Section des affaires sociales

En matière de services de santé et de services sociaux, d'éducation et de sécurité routière

 

 

Date : 12 août 2014

Référence neutre : 2014 QCTAQ 06853

Dossier  : SAS-M-215304-1308

Devant les juges administratifs :

DANIEL ROBERGE

ÉRIC MÉNARD

 

S... J...

Partie requérante

c.

SOCIÉTÉ DE L'ASSURANCE AUTOMOBILE DU QUÉBEC

Partie intimée

 

 


DÉCISION




[1]               Le recours vise une décision rendue le 19 juin 2013 par l’intimée, la Société de l’assurance automobile du Québec (la Société), le tout dans le cadre de l’application du Code de la sécurité routière [1] .  

le litige

[2]               La Société suspend les classes de permis de conduire 1, 2, 3, 4A, 4B, 4C et 6D à compter du 8 juillet 2013 en raison d’une perte fonctionnelle au membre inférieur gauche.

[3]               Les classes 5 et 8 sont maintenues avec les conditions suivantes : porter des lunettes ou lentilles cornéennes et conduire un véhicule muni d’une transmission automatique.

les faits (revue du dossier et témoignage)

[4]               De la preuve, le Tribunal relève les éléments pertinents suivants.

[5]               Les problèmes fonctionnels au membre inférieur gauche résultent d’un accident de la route :

·            1995-05-02 : Accident d’automobile, fractures du bassin et de la hanche gauche;

·            2010-03-25 : Pose d’une prothèse totale de la hanche gauche;

·            2010-10-04 : Réduction fermée d’une luxation de la hanche gauche;

·            2011-03-09 : D r Louis Morazain, orthopédiste expert, émet l’avis que le requérant n’est pas apte à reprendre son travail de camionneur;

·            2012-11-15 : D r Marc Lajoie, médecin traitant, est d’avis qu’à cette date le requérant est inapte à conduire un véhicule automobile. Une réévaluation devrait être faite en janvier 2013.

[6]               Le 19 juin 2013, la Société rend la décision à l’origine du présent litige (paragraphes # 2 et # 3 ci-dessus).

[7]               Le 23 août 2013, le requérant introduit le recours au Tribunal :

« […] J’ai fourni un rapport de mon médecin de famille, mon neurologue et de l’optométriste et leur décision a été rendue, en aucun cas mes rapports mentionnaient que j’avais une faiblesse au membre inférieur. Je me suis fais poser une hanche artificielle en 2010 et j’ai les mêmes restrictions que j’avais avant.

Vous savez que mes classes ne servent pas seulement à conduire un camion, la plupart des classes qui m’ont été enlevées concernent les véhicules automatiques. La raison de la faiblesse au membre inférieur me laisse croire qu’elle ait erronée. […] »

(Transcription conforme)

[8]               Le 1 er avril 2014, D r Martin Lavigne, orthopédiste traitant, note :

« […] Il est tout à fait apte à conduire des véhicules aussi bien automatiques que manuelles même sur de longues distances.

Il est tout à fait capable de conduire des camions, et d’autres véhicules, et n’a aucune restriction médicale.

Monsieur (nom du requérant) est porteur d’une prothèse à grosse tête qui est stable.

Je suggère une réévaluation pour lui permettre de retrouver ses classes de permis. […] »

(Transcription conforme)

[9]               Le 13 mai 2014, D r Mario Rousseau, médecin évaluateur à la Société, fait un résumé de la situation. Il nous apprend que le 14 avril 2014, considérant la note de D r  Lavigne, la Société a demandé au requérant de passer un examen sur la route avec un véhicule de classe 1 (camion lourd articulé). Si l’examen est réussi, la suspension des classes 1 à 4C sera levée. Le requérant ne s’est pas présenté à ce test routier, d’où le maintien de la suspension des classes 1 à 4C.

[10]            À l’audience, le requérant dit qu’il ne s’est pas présenté à un tel examen en raison des coûts importants qui y sont associés.

 

motifs

[11]            Les dispositions législatives pertinentes se retrouvent à l’article 190 du Code de la sécurité routière [2]  et aux articles 33 et 40 du Règlement sur les conditions d’accès à la conduite d’un véhicule routier relatives à la santé des conducteurs [3]  :  

190 .  La Société peut suspendre un permis d'apprenti-conducteur et un permis probatoire ou un permis de conduire ou une classe de ceux-ci lorsque le titulaire de l'un ou plusieurs de ces permis:

[ …]

selon un rapport d'examen ou d'évaluation visé aux articles 64, 73, 76.1.2, 76.1.4 ou 76.1.4.1 ou un rapport visé à l'article 603, est atteint d'une maladie, d'une déficience ou se trouve dans une situation qui, suivant les normes concernant la santé établies par règlement, sont relativement incompatibles avec la conduite d'un véhicule routier correspondant à l'un des permis ou à l'une des classes de permis qu'il possède;

-----------------

33.   La perte anatomique ou fonctionnelle d'un membre ou d'une articulation d'un membre ou l'immobilisation d'un membre est essentiellement incompatible avec la conduite d'un véhicule routier à moins que la personne démontre, à la satisfaction de la Société de l'assurance automobile du Québec, qu'elle peut conduire de façon sécuritaire un véhicule routier correspondant à la classe de permis en cause ou à la classe qu'elle désire obtenir.

40.   Une maladie ou une déficience du système musculo-squelettique autre que celles visées à l'article 33 est relativement incompatible avec la conduite d'un véhicule routier.


analyse et décision

[12]            Le Tribunal doit décider du bien-fondé de la décision de la Société au moment où elle a été rendue le 19 juin 2013.

[13]            L’information médicale disponible à ce moment révélait une condition fonctionnelle à la hanche gauche incompatible avec la conduite d’un camion selon D r Morazain et même d’une automobile selon D r Lajoie. La Société était donc tout à fait justifiée de suspendre certaines classes de permis.

[14]            La note de D r Lavigne arrive un an plus tard en 2014. Il estime que le requérant peut conduire tout type de véhicule. Il suggère toutefois une réévaluation. De l’avis du Tribunal, cette opinion ne permet pas de préciser la condition réelle du requérant au moment de la décision en juin 2013. Par ailleurs, le fait qu’une réévaluation soit suggérée vient justifier la demande de la Société pour la réussite du test routier comme condition préalable à la récupération des classes de permis suspendues.

conclusion

[1]               Il y a lieu de rappeler que les dispositions du Code de la sécurité routière et du Règlement sur les conditions d’accès à la conduite d’un véhicule routier relatives à la santé des conducteurs ont pour but ultime d’assurer la protection du public incluant le requérant lui-même. Elles sont d’ordre public et impératives et ne peuvent être contournées ni par la Société, ni par le Tribunal.

[2]               Compte tenu de l’information médicale disponible, le Tribunal est d’avis que la décision de la Société rendue le 19 juin 2013 est bien fondée.

[3]               Au moment qu’il jugera opportun, le requérant pourra se soumettre à l’examen sur route exigé par la Société et ainsi démontrer, le cas échéant, sa capacité à conduire de façon sécuritaire tout type de véhicule.


POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

·           REJETTE le recours.


 

DANIEL ROBERGE, j.a.t.a.q.

 

 

ÉRIC MÉNARD, j.a.t.a.q.


 

Raiche Pineault Touchette

Me Elena Iliescu

Procureure de la partie intimée


 



[1]    RLRQ, chapitre 24.2.

[2]    RLRQ, chapitre 24.2.

[3]    RLRQ, chapitre 24.2, r. 8.