Unifor Québec (TCA Canada) et Colacem Canada inc. (Simco) (Gary Woodbury)

2014 QCTA 627

TRIBUNAL D’ARBITRAGE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE MONTRÉAL

 

Dossier de l’arbitre :

DS-1367

No. de dépôt : 2014-7601

 

Date :

Le 5 août 2014

______________________________________________________________________

 

DEVANT L’ARBITRE :

M e Diane Sabourin , c.r.h.a.

______________________________________________________________________

 

 

Unifor Québec (autrefois TCA Canada)

Ci-après appelé « le Syndicat »

Et

Colacem Canada inc. (autrefois SIMCO)

Ci-après appelé « l’Employeur »

 

 

Plaignant :

Gary Woodbury

 

Nature du grief :

Octroi du poste d'opérateur, suite à l'affichage #13-04
(Entrée en vigueur de la Convention collective :
à la date de l’entente de principe ou à la date de sa signature ?)

 

N o de grief du Syndicat :

#2013-04

 

Convention collective :

2007-2012

 

______________________________________________________________________

 

SENTENCE ARBITRALE

(Articles 100 et suivants du Code du travail du Québec )

______________________________________________________________________

 

I -                  LE LITIGE ET LA PREUVE OFFERTE

 

[1]        Je suis saisie d’ un grief (pièce S-1 ) que M. Gary Woodbury («le plaignant») a déposé le 3 avril 2013, auprès de l’Employeur, afin de contester le refus de l’Employeur de lui octroyer le poste d'opérateur permanent, suite à l'affichage #13-04 du 15 février 2013 (pièce S-15) .   

[2]        Pour une meilleure compréhension du présent litige, je crois opportun de reproduire les extraits pertinents de cet avis de grief S-1 :

«  NATURE DU GRIEF : Principaux articles de la convention collective violés ou mal interprétés et tous autres articles pouvant s'y rapporter : 1.01, 3.01, 5.01, 9.07, 9.08, Annexe B .

Je déclare que l'employeur a violé les articles ci-haut mentionnés en refusant de m'octroyer le poste d'opérateur permanent suite à l'affichage 13-04, de plus qu'il n'a pas respecté ses engagements pris lors de la négociation qui s'est terminée le 27-02-2013.

RÈGLEMENT RECHERCHÉ : Je demande réparation intégrale notamment en m'accordant le poste convoité, de même qu'en me remboursant la différence de salaire perdu, ainsi que les intérêts prévus.  »

(Caractères gras ajoutés).

 

[3]        La preuve offerte lors de l'unique journée d’arbitrage dans la présente affaire, comprend notamment, en sus des 37 pages de notes manuscrites prises à l’arbitrage :

3.1.            Les 26 pièces déposées au total, soit 16 par le Syndicat et 10 par l’Employeur ;

3.2.            Les 3 témoins ci-dessous énumérés :

·         1 pour la partie syndicale  : le plaignant , qui est aide-opérateur et qui est aussi président du Syndicat et ce, depuis 2011 ;

·         2 pour la partie patronale   : M. Marc Bataille , directeur de production, ainsi que M. Maxime Leduc , directeur système de qualité ;

3.3.            Les 3 admissions d’usage , à savoir quant au respect de la procédure de griefs, quant à la compétence de l’arbitre soussignée et quant à la réserve de compétence pour la fixation du quantum, le cas échéant. 

[4]        La preuve syndicale a débuté avec le témoignage du plaignant , qui est venu apporter les principales informations suivantes, au soutien des pièces suivantes déposées en cours d’arbitrage :

4.1.         Il travaille pour l'Employeur depuis avril 2002 , ayant débuté lors de la construction de l'usine, à Grenville-sur-la-Rouge ;

4.2.         Lorsque la production a débuté, le plaignant a été transféré au laboratoire en tant que préposé ;

4.3.         Vers 2005, suite à l'abolition de postes au laboratoire, il a été transféré au département de la production et ce, à titre de journalier ;

4.4.         Depuis environ 2006, le plaignant occupe le poste d' aide-opérateur
(voir la description de ce poste, sous S-14 b) ) ;

4.5.         Il dit avoir occupé, en remplacement, le poste d' opérateur (pièce S-14 a) ) et ce, à quelques reprises depuis lors. À preuve, notamment les 3 confirmations suivantes de remplacements temporaires, suite aux affichages portant les numéros suivants : #56 du 21 août 2008 (pièce S-4 ), #65 du
4 décembre 2008 ( S-5 , voir aussi S-6 ) et #04 du 19 mars 2010 ( S-7
) ;

4.6.         Cependant, le plaignant a reconnu que son nom ne figurait pas sur la pièce S-9 , soit la liste particulière aux affectations temporaires pour le poste d’opérateur, liste établie au mois de décembre 2011 et dont un formulaire vierge figure comme Annexe «D» à la Convention collective 2007-2012 (pièce S-2 ) ;

4.7.         Le 15 février 2013, le plaignant a soumis sa candidature pour le poste permanent d’opérateur, sur l’équipe D, que l’Employeur a affiché du 15 au 20 février 2013, sous le numéro 13-04 (pièce S-15 ) ;

4.8.         Les 4 autres salariés suivants ont alors également postulé : Nicholas Werner ( E-2 a) ), Yan Dupéré ( E-2 b) ), Éric Bellefeuille ( E-2 c) ) et Christian Groulx ( E-2 d) ). Ce dernier est celui dont la candidature a finalement été retenue par l’Employeur, bien que le plaignant était celui qui avait plus d’ancienneté que le salarié intéressé choisi par l’Employeur (M. Groulx) ;

4.9.         Le 11 mars 2013, le plaignant a subi un test écrit d’une durée de 2h30 (pièce E-5 , pour lequel une demande de non-divulgation a été accueillie).
À noter que le formulaire vierge de cet examen ( E-3 ) et son corrigé ( E-4 )
sont également sous le coup de cette non-divulgation, de même que la compilation des résultats obtenus ( E-7 ) ;

 

4.10.      Par mémo du 21 mars 2013 ( S-16 et/ou E-8 ), il a appris que c’est plutôt la candidature de M. Christian Groulx («salarié intéressé») qui a été retenue ;

4.11.      Ce n’était pas la première fois que sa candidature était refusée, suite à des affichages de postes permanents d’opérateur. À preuve notamment, les 4 affichages : #10-17 du 24 août 2010 ( S-8 ), #11-21 du 22 novembre 2011 ( S-10 , voir aussi S-11 , ainsi que E-6 et E-9 b) ), #12-02 du 2 mars 2012 ( S-13 , voir aussi E-9 a) ) et #12-07 du 13 décembre 2012 ( E-10 ) ;

4.12.      La dernière pièce au dossier qui n’a pas encore été mentionnée, mais qui a été déposée au cours du témoignage du plaignant est la pièce S-12 , intitulée «Plans de formation et de développement 2013» : 2 794,15 heures sont reconnues au plaignant comme aide-opérateur depuis son embauche le 22 avril 2002, alors que le salarié intéressé, soit M. Christian Groulx, y figure plutôt comme opérateur, avec 6 359 heures depuis son embauche le 30 septembre 2003 ;

4.13.      Quant à la négociation de la présente Convention collective (2013-2015 , sous S-3 ), le plaignant y a participé à titre de président du Syndicat et a donc pu fournir les détails suivants : Cette négociation a débuté à l’automne 2012 ; une entente de principe est intervenue sur le normatif avant les Fêtes 2012 ; il y a ensuite eu entente de principe pour des modifications à l’Annexe «B» qui établit les connaissances et qualifications pour différents postes ; le 6 mars 2013, il y a eu ratification par les membres ; et enfin, le 9 avril 2013, la signature de la présente Convention collective est intervenue, cette nouvelle convention de travail étant en vigueur jusqu’au 31 décembre 2015 ;

4.14.      À noter que c’est le 3 avril 2013 que le plaignant a soumis son grief (pièce S-1 précitée), soit alors que c’était l’ancienne Convention collective (2007-2012, sous S-2 ) qui était encore en vigueur « jusqu’à la signature de la nouvelle convention collective » (clause 28.02 ) ;

4.15.      En contre-interrogatoire, le plaignant a reconnu qu’il n’y avait pas de grief écrit du Syndicat pour contester d’une part, le contenu de l’examen écrit, et d’autre part, la note de passage de 60 % requise ;

4.16.      Toujours en contre-interrogatoire, le plaignant a justifié son échec en disant qu’il n’avait pas eu le temps de répondre à toutes les questions de l’examen écrit ;

4.17.      Cependant, il a reconnu avoir eu l’occasion de faire réviser son questionnaire d’examen (E-5), mais ne pas avoir encore finalement atteint la note de passage.

[5]        Après quoi, la partie patronale a débuté avec sa preuve, en faisant d’abord entendre M. Marc Bataille , directeur de production (voir l’organigramme, sous E-1 ), dont les éléments nouveaux (par rapport au témoignage du plaignant) sont principalement les suivants :

5.1.         Il travaille pour l'Employeur depuis 2005 , étant ingénieur mécanique de profession ;

5.2.         M . Bataille œuvre dans le secteur du ciment depuis 1988 (soit depuis plus de 25 ans), ayant débuté en cimenterie chez HOLCIM et ayant travaillé au centre technique pour toutes les cimenteries en Amérique, de 1988 à 2004 ;

5.3.         Ses responsabilités et fonctions actuelles sont notamment : la bonne marche des opérations, la réception de 4 ou 5 matières premières, la supervision des transformations de ces matières et la finalisation du produit, ainsi que la gestion du personnel ;

5.4.         C’est lui qui a approuvé l’avis d’affichage en litige (#13-04, sous S-15 ), avec la description du poste permanent d’opérateur qui s’y trouve et dont les exigences minimales requises sont les suivantes : «Cours et examen réussi relatifs à la tâche, chez Colacem Canada», en sus du formulaire y joint à compléter au soutien de chaque candidature et en sus du secondaire V requis de par l’Annexe «B» de la Convention collective 2007-2012 (diplôme que le plaignant détenait par ailleurs déjà) ;

5.5.         MM. Christian Groulx et Éric Bellefeuille sont les 2 des 5 candidats qui n’ont pas subi l’examen écrit en mars 2013, car ils l’avaient subi auparavant ;

5.6.         Le questionnaire original d’examen remonte à 2005 et a subi depuis
4 modifications , dont la dernière en 2011 qui a amené des changements importants suite à des investissements pour de nouveaux équipements achetés par l’Employeur ;

5.7.         Le questionnaire d’examen contient 5 blocs  : général, cru, four, moulins à ciment, laboratoire ;

5.8.         C’est M. Bataille lui-même qui répond aux questions en cours d’examen et qui est ultimement le seul à corriger les examens, d’après les schémas et le corrigé (E-4) qu’il a lui-même faits ;

5.9.         C’était la quatrième fois que le plaignant échouait le test pour l’octroi d’un poste permanent d’opérateur, n’ayant obtenu que 54 % , alors que la note de passage minimum requise est de 60 %.

[6]        Enfin, la preuve patronale s’est terminée avec le témoignage de M. Maxime Leduc , directeur du système de qualité, qui a pour sa part ajouté les informations suivantes non encore mentionnées par les 2 témoins précédents :

6.1.         Il travaille chez l'Employeur depuis 2007 , comme directeur d'usine de 2007 à 2011, et en tant que directeur du système de qualité de l'environnement et de la santé et sécurité, depuis 2011 ;

6.2.         De janvier 2002 à juin 2007 , il a travaillé pour Ciment CEMCO ;

6.3.         Auparavant, il travaillait en tant que consultant ;

6.4.         C’est M. Leduc lui-même qui a distribué les questionnaires d’examens aux 3 candidats (le plaignant, M. Yan Dupéré et M. Nicholas Werner) alors présents dans la salle de conférence. C’est aussi lui qui a recueilli ces mêmes questionnaires à la fin ;

6.5.         Le plaignant lui aurait mentionné qu’il aurait aimé avoir plus de temps que le 2h30 alloué ;

6.6.         C’est M . Leduc qui a révisé le questionnaire d’examen du plaignant et ce, à partir du corrigé déjà établi par M. Bataille ;

6.7.         Bien que n’ayant pas alors la grille de correction de M. Bataille, il est arrivé sensiblement au même résultat que le premier correcteur, n’ayant octroyé que 0,5 % de plus au plaignant ;

6.8.         Quant à la présente Convention collective (2013-1515, sous S-3),
M. Leduc a fourni les données suivantes, ayant participé à sa négociation, de même qu’à celle de la Convention collective précédente (2007-2012, sous
S-2) :
il y a eu plusieurs bonnes modifications alors apportées, dont certaines au sein de l’Annexe «B» sur les connaissances et qualifications pour différents postes ; il n’existe pas de Lettre d’entente qui confère une rétroactivité à ces nouvelles modalités ; il n’y a par ailleurs pas eu de Lettre d’entente particulière signée en rapport avec l’affichage en litige ;

6.9.         Le candidat choisi, soit M. Christian Groulx, occupait déjà le poste d’opérateur de façon temporaire et ce, depuis le 2 mars 2012 (pièce S-13). Quant au titulaire de ce poste, soit M. Richard Leclair, qui était en fonction depuis le 17 janvier 2011 (S-11), il était alors en formation pour devenir cuiseur à compter du 13 décembre 2012 (pièce E-10) ;

6.10.      Bien que M. Groulx susmentionné ait assisté au présent arbitrage, à titre de salarié intéressé , voici qu’il n’a fait aucun commentaire, quoique dûment invité à ce faire par l’arbitre soussignée (sans pour autant y être obligé ).

II -               LA CONVENTION COLLECTIVE 2007-2012

 

[7]        Dans l'avis de grief S-1 précité, le plaignant a invoqué la violation des clauses 1.01, 3.01, 5.01, 9.07 et 9.08, ainsi que de l'Annexe B de la Convention collective 2007-2012 (pièce S-2 ).

[8]        La première de ces clauses est la clause 1.01 de la Convention collective 2007-2012 (pièce S-2), laquelle disposition s'inscrit au sein de l'article 1 qui s’intitule «But de la convention» et qui est libellée comme suit :

«  Cette convention a pour but de maintenir et de promouvoir des relations ordonnées entre la compagnie et ses salariés représentés par le syndicat. Les parties conviennent qu'il leur est mutuellement avantageux de fixer et de maintenir des conditions de travail justes et équitables , telles que prévues à la présente convention, de protéger la sécurité et la santé des salariés et de faciliter le règlement des mésententes pouvant survenir entre les parties aux présentes.  »

(Caractères gras ajoutés).

 

[9]        La deuxième disposition invoquée est la clause 3.01 de cette Convention de travail, qui figure au sein de l'article 3 - «Droits de la direction», et qui se lit ainsi :

«  Le syndicat reconnaît à la compagnie le droit exclusif de diriger et d'administrer son entreprise, dans les limites où ce droit est limité par une disposition de la présente convention .  »

(Caractères gras ajoutés).

 

[10]     La troisième des clauses mentionnées dans l'avis de grief S-1 est la clause 5.01 de cette Convention collective S-2, laquelle disposition s'inscrit au sein de l'article 5 intitulé «Droits et libertés de la personne», et laquelle est ainsi libellée :

«  La compagnie et le syndicat conviennent de respecter, dans leurs gestes, attitudes et décisions, l’exercice par tout salarié en pleine égalité de ses droits et libertés de la personne , exclusion ou préférence pouvant constituer une discrimination au sens de la Charte des droits et libertés ou par toute autre loi .  »

(Caractères gras ajoutés).

[11]     Dans le cadre de cet avis de grief, le plaignant a aussi invoqué les clauses 9.07 ET 9.08 suivantes de cette Convention de travail, qui se trouvent à l'article 9 intitulé «Ancienneté», et dont les extraits pertinents se lisent comme suit :

«  9.07 Poste vacant et temporairement vacant de longue durée

Aux fins de la présente convention, les parties conviennent qu'un poste est réputé vacant ou temporairement vacant de longue durée selon ce qui suit :

Vacant :

a) Lors d'une perte d'ancienneté telle que définie à l'article 9.04 ;

b) Lors de la création d'un nouveau poste.

Temporairement vacant de longue durée :

Lors de l'absence d'un salarié pour une période continue de plus de trente (30) jours.

Lorsque la compagnie décide de combler un poste vacant ou temporairement vacant de longue durée, elle doit le faire selon la procédure suivante :

A) Procédure d'affichage

     La compagnie convient d' afficher tout poste vacant ou temporairement vacant de longue durée durant une période de cinq (5) jours ouvrables consécutifs pendant laquelle les salariés intéressés par ledit poste peuvent soumettre leur candidature.

B) L'avis d'affichage doit contenir les informations suivantes :

·          Le titre du poste ;

·          Le statut (régulier temps complet, régulier temps partiel) ;

·          Le nombre de salariés requis ;

·          La description sommaire du poste ;

·          S'il s'agit d'un poste vacant, nouvellement créé ou temporairement vacant ;

·          Le quart de travail, le nombre d'heures normales hebdomadaires de travail et l'horaire normal de travail ;

·          Les exigences normales requises ;

·          Le taux de salaire prévu à l'Annexe «A».

C) Le salarié intéressé à poser sa candidature le fait en avisant, par écrit, avec le formulaire prévu à cet effet , dans un livre identifié et gardé dans le bureau de la secrétaire du directeur de l'usine, dans l'espace réservé à cet effet sur le formulaire, durant la période d'affichage établie par la direction de l'entreprise. Une copie de l'avis est transmise au secrétaire du syndicat à la fin de la période d'affichage.

D) La compagnie fait connaître par écrit sa décision dans les dix (10) jours ouvrables suivant la fin de l'affichage.

E) La compagnie accorde ledit poste au salarié régulier qui a le plus d'ancienneté parmi ceux qui ont posé leur candidature à la condition qu'il puisse satisfaire aux exigences normales du poste à combler .

     Une priorité aux salariés du département où ledit poste est affiché sera octroyée .

     Si un candidat se sent lésé par la décision de la compagnie et qu'un litige survient, il y aura une rencontre entre la compagnie et le syndicat pour tenter de rétablir la situation. Si ce mécanisme s'avère sans résultat, le litige sera résolu par recours à la procédure de grief.

F)  Dans le cas d'un affichage d'un poste vacant, le candidat choisi a le droit à une période minimale d'entraînement de dix (10) jours ouvrables . Le salarié doit, de plus, pouvoir bénéficier de l'assistance d'un autre salarié qualifié lors de cette période d'entraînement. Cependant, le candidat choisi pour le poste d'opérateur de console a droit à une période d'entraînement minimale d'un (1) mois et maximale de six (6) mois avec une évaluation ponctuelle aux deux (2) mois. De plus, le salarié doit bénéficier de l'assistance d'une personne qualifiée lors de cette période d'entraînement.

G) Pendant cette période d'entraînement, le salarié peut lui-même choisir de retourner à son ancien poste après en avoir avisé la compagnie deux (2) jours ouvrables à l'avance.

H) La compagnie peut mettre fin à cette période d'entraînement si elle juge que le salarié ne possède pas les qualifications requises ou qu'il ne peut satisfaire aux exigences normales du poste à combler .

I)   En cas de grief du salarié, la compagnie a le fardeau de prouver que le salarié ne pouvait remplir les exigences normales dudit poste .

J)  Le salarié qui obtient un poste à la suite d'un affichage , doit y être assigné dans les dix (10) jours ouvrables suivant sa nomination selon les dispositions du paragraphe D) ci-dessus.

K) Un salarié qui retourne à son poste ou qui y est retourné par la compagnie , le reprend comme s'il ne l'avait pas quitté. Il en est de même pour le salarié qui a pris son poste à la suite de son départ ainsi que tout autre déplacement occasionné par ce mouvement de personnel.

L)  Il est convenu que si un salarié remplit temporairement un poste, ceci ne lui donne aucune qualification supérieure advenant un affichage pour ledit poste .

M) La compagnie et le syndicat peuvent convenir, par entente écrite, pour certains postes, de prolonger la période d'entraînement prévue au paragraphe F) ci-haut mentionné.

N) Tout salarié absent lors d'une période d'affichage peut réclamer ledit poste et ce, dans les dix (10) jours ouvrables suivant son retour, dans la mesure où son ancienneté le lui permette, cependant, il dispose d'un maximum de trente (30) jours après le début de l'affichage, à moins que l'employeur ait averti le salarié absent par écrit de l'affichage du poste, dans lequel cas les périodes de temps prévues à la présente convention s'appliqueront comme si le salarié avait été présent.

 

9.08 Exigences normales

Les parties conviennent que partout dans la convention collective, l'expression «exigences normales» signifie : les connaissances, habiletés et qualifications qu'un salarié doit posséder pour remplir adéquatement le poste. Les qualifications doivent être pertinentes et en relation avec le poste.

L'Annexe «B» établit les connaissances requises pour les différents postes couverts par la convention collective.  »

(Soulignements et caractères gras ajoutés).

 

[12]     Enfin, l' Annexe B , dont il est fait mention ci-haut, est aussi une clause dont la violation est alléguée dans le présent grief :

«  Connaissances pour différents postes

Les connaissances requises des postes de l'usine sont indiquées aux pages suivantes.

Les connaissances mentionnées à cette annexe n'ont pas pour effet de déplacer les salariés occupant déjà ces postes à la signature de la convention collective. De plus, les salariées sont reconnus à leurs postes actuels.

Formation des salariés

Un comité de formation sera mis en place lequel sera composé de deux membres (2) salariés et deux (2) cadres de l'entreprise. Ce comité se rencontrera au minimum à tous les six (6) mois, durant les heures de travail, sans perte de salaire. Ce comité identifiera les besoins de formation. Les réunions seront tenues selon un calendrier établi à l'avance et les membres présents aux réunions détermineront les plans de formation.

(…).

(…).

(…).

(…).

La note de passage des examens sera de 60 % et les examens peuvent être composés d'examens théoriques et d'une partie pratique . La partie pratique sera évaluée en premier. Selon le degré de responsabilité relié au poste, une entrevue additionnelle visant à évaluer les qualités requises reliées aux exigences du poste fera partie intégrante de l'examen.

Chacun des cours Colacem sera en relation directe avec le travail du poste pour lequel il est exigé.

Les membres du comité auront la permission de prendre connaissance des tests et des résultats de ceux-ci après correction et avant la communication aux différents candidats.

Les examens demeureront la propriété de la compagnie et les questions devront demeurer confidentielles .

Si un salarié échoue à un examen de classement pour un poste de Colacem ou un cours de formation Colacem il aura droit à un maximum de trois reprises sur une période de deux (2) ans pour réussir l'examen, après cette période, il ne pourra se présenter à nouveau à ce cours ou à cet examen.

Connaissances requises pour les différents postes de l'usine

1. (…).

2. Opérateur

a. Aide opérateur depuis 2000 heures à la cimenterie ou 5 ans dans un poste similaire

b. Cours et examen réussis (60 %) relatif à la tâche à la cimenterie

c. Diplôme de secondaire 5 (D.E.S.)

3. (…).

(…). »

(Soulignements et caractères gras ajoutés).

 

[13]     Pour ma part , je crois opportun de reproduire les 2 clauses suivantes de cette même Convention collective S-2, avant de passer à la section suivante :

«  20.08 A) L’arbitre doit décider du grief selon les dispositions de la convention collective de travail et il n’a aucune autorité pour y soustraire, modifier ou ajouter quoique ce soit ou de rendre une décision incompatible ou inconciliable avec ces termes.  

 

28.02 Les dispositions de la présente convention demeurent en vigueur jusqu’à la signature de la nouvelle convention collective ou, jusqu’à l’exercice du droit de grève ou de lock-out. »

(Soulignements et caractères gras ajoutés).

 

 

III -            LA DÉCISION ET SES MOTIFS

 

[14]     Avant toute chose, une brève présentation de l’annexe jointe à la présente sentence arbitrale pour en faire partie intégrante, laquelle annexe comprend notamment les 8 autorités patronales (voir l’annexe ci-jointe), aucune autorité syndicale n'ayant été soumise (ce qui n’est pas obligatoire du reste).

[15]     Essentiellement , en raison du libellé même de l’avis de grief S-1 précité, il s’agit pour l’arbitre soussignée de décider si le présent Employeur :

15.1.         A ou non violé les dispositions de la Convention collective, nommément celles énumérées dans l’avis de grief S-1 précité ;

15.2.         A ou non « respecté ses engagements pris lors de la négociation qui s’est terminée le 27-02-2013», tel qu’allégué dans cet avis S-1.

A)      La violation alléguée de la Convention collective :

[16]     D’entrée de jeu, le procureur syndical a cerné comme suit la question en litige : Laquelle des deux conventions collectives s’applique ?

16.1.         S’agit-il de la Convention de travail 2007-2012 (pièce S-2 ) ?

16.2.         Ou plutôt, de la Convention collective 2013-2015 (pièce S-3 ) ?

[17]     En toute déférence pour l’opinion contraire, je crois que la Convention 2007-2012 , dont j’ai déjà reproduit des dispositions dans la section II, est nécessairement celle en vertu de laquelle le grief S-1 doit être tranché. Je m’explique  :

17.1.         L’avis d’affichage #13-04 (pièce S-15) , pour le poste permanent d’opérateur à la Production dans l’équipe de travail «D», est à l’origine de la présente contestation ;

17.2.         Or, cet avis a été affiché du 15 au 21 février 2013 , soit alors que c’était encore la Convention collective 2007-2012 (S-2) qui s’appliquait ;

17.3.         En effet, la clause 28.02 de cette Convention de travail prévoit expressément que ses dispositions demeurent en vigueur :

·           « jusqu’à la signature de la nouvelle convention collective », ce qui n’était pas encore le cas, puisque la Convention de travail 2013-2015 (S-3) n’a été signée que le 9 avril 2013, soit près de 2 mois plus tard ;

·           « ou, jusqu’à l’exercice du droit de grève ou de lock-out », éventualité qui ne s’est pas matérialisée en l’espèce ;

17.4.         Décider autrement que ci-dessus, de la date d’entrée en vigueur de la nouvelle Convention collective S-3, notamment en prenant en compte l’entente de principe déjà intervenue, équivaudrait assurément à modifier le texte de la Convention collective , nommément en remplaçant le mot «signature» par «entente de principe» ;

17.5.         Or, cela m’est formellement interdit, en vertu de la clause 20.08 A) précitée !

17.6.         Qui plus est : Si je devais faire droit aux prétentions syndicales,
je me trouverais aussi à modifier le Code du travail qui, notamment :

·           oblige de faire approuver, par les membres du Syndicat , le texte négocié et agréé, à la table de négociation, par les représentants des 2 parties (En l’espèce, une telle ratification n’a eu lieu que le 6 mars 2013, soit près de 1 mois après l’afficha ge) ;

·           prévoit que toute convention collective doit être déposée auprès du Ministre du travail, et que ce dépôt n’a effet qu’« à la date de la signature de la convention collective » (article 72). Sauf en cas d’effet rétroactif expressément stipulé dans la Convention collective (En l’espèce, les 2 parties n’ont prévu aucun effet rétroactif) ;

·           et impose enfin le maintien des conditions de travail de l’ancienne Convention collective « jusqu’à la signature d’une nouvelle convention » (article 59) (Signature qui n’a eue lieu que le 9 avril 2013, en l’espèce).

[18]     Au risque de me répéter : À la date de la signature de la nouvelle Convention collective S-3, soit le 9 avril 2013 :

18.1.         Non seulement tout le processus de sélection était déjà complété , incluant la nomination du salarié intéressé, en date du 21 mars 2013 (pièce S-16 et/ou E-8) ;

18.2.         Mais voici que le grief S-1 du plaignant avait déjà été déposé , le 3 avril 2013, soit 6 jours avant la date de cette fameuse signature.

[19]     Par ailleurs, comme l’a fait valoir à bon droit la procureure patronale au dossier, l’Employeur avait tout le loisir de décider  :

19.1.         Quand il procéderait à l’affichage du poste et quand il comblerait ce poste ;

19.2.         En l’espèce, il a décidé de procéder comme il l’a fait, suite à la nomination de M. Richard Leclair comme opérateur permanent de console (cuiseur),
en date du 13 décembre 2012 (pièce E-10), M. Leclair étant jusqu’alors
le titulaire du poste d’opérateur convoité par le plaignant et ce, depuis le 17 janvier 2011 (S-11).

[20]     En effet, aux termes de la clause 3.01 précitée  :

20.1.         Le droit de gérance de l’Employeur y est ainsi formellement reconnu :
« le droit exclusif de diriger et d’administrer son entreprise » ;

20.2.         Aucune limite à ce droit de la Direction n’existe dans la Convention S-2, ni aux clauses précitées 9.07 et 9.08, non plus qu’à l’Annexe «B».

[21]     Il est vrai que le plaignant a plus d’ancienneté (22 avril 2002) que le candidat choisi, soit M. Christian Groulx (30 septembre 2003) :

21.1.         M. Groulx ayant, par surcroit, déjà occupé ce même poste d’opérateur , mais de façon temporaire et ce, à compter du 2 mars 2012 (S-13) ;

21.2.         Mais surtout, ce salarié intéressé a déjà passé avec succès l’examen pour occuper le poste d’opérateur.

[22]     Mais voici que l’Employeur pouvait lui préférer le salarié intéressé en vertu de la clause précitée 9.07 E) , nommément son paragraphe 1, que je crois utile de reproduire de nouveau ici :

« La compagnie accorde ledit poste au salarié régulier qui a le plus d'ancienneté parmi ceux qui ont posé leur candidature à la condition qu'il puisse satisfaire aux exigences normales du poste à combler . »

(Soulignement et caractères gras ajoutés.)

 

[23]     Ceci m’amène donc maintenant à examiner en particulier le cas du plaignant. Selon la preuve non-contredite , qui a été offerte lors du présent arbitrage :

23.1.         Le plaignant n’a pas obtenu le poste d’opérateur qu’il convoitait,
tout simplement parce qu’il n’a pas eu la note de passage requise (60 %) pour l’examen écrit (pièce E-5) qu’il a subi le 11 mars 2013 ;

23.2.         De fait, il n’a eu que 54 % et a même bénéficié d’une révision subséquente par un 2 e correcteur, qui lui a valu seulement un gain de 0,5 % .

[24]     Or, l’avis d’affichage #13-04 (pièce S-15) spécifiait expressément comme « exigences minimales requises », les suivantes : « Cours et examen réussi relatif à la tâche, chez Colacem Canada » (Caractères gras ajoutés).

[25]     Tant le plaignant que le représentant patronal ont témoigné à l’effet que ni le présent grief ne conteste, ni aucun autre grief n’a été déposé afin de contester :

25.1.         Le contenu de l’avis d’affichage S-15, incluant les «exigences minimales requises», de même que la procédure de sélection suivie ;

25.2.         L’exigence d’ un examen , la note de passage, la manière dont l’examen s’est déroulé et la pertinence de cet examen par rapport aux tâches ;

25.3.         Le caractère abusif, déraisonnable et discriminatoire de la décision de l’Employeur, de préférer la candidature de M. Groulx à celle du plaignant.

[26]     On aura beau dire, on aura beau faire  : Avec un résultat non contesté de 54 %, le plaignant n’a pas réussi son examen, dont la note de passage était de 60 %.

[27]     Or, c’est cette même note de passage de 60 %, qui figure dans l’Annexe «B» de la Convention collective S-2, non seulement à une reprise, mais bien plutôt à 2 !

[28]     C’est la clause 9.08 précitée qui réfère à cette Annexe «B» et qui, soit dit en passant, définit ce qu’il faut entendre par «exigences normales».

[29]     Il est vrai que le plaignant satisfaisait aux 2 autres exigences suivantes de cette Annexe «B» :

29.1.         « Aide-opérateur depuis 2000 heures à la cimenterie ou 5 ans dans un poste similaire » ;

À preuve : la liste S-1 2 sur laquelle le plaignant figure avec 2794,25 heures comme aide-opérateur (voir la description de fonctions, sous S-14 b) ).

À noter que le candidat choisi (M. Christian Groulx) y figure plutôt comme opérateur (voir l’autre description de fonctions, cette fois-ci sous S-14 a) ), avec 6359 heures ;

29.2.         « Diplôme de secondaire 5 (D.E.S.) » ;

Diplôme que le plaignant a dit détenir, affirmation qui n’a pas été démentie par ailleurs.

[30]     La preuve offerte a aussi révélé que ce n’était pas la première fois, mais bien plutôt la quatrième fois depuis 2006, que le plaignant échouait à l’examen écrit de qualification pour occuper le poste d’opérateur, poste pour lequel il avait déjà fait quelques remplacements par le passé, étant plutôt titulaire d’un poste d’aide-opérateur.

[31]     J’ouvre à ce stade-ci une parenthèse pour ajouter ceci, en rapport avec ci-haut :

31.1.         L’Annexe «B» de la Convention collective S-2 prévoit aussi qu’un candidat a droit « à un maximum de trois (3) reprises sur une période de deux (2) ans pour réussir l’examen », à défaut de quoi, « après cette période, il ne pourra se présenter de nouveau à ce cours ou à cet examen » ;

31.2.         La clause précitée 9.07 L) de cette même Convention de travail prévoit pour sa part ceci : « Il est convenu que si un salarié remplit temporairement un poste, ceci ne lui donne aucune qualification supérieure advenant un affichage pour ledit poste ».

[32]     Après examen de la jurisprudence soumise au dossier, je constate que je ne suis pas la seule arbitre à avoir décidé de maintenir le refus d’une candidature, pour cause d’échec à un examen écrit. À preuve : Les 4 e , 5 e , 6 e , 7 e et 8 e autorités patronales , qui figurent dans la section B) de l’Annexe ci-jointe. Voir notamment la 7 e autorité patronale où le candidat alors en cause n’a obtenu que 63,35 % à l’examen écrit, alors que la note de passage était de 65 %.

B)     Le non-respect allégué des «engagements pris à la négociation» :

[33]     Du seul fait que le plaignant ait utilisé l’expression «engagement pris à la négociation», dans le grief S-1 précité, cela renvoie nécessairement à la notion suivante de droit : « preuve extrinsèque ».

[34]     Comme l’ont écrit les célèbres auteurs Mes Fernand Morin et Rodrigue Blouin , dans leur fameux ouvrage Droit de l’arbitrage de grief - 6 e édition (1 ère autorité patronale, en Annexe), à la page 418 - paragraphe VII.30 :

« L’objectif de la preuve extrinsèque 36 n’est pas de démontrer l’existence de faits litigieux , mais d’établir des faits qui servent à interpréter le droit et en l’occurrence, la disposition conventionnelle dont s’autorise un grief. Cette preuve particulière sert à des fins ultimes d’interprétation. Une partie ne peut cependant introduire une telle preuve que si elle convainc au préalable l’arbitre qu’il est en présence d’une clause ambigüe 37 , c’est-à-dire qui justifierait une interprétation interprétative : interpretatio cessat in claris. »

(Soulignements et caractères gras ajoutés.)

 

[35]     J’ai beau lire et relire les 6 dispositions de la Convention collective, que le plaignant a nommément invoquées dans l’avis de grief (soit les clauses précitées 1.01, 3.01, 5.01, 9.07 et 9.08, de même que l’Annexe «B»), voici qu’ il n’y a rien à redire en terme de clarté .

[36]     Donc, exit toute interprétation ! Plutôt place à leur application au présent cas !

[37]     Après avoir déjà fait le constat que les 2 parties en cause n’avaient stipulé aucune rétroactivité dans les 2 Conventions collectives (S-2 et S-3), voici que je constate également que ces 2 mêmes parties n’ont prévu aucune Lettre d’entente spécifique quant à l’affichage #13-04 présentement en litige :

37.1.         Ne serait-ce que pour prévoir que dorénavant, soit suite à l’entente de principe intervenue avant les Fêtes 2012, les connaissances et les qualifications pour les différents postes seraient celles de la nouvelle Annexe «B» (Convention collective 2013-2015, pièce S-3), plutôt que celles de l’ancienne Annexe «B» (Convention collective 2007-2012, S-2) ;

37.2.         Ou encore, ne serait-ce que pour donner un effet rétroactif , soit à une date antérieure à la signature de la nouvelle Convention collective S-3,
le 9 avril 2013, quant aux nouvelles dispositions dans cette Annexe «B».

[38]     Dans la section III A) de la présente sentence arbitrale, j’ai déjà indiqué que c’était la Convention collective 2007-2012 (S-2) qui s’appliquait , plutôt que la Convention de travail 2013-2015 (S-3) et ce, notamment parce qu’une décision contraire entrainerait :

38.1.         D’une part, la modification du texte de la présente Convention collective .

Or, seules les 2 parties en cause ont conjointement la prérogative de ce faire, par voie de Lettre d’entente (dûment déposée auprès du Ministre du travail), ou via toute autre modification (écrite et aussi dûment déposée) qui est apportée en cours de route à la Convention de travail ;

38.2.         D’autre part, cela entrainerait également une modification des dispositions du Code du travail .

Or, seul le législateur québécois a le pouvoir de modifier cette Loi qui, au demeurant, est d’ordre public et qui régit notamment tout le processus de négociation des conventions collectives à travers le Québec.

[39]     Et même en supposant un seul instant que je devrais faire droit au présent grief :

39.1.         Voici que ce n’est que très vaguement , lors de son témoignage, que le plaignant a fait allusion aux «engagements pris à la négociation» qu’il a reprochés, dans son avis de grief S-1 précité, à l’Employeur de ne pas avoir respecté, dans son propre cas, alors que c’est à titre de président du Syndicat qu’il a négocié la nouvelle Convention collective S-3 ;

39.2.         Subséquemment à la tenue du présent arbitrage, le plaignant a fait parvenir directement à l’arbitre, sans même passer par le procureur du Syndicat, le texte d’offres patronales que l’arbitre soussignée a déclarées, en conférence téléphonique avec les 2 procureurs au dossier, illégalement introduites en preuve et ne pouvant donc être considérées, à moins d’une demande formelle de réouverture d’enquête, ce qui ne fut pas le cas subséquemment ;

39.3.         Et même si je prenais en compte une telle communication du plaignant, voici que c’est le texte de la Convention collective , tel que dûment agréé et signé lors du dépôt du grief S-1, de même que le texte de la Convention de travail dûment déposé auprès du Ministre du travail, que seul texte je peux et que seul texte je dois, interpréter et appliquer ;

39.4.         Au risque de me répéter, et malheureusement pour le plaignant, ce texte est celui de la Convention collective 2007-2012 (S-2) , et non celui de la Convention de travail 2013-2015 (S-3).

[40]     Comme l’a plaidé à bon droit la procureure patronale, de manière subsidiaire : Même si je devais prendre le libellé de la nouvelle Annexe «B», voici que
je devrais de toutes les façons également rejeter le grief du plaignant :

40.1.         D’une part, il n’a pas « cumulé 4000 heures effectivement travaillées au poste d’opérateur », tel que stipulé au paragraphe C), comme dernière des 3 conditions y énoncées, de façon alternative pour le poste d’opérateur :

·           Les pièces S-4 à S-8 (du 21 août 2008 au 19 mars 2010) font état de 3 remplacements temporaires que le plaignant aurait effectués par le passé dans le poste d’opérateur convoité, sans pour autant qu’une preuve ait été fournie quant au nombre précis d’heures que cela représente ;

·           Le nom du plaignant ne figure pas sur la liste particulière (S-9)
de décembre 2011 qui établit les affectations temporaires au poste d’opérateur, alors que c’est notamment le cas pour le candidat choisi, soit M. Christian Groulx ;

·           À tout événement, la clause 9.07 L) précitée stipule expressément que lorsqu’un salarié occupe temporairement un poste donné, « ceci ne lui donne aucune qualification supérieure advenant un affichage pour ledit poste » ;

40.2.         D’autre part, il n’a pas réussi le programme de formation et qualification d’opérateur, poste pour lequel la note de passage de l’examen écrit est demeurée à 60 % , tant sous l’ancienne Convention collective S-2 que sous la nouvelle Convention de travail S-3 :

·           Le plaignant a échoué à 54 % , ce qui représente 6% de moins que la note de passage, requise tant dans l’avis d’affichage S-15 précité que dans l’Annexe «B» de la Convention collective ;

·           N’ayant pu obtenir que 0,5 % de plus, après une demande de révision auprès d’un 2 e correcteur .

 

*****

 

IV -            LE DISPOSITIF

 

[41]     Pour tous les motifs énoncés précédemment, JE REJETTE le grief (pièce S-1 ) que M. Gary Woodbury («le plaignant») a déposé le 3 avril 2013, auprès de l’Employeur, afin de contester le refus par l'Employeur (pièce S-16 susmentionnée) de lui octroyer le poste d'opérateur permanent, suite à l'affichage #13-04 (pièce S-15 précitée ) .

 

 

__________________________________ __

M e DIANE SABOURIN, CRHA

Arbitre, médiatrice et formatrice (depuis 1984)

Avocate et membre du Barreau du Québec (depuis 1977)

Service d’arbitrage Diane Sabourin inc.

 

 

Procureur syndical :

M. Daniel St-Louis de chez Unifor Québec

 

Procureure patronale :

M e Mélanie Lefebvre de chez Loranger Marcoux

 

 

Représentant du Syndicat :

Le plaignant (qui est aussi président du Syndicat)

 

Représentant de l’Employeur :

M. François Gervais

 

 

 

 

Salarié intéressé :

M. Christian Groulx

 

 

 

 

 

DS/agr

05/08/2014


ANNEXE *

 

A)         AUCUNE AUTORITÉ SYNDICALE  :

——- .

 

B)        LES 8 AUTORITÉS PATRONALES  :

 

Sur la preuve extrinsèque :

 

1.          MORIN, Fernand et BLOUIN, Rodrigue. Droit de l'arbitrage de grief , 6 e édition, Éditions Yvon Blais, Cowansville, 2012, 878 pages, notamment aux pages 418 à 420 .

 

Notamment à la page 418 : « VII.30 - L’objectif de la preuve extrinsèque 36 n’est pas de démontrer l’existence de faits litigieux, mais d’établir des faits qui servent à interpréter le droit et en l’occurrence, la disposition conventionnelle dont s’autorise un grief. Cette preuve particulière sert à des fins ultimes d’interprétation. Une partie ne peut cependant introduire une telle preuve que si elle convainc au préalable l’arbitre qu’il est en présence d’une clause ambigüe 37 , c’est-à-dire qui justifierait une interprétation interprétative : interpretatio cessat in claris. »

 

2.          Syndicat des métallos, section locale 9700 (2 griefs : syndical et patronal) c. Aluminerie de Bécancour inc. , AZ- 50752773 , 21 avril 2011, arbitre Diane Fortier , notamment aux paragraphes 36, 64, 73 et 83. 

 

Suite à la mise en place d’une réorganisation du secteur de la fonderie, non-respect allégué de la Lettre d’entente quant à la demande patronale de réduire de 15 % les heures travaillées.

Objection patronale accueillie quant à la non-admissibilité de la preuve extrinsèque sur les circonstances et discussions de la négociation.

N.B. : Sentence interlocutoire faisant une bonne revue jurisprudentielle sur la preuve extrinsèque.

 

 

______________

* Les commentaires apportés à la fin de chacune des autorités énumérées dans la présente annexe sont le fruit de l’examen attentif que l’arbitre soussignée a fait à l’égard de chacune de ces autorités .

3.          Syndicat des employés de SPB (grief syndical) c. SPB Canada inc .,
AZ- 50480488 ( D.T.E. 2008T-327 ) , 29 février 2008, arbitre Pierre Laplante, notamment aux paragraphes 8 et 9, 26, 33 à 36, 38, 43, 45, 47, 51 et 52, 54 à 56, ainsi que le dispositif après le paragraphe 56 .  

 

Sentence arbitrale interlocutoire accueillant l’objection patronale à la preuve du syndicat quant au contenu des négociations préalables à la conclusion d’une entente relative à l’application d’un programme de préretraite.

Le Syndicat n’invoque pas l’estoppel, ni une difficulté d’interprétation du texte, et encore moins une erreur matérielle.

Le Syndicat soutient plutôt que l’arbitre devrait permettre une preuve sur la «formation de l’obligation», preuve qui serait contraire au libellé de la convention collective. Et ce, malgré le fait que le texte négocié et agréé par les parties soit par ailleurs clair. D’où, de l’avis du Syndicat, une «ambigüité latente» et un «comportement de nature dolosive».

Or, de décider ainsi l’arbitre au paragraphe 38 : « Sauf en de rares exceptions, la preuve extrinsèque, documentaire ou testimoniale, est donc généralement irrecevable pour interpréter une clause comme celle présentement sous étude. (…). »

 

 

Sur l’échec à un examen requis pour l’octroi d’un poste :

 

4.          Syndicat international des travailleurs et travailleuses de la boulangerie, confiserie, tabac et meunerie, section locale 227 (grief de M. Adamo Rinaldi) c. Aliments Ronzoni Canada , AZ- 50705369 , 29 décembre 2010, arbitre Denis Provençal, notamment aux paragraphes 18 à 20, ainsi que le dispositif après le paragraphe 23 .  

 

Candidature d’un opérateur refusée à la suite à son échec à un test maison, le plaignant n’ayant réussi que 5 questions sur 13 et le poste ayant été octroyé à un candidat de l’extérieur de l’unité d’accréditation.

Le test maison subi fait partie du processus d’évaluation permettant à l’employeur d’évaluer les compétences des candidats. Rejet du grief.

Respect des règles jurisprudentielles applicables lors d’un processus d’évaluation : principe d’égalité des chances ; moyens retenus devant être clairs et transparents ; utilisation de moyens pertinents en fonction du poste visé ; évaluateurs compétents et impartiaux.

Absence de preuve quant aux allégations d’intimidation et de double standard.

5.          Syndicat des employées et employés professionnels-les et de bureau, section locale 575 (grief de Mme Gemma Turcotte) c. Caisse Desjardins de Rimouski , AZ- 50569740 , 5 août 2009, arbitre Gilles Laflamme, notamment aux paragraphes 67 à 71, 74, 77, 80, 87 à 89, ainsi que 91 .

 

Refus de la candidature de la plaignante qui a postulé pour un poste de planificateur financier, ayant échoué 5 des 8 compétences mentionnées à l’avis d’affichage. Rejet du grief.

Non-contestation : de la nature des tests et de leur contenu, de leur rapport avec les exigences du poste, du caractère scientifique des tests et de l’entrevue et des résultats.

Aucune preuve permettant à l’arbitre de croire que la note fixée pour la réussite visait les compétences optimales, ou encore outrepassait celle requise pour conclure à des compétences normales ou minimales afin de pouvoir exercer les tâches du poste.

 

6.          Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 2729 (grief de Daniel Lachance) c. Ville de Sherbrooke , AZ-50499989 , 26 mai 2008, arbitre René Turcotte, notamment aux paragraphes 25, 72 à 76, 79, ainsi que 80.

 

Échec à un examen oral pour l’octroi du poste de préposé au service d’aqueduc et d’égouts, le plaignant n’ayant obtenu que 55 % et le poste ayant été octroyé à un salarié ayant moins d’ancienneté.

Rejet du grief, puisque : l’affichage du poste énonçait clairement que la réussite de l’examen était une condition essentielle ; l’examen a été imposé de façon uniforme à tous les salariés ; le plaignant a échoué le test.

 

7.          Syndicat des travailleurs de la métallurgie de Québec inc. (grief de M. Marc Dupuis) c. Quali-métal inc. , AZ- 50171686 , 26 août 2002, arbitre Bruno Leclerc, notamment aux paragraphes 78 à 81, ainsi que 84 à 89.

 

Contestation du résultat d’un examen requis pour un poste d’assembleur et pour lequel le plaignant a obtenu 63,35 %, alors que la note de passage était d’au moins 65 %. Grief rejeté.

D’une part, le salarié doit satisfaire aux exigences minimales de l’emploi pour obtenir un poste. D’autre part, l’employeur peut administrer un test afin de vérifier si le salarié possède les exigences de base.

 

En l’espèce : le test a été administré correctement ; le test a permis de vérifier si un salarié répondait aux exigences du poste ; le test a été appliqué de la même façon à l’ensemble des candidats ; et enfin, l’employeur a utilisé la même procédure de correction.

De plus, le plaignant a pu faire valoir son point de vue lors d’une révision, ce qui lui a permis d’obtenir des points additionnels.

 

8.          Syndicat national des employés de Velan (grief de M. Daniel Opoku-Nyarko) c. Velan inc. , SA 96-12017, 17 décembre 1996, arbitre Louis B. Courtemanche, notamment aux pages 2, 4, 7 et 8 .

 

Échec à un test écrit de qualification pour un poste de préposé à la tour de contrôle numérique, le poste ayant été attribué à un autre salarié ayant moins d’ancienneté. Rejet du grief.

La convention collective et la pratique passée établissent clairement que la réussite du test (ou de l’examen) fait partie des exigences pour accéder au poste convoité. Or, l’échec du plaignant à cet examen lui barre la route à ce poste.

 

 

 

 

 

DS / agr

05 / 08 / 2014