Leseize c. Zerona Clinique SMC Santé

2014 QCCQ 8503

COUR DU QUÉBEC

« Chambre civile »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

TERREBONNE

LOCALITÉ DE

 ST-JÉRÔME

« Division des petites créances »

N° :

700-32-028646-139

 

 

 

DATE :

4 juillet 2014

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

 L'HONORABLE JEAN-YVES TREMBLAY, J.C.Q.                                                

 

______________________________________________________________________

 

 

 

 

LYNE LESEIZE

 

 

          Partie demanderesse

 

 

c.

 

 

ZERONA CLINIQUE SMC SANTÉ

 

         

           Partie défenderesse

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

JT0716

 
______________________________________________________________________

La demanderesse réclame l'annulation d'un contrat.

[1]             L'entente couvre un traitement au laser pour amincir le corps mais quand elle le conclut, prétend l'intéressée, on lui en donne le prix, 1 995, 00 $, mais sans lui parler des taxes. Elle ne reçoit jamais de facture, ajoute-t-elle, et la représentante de la clinique profite de sa profession d'infirmière pour la sécuriser indûment. D'autre part, Santé Canada constate l'absence de danger pour la santé avec l'appareil utilisé, sans plus.

[2]            La partie adverse produit une défense étoffée. D'abord, elle est une petite clinique médicale privée [1] qui propose différents services médicaux dont l'amincissement du corps par laser froid en utilisant la technologie Zérona. Lorsque la demanderesse se présente, on lui donne les explications requises dont les pathologies qui peuvent ralentir ou empêcher le traitement. Cette rencontre dure normalement 45 minutes mais il faut deux (2) heures en l'espèce, parce que la cliente éventuelle fait auparavant des recherches sur l'appareil utilisé et qu'on répond à toutes ses questions, en plus de lui montrer le matériel didactique.

[3]            La demanderesse trouve élevé le prix du contrat mais l'accepte en répartissant le paiement en plusieurs versements. Au total, elle s'engage à payer 1 995, 00 $ plus taxes, soit 2 293, 75 $. Elle fait un premier versement de 343, 75 $, l'équivalent des taxes plus 45, 00 $, parce qu'elle désire ensuite trois (3) paiements arrondis à           650, 00 $. C'est la cliente qui choisit d'acquitter les taxes en premier lieu, elle reçoit un reçu chaque fois dont un pour le prix total du contrat.

[4]            Dans sa mise en demeure, note la défenderesse, sa cliente écrit qu'on lui remet une facture lors de mon rendez-vous suivant mais jure le contraire dans sa DEMANDE . Peut-être l'intéressée regrette-t-elle ensuite sa dépense mais pourquoi ne pas alors arrêter tout simplement le traitement ? Elle prend d'ailleurs sa décision et entreprend ses démarches avant réponse à sa mise en demeure du 19 juin 2013.

[5]            La représentante de la clinique est infirmière, membre de son ordre professionnel. La demanderesse lui cause préjudice par ses allégations diffamatoires et par les plaintes qu'elle loge auprès de plusieurs organismes publics. Pourtant, jamais ne donne-t-on de fausses informations à l'intéressée, jamais ne lui fait-on miroiter de faux espoirs. D'autre part, l'appareil Zérona est une technologie américaine approuvée par la FDA et homologuée par Santé Canada, comme le démontre la pièce E. Tous les droits d'utilisation de l'appareil appartiennent à Zérona Québec, de qui la défenderesse loue la machine. Toute la documentation et toute la publicité viennent de Zérona Québec.

[6]            Enfin, conclut la défenderesse, la demanderesse a reçu tous ses traitements et a bénéficié d'excellent résultat qui excède la moyenne des résultats observés en clinique ( pièce C ) et la demanderesse fait toute sorte d'allégations qui n'ont pas de sens.  

[7]            La défenderesse se porte aussi demanderesse reconventionnelle pour récupérer les frais de cour dont l'octroi suivra toutefois l'issue du litige et d'autres dépenses reliées à la défense de ses intérêts, inadmissibles sauf circonstances particulières difficiles à déclarer en Division des petites créances où les justiciables sont privés d'assistance juridique valable, en principe, à tout le moins. Enfin, la demanderesse reconventionnelle requiert le retrait des plaintes de la partie adverse auprès d'organismes comme l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec, par exemple. Encore là, le jugement en l'espèce disposera de ce problème, le cas échéant.

[8]            À l'audience, les parties reprennent leurs prétentions respectives. De son côté, la demanderesse exprime sa déception du traitement, parce que c'est son tour de taille qui diminue plutôt que son ventre et pourtant, elle respecte à la lettre toutes les directives reçues. Également infirmier, le copropriétaire de la clinique précise de son côté qu'on procède à des vérifications hebdomadaires des résultats du traitement, que la cliente signe chaque rapport et qu'elle perd 3.5 pouces dans la région abdominale et 1.5 pouces aux hanches, au-delà de la garantie cumulative de 3 pouces.

[9]            Sa collègue reprend aussi les allégations résumées aux paragraphes précédents. Elle précise toutefois que le paiement initial de la cliente couvre le prix des vitamines comprises dans le traitement. Autrement, on ne demande jamais de dépôt. Enfin, elle confirme que la demanderesse obtient d'excellents résultats qui dépassent la norme.

[10]         Cette dernière produit une liasse de pièces, lois, règlements, jurisprudence, documents promotionnels, etc. La pertinence doit cependant primer la quantité. Par exemple, elle propose une décision [2] du 28 mars 2013 où les défendeurs garantissent à leur cliente un amincissement de trois (3) pouces en neuf (9) séances de quarante (40) minutes. Le contrat précise que la garantie consiste en une mesure cumulative d'amincissement de la taille, des hanches et des cuisses. Or dans ce cas, la cliente insatisfaite prouve un amincissement de 2.4 pouces seulement. Ici, la preuve révèle que la demanderesse obtient un résultat supérieur à la norme.

[11]         La demanderesse évoque aussi la Loi sur la protection du consommateur selon laquelle, aussi, le consommateur peut, à tout moment et à sa discrétion, résilier le contrat… . Pourquoi n'exerce-t-elle pas ce droit, malgré toute la déception qu'elle éprouve ? De même, la preuve établit qu'elle reçoit bel et bien une facture et que le premier paiement, qu'elle détermine elle-même, comme les autres versements d'ailleurs, couvre le prix de vitamines nécessaires dès le départ.

[12]         Y-a-t-il en l'espèce fausses représentations ? D'abord, la demanderesse produit comme pièces à peu près tout ce qui se publie à propos du traitement Zérona. En plus, elle se renseigne sur le sujet par les moyens technologiques habituels et passe deux (2) heures en entrevue préalable avec la représentante de la clinique. En signant le contrat litigieux, il faut déduire qu'elle ne nourrit plus aucun doute, qu'elle est donc parfaitement au courant de ce qu'elle achète. Si ce n'est pas le cas, qui le sera jamais ?

[13]         Et parmi les pièces de la défenderesse se trouvent trois (3) copies des reçus remis à la demanderesse, le Formulaire Zérona de mensurations - Femme initialé à chaque étape par la demanderesse et la réponse à la mise en demeure dont voici quelques extraits :

Lors de ta première rencontre le 3/05/2013, nous avons abordé les sujets suivants : … Nous avons aussi utiliser plusieurs outils didactique dont une pancarte cartonné indiquent clairement le 3 po min cumulatif. Dans ton cas tu nous as informé que tu prend un antidépresseur qui est Célexa, qui comme la plupart des antidépresseurs ont et peut avoir pour effet secondaire de prendre de la masse corporel et ralentir les bien fait du laser froid… Avant la première séance nous avons pris tes mensurations de départ qui étais : Dos 32,875 - taille 37, 50 - ventre 38, 625 - hanche 35, 00 - cuisse drt 22, 00 - cuisse gch 21, 5. Après seulement la première séance tu as perdu 2, 75 po cumulatif, lors de l'évaluation finale tes mensurations étais de Dos 31, 00 - taille 34, 00 - ventre 37, 75 - hache 33, 50 - cuisse drt 21, 25 - cuisse gch 20, 25 pour un grand total de 9. 75 po cumulatif, si nous regardons seulement la taille, tu as perdu 3.5 po… c'est excellent ! En ce qui nous concerne, nous sommes très satisfaits avec les résultats dont tu as réussi à obtenir. Car tu dépasse amplement le 3 po cumulatif que nous avons garantie au départs. Même tu as eu 3.5 po a la taille seulement.

La cliente insatisfaite paraît oublier que la garantie parle de mesures cumulatives.   

[14]         Bref, la demanderesse qui a le fardeau de la preuve faillit à démontrer ses prétentions. En effet, d'après l'article 2803 du Code civil du Québec, celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.

[15]         Il y a aussi le principe de la stabilité des contrats qu'il faut aussi considérer en l'espèce, évidemment sujet aux autres lois qui peuvent l'affecter :

 

 Ainsi, le contrat a force obligatoire… le contrat est irrévocable : les parties ne sont pas libres de le révoquer de façon unilatérale… le contrat ne peut être modifié : les parties sont liées par son contenu… le juge est également lié. Afin d'assurer la stabilité des contrats, il ne peut intervenir pour en modifier le contenu… [3]  Or rien en l'espèce n'empêche l'application de ce principe.

 

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

 

REJETTE l'action de la demanderesse, avec frais contre elle, 143, 00 $;

REJETTE la demande reconventionnelle, avec frais contre la défenderesse, demanderesse reconventionnelle, 81, 00 $.

 

 

 

 

            _____________________________

                                                                                      JEAN-YVES TREMBLAY

                                                                                      Juge à la Cour du Québec   

 

 

 

 

Date d'audience : 6 juin 2014



[1] N.B. Les caractères en italique sont la reproduction fidèle des textes rapportés.

[2] Malo c. Lauzon (Centre d'amaigrissement Mieux Vivre), 2013 QCCQ 2997

[3] Collection de droit 2011-2012, Obligations et contrats, École du Barreau, p.55