Syndicat des employées et empoyés de techniques professionnelles et de bureau d'Hydro-Québec, section locale 2000 SCFP — FTQ et Hydro-Québec (Josée Bélair)

2014 QCTA 739

 

TRIBUNAL D’ARBITRAGE

 

 

 

CANADA

 

PROVINCE DE QUÉBEC

 

 

 

N o de dépôt :

2014-7928

 

 

 

Date :

Le 21 août 2014

 

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DEVANT L’ARBITRE :

  M e DENIS PROVENÇAL

 

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SYNDICAT DES EMPLOYÉ-E-S DE TECHNIQUES PROFESSIONNELLES ET DE BUREAU D’HYDRO-QUÉBEC, SECTION LOCALE 2000 S.C.F.P. - F.T.Q.

 

 

 

-vs-

 

                                                              

 

HYDRO-QUÉBEC

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

GRIEFS

Mme Josée Bélair - suspension & congédiement

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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SENTENCE ARBITRALE

 

(Code du travail du Québec L.R.Q., c. C-27)

 

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LE LITIGE

[1]            Les parties m’ont désigné afin d’entendre et de décider de deux griefs du syndicat, lesquels contestent une suspension sans solde imposée à la plaignante, Mme Josée Bélair, le 15 janvier 2014, et son congédiement, le 25 février suivant, pour les motifs suivants :

« Le 25 février 2014

 Mme Josée Bélair

Objet : Congédiement

Madame,

La présente fait suite à la suspension sans solde indéfinie qui vous a été signifiée le 15 janvier 2014.

L’enquête et l’analyse de votre dossier démontrent clairement que vous avez produit un faux certificat médical afin de justifier des journées où vous étiez absente du travail. De plus, lorsque nous vous avons demandé votre version des faits, vos explications n’étaient pas crédibles et s’avéraient fausses.

Il s’agit de manquements graves à vos obligations de loyauté et d’intégrité prévues au code de conduite d’Hydro-Québec.

Compte tenu de ce qui précède, nous considérons que le lien de confiance nécessaire au maintien de votre lien d’emploi a été rompu et nous vous avisons de votre congédiement rétroactif au 15 janvier 2014.

Tout accès aux bâtiments et équipements de l’entreprise vous est dorénavant strictement interdit.

(S) Robin Lavoie »

[2]            La plaignante admet avoir falsifié le billet médical remis à l’employeur et admet également qu’elle n’a consulté aucun médecin les 23 et 27 décembre 2013. 

LA PREUVE

La preuve de l’employeur

[3]            Mme Josée Bélair , la plaignante, a été embauchée au service à la clientèle de la société d’état au mois de mai 2011 et avait le statut d’employé temporaire.

[4]            Au début de son emploi, Mme Bélair a été affectée à l’établissement de Valleyfield et occupait les fonctions de représentante au recouvrement pour la clientèle à faible revenu auprès de laquelle elle devait prendre des ententes personnalisées. La plaignante a occupé cette fonction à temps complet du mois de mai 2011 jusqu’au mois d’octobre 2012. Mme Bélair a été mise à pied et inscrite sur une liste de rappel.

[5]            Au mois de janvier 2013, Mme Bélair a été affectée au bureau de Montréal et a travaillé à temps complet jusqu’à sa mise à pied survenue le 27 septembre suivant. Mme Bélair a par la suite été rappelée au travail le 2 décembre et a travaillé à temps complet jusqu’à la date de la suspension qui lui a été imposée le 15 janvier 2014.

[6]            Le 2 décembre 2013, Mme Bélair a demandé un congé pour s’absenter le 20 décembre pour consulter son dentiste, mais elle n’a jamais demandé à prendre des journées de vacances dans le temps des Fêtes. Le vendredi 20 décembre, Mme Bélair ne s’est pas présentée au travail. Elle ne travaillait pas le samedi et le dimanche. Le  lundi 23 décembre, entre 07h.00 et 08h.00, Mme Bélair a communiqué avec sa gestionnaire, Mme Annie Proulx, afin de l’informer qu’elle avait une grosse douleur au dos due à une chute sur une surface glacée qui s’était produite le samedi 21 décembre, à sa résidence. Mme Proulx lui a dit qu’elle comprenait la situation et s’informerait si elle devait produire un certificat médical. Mme Johanne Lavallée, gestionnaire, a communiqué avec la plaignante et lui a demandé la raison de son absence. Mme Bélair lui a décrit l’incident dont elle avait été victime et lui a dit qu’elle consulterait un médecin à la clinique médicale. Mme Lavallée lui a demandé de produire un certificat médical attestant de son incapacité de travailler. Mme Bélair était informée qu’il était nécessaire de produire un certificat médical pour toute absence de trois jours et plus.

[7]            Toutefois, Mme Bélair ne s’est pas présentée à la clinique médicale, tel qu’elle l’avait affirmé à Mme Lavallée, car celle-ci était fermée à cause de la période des Fêtes. Les journées des 24, 25 et 26 décembre étaient des journées fériées et le samedi 28 décembre, Mme Bélair ne travaillait pas. Le 27 décembre, Mme Bélair devait travailler, mais elle a communiqué avec Mme Proulx pour l’informer qu’elle était atteinte d’une pneumonie et éprouvait des difficultés respiratoires. Mme Bélair ne se souvient pas d’avoir mentionné à Mme Proulx qu’elle avait une entorse lombaire et qu’elle avait un certificat médical pour justifier son arrêt de travail. Mme Lavallée a tenté de l’appeler cette journée, mais la plaignante n’a pu prendre l’appel car son téléphone mobile était fermé. Au cours de la soirée, Mme Bélair a pris le message de Mme Lavallée, mais elle ne l’a pas rappelée parce qu’il était trop tard. Au cours de la journée, Mme Bélair a texté à Mme Proulx afin de connaitre son horaire de travail.

[8]            Malgré sa pneumonie, Mme Bélair ne s’est pas rendue à un établissement de santé le 27 décembre car son médecin lui avait déjà complété une ordonnance d’avance car elle fait des pneumonies à répétition. C’est en 2009 que la plaignante a commencé à avoir des pneumonies et la première fois, elle a été malade pendant quatre mois. Son médecin, le docteur Claude Lapointe, lui a remis un certificat médical ‘ ’en blanc’’, sans date, et sur lequel il avait écrit ‘ ’Patiente venu à mon bureau ce jour - Patiente inapte au travail du ____au________’’ mais il n’avait pas fait mention d’une ordonnance pour des médicaments.  En lui remettant ce certificat médical ‘ ’en blanc’’ , le docteur Lapointe lui aurait précisé de ne s’en servir que si c’était nécessaire. C’est au mois de décembre 2013 que Mme Bélair l’a utilisé.

[9]            Le 30 décembre, Mme Bélair se présente au travail et devait remettre un certificat médical à sa gestionnaire, Mme Lavallée. Toutefois, elle avait oublié ce certificat à son domicile. Lorsqu’elle rencontre les gestionnaires Lavallée et Proulx, la plaignante ne les informe pas qu’elle n’a consulté aucun médecin et mentionne qu’elle a oublié ce certificat médical à son domicile. La plaignante mentionne aux deux gestionnaires qu’elles pouvaient se considérer chanceuses d’obtenir un certificat médical de sa part car elle l’avait mis à la poubelle et qu’il était taché de sauce à spaghetti.

[10]         Le 31 décembre 2013 ainsi que les 1 er et le 2 janvier 2014 étaient des journées fériées.  Le 3 janvier, Mme Bélair est de retour au travail et laisse le certificat médical sur le bureau de Mme Lavallée puisqu’elle était absente. Le certificat médical qu’elle a remis à l’intention de Mme Lavallée était le certificat ‘ ’en blanc’’ que son médecin traitant lui avait remis en 2009. Ce certificat comporte les mentions suivantes :

« POUR Josée Bélair

DATE : 2013/12/23

Pte venue à mon bureau ce jour

Inapte au travail du 23 au 25* décembre

Signature du médecin »

*(le chiffre qui apparaît est un 5 et non un 7) 

[11]         Mme Bélair affirme qu’elle a inscrit la date du 23 décembre 2013 comme journée d’émission du certificat et les dates du 23 au 27 décembre laissées en blanc par son médecin lorsqu’il avait inscrit ‘ ’Patiente inapte au travail … ‘’ sur le certificat. La plaignante précise qu’elle a mis du ‘ ’liquid paper’’   pour corriger le chiffre 3 à la date du 23 décembre !

[12]         La semaine suivante, soit le 6 ou le 8 janvier, Mme Lavallée lui demande si elle accepterait ‘ ’un papier comme ça’’ . Mme Bélair ne sait pas quoi lui répondre, mais elle lui mentionne qu’elle avait dû payer 125 $ pour obtenir ce certificat médical, ce qui était faux.  Mme Bélair mentionne avoir fait cette affirmation mensongère parce qu’elle se sentait sous pression par Mme Lavallée. Mme Bélair affirme avoir tout fait pour consulter un médecin, mais sur les quatre cliniques médicales qu’elle a appelées, deux étaient fermées et les deux autres n’avaient aucune disponibilité. De plus, le temps d’attente était trop long dans les hôpitaux. La plaignante ajoute qu’elle était trop affaiblie pour se rendre à une clinique. Mme Bélair ajoute qu’entre le 22 et le 30 décembre, elle n’a pas fait de démarches auprès des cliniques médicales et n’a pas tenté de consulter un médecin. Ce n’est que le 30 décembre qu’elle a fait ses démarches auprès des quatre cliniques. Mme Bélair admet également qu’elle n’a pas rencontré son médecin traitant par la suite afin de vérifier son état de santé et, plus particulièrement, en regard des problèmes qu’elle a vécus dans le temps des Fêtes. Selon la plaignante, sa pneumonie s’est terminée le 3 janvier.

[13]         Mme Lavallée lui a demandé de produire un autre certificat médical et qu’à défaut, elle réfèrerait son dossier à la direction. Le 16 janvier, Mme Bélair rencontre son médecin pour l’informer du certificat médical qu’elle a produit en son nom. Le docteur Lapointe lui aurait mentionné qu’il n’avouera jamais lui avoir remis un certificat ‘ ’en blanc ’’ et que ce serait sa parole contre la sienne. Mme Bélair n’a donc remis aucun autre certificat médical à l’employeur, sauf celui qui portait la date du 23 décembre 2013.

[14]         Le 17 janvier, Mme Bélair a rencontré Mme Lavallée et le chef du site, M. Robin Lavoie. La plaignante était accompagnée de la représentante syndicale, Mme Nadia Aristyl. Lors de cette rencontre, Mme Bélair avait en sa possession un document de son médecin traitant qui certifiait qu’il lui avait complété une ordonnance ‘’ d’avance ’’ concernant ses médicaments. Elle n’a pas jugé opportun de remettre ce document à sa représentante syndicale.

[15]         Mme Josée Lavallée est chef de section au centre d’appel au service à la clientèle de l’entreprise. Elle précise que la fonction d’aviseur, telle qu’occupée par Mme Proulx, est un poste qui est compris dans l’unité de négociation du syndicat. Mme Lavallée supervise le travail de ses employés et, entre autres responsabilités, voit à approuver leurs feuilles de temps et applique le code de conduite et d’éthique de l’entreprise. La plaignante n’est pas sous sa responsabilité mais, à l’époque des évènements, sa gestionnaire, Mme Carole Roy, était absente.

[16]         Mme Lavallée précise que les employés temporaires au service à la clientèle sont embauchés pour les périodes de pointe saisonnières. Les représentants au service à la clientèle s’occupent des problèmes de facturation, des plans budgétaires, des pannes et des cas de recouvrements légers. Ces représentants détiennent un poste de responsabilité élevé car ils ont accès à des informations confidentielles contenues aux dossiers de la clientèle de l’entreprise, comme les numéros d’assurance sociale et les dossiers de crédit. À chaque année, le code de conduite et d’éthique d’Hydro-Québec fait l’objet d’une revue auprès de tous les employés et ce, quelque soit leur statut.

[17]         Les vacances des employés sont attribuées à l’échelle provinciale. En ce qui concerne la période des Fêtes, il est très peu probable que Mme Bélair obtienne des journées de vacances à cause de son peu d’ancienneté et les demandes de vacances des employés permanents ont priorité sur celles des employés temporaires.

[18]         Dans le cadre de son travail de gestionnaire, Mme Lavallée a l’habitude de prendre des notes sur son ordinateur. Elle consigne ainsi quotidiennement toutes les informations qu’elle juge nécessaires de conserver. Le lundi 23 décembre, Mme Lavallée a noté que Mme Proulx avait reçu un message de la plaignante pour lui dire qu’elle serait absente. Mme Lavallée attire l’attention du Tribunal sur les passages suivants de ses notes :

« (…)

Message sur cell à Annie Proulx (rempl. Chef) à 8h06 pour dire absente pour maladie.

Annie rappelle à 9h21 pour savoir pourquoi son absence et lui dit qu’un gestionnaire en titre va la rappeler.

Josée dit : ‘’J’ai bien mal au dos, car j’ai pelleté et déneigé beaucoup depuis samedi. Je me sens pas apte à conduire et être dans mon auto. J’ai de grosses douleurs intenses.

Annie dit : Je ne sais pas si on va te demander un billet de médecin ou pas.

Josée dit : ‘’Ouais toutes les cliniques sont fermées aujourd’hui et je ne voudrais pas aller à l’hôpital attendre 12 heures pour un mal de dos.’’

Johanne Lavallée. Je rappelle Josée (vers 10h30) pour savoir pourquoi hier, tu as acceptée pour le surtemps à 23h00 et que tu n’es pas entrée.

Josée me répond : ‘’Je me suis trompé de bouton lorsque j’ai répondu à SOMUM.’’

Moi : ‘’Changement de propos, tu as parlé avec Annie ce matin pour dire que tu serais malade aujourd’hui.’’

Josée me répond : ‘’Oui, je me suis fait mal au dos et je crois que je vais aller à ma clinique aujourd’hui.’’

Moi : J’en ai profité pour lui demander un papier d’inaptitude au travail. ‘’ Josée, c’est correct, mais j’aimerais avoir un papier d’inaptitude au travail lorsque tu seras à la clinique et prends bien soit de toi.’’

Journal de bord du dimanche 22 décembre au soir par Alain Raymond  :

20h.53

Résultat de la campagne SOMUM. Selon le rapport, seule Mme Josée Bélair m’a contacté et refusé le surtemps car elle croyait pouvoir quitter après et ne pas faire son quart de travail régulier par la suite. Cette dernière a été remplacée par M. Alain Thibault.

(…) »

[19]         La conversation de la plaignante a été consignée dans le Journal chronologique de l’évènement de la Direction Centre d’Appels par Mme Michèle Calvé, à 20h.53, le 22 décembre. Mme Calvé coordonne les ressources au niveau provincial.

[20]         Les notes prises par Mme Lavallée le 27 décembre sont les suivantes :

« (…)

8h.17 - Josée a parlé à Annie pour dire qu’elle ne pouvait être au travail. Retournait voir son médecin car il l’avait arrêtée supposément pour une semaine. Entorse lombaire.

8h.37 - Johanne Lavallée : J’ai laissé un message à Josée de me rappeler et je lui ai aussi indiqué dans le message mon # de cell pour me joindre.

12h.20 - Josée envoie un TEXTO à Annie Proulx pour savoir son horaire spécial de la semaine prochaine et ne m’a toujours pas rappelée.

16h30 - J’ai quitté et je n’ai jamais eu de rappel de la part de Josée Bélair et ni un message dans ma boite vocale. »

[21]         Mme Bélair s’est présentée au travail le 30 décembre. Mme Lavallée a consigné les notes suivantes cette journée :

« (…)

8h.30 - Annie Proulx est allée voir Josée pour lui demander comment elle allait et si elle avait son papier de médecin pour son absence du lundi 23 et vendredi le 27 décembre 2013.

Josée lui a dit que : ‘’Mon entorse lombaire va beaucoup mieux et il me reste une journée de pilules à prendre’’.

Quant à son papier de médecin, elle a répondu : ‘’Je n’ai pas couché chez nous hier soir, donc je ne l’ai pas avec moi et de plus, tu as failli ne pas en avoir parce que je l’ai fripé et jeté dans la poubelle par mégarde et il y a du café dessus. Je te l’apporte ce vendredi le 3 janvier 2014. Désolée.’’

10h.00 - Johanne. Je l’ai croisée aux toilettes et Josée m’a redit la même chose qu’elle a dite à Annie.  … son papier qui suivra vendredi le 3 janvier 2014.

PS Prendre note que le papier devra être fait le lundi 23 décembre et dire inapte au travail jusqu’au vendredi 27 décembre 2013 inclusivement. Et non fait le vendredi avec rétro au lundi 23 déc. 2013.

(…) »

[22]         Le 3 janvier, Mme Lavallée retrouve une photocopie du certificat médical de la plaignante sur son bureau. Elle rencontre la plaignante pour lui demander de lui remettre l’original du certificat. Selon Mme Lavallée, la plaignante hésite tout d’abord, lui remet l’original et lui dit qu’elle avait déboursé 125 $ pour ce certificat et que cette somme incluait la radiographie de son dos. La plaignante lui mentionne également que c’est la secrétaire du docteur Lapointe qui a ‘ ’fini d’écrire le papier’’ car le stylo du médecin n’écrivait plus. Mme Bélair avait aussi mentionné à Mme Proulx que c’était du spaghetti qui avait tâché le certificat médical, ce n’était plus le café. La plaignante a aussi dit à Mme Proulx que lorsqu’elle a vu le docteur Lapointe, le 23 décembre, il avait peut-être ‘ ’un p’tit verre dans le nez’’ . Mme Lavallée exprimait de forts doutes sur l’authenticité du certificat médical de la plaignante. Mme Lavallée a aussi vérifié si la clinique du docteur Lapointe était ouverte le 23 décembre et la secrétaire du médecin lui a confirmé qu’elle était fermée cette journée. Mme Lavallée a consigné les notes suivantes de cette rencontre :

« (…)

Je suis allée voir Josée lorsque je suis arrivée pour lui parler de sa copie de certificat et de ce qu’il était écrit dessus.

Je lui ai demandé si elle était à ma place, si elle aurait accepté ce papier. Pas à cause des taches, mais bien les gribouillons dessus : La date en haut qui est écrit par dessus : 23 et 25 décembre 2013 ainsi qu’il n’était pas écrit inapte au travail et qu’il ne couvrait pas le vendredi 27 décembre inclusivement.

La réponse de Josée était : ‘’Oui, je n’ai pas de problèmes avec ce certificat et oh, je n’avais pas vu que le médecin n’avait pas écrit le 27 inclusivement. Pis, c’est la secrétaire qui a écrit la dernière ligne, car le stylo du médecin n’écrivait plus et lui a demandé de terminer le papier’’.

Je lui ai dit que je trouvais son papier non conforme et que j’étais pour en parler avec Robin.

(…) »

[23]         La plaignante lui a offert de lui transmettre un autre certificat médical du docteur Lapointe attestant qu’elle était bien en incapacité de travail du 23 au 27 décembre. Mme Lavallée a accepté, mais elle n’a jamais reçu d’autre certificat médical du docteur Lapointe. La plaignante lui a donné comme justification qu’obtenir un rendez-vous était difficile.

[24]         Mme Lavallée a rencontré la plaignante le 15 janvier pour lui remettre sa lettre de suspension sans solde. Lors de cette rencontre, la plaignante lui a mentionné qu’elle était toujours en attente d’un rendez-vous avec le docteur Lapointe. De plus, le coût du  certificat médical n’était plus de 125$, Mme Bélair parlait maintenant d’un coût de 147$.

[25]         Le 17 janvier, Mme Lavallée et M. Robin ont rencontré la plaignante qui était accompagnée de Mme Aristyl. Lors de cette rencontre, la plaignante a admis avoir falsifié le certificat médical en modifiant la date de l’émission du billet ainsi que les dates d’incapacité au travail. La plaignante n’a pas mentionné non plus qu’elle avait rencontré son médecin la journée précédente. Mme Lavallée a consigné dans ses notes la version de la plaignante lors de cette rencontre :

« (…)

‘’Ça va vous paraître drôle, mais mon médecin m’a donné des billets en blanc, sans date. De plus, il vient de me convoquer, car il n’est pas très content suite à la vérification faite par l’équipe santé HQ… car il a peur de perdre sa licence de médecine…’’

‘’Je vous explique, c’est que je fais des pneumonies à répétition et bronchites à répétition depuis longtemps, au moins depuis 2009. (Josée nous donne aussi l’exemple de sa sœur qui a été dans le coma provoqué pendant 3 mois et a failli mourir…donc problème familial supposément connu).’’

Josée dit que : ‘’c’est le 24 décembre au matin que je me suis rendue compte que j’avais une pneumonie qui devait être reliée à ma douleur au dos «style coup de poignard » et de la fièvre. Donc, de moi-même, j’ai commencé ma prescription d’antibiotiques avec les pompes pour me guérir.’’

‘’C’est pourquoi mon médecin me donne des prescriptions de pompes d’avance (18 renouvèlements), antibiotiques ainsi que des billets médicaux sans date.’’

(…) »

[26]         La plaignante a admis qu’elle n’avait pas rencontré un médecin le 23 décembre parce qu’elle n’était pas ‘’assez forte’ et qu’elle faisait de la fièvre. Mme Bélair a aussi ajouté qu’elle avait fait plusieurs appels dans des cliniques médicales de Montréal et de Laval, mais sans succès. Mme Lavallée affirme que c’était la première fois qu’elle entendait la plaignante dire qu’elle avait fait une pneumonie dans le temps des Fêtes et qu’elle en faisait à répétition.

[27]         Lors de cette rencontre, la plaignante ne se sentait pas coupable et n’a pas exprimé de regrets. Mme Bélair a tout simplement dit que si c’était à refaire, elle dirait la vérité. Après cette rencontre, la décision de congédier Mme Bélair a été prise. Le lien de confiance était rompu.

[28]         Le docteur Claude Lapointe est le médecin traitant de Mme Bélair. À propos du certificat médical qui a été remis à Mme Lavallée le 3 janvier, le docteur Lapointe apporte les précisions suivantes. Il n’a pas rencontré la plaignante le 23 décembre 2013, il était en vacances. Sur le certificat médical, il reconnaît avoir complété le nom de la patiente, qu’elle est venue à son bureau et sa signature. La dernière consultation avec Mme Bélair a été le 2 juillet 2013.

[29]         Le docteur Lapointe ne laisse jamais de certificat médical ‘’en blanc’’ à un patient qui vient le consulter. En ce qui concerne les ordonnances pour les médicaments, il indique le nombre de renouvèlements auxquels le patient a droit. Il peut compléter une ordonnance pour une période de 18 mois.

[30]         En contre-interrogatoire, le docteur Lapointe précise qu’auparavant, la pneumonie était la première cause de mortalité dans la population. De nos jours, c’est une maladie qui se traite à la maison et que la personne peut continuer à travailler si elle ne fait pas un travail qui est exigeant sur le plan physique. Le docteur Lapointe réitère à la procureure du syndicat que jamais il n’aurait remis un certificat médical ‘’en blanc’’, sans date, à quiconque. Il n’a jamais mentionné à Mme Bélair de ne se servir d’un certificat médical ‘ ’en blanc’’ que si nécessaire.

[31]         Sur le certificat médical, le docteur Lapointe a seulement écrit ‘ ’Pte est venue à mon bureau ce jour’’ .  Il n’a pas écrit inapte au travail en laissant les dates en blanc. Le docteur Lapointe précise qu’un certificat médical attestant d’une consultation et d’une incapacité de travail sont deux documents différents. Il est aussi faux que son adjointe peut compléter ses certificats médicaux et que son stylo fonctionnait mal.

La preuve du syndicat

[32]         Mme Josée Bélair , la plaignante, affirme que c’est en 2009 qu’elle a fait sa première pneumonie suite à une maladie de sa fille. Au mois de juillet 2012, Mme Bélair a eu un arrêt de travail pour la période du 17 au 29 juillet parce qu’elle faisait une pneumonie, tel que l’atteste le formulaire d’assurance complété par son médecin traitant, le docteur Lapointe. Au mois de juillet 2013, Mme Bélair a souffert d’une autre pneumonie, s’est absentée pendant deux semaines et l’employeur ne lui a pas demandé de produire un certificat médical. Le 10 septembre, Mme Bélair a aussi été malade et a dû s’absenter du travail. L’employeur ne lui a pas demandé de lui produire un certificat médical. Elle a eu 18 renouvèlements de sa médicamentation par le docteur Lapointe, mais elle en ignore la raison.

[33]         Après sa mise à pied du 27 septembre 2013, Mme Bélair a été rappelée au travail le 2 décembre pour une durée de trois mois ou moins. La plaignante affirme qu’elle n’a fait aucune demande pour avoir des journées de congé dans le temps des Fêtes.  Le 22 décembre 2013, Mme Bélair a reçu un message de l’entreprise lui demandant si elle pouvait travailler en temps supplémentaire. Elle devait choisir en appuyant sur la touche appropriée entre oui dans une heure, oui dans une heure et demie ou non. Mme Bélair affirme s’être trompée et elle a rappelé M. Alain Raymond pour lui dire qu’elle s’était méprise et qu’elle était malade.

[34]         Mme Bélair se souvient que le samedi 21 décembre 2013, il y avait eu du verglas et une tempête de neige. Il lui a été nécessaire de pelleter son entrée et elle est tombée en nettoyant son auto. Elle se serait alors infligé une blessure au dos. Le lendemain, son dos la faisait souffrir et elle ressentait un point entre les deux omoplates en plus de se sentir fiévreuse.

[35]         Le lundi 23 décembre, Mme Bélair devait travailler mais elle s’en sentait incapable. Elle communique avec Mme Proulx pour l’informer qu’elle ne pouvait travailler à cause de son mal de dos et de sa fièvre. Quelques minutes plus tard, Mme Proulx la rappelle pour lui mentionner qu’elle devra produire un certificat médical. Vers la fin de l’avant-midi, Mme Lavallée communique avec elle pour lui confirmer qu’elle devra produire un certificat médical pour justifier son absence à son retour au travail.  Mme Bélair affirme avoir appelé à la clinique de son médecin traitant, mais un message préenregistré l’informait que la clinique était fermée du 20 décembre au 6 janvier. De plus, elle entend à la radio un message d’intérêt public qui demande à la population de ne pas se présenter aux urgences des hôpitaux car elles étaient bondées. De toute façon, elle est trop affaiblie pour se rendre à l’urgence d’un hôpital. Mme Bélair était découragée. Elle tente d’appeler dans quatre cliniques, mais trois de celles-ci étaient fermées et la quatrième était ouverte, mais exigeait 125 $ de frais de consultation en plus des frais occasionnés par les tests.

[36]         Le 27 décembre, la pneumonie de Mme Bélair continue. Sa fièvre a baissé, mais elle éprouve toujours de la difficulté à respirer. Puisqu’elle devait travailler cette journée et qu’elle s’en sentait incapable, la plaignante appelle Mme Proulx pour l’informer de son état de santé, soit qu’elle avait mal au dos et qu’elle éprouvait de la difficulté à respirer. Mme Proulx lui rappelle de ne pas oublier de produire un certificat médical.  Mme Bélair ne consulte pas de médecin le 27 décembre parce les cliniques médicales sont fermées.  Mme Bélair affirme avoir été incapable de prendre le message de Mme Lavallée sur son téléphone portable car ‘’elle n’avait plus son mot de passe’’ pour accéder à sa boîte de messages.

[37]         Mme Bélair affirme qu’elle n’aurait pas du se rendre au travail le 30 décembre car elle toussait sans arrêt. Elle n’a pu produire son certificat médical puisqu’elle l’avait oublié à son domicile. Le 3 janvier, la plaignante laisse une copie du certificat sur le bureau de Mme Lavallée. Le 8 janvier, Mme Lavallée lui demande si elle accepterait un tel certificat médical. Mme Bélair affirme avoir figé.

[38]         Lors de la rencontre avec Mme Lavallée, le 15 janvier, Mme Bélair affirme qu’elle n’a pas eu l’occasion de s’expliquer après que l’on lui ait lu sa lettre de suspension. Le 16 janvier, Mme Bélair s’est rendue à la clinique médicale du docteur Lapointe et a obtenu un document attestant qu’elle avait une ordonnance pour prendre des antibiotiques au besoin pour soigner ses problèmes de pneumonies.

[39]         Le 17 janvier, Mme Bélair, accompagnée de la représentante syndicale Aristyl, rencontre Mme Lavallée et M. Lavoie. Mme Bélair espérait que les gestionnaires feraient preuve d’ouverture à son égard. Lors de cette rencontre, Mme Bélair a avoué qu’elle avait falsifié le certificat médical parce que les cliniques médicales étaient fermées dans le temps des Fêtes. Elle a aussi remis à sa représentante syndicale l’attestation du docteur Lapointe en date du 16 janvier ainsi que le relevé de sa pharmacie concernant les médicaments qu’elle prenait. Elle affirme avoir dit toute la vérité et que si elle avait su toute l’ampleur que cette affaire a prise, elle ne recommencerait plus. Mme Bélair croyait qu’au terme de cette rencontre, l’employeur ne lui aurait imposé qu’une suspension de quelques semaines, tout au plus.

[40]         En contre-interrogatoire, la procureure de l’employeur demande à la plaignante d’expliquer de quelle manière elle a pu obtenir et déposer en preuve dans le présent dossier des évaluations de rendement du 25 avril, 23 mai, 19 juin et 23 juillet 2013 mais dont la date inscrite sur les documents où les fichiers ont été sortis du système de l’entreprise est du 25 mars 2014 alors qu’elle était congédiée. Mme Bélair explique que c’est M. Alain Raymond, son conjoint depuis la fin du mois d’octobre 2013, lequel travaille aussi à Hydro-Québec, qui lui a sorti et imprimé les documents.

[41]         Mme Nadia Aristyl est représentante au service à la clientèle et occupe également des fonctions de représentante syndicale au site de l’entreprise situé sur la rue l’Esplanade, à Montréal. Lors de la rencontre du 15 janvier, Mme Lavallée lui a mentionné que la rencontre ne porterait que sur la remise de la lettre de suspension et rien d’autre. Lors de cette rencontre, Mme Aristyl n’a eu connaissance d’aucun certificat médical concernant la plaignante.

[42]         Lors de la rencontre du 17 janvier avec les représentants de l’employeur, Mme Bélair a expliqué qu’elle n’avait pu se rendre à une clinique médicale parce qu’elle était très malade. De plus, toutes les cliniques médicales étaient fermées. La plaignante avait en sa possession un certificat médical qui ne portait pas de date et elle a inscrit les dates pour justifier son absence. La plaignante a aussi mentionné lors de cette rencontre que la véritable cause de son absence était une pneumonie et non à cause d’avoir pelleté de la neige. La plaignante ne l’a pas dit à Mme Lavallée à son retour au travail parce qu’elle n’était pas à l’aise de l’informer de ce fait. Mme Bélair a aussi expliqué qu’elle avait des antécédents concernant les pneumonies qu’elle faisait à répétition.

[43]         Mme Bélair a aussi admis que le certificat médical du docteur Lapointe était ‘’en blanc’’ et qu’elle n’a inscrit que les dates. En ce qui a trait à l’attestation du 16 janvier complétée par le docteur Lapointe ainsi que son dossier de la pharmacie qui atteste les médicaments qu’elle prenait, ce n’est qu’une fois la rencontre terminée que la plaignante lui a remis ces documents.

 

Contre-preuve de l’employeur

[44]         M. Robin Lavoie est chef des activités clientèles résidentielles et commerciales au site de la rue l’Esplanade. Il apporte quelques précisions sur le contenu du Journal chronologique de l’évènement de la Direction Centre d’Appels pour la journée du 22 décembre 2013 à laquelle journée, la plaignante a donné sa disponibilité pour travailler en temps supplémentaire et refusé par la suite en prétendant qu’elle avait fait une erreur parce qu’elle n’avait pas appuyé sur la bonne touche.

[45]         Mme Michèle Calvé est conseillère en commercialisation et c’est elle qui devait gérer la panne d’électricité. Le 22 décembre, Mme Calvé a déclenché le système automatisé de rappel d’employés en cas de panne. C’est le chef de garde, Mme Chantal Corbeil, qui a consigné les motifs du refus de Mme Bélair d’être rappelée au travail en temps supplémentaire. L’information au Journal n’est consignée que pour connaître les motifs du refus de la personne appelée qui a par ailleurs accepté de faire l’objet d’un rappel. La préposée au rappel ne force pas l’employé à rentrer au travail et passe à l’employé suivant sur la liste. C’est aussi M. Alain Raymond qui a consigné les heures d’appel dans le cas de Mme Bélair car, à ce moment, il était cadre en assignation temporaire.

 

 

 

 

 

REPRÉSENTATIONS DES PARTIES

Argumentation de la procureure de l’employeur

[46]         La procureure souligne que la preuve est claire, la plaignante a produit un faux certificat médical. Délibérément, Mme Bélair a falsifié un document afin de justifier ses absences. Une des versions de la plaignante est qu’elle a complété un certificat «  en blanc » que lui avait remis son médecin et n’a inscrit que les dates où elle était réellement malade. La plaignante a délibérément menti à l’employeur et manqué à son devoir de loyauté. Lorsqu’il évaluera la gravité de la faute de Mme Bélair, l’arbitre doit prendre en compte la fonction qu’elle occupait au service à la clientèle. Mme Bélair a accès à des informations sensibles et confidentielles de la clientèle de l’entreprise.

[47]         L’employeur avait des raisons pour douter des véritables motifs de l’absence de la plaignante. Il est clair que Mme Bélair n’avait pas suffisamment d’ancienneté pour obtenir un congé dans le temps des Fêtes. De plus, elle s’était portée volontaire pour travailler en temps supplémentaire le 22 décembre. Lorsqu’elle a été appelée pour travailler en temps supplémentaire le 22 décembre, la plaignante a refusé car elle croyait que ce rappel au travail la dispenserait de travailler le 23 décembre, tel qu’il est consigné dans le Journal chronologique de l’évènement du 22 décembre. Le syndicat ne s’est pas objecté au dépôt du Journal et son contenu est par conséquent recevable en preuve. De plus, en 2013, Mme Bélair s’est déclarée malade en quelques occasions des vendredis ou des lundis ou lorsqu’il y avait des congés fériés. Ainsi, le calendrier d’absence de la plaignante pour l’année 2013 démontre qu’elle s’est absentée le vendredi 24 mai, le 2 juillet, soit le lendemain du congé férié du 1 er juillet et le vendredi, 27 septembre. Mme Bélair est en vacances le 10 et le 12 juillet et se déclare malade le 11 juillet. Le mercredi 14 août, la plaignante se déclare malade, le 15 août, elle prend une journée de vacances et le vendredi 16  août, elle prend un congé de récupération (heures normales accumulées utilisées sous forme de congé). Bref, l’employeur avait des raisons suffisantes pour demander à la plaignante de justifier ses absences du temps des Fêtes par la production d’un certificat médical.

[48]         Du 23 décembre au 17 janvier, la plaignante a toujours invoqué une entorse lombaire pour justifier son absence au travail et non une pneumonie. La plaignante n’a rien à son épreuve. Elle ne consulte pas de médecin, ne retourne pas l’appel de Mme Lavallée, soutient que c’est la secrétaire du médecin qui finit de compléter le certificat médical et que, peut-être, son médecin avait ‘ ’un p’tit verre dans le nez’’ . L’histoire de la plaignante n’a cessé d’évoluer avec le temps. Le docteur Lapointe lui aurait remis un certificat médical ‘ ’en blanc’’ et elle n’avait qu’à inscrire les dates. Le docteur Lapointe n’a jamais remis un tel certificat à la plaignante et, de plus, il n’a jamais écrit ‘ ’inapte au travail du___ au___’’ . La plaignante a même utilisé un stratège douteux pour obtenir ses évaluations alors qu’il aurait été simple de demander à l’employeur de les produire.

[49]         Il est évident que Mme Bélair ne comprend pas la gravité de son geste. Elle n’exprime aucun regret, sauf de ne pas avoir prévu que sa faute aurait pris autant d’ampleur. Falsifier un document est un acte criminel et il s’agit d’une faute grave. L’employeur a raison de ne plus avoir confiance en la plaignante. Mme Bélair ne peut invoquer aucune circonstance atténuante pour justifier l’arbitre à intervenir et modifier la sanction de l’employeur. D’ailleurs, Mme Bélair n’a aucunement prouvé qu’elle était malade les 23 et 27 décembre 2013. La plaignante a très peu d’ancienneté et n’a exprimé aucun regret. Le grief doit être rejeté.

 

Argumentation de la procureure du syndicat

[50]         La procureure souligne que Mme Bélair n’a aucun dossier disciplinaire et il s’agit de sa première faute. L’employeur se devait d’appliquer la progression dans les sanctions dans le cas de la plaignante. Il faut également éviter de tirer des conclusions hâtives à propos du calendrier d’absences de Mme Bélair pour l’année 2013. La preuve révèle qu’elle a fait une pneumonie pendant le mois de juillet. De plus, la plaignante a admis sa faute à l’employeur et ce simple facteur constitue une circonstance atténuante qui permet à l’arbitre d’intervenir et de modifier la mesure qui a été prise à son égard. Les évaluations de rendement déposées au dossier démontrent qu’elle est considérée comme une bonne employée.

[51]         La preuve démontre que la plaignante fait des pneumonies à répétition depuis 2009. Le relevé de la pharmacie des médicaments que la plaignante prend en regard de sa maladie prouve qu’elle dit la vérité. C’est aussi en 2009 que le médecin traitant de Mme Bélair lui a remis un certificat médical en blanc.

[52]         La plaignante n’a demandé aucune journée de congé pendant la période des Fêtes. Le 21 décembre, Mme Bélair s’est blessée au dos à cause de la neige et du verglas. La plaignante est tombée et a subi une entorse lombaire. De plus, elle fait également une pneumonie.  Le 22 décembre, Mme Bélair a fait une erreur et a appuyé sur la mauvaise touche concernant son acceptation de rentrer au travail en temps supplémentaire. Il n’y a aucune raison de douter de l’affirmation de la plaignante. 

[53]         L’arbitre doit prendre en compte que Mme Lavallée n’a jamais expliqué, lors de son témoignage, la raison pour laquelle elle a demandé un certificat médical à Mme Bélair. Le 23 décembre, Mme Bélair a communiqué avec Mme Proulx afin de l’informer de son incapacité de travailler cette journée. Mme Bélair a aussi fait des démarches afin de consulter un médecin. Toutefois, à cause de la période des Fêtes, il a été impossible pour elle de se rendre à une clinique médicale car elles étaient fermées. Il faut également prendre en compte que la plaignante était malade et qu’il était difficile pour elle de se déplacer. Donc, à cause de l’insistance de Mme Lavallée à ce qu’elle obtienne un certificat médical, la plaignante a modifié celui ‘ ’en blanc’’ que le docteur Lapointe lui avait donné en 2009.  L’employeur savait, de toute façon, que Mme Bélair faisait des pneumonies à répétition.

[54]         Il est manifeste que Mme Lavallée a présumé de la mauvaise foi de Mme Bélair et qu’elle ne l’a pas cru lorsqu’elle a affirmé s’être trompée en appuyant sur la mauvaise touche pour travailler en temps supplémentaire le 22 décembre. C’est à partir de cette erreur que Mme Lavallée a requis de la plaignante qu’elle justifie son absence par un certificat médical. L’arbitre doit aussi prendre en compte que le Journal chronologique de l’évènement pour la journée du 22 décembre constitue une preuve par ouï-dire car l’employée qui a consigné la version de Mme Bélair n’a pas été entendue lors de l’administration de la preuve.

[55]         Il y a plusieurs circonstances atténuantes qui militent en faveur d’une mesure disciplinaire plus clémente envers Mme Bélair. La plaignante n’a aucun dossier disciplinaire et a eu d’excellentes évaluations. Elle a avisé, tôt le matin du 23 décembre, qu’elle était malade et, le 17 janvier, avoué avoir falsifié le billet médical. Son état de santé, soit qu’elle faisait des pneumonies à répétition, était connu de l’employeur. De plus, la plaignante n’a retiré aucun bénéfice de ses journées d’absence car elle n’était pas rémunérée. L’arbitre doit prendre en compte toutes ces circonstances et substituer au congédiement une mesure disciplinaire moins sévère.

MOTIFS ET DÉCISION

[56]         Dans la présente affaire, l’employeur invoque la malhonnêteté de Mme Bélair au soutien de la suspension sans solde qu’il lui a imposée le 15 janvier et son congédiement qui a suivi le 25 février 2014. En plus d’avoir falsifié un certificat médical de son médecin traitant, l’employeur reproche également à la plaignante d’avoir donné des explications fausses et non crédibles sur les raisons qui l’ont motivée à falsifier le certificat médical.

Les principes applicables

[57]         Il n’existe pas d’automatisme entre une inconduite qui repose sur la malhonnêteté d’un salarié et son congédiement. L’arbitre doit examiner toutes les circonstances de l’affaire et décider si le manquement du salarié conduit à la perte du lien de confiance qui doit exister avec l’employeur. Dans l’affaire Union internationale des travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce c. Gendreau [1] , Mme la juge Otis, de la Cour d’appel, exprimait l’opinion que le congédiement d’un salarié pour vol n’exemptait pas l’arbitre d’examiner toutes les circonstances entourant la faute :

 «Le manquement de l'arbitre ne se rapporte pas à un exercice d'adéquation disciplinaire exagérément sommaire ou souffrant d'une motivation insuffisante. Il est question de l'absence d'examen de la sanction appropriée entraînant, par implication nécessaire, un rapport causal entre le vol et le congédiement. Or, à moins que la convention collective ne le prévoit expressément , il n'y a pas de lien d'inférence nécessaire entre le vol et le congédiement (art. 100.12f ) du Code du travail). Seules les circonstances particulières à chacun des dossiers soumis à l'examen décisionnel de l'arbitre révéleront si la mesure extrême doit être homologuée. Cet exercice d'appréciation doit être effectué équitablement et avec le plus grand soin puisqu'il est indéniable qu'un salarié congédié pour vol voit ses perspectives de réemploi sérieusement compromises en même temps que sa réputation lourdement entachée.

   Dans l'exercice de sa compétence, l'arbitre - un forum judiciaire exclusif - doit s'acquitter de la mission décisionnelle entière que lui a conférée le législateur. Dans l'arrêt Le Conseil de l'éducation de Toronto (Cité) c. F.E.E.E.S.O., district 15, [1997] 1 R.C.S. 487 , M. le juge Cory écrit aux pages 509 et 513:          

    « La première étape de tout examen de la question de savoir si un employé a été congédié pour une «cause juste» consiste à se demander si l'employé est effectivement responsable de la mauvaise conduite que lui reproche l'employeur. La deuxième étape est de déterminer si la mauvaise conduite constitue une cause juste justifiant les mesures disciplinaires. La dernière étape consiste à décider si les mesures disciplinaires choisies par l'employeur sont appropriées compte tenu de la mauvaise conduite et des autres circonstances pertinentes. »

  [...]        

Lorsqu'ils décident s'il existe une cause juste justifiant la mesure disciplinaire particulière choisie par l'employeur, les arbitres doivent apprécier la gravité de la mauvaise conduite dans le contexte des circonstances existantes. Parmi ces circonstances, mentionnons, dans les cas appropriés, des aspects comme l'ancienneté de l'enseignant et son rendement jusque là.»

(je souligne)

[58]         Trois années plus tard, la Cour suprême du Canada adoptait un raisonnement similaire dans l’affaire McKinley c. B.C. Tel [2] . Le juge Iacobucci écrivait ce qui suit : 

«48.  À la lumière de l’analyse qui précède, je suis d’avis que, pour déterminer si un employeur est en droit de congédier un employé pour cause de malhonnêteté, il faut apprécier le contexte de l’inconduite alléguée.  Plus particulièrement, il s’agit de savoir si la malhonnêteté de l’employé a eu pour effet de rompre la relation employeur - employé.  Ce critère peut être énoncé de plusieurs façons.  On pourrait dire, par exemple, qu’il existe un motif valable de congédiement lorsque la malhonnêteté viole une condition essentielle du contrat de travail, constitue un abus de la confiance inhérente à l’emploi ou est fondamentalement ou directement incompatible avec les obligations de l’employé envers son employeur.

51 Cela étant, je suis d’avis qu’il ressort de la jurisprudence pertinente qu’il faut recourir à une approche contextuelle pour déterminer si la malhonnêteté d’un employé constitue un motif valable de congédiement.  Dans certains cas, le recours à cette approche peut entraîner d’âpres résultats.  D’après la jurisprudence examinée en l’espèce, il y a motif de congédiement lorsqu’on conclut qu’il y a eu vol, malversation ou fraude grave.  Cela est compatible avec le raisonnement adopté dans l’arrêt Lake Ontario Portland Cement Co. c. Groner , [1961] R.C.S. 553, où notre Cour a jugé qu’il y a matière à congédiement pour cause de malhonnêteté lorsqu’un employé agit frauduleusement à l’égard de son employeur.  Ce principe repose nécessairement sur un examen de la nature de l’inconduite et des circonstances l’ayant entourée.  Le tribunal qui ne procéderait pas à cet examen ne pourrait pas conclure que la malhonnêteté dont on a fait preuve était de nature profondément frauduleuse et qu’elle était donc suffisante pour justifier un congédiement sans préavis.

54 . Compte tenu de cette reconnaissance du fait que l’emploi est une composante essentielle de la vie et de l’identité des personnes dans notre société, la prudence est de mise lorsqu’il s’agit de façonner des règles et des principes de droit qui permettront de mettre fin sans préavis à la relation employeur-employé.  L’importance de cette prudence ressort de l’inégalité du rapport de force qui, selon notre Cour, caractérise la plupart des aspects de la relation employeur - employé.  Dans l’arrêt Wallace , tant les juges majoritaires que les juges dissidents ont reconnu l’inégalité du pouvoir de négociation qui caractérise habituellement ces relations et qui rend les employés vulnérables face à leur employeur.  On a de plus reconnu que cette vulnérabilité subsiste, et s’accentue d’autant plus, au moment du congédiement.

55 Compte tenu de ces facteurs, la règle absolue et inconditionnelle que la Cour d’appel a adoptée en l’espèce me pose un problème sérieux.  Suivant son raisonnement, un employeur serait en droit de congédier un employé pour un seul acte malhonnête, si négligeable soit-il.  En conséquence, la malhonnêteté entraînerait les mêmes conséquences, peu importe que le comportement reproché ait été ou non suffisamment insigne pour miner ou ébranler les obligations et la confiance inhérentes à la relation employeur-employé.

56 Une telle approche pourrait favoriser des résultats à la fois déraisonnables et injustes.  En l’absence d’une analyse des circonstances ayant entouré l’inconduite alléguée, de sa gravité et de la mesure dans laquelle elle a influé sur la relation employeur-employé, il se pourrait bien que le congédiement pour un motif aussi moralement déshonorant que la « malhonnêteté » soit lourd de conséquences pour un employé.  En outre, permettre le congédiement pour un motif valable dans tous les cas où le comportement d’un employé peut être qualifié de « malhonnête » aurait injustement pour effet d’accroître la position de force des employeurs dans la relation employeur-employé.

57 . Pour les motifs qui précèdent, je préconise un cadre analytique qui traite chaque cas comme un cas d’espèce et qui tient compte de la nature et de la gravité de la malhonnêteté pour déterminer si elle est conciliable avec la relation employeur - employé.  Une telle approche réduit le risque qu’un employé soit pénalisé indûment par l’application stricte d’une règle catégorique qui assimile toutes les formes de malhonnêteté à un motif valable de congédiement.  En même temps, cette approche soulignerait à juste titre que la malhonnêteté qui touche au cœur même de la relation employeur-employé peut constituer un motif valable de congédiement . »

(je souligne)

[59]         C’est dans le respect de ces principes que j’analyserai la présente affaire.

ANALYSE

[60]         Le syndicat soumet que la plaignante a admis à l’employeur avoir falsifié le certificat médical qu’elle a remis à Mme Lavallée et, de ce fait, le congédiement qui lui a été imposé est une mesure trop sévère. De plus, Mme Lavallée n’avait aucune raison de douter des motifs de l’absence de Mme Bélair. J’aborde en premier lieu la demande faite à la plaignante de produire un certificat médical pour justifier ses absences.

La demande de produire un certificat médical

[61]         Les parties ont porté à mon attention les articles 7 et 10 de l’Appendice « O » de la convention collective :

« (…)

7. Les employés qui obtiennent un congé compensé sous de faux prétextes ou qui font défaut de se conformer aux règlements prévus aux présentes, sont tenus pour absents sans permission et passibles de mesures disciplinaires.

10. Dans tous les cas douteux d’absence de trois (3) jours ou moins, la Direction peut exiger une attestation médicale à l’effet que l’employé est dans un état de santé tel qu’il ne peut accomplir son travail régulier. Cette attestation devra être faite le premier (1 er ) jour de l’absence.

(…) »

[62]         En premier lieu, il faut considérer que la plaignante a le statut d’une employée temporaire. Hydro-Québec ne fait pas exception des autres entreprises, le temps des Fêtes est une période de l’année pendant lesquelles les employés prennent des journées de congé ou de vacances et, juxtaposées avec les journées fériées, ils peuvent obtenir une ou deux semaines complètes sans se présenter au travail. Comme l’a expliqué Mme Lavallée, il est très peu probable que des employés temporaires qui possèdent peu d’ancienneté obtiennent des journées de vacances dans le temps des Fêtes, les employés réguliers ont préséance.

[63]         En second lieu, Mme Bélair avait donné sa disponibilité pour travailler en temps supplémentaire le 22 décembre. Au Journal de bord du dimanche soir et où le nom du conjoint de Mme Bélair, M. Alain Raymond, est présent, il est consigné que la plaignante a refusé le surtemps car elle croyait pouvoir s’exempter de travailler sur son quart régulier, le 23 décembre. Contrairement à ce que prétend le syndicat, ces extraits déposés par Mme Lavallée ne constituent pas du ouï-dire car aucune objection n’a été formulée lors du dépôt de ce journal, ni lorsque Mme Lavallée a témoigné sur son contenu.

[64]         En troisième lieu, au cours de l’année 2013, Mme Bélair a pris certains jours de maladie, ce qui avait pour conséquence d’allonger des fins de semaine où il y avait des congés fériés ou une période de vacances. Considérant toute ces circonstances, je suis d’avis que Mme Lavallée avait raison de douter des motifs de l’absence de Mme Bélair et il n’y avait rien de capricieux de sa part de lui demander de produire un certificat médical attestant de son incapacité à fournir sa prestation de travail.

Le fond du dossier

Les journées du 23 et du 27 décembre 2013

[65]         Ce sont les témoignages de Mme Bélair et de Mme Lavallée qui constituent l’essentiel de la preuve. Je souligne que le témoignage de Mme Lavallée est appuyé par des notes qu’elle consignait à son ordinateur quotidiennement. Il n’y pas eu d’objection au dépôt de ces notes de Mme Lavallée, ni sur leur contenu.

[66]         Mme Bélair affirme qu’elle a chuté sur le sol qui était glacé le 21 décembre et qu’elle s’est fait mal au dos. Le 23 décembre, la plaignante devait travailler, mais elle communique avec Mme Proulx vers 08h.00 pour l’informer de son incapacité de travailler. Mme Proulx communique cette information à sa gestionnaire et rappelle la plaignante pour lui dire qu’elle doit produire un certificat médical. Toutefois, la clinique médicale où travaille son médecin traitant est fermée pour le temps des Fêtes. Selon son témoignage, Mme Bélair a appelé à quatre cliniques dont deux étaient fermées et d’autres ne prenaient plus de patients. Toutefois, selon les notes de Mme Lavallée, elle a dit à Mme Proulx que toutes les cliniques sont fermées et qu’elle ne veut pas attendre 12 heures à l’hôpital pour un mal de dos. Vers 10h.30, Mme Lavallée communique avec la plaignante pour lui demander également de produire un certificat médical et cette dernière lui dit qu’elle consulterait un médecin à la clinique médicale. Lorsqu’interrogée par la procureure de son syndicat, la plaignante affirmera qu’elle a fait des démarches auprès de quatre cliniques, mais trois de celles-ci étaient fermées et la quatrième exigeait 125 $ à titre de frais de consultation en plus des coûts qui seraient occasionnés par des tests. La plaignante ajoutera dans son témoignage que c’est le certificat médical du docteur Lapointe qui lui a coûté 125 $ et non la quatrième clinique qu’elle a appelée.  De plus, elle a entendu à la radio un message qui demandait à la population de ne pas se présenter aux urgences des hôpitaux. Enfin, Mme Bélair affirmera à la procureure de l’employeur que ce n’est que le 30 décembre qu’elle a communiqué avec les quatre cliniques. Le témoignage de Mme Bélair est vraiment difficile à suivre.

[67]         Le 27 décembre, la plaignante affirme qu’elle a appelé Mme Proulx pour l’informer qu’elle était atteinte d’une pneumonie. Interrogée par la procureure du syndicat, Mme Bélair dit avoir appelé Mme Proulx pour l’informer qu’elle avait mal au dos et qu’elle avait de la difficulté à respirer. Mme Lavallée a consigné dans ses notes que Mme Bélair a affirmé à Mme Proulx qu’elle ne pouvait se présenter au travail car elle retournait voir son médecin car il l’avait mise en arrêt de travail pour une semaine à cause d’une entorse lombaire. La plaignante affirme qu’elle a vu son médecin malgré son affirmation à l’effet que la clinique était fermée et que, de plus, il l’a arrêtée de travailler pendant une semaine pour une entorse lombaire et non une pneumonie. Mme Bélair affirme que Mme Lavallée a tenté de l’appeler, mais son téléphone portable était fermé. Elle a pris le message dans la soirée, mais ne l’a pas rappelée parce qu’il était trop tard. Lorsqu’interrogée par la procureure du syndicat, la plaignante soutient qu’elle a été incapable de prendre le message de Mme Lavallée car elle n’avait plus son mot de passe pour accéder à sa messagerie.

Le certificat médical

[68]         Lors de son interrogatoire par la procureure de l’employeur, Mme Bélair affirme que le 27 décembre, malgré sa pneumonie, elle ne s’est pas rendue à un établissement de santé pour obtenir un certificat médical car son médecin lui avait remis un certificat médical ‘ ’en blanc’’ en 2009 parce qu’elle faisait des pneumonies à répétition. Son médecin aurait laissé libre la date d’émission du certificat et elle n’avait qu’à compléter les dates auxquelles elle était inapte au travail.

[69]         Le 3 janvier, la plaignante remet l’attestation de son médecin à Mme Lavallée et ajoute qu’elle a dû débourser 125 $ pour la radiographie pour son dos. La plaignante admet avoir menti à Mme Lavallée. Il n’est toujours pas question d’une pneumonie. Mme Bélair affirme à Mme Lavallée que c’est la secrétaire du docteur Lapointe qui a ‘ ’fini d’écrire le papier’’ car son stylo n’écrivait plus. La plaignante ajoute qu’elle a rencontré le docteur Lapointe le 23 décembre et qu’il avait peut-être ‘ ’un p’tit verre dans le nez’’ . La preuve démontre que la clinique médicale était fermée le 23 décembre et que le docteur Lapointe était en vacances.

[70]         Le 15 janvier, Mme Bélair offre à Mme Lavallée de lui remettre un autre certificat médical de son médecin. De plus, le coût de ce certificat n’était plus de 125 $, mais de 147 $.  La plaignante n’a jamais remis de deuxième certificat médical à l’employeur.  

[71]         Lors de son témoignage devant le Tribunal, Mme Bélair a maintenu que la date d’émission du certificat médical était ‘ ’en blanc’’, de même que la période d’inaptitude au travail.

[72]         Cette affirmation de la plaignante est contredite par son médecin traitant, le docteur Lapointe, lequel affirme qu’il ne remet jamais un certificat ‘ ’en blanc’’ à un patient. Le médecin précise qu’un certificat médical attestant d’une consultation et celui qui établit une période d’incapacité au travail sont deux documents distincts. Le docteur Lapointe précise également que les personnes qui sont atteintes de pneumonie peuvent maintenant se soigner à la maison avec des médicaments appropriés et travailler si leur emploi ne nécessite pas des efforts physiques importants.

[73]         Je n’ai aucune raison de douter du témoignage du docteur Lapointe. Je précise qu’il est le médecin traitant de la plaignante depuis plusieurs années et sa crédibilité n’a nullement été mise en doute devant le Tribunal.  Ce seul témoignage démontre que la plaignante a non seulement menti à l’employeur sur l’origine du certificat médical qu’elle lui a remis le 3 janvier, mais qu’il n’y avait rien à son épreuve pour atteindre ses fins même s’il faut s’attaquer à l’intégrité professionnelle du médecin qui veille sur sa santé.

Conclusions

[74]         La plaignante a continuellement modifié sa version des évènements. C’est un mal de dos, une entorse lombaire, qui serait la cause de ses absences du 23 et du 27 décembre. Toutefois, le 17 janvier, la plaignante affirmera qu’en réalité elle était atteinte d’une pneumonie. Mme Bélair n’a consulté aucune clinique médicale même si elle a affirmé à Mme Proulx, le 27 décembre, que son médecin lui avait prescrit un arrêt de travail pour une semaine en raison d’une entorse lombaire. Elle a inventé de toutes pièces qu’elle avait dû débourser 125 $ ou 147 $ selon l’époque de sa version pour ce certificat. Je suis aussi d’avis que la plaignante ment lorsqu’elle affirme avoir appuyé sur la mauvaise touche le 22 décembre afin de se porter volontaire pour travailler en temps supplémentaire. Je ne vois pas pour quelles raisons la préposée aurait inventé de toutes pièces la raison de Mme Bélair de ne pas travailler le 22 décembre et qu’elle a consigné au Journal de l’évènement.

[75]         Lors de sa rencontre avec les représentants de l’employeur, le 17 janvier, la plaignante admettra qu’elle a falsifié le certificat médical signé par le docteur Lapointe. Toutefois, cette admission ne représente pas toute la vérité. Mme Bélair a mis du ‘ ’liquid paper ’’ sur la date d’émission du billet afin qu’il porte la date du 23 décembre, mais elle n’aurait qu’inscrit les dates laissées en blanc par le docteur Lapointe où il avait écrit ‘ ’Patiente inapte au travail du___ au ___ ‘ ’. Mme Bélair a également falsifié cette partie du certificat médical et ne l’a jamais admis.

[76]         L’original du certificat falsifié par Mme Bélair a été déposé lors de l’administration de la preuve. Il est facile de comprendre la raison pour laquelle la plaignante a déposé une photocopie de ce certificat. Il y a du ‘’liquid paper’’ qui apparaît clairement sur le certificat et il est facile de constater que deux couleurs d’encre ont été utilisées. La même couleur d’encre apparaît sur la date d’émission du billet et sur l’inscription ‘ ’Patiente inapte au travail du 23 au 25 décembre’’. À mon avis, dès que la plaignante a produit l’original du certificat médical, il devenait clair qu’il avait été altéré et elle devait alors changer de stratégie en vue de la rencontre avec les représentants de l’employeur. Il n’y a pas beaucoup de mérite d’avouer une faute lorsque l’on sait qu’elle a été ou sera découverte.

La sanction

[77]         La falsification d’un certificat médical est assurément une faute grave. Toutefois, afin d’exercer mon entière juridiction, je dois prendre en compte toutes les circonstances dans lesquelles a été commise cette faute afin de déterminer si l’employeur a raison de prétendre que le lien de confiance est irrémédiablement rompu. Il ne suffit pas à l’employeur d’alléguer que le lien de confiance est rompu, il faut que la preuve conduise à cette conclusion.

[78]         Je souligne que la plaignante n’a jamais démontré qu’elle était dans l’incapacité de travailler les 23 et 27 décembre. Mme Bélair a produit un certificat médical falsifié et n’a consulté aucun professionnel de la santé. De plus, lors de l’administration de la preuve, la plaignante n’a fait entendre aucun témoin pouvant attester minimalement de son mal de dos ou de sa pneumonie, s’il en est. Je comprends qu’un certificat médical, authentique je précise, qui comporte un diagnostic, est en quelque sorte la meilleure preuve de l’état d’une personne dans un temps bien précis. Toutefois, il peut certes se produire des circonstances où il est impossible pour une personne de se procurer un certificat médical le jour même où elle est malade. Dans la présente affaire, aucun des proches de Mme Bélair n’a été entendu pour attester minimalement de son état de santé suite à sa chute le 21 décembre ou encore de son entorse lombaire qui s’est progressivement transformée, semble-t-il, en pneumonie. La liste des médicaments produits par la plaignante n’est pas une preuve probante. Le docteur Lapointe a témoigné qu’il pouvait compléter des ordonnances pour une période de 18 mois et le fait qu’une personne prenne un médicament ne signifie pas pour autant qu’elle est incapable de fournir sa prestation de travail.

[79]         Je suis convaincu que la plaignante avait nettement l’intention de tromper l’employeur en falsifiant le certificat médical et qu’elle désirait obtenir des journées de congé qu’elle n’aurait pu autrement obtenir. Dans l’affaire Centre de réadaptation en déficience intellectuelle et en troubles envahissants du développement de Montréal et le Syndicat des travailleuses et travailleurs du CRDITED de Montréal - CSN [3] , l’arbitre Claude Martin a maintenu le congédiement d’un salarié qui avait falsifié un certificat médical pour les motifs suivants :

«  [27] La jurisprudence que les deux parties ont citée témoigne de la gravité que les arbitres accordent à la falsification d’un certificat médical. Elle est assimilée à un manquement à l’obligation fondamentale de loyauté d’un salarié à l’endroit de son employeur. Elle entraîne souvent une rupture du lien de confiance qui doit sous-tendre leur relation. Elle justifie fréquemment un congédiement ou une mesure disciplinaire importante.

[28]  Dans la présente affaire, la faute ne fait aucun doute. Le Plaignant admet qu’il a trafiqué le certificat médical qu’il a obtenu de l’Hôpital de LaSalle.

[29] Les circonstances mises en preuve me portent à croire qu’il ne s’agissait pas d’un geste irréfléchi. Je suis au contraire d’avis que le geste était l’aboutissement d’un raisonnement, d’une volonté de donner un renseignement inexact. Monsieur Rousse-Poirier savait que son dossier disciplinaire l’exposait à des sanctions importantes s’il était fautif une nouvelle fois. Il en avait été avisé à deux reprises. Il savait également que l’Employeur exigeait de lui une justification satisfaisante s’il s’absentait. En l’instance, il ne croyait pas l’avoir. Pour se sortir de l’embarras dans lequel il se trouvait, il a d’abord donné à Madame Normand une information qu’il savait inexacte pour expliquer son absence du 20 au 25. Parce qu’elle insistait et exigeait un certificat médical, il en obtenait un le 2 juin, mais qui n’expliquait son absence que pour le 25. Il ne le lui a transmis que le 7 juin, en prenant soin toutefois de le modifier dans l’espoir de se tirer d’affaire . Dans ces circonstances, il m’apparaît difficile d’attribuer son geste à son seul manque de maturité. Il y avait, chez lui, une intention de tromper son employeur, de lui donner un renseignement inexact dans le but de se soustraire à une conséquence qu’il craignait.  »

(je souligne)

[80]         Dans l’affaire Travailleuses et Travailleurs unis de l’alimentation et du commerce, section locale 501 et Provigo Distribution Inc . [4] , l’arbitre Diane Fortier cite une sentence arbitrale non rapportée de l’arbitre Alain Corriveau qu’il a rendue entre les mêmes parties le 8 juillet 2004. L’arbitre Fortier, alors saisie du grief d’un salarié pour avoir falsifié un certificat médical, applique le même raisonnement tenu par l’arbitre Corriveau :

«  [58]   Voici des extraits de la décision de M e Corriveau :

« [31] Le requérant dans la présente espèce, M. Alexandre Deragon, n’avait chez l’employeur, au moment de son congédiement, que peu d’ancienneté et, selon la preuve entendue, avait un dossier d’absences et de retards au travail élevés.  Rencontré à plusieurs reprises à ce sujet par son supérieur M. Martel, il lui a dit qu’il s’agissait là d’erreurs de jeunesse et qu’il allait s’en corriger.

[32] Quelques semaines plus tard, étant malade, il a quitté le travail avant la fin de sa relève, s’est rendu à une clinique médicale, où son médecin traitant lui a prescrit des antibiotiques et lui a remis un billet médical justifiant son absence du 13 février 2003.  Il devait, normalement, être présent au travail le lendemain mais il a avisé son employeur qu’il se sentait encore malade et il s’est absenté le 14 février 2003.

[33] À son retour au travail, après une fin de semaine de congé, M. Martel lui a demandé, comme il l’en avait avisé précédemment, de lui fournir un certificat médical justifiant ses deux journées d’absence.  M. Deragon lui a remis le billet médical du docteur Ferland justifiant son absence du 13 février 2003.  Cependant, M. Deragon n’avait aucune justification pour son absence du 14 février .  Le plaignant lui a dit qu’il se procurerait un certificat médical pour cette journée d’absence et au lieu de le faire, il a falsifié le billet médical que lui avait remis le docteur Ferland pour justifier son absence du 14 février 2003.  Il commettait par là un manquement très grave . »

[59] L’arbitre Corriveau, au paragraphe 34 de sa décision, cite les auteurs Bernier, Blanchet, Granosik et Séquin, citations qu’on retrouve au paragraphe 43 de la présente décision.

[60]   Puis, il poursuit en ces termes :

« [35] Appliquées au cas de l’espèce, ces quelques remarques des auteurs précités amènent le soussigné à constater que M. Deragon a commis une faute grave, qu’il a prémédité son geste et que dans le cadre de son témoignage, il est peu crédible quant aux explications qu’il a données à l’employeur pour avoir agi de la sorte .

[36] Quant à son aveu, il faut mentionner qu’il ne s’agit pas d’une circonstance atténuante puisque dans les faits, il a été pris en flagrant délit de mensonge.  En effet, à ce dernier sujet, le soussigné retient de la preuve que la falsification faite par le plaignant du billet médical du docteur Ferland était flagrante puisque l’écriture sur le billet médical, en ce qui concerne la date du 14 février 2003, était différente et que l’encre du stylo utilisé par le plaignant était également différente de telle sorte que la falsification était évidente.

[37] Par ailleurs, il n’y a pas de preuve au dossier à l’effet que M. Deragon était réellement malade le 14 février 2003 . […]

[38] Au surplus, on constate que le plaignant a peu d’ancienneté , qu’il a un dossier de retards et d’absences élevés et qu’en falsifiant le billet médical, il voulait, à toutes fins pratiques, éviter l’imposition d’une mesure disciplinaire puisque M. Martel l’avait avisé qu’il devait, à l’avenir, pour justifier ses absences, et cela compte tenu de son dossier d’absences élevées, fournir des certificats médicaux. »

[61]    Après avoir cité l’arbitre Jean-Guy Clément, dans l’affaire Robin Hood Multifoods (affaire citée au par. 42.2 de la présente), l’arbitre Corriveau s’exprime ainsi :

« [40] Dans la présente espèce, la faute a été prouvée.  À l’audition, le plaignant a avoué avoir falsifié le billet médical du docteur Ferland.  Cependant, dans le cadre de l’enquête menée par l’employeur, le plaignant rencontré par M. Comte du Service de sécurité chez l’employeur a tenté, comme on le constate des réponses qu’il a données lors de cet interrogatoire avec M. Comte, de diminuer la gravité de son geste par ailleurs prémédité, dans le but de s’éviter l’imposition d’une mesure disciplinaire.  Bien sûr, lors de cette rencontre avec l’enquêteur, le plaignant a avoué avoir falsifié le certificat médical du docteur Ferland mais, comme certains arbitres l’ont déjà mentionné, il n’y a pas beaucoup de mérite à avouer un flagrant délit .

[62] L’arbitre conclut ainsi :

« [43] L’employeur a donc décidé de mettre un terme à l’emploi du plaignant et, dans les circonstances révélées par la preuve, le soussigné croit qu’il n’a pas agi de façon abusive, déraisonnable ou discriminatoire.  En effet, M. Deragon a peu d’ancienneté chez l’employeur, il a un dossier de retards et d’absences élevés et il a avoué sa faute en tentant d’en minimiser les effets expliquant son geste par une erreur de jeunesse. […]

[44] La faute a été commise, il s’agit d’un manquement très grave, compte tenu des circonstances de l’espèce, l’employeur était justifié d’intervenir en imposant une mesure disciplinaire et compte tenu de la preuve faite par les témoins entendus et les documents déposés, le soussigné en arrive à la conclusion que la décision de l’employeur de congédier le plaignant était tout à fait juste et raisonnable dans les circonstances . »  

[63] Dans notre affaire, j’en arrive à la même conclusion que l’arbitre Corriveau, qui avait à décider d’un cas presque identique au nôtre.  Le geste posé par le plaignant constituait une faute très grave, qui a eu pour effet direct de rompre le lien de confiance et, en conséquence, la décision de l’Employeur de mettre fin à l’emploi du plaignant était juste et raisonnable. »

[81]         L’affaire qu’avait à trancher l’arbitre Corriveau présente de nombreuses similitudes avec le dossier de Mme Bélair. Dans l’affaire Syndicat des employés des casinos du Québec (CSN) et Société des casinos du Québec Inc . [5] , l’arbitre Joëlle L’Heureux était également saisie d’un grief qui contestait le congédiement d’un salarié qui avait falsifié un certificat médical. Je cite les extraits suivants de cette sentence :

«  [46] La falsification d’un certificat médical par un salarié va directement à l’encontre de son devoir d’intégrité et d’honnêteté envers son employeur . La falsification d’un certificat médical est aussi un acte interdit par le Code criminel aux articles 366, 367 et 368. C’est donc un geste grave assimilable à de la fraude. La sanction d’un tel geste, même si l’avantage procuré par la fraude est minime, peut aller jusqu’au congédiement ou une longue suspension, lorsque des circonstances atténuantes permettent de croire que le lien de confiance, condition essentielle du contrat de travail, n’est pas brisé entre l’employeur et le salarié.

[63]   Toutefois, pour statuer sur le maintien du lien de confiance, le tribunal ne doit pas regarder uniquement la nature et la gravité de la malhonnêteté, mais aussi la nature des fonctions de la plaignante et la nature des opérations de l’employeur . »

(je souligne)

[82]         Mme Bélair représente Hydro-Québec auprès de la clientèle. Elle a accès à des informations sensibles et confidentielles contenues au dossier des clients. L’employeur doit avoir confiance en ses représentants et je considère que les agissements de la plaignante aux mois de décembre 2013 et janvier 2014 ont brisé le lien de confiance nécessaire pour occuper une telle fonction. Mme Bélair ne peut invoquer aucune circonstance atténuante. Elle n’a que très peu d’ancienneté. En plus d’avoir falsifié le certificat de son médecin traitant, elle n’a pas manqué d’imagination dans l’élaboration de ses scénarios afin d’arriver à ses fins dans le but de tromper l’employeur. Dans ces circonstances, je vois mal comment je pourrais exiger de l’employeur qu’il lui fasse de nouveau confiance lorsqu’elle devra le représenter auprès de sa clientèle et dans l’exécution de sa prestation de travail.

[83]         Tout ce que la plaignante regrette, c’est l’ampleur que toute cette affaire a prise, selon ses termes. Il est évident que Mme Bélair n’a jamais pris conscience de la gravité de sa faute.

[84]         La preuve ne révèle pas que Mme Bélair était affectée par un quelconque problème psychologique ou d’autre nature qui ait pu affecter son jugement, comme dans certaines sentences arbitrales que m’a soumises le syndicat [6] . C’est donc en toute connaissance de cause qu’elle a falsifié le certificat médical et inventé de toutes pièces une histoire qu’elle a sans cesse persisté à modifier pour tenter de la rendre plus crédible, du moins à ses yeux.

DISPOSITIF

Pour les raisons qui précèdent, après avoir étudié la preuve, la jurisprudence et les autorités soumises par les parties, soupesé les arguments des procureures et sur le tout délibéré, le Tribunal :

REJETTE les griefs de Mme Josée Bélair et maintient la suspension sans solde qui lui a été imposée le 15 janvier et son congédiement en date du 25 février 2014.

 

 

 

Procureure du Syndicat          M me Muriel Masse (SCFP)

           

Procureure de l'Employeur    M e France Legault (Hydro-Québec)

 

Dates des audiences : 15 mai, 26 juin et 11 juillet 2014.

 

 

 

 

 

 

SA/252-12-14

 

________________________________ __

Me Denis Provençal, arbitre

 

 



[1] [1998] R.J.D.T.38 , à la page 40.

[2] [2001] 2 R.C.S. 161 .

[3] Sentence arbitrale du 21 mars 2013, AZ-50962834 . Références dans le texte omises.

[4] D.T.E. 2005T-39 .

[5] D.T.E. 2006T-61 . Références dans le texte omises.

[6] Syndicat des employé(e) de techniques professionnelles et de bureau d’Hydro-Québec (SCFP-FTQ, Local 2000) et Hydro-Québec. D.T.E. 2012T-460 , sentence arbitrale de Me Marcel Morin. Commission scolaire Marie-Victorin et Syndicat des employées et employés professionnels - les et de bureau, section locale 578. D.T.E. 2014T-451 , sentence Arbitrale de l’arbitre Gilles Ferland.