve ne démontre pas que le vice est antérieur et donc que Mme D. connaissait la situation. Il n'y a pas ici mensonge, manœuvre ou réticence cherchant à créer chez Mme C. un sentiment de fausse sécurité.

[25]         Il ne s'agit pas non plus d'un cas où la mauvaise foi, par le silence de Mme D., peut être soulevée. Aucune preuve prépondérante et convaincante n'a été présentée permettant de conclure que Mme D. connaissait l'état de la toiture ou des infiltrations au moment de la vente et qu'elle aurait intentionnellement caché ce fait à Mme C.

[26]         Il s'ensuit que, Mme C. ayant signé un contrat comportant une clause d'exclusion de la garantie contre les vices cachés, son recours doit être rejeté, en l'absence de preuve que Mme D. avait connaissance ou ne pouvait ignorer le vice allégué.

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[27]         REJETTE la demande;

[28]         CONDAMNE la demanderesse à payer à la défenderesse la somme de 156 $ pour le dépôt de la contestation.

 

 

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MADELEINE AUBÉ, J.C.Q.

 

 

 

Date d’audience :

24 février 2014

 



[1]     Pièce P-6.

[2]     Pièce P-1.1.

[3]     Pièce P-2.

[4]     Pièce P-1.2.

[5]     Pièce P-5.

[6]     Pièce P-6.

[7]     Pièce P-6.

[8]     Art. 2803 C.c.Q.

[9]     Art. 2805 C.c.Q.

[10]    Art. 2804 C.c.Q.

[11]    Pièce P-3.

[12]    Pièce P-4.