Meunier c. Voyages CAA-Québec

2014 QCCQ 7183

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

BEDFORD

LOCALITÉ DE

COWANSVILLE

« Chambre civile »

N° :

455-32-004130-133

 

 

 

DATE :

25 mars 2014

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

FRANÇOIS MARCHAND

 

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PAUL MEUNIER

Demandeur

 

c.

VOYAGES CAA-QUÉBEC

Défenderesse

 

-et-

VOYAGES CASSIS

Appelée

 

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JUGEMENT

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[1]            Le demandeur réclame $7,000.00 à titre de dommages, pour non-respect du parcours prévu dans la description de deux voyages consécutifs achetés par l’entremise de la défenderesse Voyages CAA-Québec.

[2]            En défense, la défenderesse nie toute responsabilité, affirmant avoir respecté ses obligations et avoir agi correctement avec le demandeur.

[3]            Elle appelle en garantie Voyages Cassis, soit le grossiste avec lequel elle a fait affaires.

Les faits

[4]            Le 27 juin 2011, Paul Meunier achète un voyage pour deux personnes pour la Nouvelle-Zélande d’une durée de quinze jours comprenant un guide francophone, pour le période du 31 octobre au 14 novembre 2011 et un forfait additionnel pour deux personnes en Australie, du 14 au 30 novembre 2011, soit 17 jours.

[5]            Les deux forfaits sont décrits plus amplement dans une brochure publiée par l’appelée Voyages Cassis. Ils ne comprennent pas les vols internationaux.

[6]            Le coût total des forfaits, incluant les vols internationaux, quelques ajouts, assurances et le séjour prolongé à Los Angeles s’élève autour de $29,676.00.

[7]            Le demandeur soutient que lors du périple, sont survenues de multiples erreurs d’ordre logistique, organisationnelle et monétaire résultant à des dépenses additionnelles occasionnant des pertes de temps appréciables.

[8]            Le 7 octobre 2011, la conseillère en voyages CAA-Québec, Madame Diane Ayotte, avise le demandeur que le programme sur la Nouvelle-Zélange devant débuter le 31 octobre est devancé au 30 octobre et se terminera plutôt le 12 novembre à Christchurch, tout en mentionnant que le programme n’est aucunement modifié.

[9]            Le demandeur et sa conjointe avaient prévu arriver à Auckland en Nouvelle-Zélande le 30 octobre, ayant planifié une période de repos de 24 heures, avant de débuter le circuit.

[10]         Déçu, le demandeur lui exprime sa frustration, lui signifiant qu’il n’apprécie pas ce décalage. De plus, il devra demeurer 24 heures de plus à Christchurch, ce qu’il ne prise guère, puisque la ville fut dévastée par des tremblements de terre.

[11]         Ayant investi dans l’achat de billets d’avion, via le programme Aéroplan et étant à trois semaines du départ, il se résigne.

[12]         Cinq jours avant le départ, il reçoit l’itinéraire du circuit ainsi que le déroulement des activités prévues en Nouvelle-Zélande, pour la période du 30 octobre au 14 novembre. L’itinéraire et les activités indiquées diffèrent de celles décrites dans la brochure de Voyages Cassis.  Ces modifications causent des désagréments au demandeur et à sa conjointe. En plus, ils doivent engager des dépenses additionnelles non prévues et assumer des frais supplémentaires.

[13]         Il souligne plusieurs activités qui n’ont pas été respectées, conformément aux forfaits achetés en juin 2011. Les services suivants n’ont pas été rendus :

Jour 1 :    -  Repas au restaurant panoramique de Sky Tower;

Jour 2 :    - Promenade de bateau le long de la plage de Cathedral Cove à Whitianga

Jour 3 :    -   Visite à Hahei et Hot Water Beach plus mine de Waihi et ville de Rotorua

Jour 4 :    -   Visite de la Ville de Napier avec visite d’un vignoble plus site géothermal des eaux sacrées de Wai-O-Tapu, chutes de Huka et Lac Taupo

Jour 5 :    -   Cap Kidnappers

Jour 7 :    -   Visite d’une colonie d’otaries au Cap Foulwind

Jour 8 :    -   Visite brasserie Monteith’s

Jour 9 :    -   Dîner au restaurant d’altitude de Queenstown

Jour 12 :  -   Croisière d’une heure sur le Monarch autour de la péninsule d’Otago et réserve privée de Penguin Place

Jours 13 & 14 :  -   Couchers dans un motel aux lieu et place d’un hôtel

[14]         De plus, parmi les vols intérieurs, il y en a un où le demandeur et sa conjointe n’étaient pas enregistrés et il a dû procéder à des négociations, lui créant un stress additionnel.

[15]         Il a payé les repas des 31 octobre, 3, 4 et 8 novembre, alors qu’ils étaient inclus au forfait.

[16]         Il a aussi assumé des suppléments de frais imposés par Air Canada, suite aux modifications des dates de vol de retour. Un montant de $205.06 leur a été exigé.

[17]         Il y a eu erreur quant à la journée de retour sur Los Angeles. Le jour de retour étant le 30 novembre et non le 1 er décembre, de sorte qu’il a dû débourser pour une chambre additionnelle pour cette nuitée supplémentaire.

[18]         Au cours de ce voyage, il consacre beaucoup de temps à rectifier l’organisation et la logistique de leur parcours et à régler des problèmes.

[19]         Il évalue avoir perdu une très bonne partie du forfait promis par Voyages CAA-Québec.

[20]         Le demandeur évalue que pour un voyage de 32 jours au prix de $30,000.00, la perte quotidienne se chiffre à $940.00. Il estime que le voyage a été perturbé sur une période de huit jours et leur réclamation se chiffre à $7,520.00.

[21]         Concernant le séjour en Australie, le voyage s’est sensiblement bien passé. Toutefois, le couple a subi des désagréments, inconvénients et préjudices, tels que :

                 i.         En aucun temps, les assignations de siège n’ont été respectées;

                ii.         Concernant le vol Christchurch vers Sidney, ils ont été informés d’acheter leur repas avant l’embarquement. Or, sur le vol, un excellent repas chaud était servi;

               iii.         Pour la visite du 15 novembre au Parc National Montagnes Bleues, tout devait être inclus, alors qu’ils ont dû débourser $40.00 pour le Skyrail et ont dû payé $20.00 pour le trajet de retour en bateau;

              iv.         Le 16 novembre, un tour est prévu avec All About Australia Tours. Le demandeur et sa conjointe ne sont pas inscrits. Il communique donc avec son contact en Australie, pour enfin se joindre à l’excursion. Ils perdent une partie de leur journée à régler ce problème;

               v.         Le 18 novembre, ils ont des problèmes avec les billets d’avion, ces derniers n’étaient pas payés. Ils ne sont pas inscrits à l’hôtel Aurora Alice Springs. Le gite est rudimentaire. Il s’agit d’un campement typiquement militaire et ils doivent participer à la préparation des repas;

              vi.         Le 25 novembre, à Great Ocean Road, avec guide francophone. L’autocar contient trois groupes, soit anglais, italien et français. Les traducteurs s’expriment à leur guise. Les audiophones s’entremêlent à ne plus rien comprendre. Après mille excuses et une heure et trente minutes de tergiversations, on annule la traduction;

             vii.         Le 28 novembre, l’excursion dans le parc national de Wooroonooran a été annulée ainsi que la randonnée dans la Vallée de Goldsborough.

Les communications entre le demandeur et Diane Ayotte de CAA-Québec

lors du parcours

1 er novembre 2011 :       Courriel concernant les sièges d’avion

4 novembre 2011 :       Autre courriel concernant les sièges

18 novembre 2011 :       Courriel concernant les problèmes rencontrés avec le transporteur Qantas

[22]         En défense, la défenderesse admet que certains services n’ont pas été rendus et que le demandeur a dû assumer des frais additionnels. De plus, certaines activités prévues ont été remplacées par d’autres, de sorte que le demandeur a pu bénéficier de visites intéressantes.

[23]         Dans ce contexte, elle évalue que le coût des dommages s’élève à $725.06. Un chèque de ce montant est émis le 24 janvier 2013 mais est refusé par le demandeur.

[24]         Le demandeur soutient que la défenderesse a une obligation de résultat et qu’il n’a pas reçu ce qu’il a acheté. En conséquence, il évalue ses dommages à une somme supérieure à $7,000.00. Toutefois, afin de se prévaloir des dispositions de la loi concernant le recouvrement des petites créances, il diminue sa réclamation à $7,000.00.

Analyse et décision

[25]         L’organisateur de voyages, en tant qu’entrepreneur et prestataire de services, est tenu à une obligation de résultats. Il est donc présumé responsable, en cas de manquement à ses obligations, sauf s’il prouve force majeure. [1]

[26]         Le contrat intervenu entre le demandeur et la défenderesse est assujetti à la Loi sur la protection du consommateur , et particulièrement les articles 40, 41 et 42, lesquels stipulent :

40.  Un bien ou un service fourni doit être conforme à la description qui en est faite dans le contrat.

 

41.  Un bien ou un service fourni doit être conforme à une déclaration ou à un message publicitaire faits à son sujet par le commerçant ou le fabricant. Une déclaration ou un message publicitaire lie ce commerçant ou ce fabricant.

 

42.  Une déclaration écrite ou verbale faite par le représentant d'un commerçant ou d'un fabricant à propos d'un bien ou d'un service lie ce commerçant ou ce fabricant.

[27]         L’article 228 de cette même loi énonce :

228.  Aucun commerçant, fabricant ou publicitaire ne peut, dans une représentation qu'il fait à un consommateur, passer sous silence un fait important.

[28]         L’article 2100 du Code civil du Québec prévoit:

2100.  L'entrepreneur et le prestataire de services sont tenus d'agir au mieux des intérêts de leur client, avec prudence et diligence. Ils sont aussi tenus, suivant la nature de l'ouvrage à réaliser ou du service à fournir, d'agir conformément aux usages et règles de leur art, et de s'assurer, le cas échéant, que l'ouvrage réalisé ou le service fourni est conforme au contrat.

Lorsqu'ils sont tenus du résultat, ils ne peuvent se dégager de leur responsabilité qu'en prouvant la force majeure.

[29]         Le contrat de services qui lie un client et une agence de voyage comporte cinq obligations principales, à savoir, un devoir : [2]

a)     d’information

b)     de choisir des prestataires compétents (grossiste, voyagiste, hôtelier)

c)     de procurer au client un voyage conforme aux prestations promises

d)     de procurer un séjour sécuritaire

e)     de fournir une assistance raisonnable en cas de besoin.

[30]         La preuve non contredite démontre que le demandeur et sa conjointe n’ont pas reçu la totalité des services qu’ils ont achetés. En plus, ils n’ont pas eu l’entièreté des excursions ou visites qui étaient proposés lors de l’achat des deux forfaits Nouvelle-Zélande et Australie.

[31]         La Cour n’a reçu aucune explication des motifs justifiant les modifications du parcours prévu dans la publicité. Le Tribunal n’a pas reçu la preuve d’une force majeure. Dans un tel cas, la responsabilité de la défenderesse est engagée.

[32]         Le Tribunal doit maintenant se prononcer sur la façon de sanctionner le défaut par la défenderesse de respecter les obligations contractuelles convenues.

[33]         Il ne fait aucun doute que le voyage livré au couple Meunier n’a pas été à la hauteur de celui proposé et vendu. En pareille circonstance, l’article 1607 du Code civil du Québec ci-bas reproduit, doit recevoir application.

1607.  Le créancier a droit à des dommages-intérêts en réparation du préjudice, qu'il soit corporel, moral ou matériel, que lui cause le défaut du débiteur et qui en est une suite immédiate et directe.

[34]         De plus, l’article 272 de la Loi sur la protection du consommateur doit également être appliqué.

272.  Si le commerçant ou le fabricant manque à une obligation que lui impose la présente loi, un règlement ou un engagement volontaire souscrit en vertu de l'article 314 ou dont l'application a été étendue par un décret pris en vertu de l'article 315.1, le consommateur, sous réserve des autres recours prévus par la présente loi, peut demander, selon le cas:

  a)  l'exécution de l'obligation;

  b)  l'autorisation de la faire exécuter aux frais du commerçant ou du fabricant;

  c)  la réduction de son obligation;

  d)  la résiliation du contrat;

  e)  la résolution du contrat; ou

  f)  la nullité du contrat,

sans préjudice de sa demande en dommages-intérêts dans tous les cas. Il peut également demander des dommages-intérêts punitifs.

[35]         De l’aveu même du demandeur, le séjour et le circuit prévu pour l’Australie a été, en très grande partie respecté. Il n’y a eu que quelques légers désagréments.

[36]         C’est plutôt celui réalisé en Nouvelle-Zélande qui a été l’objet de retraits de visites, d’excursions et d’activités.

[37]         À la lumière de la preuve dont il est saisi, le Tribunal n’a aucune hésitation à conclure que le demandeur et sa conjointe n’ont pas totalement profité de leur séjour à cet endroit.

[38]         La réclamation du demandeur se lit comme suit :

Multiples erreurs d’ordre logistique, organisationnel, monétaire, fausses représentations qui ont entraîné des dépenses additionnelles indues, pertes de temps à rectifier, instabilité et autres.

Il réclame $7,000.00 pour avoir été berné et dupé, n’ayant pas reçu la totalité des activités, excursions et visites prévues.

[39]         De plus, il a dû débourser des sommes d’argent additionnelles pour couvrir des dépenses qui étaient inclues dans le forfait.

[40]         En considération de ce que ci-dessus énoncé et, usant de sa discrétion judiciaire, le Tribunal attribue $6,000.00 au demandeur, en compensation du préjudice subi et pour non-respect d’une partie de l’entente intervenue, incluant les coûts et frais additionnels qu’il a encourus.

[41]         Considérant que le demandeur a fait affaires avec la défenderesse, sa responsabilité est engagée.

[42]         L’appel en garantie contre Voyages Cassis sera accueilli, puisque c’est cette dernière qui devait livrer le contenu du contrat. Elle n’a pas réussi à se soustraire à sa responsabilité.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

ACCUEILLE EN PARTIE LA DEMANDE;

CONDAMNE la défenderesse CAA-QUÉBEC à payer au demandeur la somme de $6,000.00 avec intérêts au taux légal, en plus de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec , à compter de l’assignation et les dépens ;

ACCUEILLE L’APPEL EN GARANTIE;

CONDAMNE l’appelée VOYAGES CASSIS à rembourser à Voyages CAA-Québec le montant en capital, intérêts et frais qu’elle doit payer au demandeur et les dépens .

 

 

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François Marchand, J.C.Q.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Date d’audience :

11 mars 2014

 



[1] Leblanc c. Voyages Guertin (1975) Ltée , AZ-50280789; Saraïlis c. Voyages Héritage J. & A. Inc. , JE 2009-101 , C.A.

[2] Saraïlis c. Voyages Héritage J. & A. Inc. , précité note 1; Faucher c. Voyages Terre & Monde Inc. , B.E. BE2006-879, C.Q.