Autobus Venise ltée et Teamsters Québec, section locale 106 (Benoit Giguère) |
2014 QCTA 707 |
QUÉBEC
PROVINCE DE QUÉBEC SENTENCE ARBITRALE
Dossier : Grief 16790 16 juillet 2014
No. de dépôt : 2014-7336
AUTOBUS VENISE LTÉE
Ci-après appelée
« L’Employeur »
Et
TEAMSTERS QUÉBEC S.L 106
Ci-après appelé le
« Syndicat »
GRIEF : Benoit Giguère - 16790
Comparutions :
Représentant patronal Monsieur Guy Marier
Procureure syndicale Maître Marie-Ève Crevier
Tribunal : Bernard Bastien, arbitre
Je suis saisi d’un grief de Benoit Giguère, chauffeur d’autobus, pour Autobus Venise. Ce grief (S-1) est ainsi rédigé :
«Je conteste la décision de l’employeur d’avoir procédé à ma mise à pied administrative depuis le 3 mai 2013. (Sans cause juste et suffisante). Je conteste également la décision de l’employeur suite à la dite mise à pied de ne pas respecter l’article 14, ou tout autre article si rattachant.
Je réclame l’annulation de la mise à pied et le retour au travail tel que choisi lors du dernier affichage de poste en tout respect de mon ancienneté, je réclame le remboursement de toute perte de salaire subit avec le maintient de tous mes droits et privilèges prévu à ma convention collective.»
Selon les explications fournies par les procureurs au début de l’audience, il s’agit d’une demande de la Commission Scolaire de-la-Vallée-des-Tisserands de retirer ce chauffeur de tous les circuits pour lesquels il travaille pour la commission Scolaire.
Le grief est antérieur au 30 mai 2013. Il date de 2011. L’employeur a eu alors la possibilité de placer sur un autre circuit le salarié Benoit Giguère pour remplacer un employé malade, de sorte qu’il ne subissait pas de préjudice par la décision de l’employeur d’exécuter ce que la Commission Scolaire lui avait demandée. Il fut suspendu pour cinq (5) jours seulement.
Il fut convenu de reporter le grief de 2011 à 2013 alors qu’à ce moment là, il fut mis à pied pour respecter la demande la Commission Scolaire.
Madame Carole Guay témoigne qu’elle était de 2000 à 2004, adjointe à l’administration. Elle affirme que Monsieur Giguère avait travaillé à Autobus Venise pendant plus de vingt ans. Quand elle a reçu la demande de la Commission Scolaire elle a tenté de régler le problème. Tout ceci est exprimé dans une lettre de la Commission Scolaire du 21 avril 2011 qui exigeait le retrait de Monsieur Giguère des circuits de la Commission Scolaire-de-la-Vallée-des-Tisserands. Madame Guay répond ceci (P-2) :
«Objet : Monsieur Benoit Giguère, conducteur d’autobus, circuit 004.
Madame,
Pour faire suite à votre lettre du 21 avril dernier concernant le retrait de Monsieur Giguère des circuits de la Commission Scolaire de la Vallée des Tisserands, nous vous demandons de bien vouloir réévaluer votre position dans ce dossier.
Effectivement, nous sommes conscients que le comportement de Monsieur Giguère ne reflète pas l’image de notre compagnie et l’image d’un bon conducteur d’autobus Scolaire. D’autant plus que cela affecte directement notre dossier de Propriétaire exploitant et conducteurs de véhicule lourd (PECVL) auprès de la Commission des transports du Québec (CTQ). La sécurité des élèves étant une priorité pour nous, c’est pour cette raison que nous l’avons suspendu pour une période de 5 jours lors des derniers événements
Vous comprendrez, Madame Gignac, qu’étant donné que nous sommes une compagnie syndiquée, nous avons des étapes à respecter. De plus, à cette période de l’année Scolaire, les conducteurs ne veulent pas changer de circuit, ce qui est tout à fait normal. Alors, le moment propice pour un tel retrait et changement serait lors de l’affichage et la distribution du travail à la fin du mois d’octobre.
Soyez assurée, Madame, de notre vigilance afin d’éviter qu’il tel comportement se reproduise. Nous l’aurons à l’œil et aucune erreur ne sera acceptée.»
Elle avait contacté la Commission Scolaire pour faire une entente avec eux. Il fut convenu qu’il pouvait appliquer sur d’autres postes, sur d’autres circuits de l’employeur, pour d’autres Commissions Scolaires où il pouvait travailler. L’employeur desservait deux autres Commissions Scolaires que celle de-la-Vallée-des-Tisserands.
Ainsi, Benoit Giguère a travaillé sur des circuits desservant la CS New Frontiers à partir du 1 er novembre 2011. Comme l’indique la pièce (P-3).
Un autre témoin est entendu, Monsieur Daniel Brault qui depuis juillet 2011 est directeur d’Autobus Venise. Il était là lors du choix du parcours d’autobus de Monsieur Giguère pour 2011 (P-3). Il s’agissait d’un parcours permanent. La partie du parcours qui pouvait concerner la Commission Scolaire de-la-Vallée-des-Tisserands a été enlevée.
Il explique qu’en octobre 2012, selon la convention collective, on l’a avisé qu’il ne pouvait pas appliquer sur un poste à la Vallée des Tisserands. Il a pris le parcours 343 pour remplacer Monsieur Trudeau alors malade à la CS New Frontiers. Ce poste lui fut acquis jusqu’en avril 2013.
Monsieur Trudeau est revenu par la suite à son poste et on lui a offert deux autres parcours à la Commission Scolaire des Trois-Lacs.
Dans une lettre du 30 avril 2013, Monsieur Daniel Brault lui écrit ceci : (P-5)
«Monsieur,
Suite à la décision de la Commission Scolaire de-la-Vallée-des-Tisserands de ne plus permettre votre présence dans les véhicules qui sont à contrat avec eux. Nous vous offrons la possibilité de choisir entre les circuits de Trois-Lacs numéro 501 ou 513. Ceux-ci sont les seuls disponibles selon votre ancienneté. À défaut de choisir un ou l’autre des circuits proposés, nous n’aurons d’autre choix que de procéder à votre mise à pied.
Recevez Monsieur Giguère, mes meilleures salutations.»
Monsieur Giguère a refusé ces deux autres parcours parce qu’il avait un deuxième emploi qui ne concordait pas (P-6).
Monsieur Brault dit ‘j’ai alors procédé à la mise à pied de Monsieur Giguère’ (P-7). Ce document mentionne qu’il s’agit d’une mise à pied administrative dont la dernière période de paie est datée du 4 mai 2013.
En octobre 2013, Benoit Giguère obtient un poste vacant temporaire puisque Monsieur Trudeau est encore en maladie.
En mars 2014 il y a eu un affichage suite au départ de Monsieur Trudeau. Benoit Giguère obtient le poste le 14 mars 2014, (P-9) et il a terminé la saison sur ce poste.
«Re : POSTE VACANT PERMANENT
Le POSTE VACANT PERMANENT est affiché à l’intention des salariés réguliers durant une période de trois(3) jours ouvrables conformément à l’article 26.3 a) de la convention collective. Le nouveau guide ou le guide vacant affiché est attribué à l’intérieur de deux(2) jours après le délai d’affichage prévu à l’article 26.3 a, au salarié qualifié qui l’a signé et ayant le plus d’ancienneté. (article 26.3 c)
Voici une brève description du poste offert :
CIRCUIT # 343
ÉCOLE GAULT AM PM »
Il faut expliquer que les postes sont affichés dans la dernière semaine d’octobre de chaque année afin de savoir si les circuits de chacun sont changés et qui peut les conserver.
Tous les employés se rendent sur place selon leur ordre d’ancienneté. Il est donc possible que le poste de l’année précédente puisse être repris l’année suivante ou que le circuit ne puisse être disponible.
Rappelons que l’employeur fait affaire avec 3 Commissions Scolaires : New Frontiers, Les Trois-Lacs et la Vallée des Tisserands.
Décision et motifs
Le représentant patronal plaide uniquement qu’il n’a rien à payer sur le grief produit (S-1) puisque Monsieur Giguère a refusé les postes qui lui ont été offerts. Les deux (2) postes étaient disponibles. L’employeur ne lui doit rien. Il demande le rejet du grief. Le représentant patronal a raison de refuser de payer Benoit Giguère vu le refus de ces deux (2) postes. Quant au reste on verra.
De son côte la procureure syndicale soumet un (1) problème juridique.
Cela a trait au droit de la Commission Scolaire d’imposer ou non à l’employeur le retrait de Monsieur Giguère des circuits qu’il occupait.
L’employeur a déposé (P-1) le texte du contrat qui le lie avec la Commission Scolaire. Je cite ici les dispositions pertinentes :
« SECTION VIII - ENQUÊTE, PLAINTE ET ACCUSATION
21.1 La COMMISSION SCOLAIRE peut exiger de L’ENTREPRISE DE TRANSPORT d’exclure un conducteur de tout contact avec les élèves transportés si une enquête interne effectuée après consultation de L’ENTREPRISE DE TRANSPORT démontre qu’il a commis une faute grave portant atteinte à l’intégrité ou la sécurité d’un élève . À cette fin, la COMMISSION SCOLAIRE transmet un écrit à l’entreprise de transport faisant état des résultats de son enquête interne. Si aucune plainte de nature pénale ou criminelle n’est déposée à l’endroit du conducteur, la COMMISSION SCOLAIRE et L’ENTREPRISE DE TRANSPORT pourront convenir d’affecter le conducteur sur un autre parcours. S’il y a récidive, LA COMMISSION SCOLAIRE pourra obliger L’ENTREPRISE DE TRANSPORT d’exclure un conducteur de tout contact avec les élèves transportés.
(Nous soulignons)
21.2 Si une plainte impliquant un conducteur soupçonné d’avoir commis une infraction en lien avec son emploi est déposée auprès d’un corps de police, la COMMISSION SCOLAIRE peut, après consultation de L’ENTREPRISE DE TRANSPORT, exiger le retrait de ce conducteur de tout contact avec les élèves transportés pendant la durée de l’enquête policière.
21.2.1 Si une accusation de nature pénale ou criminelle est déposée à l’endroit d’un conducteur, la COMMISSION SCOLAIRE ou L’ENTREPRISE DE TRANSPORT, selon l’option choisie, devra vérifier le lien entre cette accusation encore pendante constituant un antécédent judiciaire au sens de la Loi sur l’instruction publique et sa fonction en appliquant la grille d’analyse conformément à l’article 21.8 de la Section IX du présent contrat.»
Plusieurs décisions m’ont été citées soutenant la prétention syndicale à l’effet que la cause de la Commission Scolaire n’est ni valable ni sérieuse. En particulier, je veux citer la décision de la Commission des Relations du Travail du 25 août 2009 dans Hermann Cebert contre C. Groupe d’imprimerie Saint-Joseph inc. 1 aux paragraphes 47 et 48 :
(47)
«En ce qui concerne l’expression de la volonté du client, assurer la sécurité sur les lieux du travail, celle-ci est rapportée par les témoins du Groupe comme preuve qu’il s’agit de la cause réelle de la fin d’emploi. La Commission estime que l’employeur ne peut se réfugier derrière la relation tripartite pour échapper à son obligation d’assurer un milieu de travail exempt de harcèlement qui est une norme d’ordre publique. On ne pourrait accepter qu’un client refuse les services d’un employé du Groupe en raison de sa race, de son genre ou d’un autre motif prohibé par la Charte. En d’autres termes la volonté du client est peut-être réelle, mais elle ne peut à elle seule de permettre à l’employeur de repousser la présomption. Il doit démontrer que cette cause est valable et sérieuse ».
(48)
1 Hermann
Cebert c. Groupe Saint-Joseph inc., Alain Turcotte, juge administratif, le
25 août 2009, REF :
«On peut s’inspirer, par analogie, de la jurisprudence arbitrale sur
la sujet. Celle-ci a reconnue la compétence d’un tribunal d’arbitrage
d’examiner les motifs invoqués par un client lors de congédiements ou de
remplacements de salariés travaillant chez celui-ci. C’est ainsi qu’un arbitre
a décidé qu’il avait compétence pour examiner le cas d’un chauffeur d’autobus
scolaire que la commission scolaire ne désirait plus voir. La convention
collective stipulait que : «
il est convenu que la clientèle de
l’employeur se réserve le droit de
demander qu’un
chauffeur soit remplacé
pour des motifs valables
que celle-ci pourra
énoncer par écrit (…) »
Selon l’arbitre, c’est une étude sur le fond qui
permettra de déterminer si les motifs sont valables. (Syndicat des
travailleuses et travailleurs des Autobus Auger Métropolitain-CSN c. 4369645
Canada inc., 18 juin 2009,
(Nous soulignons)
Or, je n’ai aucune preuve des motifs de la Commission Scolaire, sauf sa demande. Pas un policier n’a témoigné ni un représentant de la Commission Scolaire à ce sujet. Rien donc sur une cause valable et sérieuse de la part de la Commission Scolaire vis-à-vis l’employeur.
Une autre décision aussi de l’arbitre Mario Létourneau sur le ouï-dire est pertinente. Aux paragraphes 133 à 137 il écrit : 1
(133)
« Le ouï-dire
Plusieurs des allégations de conduite inacceptable, de comportement répréhensible, de propos vulgaires et d’influence négative de la part de M. Giard sont fondés sur des rapports verbaux et des plaintes provenant, selon les témoins de l’Employeur, de tierces personnes.(…).
(134)
« Les employés m’ont dit, le client s’est plaint et tout ce qui se rapproche de ces formules ne prouvera jamais que la réception d’une plainte. Les faits ou incidents à la base de ces plaintes doivent être prouvés par une preuve directe, par le témoignage de la personne qui a vu l’incident, a entendu les propos, a été victime de la conduite inappropriée ou par l’aveu du plaignant.(…)
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(135)
«Accepter le ouï-dire comme preuve d’un évènement nierait, dans la mesure ou ledit évènement constitue la raison d’un reproche, le droit de la personne faisant l’objet de ce reproche de présenter une défense pleine et entière.(…).
(136)
«Le droit de contre-interroger un témoin qui nous accuse ne souffre pas d’exception si ce témoin, victime de notre présumée conduite, est vivant et disponible, quitte à utiliser les recours prévus pour le contraindre à venir témoigner par la partie qui veut s’appuyer sur son témoignage.(…).
(137)
«Ainsi, tout ce qui a été mis en preuve et qui n’est pas à la connaissance personnelle des témoins de l’Employeur dans la présente affaire y compris, l’avis du client dont il est question dans la lettre de congédiement E-1, ne sera pas considéré par le tribunal comme établissant ce qui est reproché à M. Giard.(…)
Une décision de Paul Bélanger Commissaire au travail parle des mesures réparatrices aux pages 13 et suivantes 1 :
«Je conclus donc que le plaignant a posé un acte nettement répréhensible, le 30 octobre 1995, mais il ne méritait pas pour autant la sanction capitale que représente le congédiement…
Le plaignant demande sa réintégration avec tous les droits et avantages dont l’a privé le congédiement sans cause et le paiement des honoraires de son avocat.
L’employeur s’oppose à la fois à la réintégration et au paiement des frais liés à la cause.
Il rappelle les termes du contrat qui le lie à la Commission scolaire relatif au respect des procédures et souligne l’expression manifeste de cette volonté du régisseur du transport d’écarter le plaignant de tout circuit sous sa juridiction.
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Lorsque le plaignant réclame l’application d’un tel remède et que le retour est envisageable, le plaignant doit réintégrer ses fonctions, la tierce partie qui est le client ne peut dicter, suite à des ententes privées, les règles qui doivent régir les relations de travail entre le transporteur et ses salariés. L’intrusion de ce tiers aura pour effet de privilégier des ententes particulières et déposséder ainsi le salarié des droits
que lui accorde la Loi sur les normes du travail qui est d’ordre public.
Il ne faut pas que, dans cette relation tripartite, des salariés perdent des droits suite à l’expression de la volonté ou les caprices d’un client de l’entreprise. C’est le cas dans la situation présente et ça pourrait être aussi une occurrence pour d’autres entreprises de services comme l’entretien ménagé, la sécurité etc.
Tout ceci m’amène à conclure, qu’excepté l’expression de la volonté du client de l’entreprise, il n’existe pas d’obstacles majeurs à la réintégration du plaignant».
Une décision de Jean Barette, arbitre. S’exprime ainsi aux paragraphes 52, 56 et 58 : 1
(52)
«Il m’apparaît clair que les termes «pour des motifs valables» indiquent que la demande de la cliente doit reposer sur des motifs justes et légitimes qui supportent sa demande de remplacement faite à l’employeur . La cliente ne peut arbitrairement demander un remplacement qui affecte les droits du salarié concerné. L’employeur assume la responsabilité de vérifier la légitimité ou la validité des motifs allégués par son client. Il ne peut arbitrairement, sans analyse sérieuse, imposer un remplacement à un salarié, tout simplement parce que sa cliente l’exige. Il devra répondre du caractère juste et raisonnable de ceux-ci(…)
(nos soulignements)
(56)
Dans le même sens, Me André Sylvestre, dans l’affaire Fraternité nationale des charpentiers-menuisiers, section locale 9 et Construction Val-Gil (décision du 17 août 2004, rapportée à 2004T877) déclarait :
1 4369645 Canada
inc., c. Syndicat des travailleuses et travailleurs des Autobus Auger Métropolitain
- CSN, le 18 juin 2009, REF :
(…) Demeure l’objection basée sur le sous-paragraphe 14.01 (1). La
preuve a établi que le renvoi de monsieur Bouchard avait, par exemple, été
congédié après trois jours de travail, donc durant sa période de probation, il
n’aurait pu contester par grief. Cependant, l’article 12 lui accordait des droits.
Il pouvait donc, dans les circonstances, loger un grief basé sur l’article 12
et contestant, à tort ou à raison, une décision abusive et discriminatoire
imposée par un tiers. L’employeur devra faire la preuve justifiant telle
décision en amenant le tiers, en l’instance la S.Q à expliquer le motif de son
refus. À ce propos, le soussigné se rallie aux commentaires de son collègue
Jacques Sylvestre résumés par l’arrêtiste dans l’affaire Honeywell Ltée et
Fraternité inter-provinciale des ouvriers en électricité.
L’attitude du tiers le place dans une position où il devra assumer les conséquences des ses actes. Aucune raison ne justifie que la décision commandée par un tiers ne soit pas soumise aux mêmes règles que celles prises directement par l’employeur en ce qui concerne l’appréciation de la preuve et l’application des règles habituelles en matière disciplinaire. Si l’employeur avait réussi à prouver que le tiers avait raison d’exiger le renvoi du plaignant, le grief serait rejeté».
J’aimerais citer également une décision de Honeywell à la page 27, laquelle est aussi pertinente : 1
«Enfin, avec beaucoup de respect pour toute opinion contraire, nous croyons que le fait d’un tiers n’est pas prévu comme cause d’exonération dans le Décret de la construction et ne peut être considéré automatiquement comme cause juste et suffisante dans le cas de congédiement. L’arbitre n’a pas le pouvoir d’ajouter au décret, et en décidant en ce sens, c’est ce qu’il ferait.
Dans le cas sous étude, l’employeur n’a pas réussi à prouver une cause juste et suffisante pour autoriser le congédiement et l’intervention du tiers n’était pas appuyée sur des motifs suffisants et acceptables pour indirectement justifier la décision retenue par l’employeur».
Enfin le juge administratif André Buissière s’exprime ainsi aux paragraphes 45 46 et 47 de sa décision 2 :
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(45)
«Qu’un employeur invoque des motifs disciplinaires ou administratives au soutien de sa décision de congédier un employé ne le dispense pas d’établir l’existence réelle d’un ou de plusieurs manquements de cet employé à ses obligations contractuelles. Or, dans le cas qui nous occupe, soit dit avec égards pour l’opinion contraire, l’intimée ne s’est tout simplement pas déchargée de ce fardeau (…)
(46)
En somme, si l’intimée a prouvé l’existence de plaintes, en choisissant de ne pas faire entendre les clients concernés, elle s’est placée dans une situation telle qu’il lui était pratiquement impossible d’établir que les plaintes en question étaient fondées, à moins d’un improbable aveu du plaignant qui, comme on pouvait s’y attendre, n’est pas venu. Au surplus, l’intimée n’a même pas daigné demander de détails à certains des clients concernés, pour ensuite confronter le plaignant aux faits et lui demander des explications (…)
(47)
Il apparaît donc manifeste que, du point de vue de l’intimée, l’expérience même de plaintes, qu’elles soient fondées ou non, justifiait le congédiement du plaignant. La boutade du représentant de l’intimé voulant qu’on ne pouvait tout de même pas fixer à l’avance pour objectif au plaignant de ne pas avoir de plaintes de clients l’illustre on ne peut mieux. Or, même dans les cas de relations triparties ou le client ou donneur d’ouvrage conserve un droit de regard sur le personnel de son cocontractant temporairement intégré à son entreprise, on exige de l’employeur qu’il assure du bien-fondé d’une «demande de retrait» émanant du donneur d’ouvrage avant de déplacer, suspendre ou congédier un employé, tel qu’il ressort de l’extrait suivant de la décision rendue par Me Harvey Frunkin, arbitre, dans l’affaire G.K. Cronos Building Maintenance, Ltd. Et Union des employées et employés de service, section locale 800, D.T.E 96T-15.39 (T.A.)
Je n’ai donc aucune preuve me permettant de rejeter le grief de Benoit Giguère. Même la jurisprudence consultée est en faveur du maintien du grief sur une preuve de motifs
valables et sérieux. La simple demande en vertu du contrat (P-1) ne suffit pas. Je dois donc accueillir le grief.
POUR CES MOTIFS :
J’accueille le grief de Benoit Giguère.
Je réserve ma juridiction pour décider du montant dû par l’employeur, le cas échéant, à défaut par les parties de s’entendre sur celui-ci
Shefford, le 16 juillet 2014
_________________________
Bernard Bastien, arbitre
JURISPRUDENCES CONSULTÉES
Hermann Cebert c. Groupe
Saint-Joseph inc., Alain Turcotte, juge administratif, le 25 août 2009,
REF :
Gestion Mécanique Y.T. inc. et Syndicat Canadien des Officiers de marine marchande, s.l. 9538 du Syndicat des Métallos, le 2 décembre 2011, REF : 2012-1321
Autobus Québec Métro inc. c.
Monsieur Daniel Bourgault, le 9 janvier 1997, REF :
4369645 Canada inc., c. Syndicat
des travailleuses et travailleurs des Autobus Auger Métropolitain - CSN, le 18
juin 2009, REF :
Honeywell Ltée, c. Fraternité
inter-municipale des ouvriers en électricité, le 27 janvier 1993, REF :
Philip Moran c. AMX Canada Ltée, le
16 août 2011, REF :