Séguin Racine, Avocats c. Entreprises Horizon Mondial inc. |
2014 QCCQ 6787 |
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COUR DU QUÉBEC |
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« Division des petites créances » |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
LAVAL |
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LOCALITÉ DE |
LAVAL |
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« Chambre civile » |
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N° : |
540-32-025131-127 |
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DATE : |
Le 5 août 2014 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
BENOIT SABOURIN, J.C.Q. |
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SÉGUIN RACINE, AVOCATS |
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Demanderesse |
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c. |
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LES ENTREPRISES HORIZON MONDIAL INC. |
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Défenderesse |
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JUGEMENT |
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[1] Séguin Racine, Avocats (ci-après nommée « Séguin Racine ») réclame 4 833,40$ à Les Entreprises Horizon Mondial inc. (ci-après nommée « Horizon Mondial ») à titre d'honoraires professionnels d'avocats impayés.
[2] Horizon Mondial conteste la demande. Elle allègue que les services professionnels rendus par Séguin Racine étaient inadéquats.
[3] Elle se porte demanderesse reconventionnelle et réclame 7 000 $ à Séguin Racine. Elle allègue que Séguin Racine est responsable de la perte de revenus de location de son immeuble commercial et que, dans le cadre des procédures intentées contre sa locataire, elle a subi du stress qui lui a causé des dommages.
A) Séguin Racine a-t-elle droit à la somme de 4 833,40$ qu'elle réclame à Horizon Mondial ?
B) Horizon Mondial a-t-elle droit à la somme de 7 000 $ qu'elle réclame à Séguin Racine dans le cadre de sa demande reconventionnelle ?
[4] Séguin Racine est une société regroupant des avocats membres du Barreau du Québec. À l'audience, elle est représentée par Me Mila Bradan. Cette dernière n'a pas rendu de services au bénéfice d'Horizon Mondial. Elle fait entendre Me Stéphanie Dinel et Me Steven Roch, deux des avocats ayant rendu des services au bénéfice d'Horizon Mondial.
[5] De son côté, Horizon Mondial est représentée par son président, M. Roberto Rosenbluth.
[6] Horizon Mondial est propriétaire d'un immeuble commercial. Elle loue un local à une entreprise oeuvrant dans le domaine du nettoyage à sec, Nettoyeur Économique Québec inc. Le 30 juillet 2007, Horizon Mondial confie un mandat à Séguin Racine de percevoir des loyers impayés par son locataire commercial et d'entreprendre les procédures nécessaires au recouvrement de ce qui lui est dû.
[7] C'est Me Steven Roch qui prend le dossier en charge. Horizon Mondial verse une avance d'honoraires de 1 000 $. Les parties conviennent d'un mandat verbal. Le taux horaire varie en fonction de l'avocat qui travaille au dossier. Le taux horaire de Me Roch est de 110 $. Me Roch est supervisé par Me Marc-Antoine St-Pierre. Son taux horaire est de 180 $.
[8] Me Roch explique à M. Rosenbluth la stratégie qu'il entend adopter. Il propose d'intenter un recours et de requérir une ordonnance de sauvegarde visant à obtenir le paiement immédiat du loyer durant l'instance. La requête est rédigée le 21 août 2007. Elle est timbrée et signifiée le 23 août 2007 en vue de sa présentation prévue pour le 26 septembre 2007.
[9]
Le 5 septembre 2007,
Nettoyeur Économique Québec inc.
produit une
comparution personnelle au dossier de la Cour supérieure, ce qu'elle ne pouvait
pas faire vu l'article
[10] Une première facture est produite le 16 octobre 2007 au montant de 1 358,14$. Cette facture comprend des honoraires de 958,50$ et des déboursés de 249,05$, avant taxes.
[11] Me Roch assure le suivi du dossier et représente Horizon Mondial devant la Cour supérieure. Il se présente devant la Cour supérieure le 26 septembre 2007, le 3 octobre 2007, le 12 octobre 2007, le 19 mars 2008, le 4 avril 2008, le 15 avril 2008, le 2 mai 2008 et le 16 mai 2008.
[12] Me Roch négocie et conclut une entente intérimaire avec le procureur du locataire. Le locataire a des difficultés à respecter l'entente intervenue. Me Roch recommande au représentant d'Horizon Mondial de faire preuve de souplesse. En parallèle, le dossier de la Cour supérieure est complété et inscrit pour enquête et audition le 19 février 2008.
[13] Le locataire ne respecte pas l'entente, forçant Me Roch à présenter une requête interlocutoire visant l'expulsion du locataire des lieux loués au cours du mois de mai 2008. La preuve révèle que le locataire quitte les lieux loués sans respecter l'entente intervenue ni payer le loyer convenu. Le locataire laisse des biens sur les lieux dont certains appartiennent à des tiers. Horizon Mondial ne peut relouer son local vu la présence des biens dont elle ne peut disposer.
[14] Malgré le départ du locataire, le dossier suit son cours dans l'attente d'une date d'audience sur le fond du litige.
[15] Séguin Racine produit une deuxième facture pour les services rendus entre le 2 octobre 2007 et le 25 juillet 2008. Cette facture est datée du 23 avril 2009. Elle comprend des honoraires professionnels de 2 772,75$ et des déboursés de 317,53$, pour un total, taxes incluses, 3 485,10$.
[16] Le dossier est appelé au rôle provisoire le 18 novembre 2008 et à cette date, l'audience sur le fond du litige est fixée au 14 décembre 2009.
[17] Le procureur du locataire cesse d'occuper le 13 novembre 2009. À ce moment, c'est Me Stéphanie Dinel qui prend la relève suite au départ de Me Steven Roch du cabinet Séguin Racine.
[18] Me Dinel tente obtenir le rejet de la défense et de la demande reconventionnelle vu l'absence de comparution du locataire. Elle n'arrive pas obtenir un jugement sur sa requête car l'affidavit n'est pas signé par un représentant d'Horizon Mondial.
[19] Le 19 février 2010, Séguin Racine transmet une facture à Horizon Mondial au montant de 1 078,21$ pour les services rendus entre le 30 octobre 2009 et le 8 janvier 2010.
[20] Selon les factures produites, il n'y a pas d'interventions facturées par Séguin Racine entre le 14 décembre 2009 et le 7 octobre 2010.
[21] Me Dinel transmet trois lettres à Horizon Mondial datées des 17 juin, 24 octobre et 20 décembre 2011 dans lesquelles elle souhaite obtenir des informations supplémentaires en vue de lui permettre d'obtenir un jugement par défaut. Horizon Mondial ne donne pas suite à ces lettres.
[22] À l'audience, M. Rosenbluth explique qu'il n'a pas reçu ces lettres. Or, dans une lettre datée du 24 février 2012 qu'il transmet à Me Dinel, il admet qu'il a reçu les lettres en question mais qu'il a décidé de les ignorer.
[23] Le 24 octobre 2011, Séguin Racine transmet une dernière facture au montant de 578,55$ pour les services rendus entre le 7 octobre 2010 et le 24 octobre 2011.
[24] L'état de compte révèle que Séguin Racine a facturé 6 500 $, taxes incluses. Elle s'est payée en partie avec l'avance de 1 666,60$ détenue en fidéicommis. Le solde impayé en date de l'audience est de 4 833,40$.
[25] À l'audience, Me Stéphanie Dinel explique que le dossier devant la Cour supérieure n'est toujours pas fermé. En effet, Horizon Mondial et son président ont refusé de collaborer à la conclusion du dossier par la production d'un affidavit circonstancié qui aurait permis d'obtenir un jugement sur le fond du litige.
[26] Roberto Rosenbluth reproche à Séguin Racine son manque de professionnalisme dans l'exécution du mandat. Il reproche à Séguin Racine de l'avoir placé dans une position qui l'empêchait de relouer son local, car le locataire y avait laissé des biens appartenant à ses clients.
[27] Il explique qu'il avait convenu avec Me Roch d'un mandat forfaitaire qui ne devait pas dépasser 1 500 $. À ce jour, il a payé 1 666,60 $ et il estime que cette somme est suffisante et conforme à l'entente intervenue. Il refuse de payer plus.
[28] De plus, il souligne qu'il a perdu des revenus de location en raison des mauvais services rendus par Séguin Racine.
[29] Aucune preuve n'est soumise au soutien de cette réclamation.
[30] Il estime que, de façon globale, Horizon Mondial a subi des dommages de 7 000 $, somme qui comprend le remboursement de ce qu'il a payé, les loyers perdus et une compensation pour le stress subi en raison de la pression faite sur lui par les locataires.
[31] De façon subsidiaire, il invoque la prescription des factures datant d'avant le 14 mars 2009, et ce, considérant que la procédure intentée contre Horizon Mondial a été timbrée le 14 mars 2012.
[32] Dans l'affaire Whaley c . Labrosse [1] , la juge Annie Breault, J.C.Q., décrit le cadre juridique dans lequel le Tribunal doit trancher un litige portant sur les honoraires professionnels d'avocats.
« […]
[18] La Cour d’appel, notamment dans l’arrêt Consortium Promecan (Syndic de) [2] , a donné les paramètres applicables dans le cadre d’un litige portant sur les honoraires professionnels des avocats.
[19] Cet arrêt rappelle que la relation entre un client et un avocat est régie par le Code de déontologie des avocats [3] . L’avocat a un devoir d’intégrité, de diligence et doit éviter de poser des actes inutiles.
[20] La preuve de l’effort professionnel d’un
avocat repose sur la preuve des heures travaillées aux fins des services requis
par le client.
Les honoraires sont considérés justes et raisonnables
lorsqu’ils tiennent compte des facteurs énumérés à l’article
[21] Compte tenu des devoirs qui incombent à l’avocat selon le Code de déontologie des avocats , les factures émises par un avocat bénéficient d’une présomption simple que le temps qui y est décrit a été travaillé, et ce, de façon conforme aux obligations déontologiques que l’avocat doit respecter :
J'estime que les dispositions du Code de déontologie gouvernant les relations entre un avocat et son client, et plus particulièrement celles ayant trait à la fixation et au paiement de ses honoraires professionnels, créent une présomption simple qui, si elle n'est pas repoussée par une preuve contraire, est suffisante pour établir la justesse de l'effort déployé par l'avocat au soutien de la défense des intérêts de son client.
Je dis « si elle n'est pas contredite » parce qu'il était possible pour l'intimée, au-delà de simplement prétendre qu'il y avait dans le présent cas exagération, d'indiquer à quel endroit la preuve de l'appelant était lacunaire et de préciser, selon elle, ce qu'aurait pu être dans les circonstances de ce dossier un effort qualifié de raisonnable. Ses avocats, sans trahir les règles du secret professionnel, pouvaient appuyer, à partir de leur propre expérience dans le dossier d'appel, la prétention voulant que l'effort revendiqué par les avocats de l'appelant était disproportionné.
En l'absence d'une preuve contradictoire tendant à démontrer le caractère exagéré du nombre d'heures consacrées par un avocat à une affaire donnée et à moins que la liste des heures chargées révèle à sa face même des anomalies appuyant son caractère déraisonnable, je suis d'avis, outre ces circonstances, que l'on peut difficilement remettre en question l'affirmation d'un avocat quant à la pertinence des heures qu'il a consacrées à une affaire donnée considérant les règles déontologiques qui gouvernent sa conduite en cette matière .
[22] À ces considérations soulignées par la Cour d’appel s’ajoutent certaines particularités relatives à la nature de la prestation de service de l’avocat.
[23] L’avocat rend des services qui sont parfois intangibles contrairement à d’autres prestataires de services ou entrepreneurs dont le résultat du travail peut se mesurer objectivement. De plus. la valeur des efforts dépend parfois de facteurs qui lui sont externes, par exemple, la vigueur de la contestation par la partie adverse des prétentions de sont client.
[24] Pour établir le caractère exagéré des honoraires payés à Me Labrosse, madame Whaley et monsieur Nadeau se limitent à affirmer que c’est exagéré et que l’entièreté de ce qui a été payé doit être remboursée. »
[nos soulignés]
[33] Le Tribunal retient de cet extrait de la décision de la Juge Breault que le compte d'honoraires d'un avocat bénéficie d'une présomption simple à l'effet que le temps décrit dans la facture a été travaillé et que ce qui a été fait par l'avocat respecte les obligations déontologiques de ce dernier envers son client.
[34] Le représentant d'Horizon Mondial minimise le travail exécuté par les avocats à l'emploi de Séguin Racine. Le Tribunal rappelle que l'avocat est tenu à une obligation de moyen envers son client. Le Tribunal constate que Me Roch, Me Dinel et Me St-Pierre ont pris les moyens nécessaires pour exécuter le mandat qui leur avait été confié par Horizon Mondial, et ce, jusqu'au 14 décembre 2009.
[35] La facturation révèle que les avocats de Séguin Racine se sont présentés devant le tribunal plus de dix fois.
[36] Il est évident que dans les circonstances particulières du présent dossier, le résultat était difficile à atteindre, et ce, considérant que le locataire, une entreprise de nettoyage à sec, était en possession de biens appartenant à des tiers, ce qui augmentait le niveau de complexité du dossier.
[37] Tel que l'a décidé la Cour d'appel dans l'extrait précité, Séguin Racine bénéficie d'une présomption simple que le temps décrit dans les factures a été travaillé et que le travail est conforme aux obligations déontologiques des avocats de Séguin Racine.
[38] Le Tribunal estime qu'Horizon Mondial, bien qu'insatisfaite du résultat des procédures, n'a apporté aucun élément de nature à renverser cette présomption pour les services rendus avant le 14 décembre 2009.
[39] Il en va tout autrement pour les services rendus postérieurement au 14 décembre 2009. Le Tribunal est d'avis qu'Horizon Mondial a renversé cette présomption pour la période débutant avec la dernière intervention du 14 décembre 2009 qui est inscrite dans la facture numéro 4980 datée du 19 février 2010. Le Tribunal est d'avis que les services rendus à compter de cette date n'ont pas fait l'objet d'une autorisation du représentant d'Horizon Mondial et n'aurait pas dû être facturés à cette dernière. Le Tribunal retranche la somme de 578,55 $ de la réclamation. Cette somme correspond au montant de la dernière facture datée du 20 décembre 2011 portant le numéro 7462.
[40] Quant à l'argument soulevé par Horizon Mondial à l'effet que la réclamation est prescrite, le Tribunal constate que la facture la plus ancienne datée du 16 octobre 2007 a été entièrement payée à même les avances détenues en fidéicommis, le tout faisant en sorte que l'argument de prescription ne peut réussir dans les circonstances. D'autre part, le recours a été intenté dans les trois années suivant la date de la deuxième facture du 23 avril 2009, le tout faisant en sorte que le recours tel qu'intenté par Séguin Racine n'est pas prescrit.
[41] En conséquence, en tenant compte du paiement partiel reçu par Séguin Racine de 1 660,60 $ et de la réduction accordée par le Tribunal de 578,55 $, la demande de Séguin Racine est accueillie en partie pour la somme de 4 254,85$.
[42] Vu la conclusion à laquelle en vient le Tribunal sur la demande principale, le Tribunal conclut que la demande reconventionnelle doit être rejetée.
[43] Dans un premier temps, Séguin Racine n'était pas tenue à une obligation de résultat envers Horizon Mondial. Le Tribunal estime que Séguin Racine a pris les moyens nécessaires pour réaliser le mandat qui lui a été confié par Horizon Mondial. Le Tribunal convient que le résultat de ces procédures n'est pas à la hauteur des attentes qu'avait Horizon Mondial au point de départ, mais Séguin Racine ne peut être tenue responsable des délais encourus et des difficultés rencontrées au cours du mandat.
[44] D'autre part, le Tribunal ne dispose d'aucune preuve précise de la perte de loyers, perte qui, si elle avait été prouvée, ne pourrait être attribuable à une quelconque faute de Séguin Racine dans l'exécution de son mandat.
[45] En conséquence, le Tribunal estime qu'Horizon Mondial n'a pas établi son droit à la somme de 7 000 $ qu'elle réclame. Sa demande est rejetée.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
ACCUEILLE la demande en partie.
CONDAMNE
Les Entreprises Horizon Mondial inc. à payer à Séguin Racine, Avocats la somme
de 4 254,85$ avec les intérêts au taux légal ainsi que l'indemnité
additionnelle prévue à l'article
REJETTE la demande reconventionnelle, chaque partie payant ses frais.
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__________________________________ BENOIT SABOURIN, j.c.q. |
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Date d’audience : |
30 avril 2014 |
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