Rosenshein c. Michael and Associates Inc. |
2014 QCCQ 6668 |
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JV0516
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« Chambre Civile - Division de Pratique » |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
MONTRÉAL |
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N° : |
500-22-199735-138 |
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DATE : |
6 mars 2015 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE : |
L’HONORABLE |
SUZANNE VADBONCOEUR, J.C.Q. |
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NATHAN ROSENSHEIN |
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Demandeur |
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c. |
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MICHAEL AND ASSOCIATES INC. et MICHAEL ROZENEK |
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Défendeurs |
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JUGEMENT |
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[1] Le Tribunal est saisi d’une requête du demandeur en rectification du jugement rendu par la soussignée le 23 juillet 2014, basée sur l’omission de se prononcer sur une partie de la demande, c’est-à-dire sur l’ajout des taxes de vente (TPS et TVQ) à l’un des montants alloués, soit 10 267,96$.
[2] Les défendeurs contestent ladite requête, estimant qu’il s’agit d’un appel déguisé du jugement rendu; ils ajoutent que ce montant accordé par le Tribunal, soit la moitié des crédits accordés par le locateur à titre de loyers payés en trop, incluait déjà lesdites taxes.
Mise en contexte
[3] Monsieur Rosenshein et monsieur Rozenek étant des amis de longue date, le second a offert au premier de lui sous-louer un bureau pour qu’il exerce sa profession de comptable dans des conditions avantageuses et que les deux puissent bénéficier de leurs clientèles respectives et s’entraider.
[4] Cette entente a bien fonctionné durant quelques années mais vint un moment où les cas de mésententes se firent de plus en plus nombreux.
[5] Le demandeur, sous-locataire de son ami et de la compagnie de ce dernier, prit action contre les deux pour un montant de 24 480$.
[6] Dans le jugement du 23 juillet 2014, un montant de 10 267,96$ notamment fut alloué au demandeur afin de donner effet à une entente intervenue entre les parties selon laquelle celles-ci se partageraient le montant des crédits accordés par le locateur, le cas échéant, pour des loyers payés en trop basés sur une superficie erronée des locaux loués.
[7] Ces crédits ont été calculés et négociés entre le locateur et monsieur Rosenshein qui avait offert ses services à son ami Rozenek pour entreprendre des démarches aux fins de vérifier la superficie réelle occupée par la locataire Michael and Associates inc. Les démarches de monsieur Rosenshein ont été fructueuses et le locateur a donné plus de 20 000$ en crédits à la compagnie défenderesse pour loyers payés en trop, basés sur un calcul erroné de la superficie des locaux loués.
[8]
Puisqu’il s’agit d’un contrat de services intervenu entre monsieur
Rosenshein et monsieur Rozenek (régi par les articles
[9] Les défendeurs soumettent que les crédits donnés par le locateur incluaient déjà ces taxes puisqu’il s’agissait de loyers, et qu’il n’y a pas lieu de les allouer une seconde fois. Ils sont également d’avis qu’il s’agit là d’un appel déguisé.
Discussion et analyse
[10]
L’article
« 475 . Le jugement entaché d'erreur d'écriture ou de calcul, ou de quelque autre erreur matérielle, peut être rectifié par le juge ou le greffier qui l'a rendu; il en est de même de celui qui, par suite d'une inadvertance manifeste, accorde plus qu'il n'était demandé, ou omet de prononcer sur une partie de la demande.
La rectification peut être faite d'office tant que l'exécution n'a pas été commencée; elle peut l'être sur requête d'une partie en tout temps, sauf si le jugement a été frappé d'appel.
Si le juge ou le greffier qui a rendu le jugement n'est plus en fonction, ou qu'il soit absent ou empêché d'agir, la requête doit être adressée au tribunal.
Le délai d'appel ou d'exécution du jugement rectifié ne court que depuis la date de la rectification, lorsque celle-ci porte sur le dispositif. »
[11] Le cas de l’omission par un juge de se prononcer sur un aspect de la demande y est donc prévu.
[12] Or, une lecture de la requête introductive d’instance amendée montre clairement que le demandeur avait non seulement identifié l’entente intervenue entre lui et monsieur Rozenek comme un contrat de services mais avait également réclamé les taxes de vente applicables. On peut lire notamment les extraits suivants pour s’en convaincre :
« 33. Plaintiff then offered to Defendants its professional business consultation services in which Plaintiff would thoroughly investigate …;
34. In consideration for Plaintiff’s professional services … Defendants would …share equally with Plaintiff any amounts potentially refunded by Redbourne to Defendant Michael and Associates Inc. … and pay that amount as … remuneration for Plaintiff’s … professional services rendered;
56. The Plaintiff is well founded, in fact and at law, to request that this Honourable Court condemn Defendants to pay solidarily to Plaintiff :
- …
- $12,938.00 : Compensation for obtaining refund from landlord to sub-lessor,
- …
- (-$2,625.00) : Amount equivalent to what the Plaintiff received in the three months in free rent,
All totalling the sum of twenty four thousand four hundred and eighty dollars ($24,480.00) plus applicable sales taxes;
FOR THE ABOVE REASONS, PLAINTIFF RESPECTFULLY PETITIONS THIS HONOURABLE COURT TO :
GRANT the present Amended Motion to Institute Proceedings;
CONDEMN
Defendant to pay to Plaintiff
the sum of twenty four thousand four hundred and eighty dollars ($24,480.00)
plus
applicable sales taxes
including the additional indemnity in accordance
with Article
(nos soulignements)
[13]
Le Tribunal a reconnu, au paragraphe 89 de son jugement, que
« l’entente constatée dans P-8 porte sur un contrat de services régi par
les articles
[14] Le Tribunal reconnaît aussi ne pas s’être prononcé sur les taxes applicables à ce contrat de services, malgré l’existence d’une conclusion à cet effet. Il s’agit d’une omission par inadvertance.
[15] Il est vrai que les montants crédités représentaient des loyers et à ce titre, incluaient la TPS et la TVQ déjà payées par monsieur Rosenshein. Mais le loyer est une chose et le contrat de services en est une tout autre.
[16] Les services rémunérés sont taxables, il n’y a aucun doute sur ce point. Puisqu’il apparaît clairement du paragraphe 34 de la requête introductive d’instance amendée que le partage des montants remboursés représenterait la rémunération du demandeur pour ses services, il paraît non moins clair que ces montants sont sujets à la TPS et à la TVQ justement parce qu’ils constituent de la rémunération pour services rendus.
[17] Il ne s’agit pas d’un appel déguisé puisque l’inclusion des taxes applicables faisait partie des conclusions du demandeur, ce qui n’était pas le cas dans Metco c. Décarel inc. [1] .
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
ACCUEILLE la requête en rectification de jugement du demandeur;
RECTIFIE le jugement du 23 juillet 2014 en remplaçant la deuxième conclusion du dispositif par la suivante :
«
CONDAMNE
les
défendeurs solidairement à payer au demandeur la somme de 16 473,96$, plus
la TPS et la TVQ sur la somme de 10 267,96$, avec les intérêts au taux
légal de 5% l’an majoré de l’indemnité additionnelle prévue à l’article
LE TOUT avec dépens.
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__________________________________ SUZANNE VADBONCOEUR, J.C.Q. |
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Me Avrum Isaac Neuwirth MAIN DROIT INC . |
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Procureur du demandeur |
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Me Jean Trottier |
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Procureur des défendeurs |
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Date d’audience : |
12 décembre 2014 |
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Rosenshein c. Michael and Associates Inc. |
2014 QCCQ 6668 |
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JV0516
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« Chambre civile » |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
MONTRÉAL |
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N° : |
500-22-199735-138 |
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DATE : |
23 juillet 2014 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE : |
L’HONORABLE |
SUZANNE VADBONCOEUR, J.C.Q. |
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NATHAN ROSENSHEIN |
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Demandeur |
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c. |
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MICHAEL AND ASSOCIATES INC. et MICHAEL ROZENEK |
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Défendeurs |
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JUGEMENT |
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[1] Le Tribunal est saisi d'une réclamation du demandeur au montant de 24 480$ contre les défendeurs solidairement, représentant des montants de loyer payés en trop par lui, ainsi que des dommages occasionnés par des bris de contrats causés par les défendeurs.
[2] Les défendeurs nient devoir ce montant, alléguant que le loyer payé par le demandeur a été calculé selon les proportions sur lesquelles ils se sont entendus et qu'il n'y a eu aucun bris de contrat de leur part.
[3] Se portant demandeurs reconventionnels, les défendeurs réclament à leur tour du demandeur la somme de 5 201,25$ représentant les loyers d'avril, de mai, de juin, de juillet et d'août 2012 qui n'ont pas été payés.
[4] Le défendeur Rozenek demande aussi que le Tribunal déclare abusive la poursuite du demandeur à son endroit et réclame le remboursement des honoraires extrajudiciaires payés ou à être payés à son procureur et dont le montant sera déterminé au procès.
[5] En début d'audience, le procureur du demandeur procède à certains amendements apportés à la requête introductive d'instance amendée, auxquels les défendeurs ne s'objectent pas. Ainsi, les montants apparaissant aux paragraphes 40, 54, 55 et 56 sont amendés légèrement à la hausse et la conclusion principale l'est également, de sorte que le montant réclamé est désormais de 24 550,74$ au lieu de 24 480$.
LES questionS en litige
[6] Le Tribunal doit déterminer :
· si les trois ententes dont le demandeur fait état dans sa requête introductive d'instance existent vraiment et sont des contrats valablement formés;
· dans l'affirmative, si les montants réclamés par le demandeur sont dus et dans quelle mesure ils le sont;
· si la demande reconventionnelle est bien fondée; et
· si la poursuite du demandeur est abusive et, dans l'affirmative, déterminer le montant des dommages dus au défendeur Rozenek.
LES FAITS
[7] Monsieur Rosenshein et monsieur Rozenek se connaissent depuis plus de trente ans et ont toujours été amis.
[8] En février 2008, le demandeur, comptable de formation, est approché par son ami Rozenek pour partager en sous-location l'espace de bureau occupé par ce dernier, président et seul actionnaire de Michael and Associates inc., une entreprise opérant dans le domaine des assurances.
[9] Vu leurs liens d'amitié, ils ne préparent pas d'écrit mais s'entendent pour que le loyer du demandeur soit établi en proportion de l'espace occupé par la défenderesse. Cette proportion est fixée à 18% et le loyer, à 800$ par mois.
[10] Les défendeurs écriront dans leur défense qu'ils désiraient obtenir 1 500$ de loyer au début mais qu'ils ont accepté 800$ à la demande du demandeur. Le demandeur reconnaît dans son témoignage qu'on lui a demandé au-delà de 1 000$ par mois au début des négociations.
[11] Selon le demandeur, ce loyer incluait l'utilisation de tous les services du bureau (meubles de bureau, salle de conférence, téléphone, papier, photocopieur, filières, et les services d'une réceptionniste).
[12] Un montant additionnel de 50$ par mois s'est ajouté pour un espace de stationnement intérieur, ce qui donnait un loyer total mensuel de 850$. Cette entente prévalut de février 2008 à juin 2009.
[13] En juillet 2009, monsieur Rozenek avisa son sous-locataire Rosenshein que son propre loyer avait été augmenté de 3% de sorte qu'il augmentait le sien à 825$ par mois, le loyer du stationnement restant le même. Ce nouveau loyer débuta le 1 er août 2009 si l'on en croit les copies des chèques P-3 et P-4.
[14] Ces montants restèrent inchangés jusqu'en février 2012, alors que monsieur Rozenek avisa monsieur Rosenshein que le locateur voulait abolir le privilège dont les défendeurs bénéficiaient depuis le début, soit d'avoir un mois gratuit par année, détail que le demandeur ignorait. L'abolition de ce privilège faisait en sorte que les défendeurs réclamaient une augmentation assez substantielle de loyer au demandeur.
[15] Ce dernier a alors réalisé que, contrairement à ce qui avait été convenu, c'est-à-dire que son loyer était en proportion de ce que les défendeurs payaient au locateur, il a été amené à payer beaucoup plus que sa part puisque le loyer des défendeurs était échelonné sur onze mois plutôt que sur douze.
[16] Le demandeur a également appris par la même occasion (voir clause H du préambule du bail P-15) que le loyer payé par les défendeurs à leur locateur incluait deux espaces de stationnement gratuits et deux autres à 50$ par mois chacun. Monsieur Rosenshein et monsieur Rozenek n'en utilisaient que deux. Selon la même règle de proportionnalité, ce dernier n'avait donc aucune raison de lui imposer une charge supplémentaire de 50$ par mois pour son espace de stationnement.
[17] Monsieur Rosenshein a enfin réalisé que monsieur Rozenek percevait personnellement de lui la TPS et la TVQ qu'il lui imposait sur les loyers depuis mars 2011 et ce, sans droit. Le défendeur n'était pas inscrit au régime. Il a toujours refusé de lui produire des factures du loyer incluant les taxes ou des documents prouvant que lesdites taxes étaient remises aux autorités fiscales.
[18] Les chèques de loyer ont toujours été faits à l'ordre de monsieur Rozenek personnellement, à la demande de ce dernier, comme on peut le constater dans les liasses de chèques P-3, P-4 et P-13.
[19] En outre, à la fin de mars 2012, les parties ont convenu de partager en parts égales les coûts d'acquisition, d'installation et de fonctionnement d'un photocopieur/numériseur Canon, loué jusqu'à ce jour. Le demandeur a toutefois payé seul les coûts d'installation et de reconfiguration au montant de 1 050$ (1 207,24$ avec taxes selon P-6) et n'a jamais été remboursé pour la moitié devant être assumée par les défendeurs. Il ajoute qu'il ne peut même pas s'en servir puisque l'appareil se trouve dans les locaux occupés par Michael and Associates inc..
[20] Enfin, vu que le demandeur soupçonnait que le bail entre le locateur et Michael and Associates inc. (P-15) comportait des erreurs (il trouvait anormal de payer entre 45$ et 50$ le pi 2 pour son bureau) et que lui et les défendeurs n'occupaient pas leur juste part de l'espace loué, il a offert à ceux-ci ses services dans le but d'investiguer davantage. Si ses soupçons s'avéraient fondés, le montant récupéré du locateur comme loyer payé en trop par rapport à l'espace occupé serait partagé en parts égales et cela constituerait sa rémunération pour services rendus.
[21] Monsieur Rozenek a accepté cette offre mais il dira plus tard que cette exigence de partager 50%-50% lui est apparue arrogante et exagérée. Il en a même été choqué.
[22] Après plusieurs vérifications des mesures prises, les soupçons du demandeur se sont avérés : l'espace réellement occupé était plus petit que ce qui avait été considéré pour calculer le loyer.
[23] Le locateur a dû ainsi rembourser la somme de 25 875$ à la défenderesse pour les années 2007 à 2012 si l'on se fie aux paragraphes 39 et 40 de la requête introductive d'instance amendée. Toutefois, les pièces P-7 et P-12 révèlent des montants légèrement différents et monsieur Rosenshein, dans son témoignage, réfère à une somme approximative de 26 000$.
[24] Quel que soit le montant, le demandeur dit n'avoir jamais reçu sa part mais à la suggestion de monsieur Rozenek, il a retenu son loyer pour les mois de juin, juillet et août 2012, ce qui équivalait à 2 625$. Ce montant a été déduit de sa réclamation.
[25] Tous ces accrocs ont contribué à créer un climat de méfiance, d'hostilité et d'agressivité dans le bureau de sorte que le demandeur a décidé vers la fin d'août 2012 de quitter, même si c'était avant la fin de la période de sous-location, qu'il dit être de cinq ans, et en pleine année financière. Il réclame le surplus de dépenses que ce déménagement lui a occasionnées (voir P-9 à ce sujet).
[26] Harry Brennan, agent de location pour le Groupe Redbourne, le locateur, confirme à la Cour avoir négocié, surtout avec le demandeur, le dossier des mesures de l'espace effectivement occupé par rapport à l'espace loué. L'occupation réelle s'est avérée être de 1872 pi 2 au lieu de 1996 pi 2 . Un amendement au bail fut apporté pour refléter cette réalité (D-1).
[27] Il précise que le calcul du document P-12 corrige celui de P-7; il ne faut donc pas cumuler les deux. Selon lui, le crédit total est de 21 838,64$ incluant TPS et TVQ, et ce, jusqu'à avril 2013.
[28] L'adjointe comptable du demandeur, Benita Golt, confirme qu'autant l'atmosphère était agréable au début, en 2008, autant elle s'était détériorée vers avril ou mai 2012. Elle rapporte les paroles du défendeur Rozenek qui lui aurait dit un jour, alors que le climat était plutôt tendu, « Si Nathan avait un peu de décence, il quitterait ».
[29] C'est ce qu'ils ont fait à la fin d'août 2012.
[30] En défense, Michael Rozenek confirme les liens d'amitié qui l'unissaient à Nathan Rosenshein et il en était de même de leurs épouses respectives. Tout était basé sur le respect et la confiance mutuelle.
[31] Il confirme aussi avoir demandé à son ami Rosenshein 1 500$ de loyer au début mais il a accepté l'offre de 800$ que lui a faite ce dernier.
[32] Bien qu'il reconnaisse que deux espaces de stationnement lui étaient fournis gratuitement, il admet avoir demandé à monsieur Rosenshein de lui donner 50$ mensuellement pour l'un de ces espaces.
[33] Il explique cette exigence par le fait qu'il voulait conserver le second espace gratuit pour son fils qui venait l'aider à l'occasion. S'il avait laissé celui-ci à son ami Rosenshein, il aurait été obligé de payer 50$ par mois à son locateur pour l'un des deux autres espaces payants.
[34] Il préférait sans doute que le payeur soit Rosenshein plutôt que lui-même.
[35] Il précise que les deux espaces payants ne furent jamais utilisés. Ils étaient en option dans son bail mails il ne l'a jamais exercée.
[36] Quant à la TPS et TVQ, il en a demandé le paiement à monsieur Rosenshein sur les conseils de son comptable (qui n'est pas présent à l'audience); il ajoute que les chèques de loyer, bien que faits à lui personnellement, étaient déposés dans le compte de la compagnie Michael and Associates inc. et qu'il faisait ses remises de TPS et TVQ au gouvernement à même ce compte. Monsieur Rozenek n'apporte toutefois aucune preuve à cet égard.
[37] Monsieur Rozenek dit avoir dû acheter un autre photocopieur vu que monsieur Rosenshein utilisait celui qui était sur place à outrance durant une bonne période, faisant jusqu'à 10 000 copies. Selon lui, c'était en mai 2012 alors que monsieur Rosenshein a fait référence à l'été 2010 dans son témoignage, période où il avait engagé deux étudiants pour l'aider.
[38] Si l'on se fie aux dates des factures P-5 et P-6 (rachat et reconfiguration du photocopieur/numériseur), la numérisation des documents, selon monsieur Rozenek, était en mai ou juin 2012 mais les 10 000 photocopies ont été faites en 2010.
[39] Quand on lui demande s'Il est vrai que monsieur Rosenshein lui a versé 300$ comptant pour compenser les dépenses de papier que cela occasionnait, il n'a pas nié, il a simplement dit « I don't recall ».
[40] Le défendeur soutient que monsieur Rosenshein, lorsqu'il a commencé à douter de la justesse des mesures de superficie inscrites au bail, lui a demandé de partager avec lui l'argent qu'il pourrait récupérer du locateur si ses doutes s'avéraient fondés. Il a mentionné en Cour que monsieur Rosenshein a été arrogant, qu'il l'a harcelé et qu'il l'a menacé d'écrire à divers organismes s'il refusait de lui verser sa part. Il l'a même accusé de vouloir le détruire!
[41] Il craignait que d'importuner son locateur au sujet des erreurs de mesurage risquait d'indisposer London Life, le locataire principal de la bâtisse, et de lui faire perdre sa clientèle.
[42] Monsieur Rozenek soutient que Rosenshein n'a pas le droit d'exiger 50% des crédits accordés par le locateur puisqu'il n'est pas partie au bail et n'est pas non plus son associé. Il continue pourtant de l'appeler, durant son témoignage, « my best friend, my brother ».
[43] Tout en admettant qu'il a débuté cette investigation en suggérant de faire vérifier les mesures, monsieur Rozenek affirme qu'il n'y a jamais eu d'entente entre lui et monsieur Rosenshein sur le partage 50%-50%. Ce n'est pourtant pas ce qui se dégage du courriel P-8 et de la réponse de monsieur Rozenek du 8 mai 2012.
[44] Au début de la deuxième journée d'audience, le procureur du demandeur a demandé à la Cour d'ajuster la réclamation de son client pour tenir compte des crédits de la dernière année, soit du 1 er mai 2012 au 30 avril 2013, et d'ajouter 3 947,28$ au montant réclamé, pour un total de 25 785,92$. Le Tribunal a accordé cet amendement vu l'absence d'opposition.
L'ANALYSE
[45]
Conformément aux articles
« 2803. Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.
Celui qui prétend qu'un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée.
2804. La preuve qui rend l'existence d'un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n'exige une preuve plus convaincante. »
1. la demande principale
[46] Tel que dit précédemment, le Tribunal doit d'abord établir si les trois ententes verbales qui sont à la base de la réclamation du demandeur existent et si elles constituent des contrats valablement formés.
1.1 Le contrat de sous-location
[47] Le contrat de sous-location lui-même est admis. Monsieur Rozenek l'a d'ailleurs confirmé dans son témoignage. Ce sont les modalités de ce contrat qui demeurent incertaines.
[48] Monsieur Rosenshein soutient que monsieur Rozenek lui a d'abord demandé 1 500$ par mois mais vu qu'il ne pouvait se permettre un tel loyer, il s'est entendu avec ce dernier pour que son loyer soit fixé en proportion de ce que monsieur Rozenek payait et de l'espace qu'il occupait et ce, pour une durée minimale de cinq ans.
[49] Le Tribunal estime que la preuve n'est pas probante quant à la durée de l'entente. La preuve démontre plutôt qu'elle serait aussi proportionnelle dans le sens qu'elle suivrait la durée du bail existant entre la défenderesse et Redbourne, le locateur.
[50] Le Tribunal croit la version du demandeur lorsqu'il affirme que, selon cette entente, la règle de la proportionnalité s'appliquait à toutes les augmentations que la défenderesse serait appelée à payer : le demandeur serait appelé à payer à monsieur Rozenek une augmentation équivalente, c'est-à-dire dans la même proportion, que ce soit pour le loyer ou les frais d'opération.
[51] Vu leurs liens d'amitié, Monsieur Rozenek avait offert à son ami de venir travailler avec lui à des conditions très avantageuses; ils pourraient ainsi bénéficier de leurs clientèles respectives et s'entraider.
[52] Un tel engagement ne peut se prendre qu'à long terme. Que les deux hommes cherchent une certaine stabilité dans leurs rapports professionnels et dans leurs conditions de vie professionnelle est tout à fait normal. C'est pourquoi le Tribunal ne saurait retenir la version du défendeur qui prétend que le loyer a été fixé d'une manière totalement aléatoire et que leur entente était au mois.
[53] Selon le demandeur, le pourcentage fut établi à 18%. Si l'on considère que le loyer dénoncé à monsieur Rosenshein au début était de 4 500$ par mois, 18% représente 810$. Ils auraient donc pris le chiffre rond le plus proche, soit 800$.
[54] C'est la version que retient le Tribunal et qui semble tout à fait plausible.
[55] Sur un autre aspect, le Tribunal estime que monsieur Rozenek manque de crédibilité. Le deuxième jour de l'audience, il a mentionné dans son témoignage, en contre-interrogatoire, qu'il n'avait eu ni négociations avec son locateur ni augmentation de loyer entre février 2007 et février 2012. Pourtant, il a augmenté le loyer de son sous-locataire, son meilleur ami et celui qu'il se plaisait à appeler son « frère », de 800$ à 825$ à compter du 1 er août 2009 si l'on se fie aux copies des chèques produites comme pièces P-3 et P-4. S'il n'a pas subi d'augmentation de son locateur, d'où vient alors celle qu'il a imposée à son meilleur ami? Il ne peut répondre à cette question, probablement une augmentation des frais d'opération de 3% ( operation costs ), répond-il enfin.
[56] Bien qu'il admette cette augmentation tout à fait proportionnelle du loyer de son sous-locataire par rapport à l'augmentation des frais d'opération qu'il avait lui-même subie (3%), il continue de nier que l'entente entre lui et monsieur Rosenshein a été négociée sur une base proportionnelle.
[57] Quant au stationnement, monsieur Rosenshein s'est fié à ce que son ami Rozenek lui a dit et a accepté volontiers de payer 50$ par mois jusqu'à ce qu'il découvre que ce dernier bénéficiait de deux espaces gratuits de stationnement et qu'il payait donc pour rien.
[58] Qu'en est-il des montants réclamés par le demandeur à ce chapitre?
[59] Puisqu'il s'agit de questions de faits, la crédibilité que dégagent les témoins et que le Tribunal doit mesurer est d'une très grande importance.
[60] Or, durant l'audience, le défendeur a reconnu avoir mentionné au demandeur, au début de leurs négociations, qu'il payait 4 500$ de loyer par mois plus 100$ pour deux espaces de stationnement.
[61] Ce n'est qu'en février 2012, donc quatre ans plus tard, que monsieur Rosenshein a su que Rozenek bénéficiait d'un mois de loyer gratuit par année - ce qui faisait que son loyer n'était plus de 4 500$ par mois mais de 4 125$ par mois - et avait deux espaces de stationnement gratuits. Pourquoi a-t-il tant tardé à lui avouer cette réalité ? La confiance et la bonne foi qui doivent régner en matière contractuelle conformément à l'article 1375 C.c.Q. [2] , surtout lorsque les parties contractantes sont de vieux amis, ont été brisées. Monsieur Rosenshein a réalisé qu'il avait été trompé par son meilleur ami.
[62] Le Tribunal n'a pas cru le défendeur lorsqu'il a expliqué avoir demandé à Rosenshein de payer 50$ par mois pour son espace de stationnement parce qu'il voulait garder le second espace de stationnement gratuit pour son fils.
[63] La preuve a démontré que le fils ne venait que très rarement alors que monsieur Rosenshein y était tous les jours puisque c'était son bureau; c'est donc pour éviter de payer lui-même un des espaces de stationnement payants pour les besoins de son fils qu'il a demandé à son sous-locataire de payer à sa place. Il le considérait pourtant comme son frère, a-t-il dit souvent à l'audience. Monsieur Rosenshein ignorait toutefois que quatre espaces de stationnement, dont deux gratuits, étaient inclus dans le bail de Rozenek. Ce dernier a donc profité de l'ignorance de son ami pour faire un peu d'argent sur son dos.
[64] Le défendeur a mentionné à l'audience qu'il avait demandé à Rosenshein d'ajouter la TPS et la TVQ à ses chèques de loyer dorénavant, à la suggestion de son comptable et ce, même si ces chèques étaient faits à son ordre personnellement. Il a dit qu'il déposait cet argent dans le compte de sa compagnie (Michael and Associates inc.) et faisait les remises aux autorités fiscales à partir de ce compte.
[65] Or, aucune preuve ne vient confirmer ce témoignage de monsieur Rozenek : aucun état bancaire de la compagnie n'est déposé, aucune trace de la remise des taxes aux autorités fiscales et le comptable n'a pas été appelé comme témoin.
[66] Le Tribunal croit davantage monsieur Rosenshein lorsqu'il affirme qu'il faisait ses chèques à l'ordre de monsieur Rozenek personnellement, à la demande de celui-ci. Le témoignage de Rozenek à cet égard - il a mentionné que Rosenshein faisait ses chèques comme il le voulait (as he wanted) - n'est pas vraiment crédible.
[67] Le Tribunal estime qu'à ce chapitre, le demandeur est bien fondé à réclamer le montant du loyer payé en trop, c'est-à-dire versé sur la croyance que le loyer que payait Rozenek était de 4 500$ par mois plus 100$ pour le stationnement.
[68] Le Tribunal ne lui accorde toutefois pas le remboursement des taxes puisque la preuve démontre qu'il a reçu des crédits fiscaux pour cela à un certain moment. Il n'y a donc pas de perte à proprement parler, pas de dommages subis par le demandeur à cet égard.
[69] Le montant retenu par le Tribunal est de 2 006,00$ pour la période de février 2008 à juin 2009 et de 4 200,00$ pour la période de juillet 2009 à mai 2012, pour un total de 6 206,00$.
1.2 L'entente sur le partage des surplus remboursés par le locateur
[70] La deuxième entente faisant l'objet du litige est celle qui entoure l'établissement de la superficie réelle d'occupation par rapport à celle qui a été calculée par le locateur pour établir le loyer des défendeurs.
[71] Selon la version du demandeur, celui-ci a offert à monsieur Rozenek de faire établir, par l'entremise d'un architecte notamment, quelle était la superficie réelle d'occupation qu'il soupçonnait être plus petite que celle qui a servi à établir le montant de loyer. Si ses soupçons s'avéraient fondés et que le locateur était appelé à rembourser à Rozenek des montants versés en trop, ces montants seraient partagés en parts égales et sa part constituerait sa rémunération pour services rendus.
[72] Dans l'hypothèse où le résultat serait négatif, Rosenshein ne réclamerait rien. C'était donc un contrat de services rémunéré sur une base de contingency fee .
[73] Monsieur Rozenek prétend qu'il n'y a jamais eu d'entente sur le partage 50%-50% et que monsieur Rosenshein n'y a pas droit puisqu'il n'est pas partie au bail et qu'il n'est pas non plus l'associé de Rozenek.
[74] Le Tribunal doit, également ici, baser son jugement sur la crédibilité des témoins, l'un des éléments-clés à considérer.
[75] Or, le Tribunal estime que sur cette deuxième entente, le niveau de crédibilité du demandeur est plus élevé que celui du défendeur.
[76] Monsieur Rozenek s'est dit outré de voir l'arrogance avec laquelle son meilleur ami, son frère, avait agi lorsqu'il a insisté pour avoir sa part des crédits qu'avait accordés le locateur aux défendeurs.
[77] Le ton du témoignage de monsieur Rozenek, les propos exagérés qu'il a tenus (traduction libre : « il a voulu me détruire, il a usé d'intimidation envers moi alors que je lui avais donné la chance de sa vie ») - il l'a même comparé à Dr. Jeckyll and Mr. Hyde - ont contribué à diminuer la force probante de son témoignage.
[78] Entre autres choses, le Tribunal ne peut souscrire à la position du défendeur lorsqu'il affirme, au sujet du contexte du courriel P-8, que le niveau d'intimidation manifesté par Rosenshein à son endroit était devenu tel qu'il lui a fermé sa porte. Le courriel P-8 ne comporte aucune attaque ni intimidation; les réactions du défendeur me semblent exagérées, sans doute gonflées par l'émotion.
[79] Le Tribunal ne donne pas foi au défendeur lorsqu'il fait état de la menace de monsieur Rosenshein de le dénoncer à différents organismes (l'AMF, la London Life, la Chambre de la sécurité financière, etc.) en cas de refus par lui de lui verser 50% des crédits qu'il pourrait obtenir. Il a dit posséder des courriels à ce sujet mais il ne les a pas produits en preuve. À cet égard, la version de monsieur Rosenshein me semble beaucoup plus crédible et, à plusieurs égards, elle est corroborée par monsieur Brennan, témoin des défendeurs.
[80] Le Tribunal ne peut non plus souscrire à l'interprétation qu'il donne de sa propre réponse, particulièrement du mot « correct », au courriel P-8 de monsieur Rosenshein - réponse qui se lit « It seems correct; anyway my focus is on my health now, I will see my doctor tomorrow . » - comme voulant dire de lui ficher la paix et de le laisser tranquille ( leave me alone, stop intimidation ). Il ajoute même que l'espace après le mot « correct » était destiné à y intégrer les mots « leave me alone », mots qui ne s'y trouvent pas.
[81] En contre-interrogatoire, le procureur du demandeur a souvent posé la question à monsieur Rozenek « does it not seem correct that….? » ou « does it seem correct that…….? » utilisant ainsi les mêmes termes que ceux employés par le défendeur dans le courriel. Par sa réponse « yes », le défendeur acquiesçait au fait contenu dans la question, de la même manière que dans son courriel.
[82] D'ailleurs, ce courriel P-8 et le témoignage de monsieur Brennan donnent foi à la version de monsieur Rosenshein dans cette histoire de partage des crédits sur le loyer accordés par le locateur, notamment quant à l'acceptation de monsieur Rozenek. Monsieur Brennan a en effet mentionné qu'il avait eu des négociations avec monsieur Rosenshein sur les nouvelles mesures démontrées et sur le montant des crédits à accorder. Monsieur Rosenek donne d'ailleurs au demandeur le mérite d'avoir suggéré la vérification des mesures et de s'être impliqué à fond dans cette affaire.
[83] Il est à noter que monsieur Rosenshein a su, presque par hasard, que les crédits avaient été versés au compte de la compagnie défenderesse et ce, bien après que ce fût débuté (1 er octobre 2012 selon P-12). Monsieur Rozenek avait omis de le lui mentionner…
[84] Soulignons enfin que ce courriel P-8 a été écrit cinq mois avant que ne débute le dépôt des crédits sur loyers passés, suivi de la réduction des loyers futurs (le 1 er octobre 2012). Le Tribunal a de la difficulté à croire que l'intimidation supposément manifestée par le demandeur à son endroit date de la période de ce courriel P-8.
[85]
La réponse de monsieur Rozenek (
It seems correct
) contenue dans
ce courriel P-8 représente, de l'avis du Tribunal, une admission, un aveu
extrajudiciaire de ce dernier de l'existence de cette entente et constitue un
commencement de preuve au sens de l'article
« 2862. La preuve d'un acte juridique ne peut, entre les parties, se faire par témoignage lorsque la valeur du litige excède 1 500 $.
Néanmoins, en l'absence d'une preuve écrite et quelle que soit la valeur du litige, on peut prouver par témoignage tout acte juridique dès lors qu'il y a commencement de preuve; on peut aussi prouver par témoignage, contre une personne, tout acte juridique passé par elle dans le cours des activités d'une entreprise.
2865. Le commencement de preuve peut résulter d'un aveu ou d'un écrit émanant de la partie adverse, de son témoignage ou de la présentation d'un élément matériel, lorsqu'un tel moyen rend vraisemblable le fait allégué.
2867. L'aveu, fait en dehors de l'instance où il est invoqué, se prouve par les moyens recevables pour prouver le fait qui en est l'objet. »
[86]
Cet écrit (la réponse de Rozenek dans le courriel P-8) fait preuve
contre le défendeur conformément à l'article
« 2832. L'écrit ni authentique ni semi-authentique qui rapporte un fait peut, sous réserve des règles contenues dans ce livre, être admis en preuve à titre de témoignage ou à titre d'aveu contre son auteur. »
[87] La preuve testimoniale est également admise puisqu'on est ici dans un contexte commercial : les parties se sont échangé ces courriels dans le cadre des activités de leur entreprise respective.
[88] Le fait que le courriel P-8 envoyé par Rosenshein contienne tous les détails de l'entente conclue préalablement fait qu'il n'y a pas d'erreur possible sur la portée du consentement du défendeur : ce consentement portait nécessairement sur tous les aspects énoncés au courriel de Rosenshein et cela constitue une preuve suffisante de l'existence du fait juridique que le courriel et la réponse avaient pour but de démontrer.
[89]
L'entente constatée dans P-8 porte sur un contrat de services régi par
les articles
[90] Rappelons que les mesures de l'espace occupé, en exécution de cette entente, ont d'abord été prises par l'homme de ménage du demandeur puis par l'architecte Isaac Alt. L'architecte de Redbourne a aussi été mis à contribution, selon les témoignages entendus.
[91] N'eut été des efforts mis par monsieur Rosenshein dans cette vérification de l'espace occupé, les défendeurs n'auraient jamais bénéficié de crédits sur les loyers payés ni de réduction sur les loyers à venir.
[92]
La preuve a démontré que des crédits de 21 838,64$ ont été accordés
aux défendeurs par le locateur. Un montant additionnel de 3 947,28$,
représentant les crédits pour l'année supplémentaire (de mai 2012 à avril 2013)
doit y être ajouté à la demande du procureur du demandeur, puisque, tel que
décrite dans le courriel P-8, l'entente visait les crédits et économies passés,
présents et à venir. Cette demande d'ajout n'a pas été contestée. Le
demandeur a donc droit, comme le prévoit l'article
« 1601. Le créancier, dans les cas qui le permettent, peut demander que le débiteur soit forcé d'exécuter en nature l'obligation. »
1.3 L'entente au sujet du photocopieur/numériseur
[93] Enfin, le Tribunal doit décider si une troisième entente a été conclue entre les parties au sujet du rachat, de l'installation et de la reconfiguration du photocopieur/numériseur Canon loué depuis déjà quelques années.
[94] Le demandeur soutient qu'il a convenu avec monsieur Rozenek qu'il serait moins onéreux pour eux de racheter le photocopieur/numériseur Canon que de continuer de le louer ou de s'en procureur un nouveau.
[95] À l'audience, le défendeur a reconnu avoir finalement acquiescé à cela.
[96] La pièce P-5 fait état de l'autorisation de paiement émise le 5 avril 2012 pour un montant de 703,07$ qui représente la part de monsieur Rosenshein dans le rachat de l'équipement, versée directement au vendeur. Copie du chèque y est annexée. Monsieur Rozenek a aussi payé sa part.
[97] Quant à la reconfiguration de l'appareil pour en faire un numériseur fonctionnel, l'entente est moins évidente.
[98] Monsieur Rosenshein précise que la facture P-6 est faite à son nom puisque c'est lui qui détenait un compte chez Logiplan.
[99] Par contre, le témoignage de monsieur Rozenek est, cette fois-ci, sans ambivalence : il ne s'est jamais servi du numériseur, ni avant mai 2012, ni après parce que c'était contre la politique et les règlements de London Life de numériser ses contrats, compte tenu de la possibilité de piratage informatique qui pourrait menacer la vie privée de ses clients.
[100] Monsieur Rozenek ne produit pas cette politique en preuve mais le Tribunal donne foi à son témoignage sur ce sujet précis.
[101] Le Tribunal estime donc que la seule entente qui est intervenue entre les parties concerne le rachat du photocopieur et ce rachat a été payé par les deux en parts égales. Puisque le demandeur n'exige pas le remboursement de sa part indivise, il n'y a donc rien d'autre à réclamer à ce chapitre.
1.4 Les frais de déménagement
[102] Le demandeur réclame des défendeurs, à titre de dommages, le remboursement des sommes que son déménagement et le réaménagement de son bureau ailleurs lui ont occasionnées.
[103] Il réclame 4 333$ à cet égard.
[104] Le Tribunal ne lui accorde pas ces dommages parce que la décision de partir a été la sienne propre, il n'a pas été forcé de le faire, au contraire : selon le courriel de monsieur Rozenek du 31 août 2012 (P-14), ce dernier tournait la page et l'invitait à rester si tel était son souhait, même gratuitement.
[105] Même si le climat de travail était moins agréable qu'au début, cela ne constitue pas un motif suffisant pour alléguer bris de contrat basé sur le fait que le locateur (la défenderesse) ne procure pas une jouissance paisible à son locataire. Un bail ne garantit pas le sourire constant des occupants des lieux loués!
[106] En outre, la décision de ne plus travailler chez lui comme avant et de louer un autre local pour y exercer sa profession est aussi la sienne. Il est certain qu'une telle décision représente des dépenses additionnelles mais ce n'est pas aux défendeurs de les acquitter.
[107] Enfin, la preuve (tant les factures P-9 que copies des chèques P-9A et de l'état de compte de Scotiabank au 28 septembre 2012 y annexé) indique que c'est la compagnie du demandeur (Entreprise immobilière de Saint-Janvier inc.) qui a acquitté ces factures et non monsieur Rosenshein lui-même. Celui-ci ne peut réclamer pour et au nom de sa compagnie dans la présente instance.
[108] Ce volet de la réclamation du demandeur est donc rejeté.
1.5 Le recours contre le défendeur personnellement
[109] Monsieur Rozenek a été poursuivi personnellement par le demandeur. Existe-t-il un lien de droit entre ces deux personnes qui justifie un tel recours?
[110] Selon la preuve, le bail principal (P-15) concernant les locaux occupés par les parties a été signé par la défenderesse et Redbourne; c'est elle qui est locataire. C'est donc elle qui peut consentir une sous-location.
[111] Par ailleurs, toutes les négociations, tous les rapports concernant les conditions de la sous-location ont été faits sur une base personnelle, sur une base d'amitié profonde entre les deux hommes; ils ont même débuté dans une synagogue.
[112] En outre, le demandeur a toujours fait ses chèques à l'ordre du défendeur personnellement et jamais ce dernier n'a-t-il exigé que les chèques soient faits à l'ordre de la compagnie. Il a dit à plusieurs reprises : « la compagnie c'est moi et moi, je suis la compagnie » (« I am the company and the company is me »).
[113]
Selon la
preuve, les activités économiques de la défenderesse, locataire des espaces
loués, étaient partagées avec monsieur Rozenek personnellement en ce que ce
dernier a sous-loué un espace de bureau au demandeur et a perçu lui-même les
chèques de loyer. À ce titre, et conformément à l'article
« 1525. La solidarité entre les débiteurs ne se présume pas; elle n'existe que lorsqu'elle est expressément stipulée par les parties ou prévue par la loi.
Elle est, au contraire, présumée entre les débiteurs d'une obligation contractée pour le service ou l'exploitation d'une entreprise.
Constitue l'exploitation d'une entreprise l'exercice, par une ou plusieurs personnes, d'une activité économique organisée, qu'elle soit ou non à caractère commercial, consistant dans la production ou la réalisation de biens, leur administration ou leur aliénation, ou dans la prestation de services. »
[114] Dans ces conditions, monsieur Rozenek ayant volontairement et à plusieurs reprises contribué à mêler, à fondre ses qualités personnelle et corporative en une seule, le Tribunal n'hésite pas à conclure qu'il est tout aussi responsable personnellement que la défenderesse.
[115] En outre, le loyer ayant été versé à monsieur Rozenek personnellement, c'est à lui que le demandeur Rosenshein doit s'adresser pour récupérer le trop-payé.
[116] Enfin, le Tribunal estime que la responsabilité extra-contractuelle du défendeur peut être retenue en l'espèce, suite au non-respect des ententes intervenues avec le demandeur.
[117] En effet, l'auteur Paul Martel, cité par la Cour d'appel dans l'arrêt Lanoue c. La Brasserie Labatt Limitée [3] , écrit :
« La responsabilité personnelle d'un individu qui est actionnaire majoritaire et administrateur d'une compagnie peut être retenue dans les circonstances suivantes :
· Il s'est porté caution d'une obligation contractuelle de la compagnie;
· Il a lui-même commis une faute entraînant sa responsabilité extracontractuelle, par exemple en faisant de fausses représentations ou en remettant des documents falsifiés;
· Il a activement participé à une faute extracontractuelle de la compagnie (ce qui présume qu'il est administrateur unique);
· Il a utilisé la compagnie qu'il contrôle comme écran, comme paravent pour tenter de camoufler le fait qu'il a commis une fraude ou un abus de droit ou qu'il a contrevenu à une règle d'ordre public; en d'autres termes, l'acte apparemment légitime de la compagnie revêt, parce que c'est lui qui la contrôle et bénéficie de cet acte, un caractère frauduleux, abusif ou contraire à l'ordre public.
L'article 317 ne s'applique que dans le dernier de ces cas. Le premier est régi par les articles 2333 et suivants, le deuxième par l'article 1457, et le troisième par les articles 1457 et 1526. Quand on regarde de près, on constate que sur la cinquantaine de prétendus cas de « levée du voile corporatif » répertoriés depuis le début de 1994, une infime minorité se range dans la dernière catégorie et mérite vraiment cette appellation. » [4]
[118]
C'est
évidemment le second paragraphe qui s'applique à l'attitude de monsieur Rozenek
face au demandeur en lui cachant la vérité durant quatre ans sur les véritables
conditions du bail de la défenderesse (loyer payable sur onze mois au lieu de
douze et deux espaces gratuits de stationnement). Ces fausses représentations
constituent une faute extracontractuelle entraînant sa responsabilité sous
l'article
« 1457. Toute personne a le devoir de respecter les règles de conduite qui, suivant les circonstances, les usages ou la loi, s'imposent à elle, de manière à ne pas causer de préjudice à autrui.
Elle est, lorsqu'elle est douée de raison et qu'elle manque à ce devoir, responsable du préjudice qu'elle cause par cette faute à autrui et tenue de réparer ce préjudice, qu'il soit corporel, moral ou matériel.
Elle est aussi tenue, en certains cas, de réparer le préjudice causé à autrui par le fait ou la faute d'une autre personne ou par le fait des biens qu'elle a sous sa garde. »
[119]
Puisque
ces fausses représentations de monsieur Rozenek se sont produites avant même la
formation du contrat de sous-location, lorsque, dans la synagogue, il a
mentionné à son ami Rosenshein qu'il payait 4 500$ par mois de loyer plus
100$ pour deux espaces de stationnement, ces paroles vont à l'encontre des
exigences de la bonne foi, telles que prescrites par l'article
« [56]
Avant même que le
contrat soit formé, et même s’il ne l’est jamais, certaines obligations peuvent
incomber aux parties par application de l’
article
[120] En outre, monsieur Rozenek a omis d'informer monsieur Rosenhein en temps utile que des crédits avaient été appliqués au compte bancaire de la compagnie défenderesse après le calcul de la réelle superficie d'occupation des lieux loués. Il ne l'a su que bien après, ce qui l'a incité à demander sa part avec insistance. Cette omission représente un non-respect de l'entente intervenue entre les deux à ce sujet et, à ce titre, entraîne la responsabilité personnelle de monsieur Rozenek.
[121]
Enfin, il
y a lieu en l'espèce d'appliquer l'article
« 1480. Lorsque plusieurs personnes ont participé à un fait collectif fautif qui entraîne un préjudice ou qu'elles ont commis des fautes distinctes dont chacune est susceptible d'avoir causé le préjudice, sans qu'il soit possible, dans l'un ou l'autre cas, de déterminer laquelle l'a effectivement causé, elles sont tenues solidairement à la réparation du préjudice. »
2. LA DEMANDE RECONVENTIONNELLE
[122] Le défendeur Rozenek demande au Tribunal de déclarer la réclamation du demandeur contre lui abusive. La défenderesse Michael and Associates inc . réclame de plus de celui-ci la somme de 5 201,25$, soit 4 375$ plus taxes, en paiement du loyer pour les mois d'avril à août 2012.
[123]
Pour
déclarer une procédure abusive, le Tribunal doit se référer aux articles
« 54.1. Les tribunaux peuvent à tout moment, sur demande et même d'office après avoir entendu les parties sur le point, déclarer qu'une demande en justice ou un autre acte de procédure est abusif et prononcer une sanction contre la partie qui agit de manière abusive.
L'abus peut résulter d'une demande en justice ou d'un acte de procédure manifestement mal fondé, frivole ou dilatoire, ou d'un comportement vexatoire ou quérulent. Il peut aussi résulter de la mauvaise foi, de l'utilisation de la procédure de manière excessive ou déraisonnable ou de manière à nuire à autrui ou encore du détournement des fins de la justice, notamment si cela a pour effet de limiter la liberté d'expression d'autrui dans le contexte de débats publics.
54.2. Si une partie établit sommairement que la demande en justice ou l'acte de procédure peut constituer un abus, il revient à la partie qui l'introduit de démontrer que son geste n'est pas exercé de manière excessive ou déraisonnable et se justifie en droit.
La requête visant à faire rejeter la demande en justice en raison de son caractère abusif est, en première instance, présentée à titre de moyen préliminaire. »
[124] Le Tribunal est d'avis que la réclamation du demandeur n'est pas abusive en l'espèce puisqu'elle ne constitue pas un acte de procédure manifestement mal fondé, frivole ou vexatoire et que le comportement du demandeur en l'instance n'est ni vexatoire ni quérulent. En outre, le demandeur n'a pas utilisé la procédure de manière excessive ou déraisonnable ni de façon contraire aux intérêts de la justice.
[125] En effet, puisqu'il a toujours fait ses chèques de loyer à monsieur Rozenek personnellement, à sa demande selon lui, il n'est pas déraisonnable qu'il ait pu croire à l'existence d'un lien de droit entre les deux.
[126]
Conformément
à l'article
[127] En ce qui a trait à la réclamation de loyers de la part de la défenderesse, le Tribunal n'y fait pas droit pour les raisons suivantes.
[128] En premier lieu, la pièce P-13 nous montre que les loyers d'avril et de mai 2012 ont été payés comme en font foi les copies des chèques pour ces deux mois.
[129] Quant aux mois de juin, juillet et août, la preuve a démontré que le demandeur a retenu son loyer pour ces trois mois en compensation de la somme qui lui était due par les défendeurs pour les crédits qui leur avaient été accordés par le locateur après le re-mesurage de la superficie de bureau occupée. Cela s'est fait avec l'accord des défendeurs. Le demandeur a même déduit cette somme du montant réclamé par lui.
[130] En conséquence de ce qui précède, le Tribunal rejette la demande reconventionnelle des défendeurs parce que mal fondée en faits et en droit.
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
ACCUEILLE en partie la demande du demandeur;
CONDAMNE
les
défendeurs solidairement à payer au demandeur la somme de 16 473,96$ avec
les intérêts au taux légal de 5% l'an majorés de l'indemnité additionnelle
prévue à l'article
Rejette la demande reconventionnelle des défendeurs;
LE TOUT avec dépens contre les défendeurs.
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__________________________________ SUZANNE VADBONCOEUR, J.C.Q. |
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Me Avrum Isaac Neuwirth Main Droit inc. Procureur du demandeur |
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Me Jean Trottier Procureur des défendeurs |
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Dates d’audience : Date du délibéré : |
15 et 16 janvier 2014 20 janvier 2014 |
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[1]
Metco c. Décarel inc
.,
[2] « 1375. La bonne foi doit gouverner la conduite des parties, tant au moment de la naissance de l'obligation qu'à celui de son exécution ou de son extinction . »
[3] Lanoue c. La Brasserie Labatt Limitée , 1999 CanLII, 13784
[4]
MARTEL Paul,
Le Voile corporatif - l'attitude des tribunaux face à
l'article
[5] Blum-Lussier c. Lirange , 2006 CanLII 657