Meloche c. McDermott

2014 QCCQ 8274

   JG2338

 
 COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

BEAUHARNOIS

LOCALITÉ DE SALABERRY-DE-VALLEYFIELD

« Chambre civile »

N° :

760-32-015887-138

 

 

 

DATE :

19 juin 2014

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE

 CÉLINE GERVAIS, J.C.Q

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JEAN SÉBASTIEN MELOCHE

demandeur

 

c.

 

LOUISE McDERMOTT

défenderesse

 

 

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JUGEMENT

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[1]            Il s'agit d'une réclamation de 459,90 $, représentant le coût des frais d'émondage d'un arbre se trouvant sur la propriété de Mme McDermott, et qui surplombe le terrain de M. Meloche.

LES FAITS :

[2]            En juin 2013, M. Meloche emménage dans la résidence qu'il vient de se faire construire sur la rue du Hauban à Salaberry-de-Valleyfield.  À côté de sa résidence se trouve un terrain vacant appartenant à Louise McDermott, sur lequel se trouvent plusieurs arbres, dont l'un est situé immédiatement à côté de la maison de M. Meloche.  La présence de l'arbre entrave d'une certaine façon les travaux de construction, et M. Meloche contacte Mme McDermott pour obtenir sa permission de faire abattre ou émonder l'arbre.  Il est alors sous l'impression que son entrepreneur, qui est présent sur les lieux avec de la machinerie, pourra facilement arracher l'arbre en question.  Madame McDermott n'a, à ce moment-là, aucune objection.  Cependant, l'entrepreneur de M. Meloche refuse d'abattre l'arbre.  Monsieur Meloche obtient une soumission pour connaître les coûts des deux options.  Émonder les branches coûterait 400 $ plus taxes, alors que l'abattage représente 1400 $ plus les taxes.

[3]            Les parties se parlent à quelques reprises relativement aux frais d'émondage, et ne s'entendent pas sur la question de savoir qui doit en assumer les coûts.  Monsieur Meloche prétend qu'il revient à Mme McDermott de les payer, considérant qu'elle en est propriétaire; Mme McDermott considère que c'est à M. Meloche de les payer, puisque c'est lui qui souhaite que l'arbre soit émondé.  Elle allègue que les branches ne nuisent pas sérieusement à propriété de M. Meloche.  Les parties n'ont pas non plus été capables de s'entendre pour un partage en parts égales des frais en question.

[4]            Monsieur Meloche prétend que les branches frottent sur le toit de sa propriété, que cela fait du bruit et qu'il doit parfois ramasser des morceaux de branches sur son terrain.

[5]            À l'audience, Mme McDermott a indiqué qu'elle retirait désormais la permission à M. Meloche de procéder à l'émondage de l'arbre.

ANALYSE ET DÉCISION :

[6]            Les deux parties s'entendent sur le fait que c'est l'article 985 du Code civil du Québec qui s'applique.  Cette disposition prévoit ce qui suit :

985.   Le propriétaire peut, si des branches ou des racines venant du fonds voisin s'avancent sur son fonds et nuisent sérieusement à son usage, demander à son voisin de les couper; en cas de refus, il peut le contraindre à les couper.

 

Il peut aussi, si un arbre du fonds voisin menace de tomber sur son fonds, contraindre son voisin à abattre l'arbre ou à le redresser.

 

[7]            Il s'agit donc de décider si les branches de l'arbre de Mme McDermott "nuisent sérieusement" à l'usage de sa propriété par M. Meloche.

[8]            L'article 985 C.c.Q. a été interprété à de nombreuses reprises par les tribunaux, et un critère est toujours présent, soit celui de la gravité de la situation.

[9]            Le juge Crête, J.C.S., l'exprimait ainsi dans l'affaire Tremblay :

"[22]     La preuve a clairement démontré que les branches, les feuilles et les racines des quatre arbres dont se plaignait M. Tremblay (deux érables à l'arrière, un vinaigrier au centre et un cèdre à l'avant) s'étendaient sur son terrain à lui, bien que les troncs aient tous été situés du côté de Mme Marino.  Cet état de choses n'est cependant pas suffisant à lui seul pour donner à un propriétaire voisin le droit d'exiger la coupe des branches et des racines qui partent d'un lot contigu pour se retrouver chez lui.  Celui qui dit souffrir de l'empiétement aérien et souterrain doit démontrer que les branches et les racines qui s'avancent chez lui nuisent sérieusement à l'usage de son fonds ou sont susceptibles de constituer une menace de chute." [1]

 

[10]         De même, le juge Hurtubise, J.C.S., dans l'affaire Thibodeau , mentionnait que la mesure des inconvénients subis par le demandeur dans cette affaire ne rencontrait pas la gravité requise par le Code civil du Québec pour que son action soit accueillie.  Il ajoutait que cette conclusion ne signifiait pas que certains inconvénients existent, mais qu'il s'agissait néanmoins d'inconvénients normaux qui entrent dans le cadre de ceux que les voisins doivent accepter selon les termes de l'article 976 C.c.Q. [2]

[11]         Il en est de même en la présente instance.  Il n'a pas été démontré que le frottement qui semble parfois survenir entre les branches de l'arbre de Mme McDermott et le toit de la maison de M. Meloche constitue une nuisance sérieuse ou présente le caractère de gravité qui est nécessaire pour forcer un propriétaire à procéder à l'émondage de l'arbre.

[12]         Il est cependant à souhaiter que dans le futur Mme McDermott voie à l'entretien normal de ses arbres pour éviter de futurs litiges, mais pour l'instant, il n'y a pas lieu de condamner celle-ci à payer la valeur des frais d'émondage à M. Meloche.

[13]         Vu la situation entre les parties, l'action est rejetée sans frais.

 

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

REJETTE la demande;

 

LE TOUT sans frais.

 

 

 

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CÉLINE GERVAIS, J.C.Q.

 

 

 



[1]     Tremblay c. Marino , 2003 CanLII 22746 (C.S.).

[2]     Thibodeau c. Leduc , 2006 QCCS 5301 .