Cantave c. Beaulieu |
2014 QCCQ 8897 |
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COUR DU QUÉBEC |
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« Division des petites créances » |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
Québec |
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LOCALITÉ DE |
Québec |
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« Chambre civile » |
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N° : |
200-32-059198-134 |
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DATE : |
19 Septembre 2014 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
Daniel bourgeois j.c.q. |
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Jude Renel cantave […] Québec (Québec) […]
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Demandeur |
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c.
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Marie-claude beaulieu et patrick salvano […] Québec (Québec) […]
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Défendeurs |
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JUGEMENT |
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Le litige
[1] Le demandeur, monsieur Jude Renel Cantave (ci-après appelé « monsieur Cantave ») réclame des défendeurs, madame Marie-Claude Beaulieu et monsieur Patrick Salvano (ci-après appelés les « défendeurs ») 7 000 $ à la suite de vices cachés qui affecteraient la maison qu’il a acquise le 31 juillet 2007 des défendeurs, au coût de 224 000 $.
[2] Les défendeurs nient toute responsabilité et affirment avoir dénoncé honnêtement l’état de la fondation au demandeur avant l’achat de la maison. Se portant demandeurs reconventionnels, puisqu’il s’agirait de la troisième réclamation de monsieur Cantave depuis l’achat de la propriété, ils réclament à leur tour 6 611,15 $ à ce dernier à titre de dédommagements pour les coûts supportés dans le cadre de la défense.
Le contexte
[3] Le 31 juillet 2007, monsieur Cantave se porte acquéreur d’un immeuble connu sous le lot numéro […] du cadastre de Québec, avec constructions sises au […] Québec.
[4] Avant d’acheter la propriété, dont l’année de construction remonte à 1970, monsieur Cantave fait vérifiiser cette dernière par monsieur Robert Wright, inspecteur agréé. Cependant, aucun rapport d’inspection n’a été déposé en preuve lors de l’audition.
[5] Au cours de l’été 2010, soit trois ans après l’achat de la propriété, les locataires de monsieur Cantave l’avisent de problèmes de moisissures le long des murs de certaines pièces au sous-sol.
[6] Les photos (P-2 en liasse) démontrent effectivement des problèmes de moisissures affectant les murs de l’appartement au sous-sol.
[7] Le demandeur fait expertiser l’immeuble le 27 juillet 2010 par Expert drainage Québec inc. et le rapport (P-3) fait état que le drain agricole était mal posé dès la construction de l’immeuble, puisque le drain était trop serré ce qui aurait empêché l’eau du sol d’entrer à l’intérieur du drain et d’être évacuée. Le rapport conclut également au fait que le drain agricole aurait été posé trois pouces plus bas que la semelle.
[8] Le 6 août 2010, monsieur Cantave dénonce aux défendeurs la situation (lettre P - 1), laquelle dénonciation est suivie, en date du 18 août, d’une mise en demeure par laquelle il réclame le remboursement d’un montant de 70 000 $ (voir lettre P-4, datée du 18/08/2014, mais dont la date est de toute évidence est erronée, s’agissant plutôt du 18/08/2010).
[9] Les défendeurs, par l’entremise de leur avocat, répondent le 30 septembre 2010 (D-5) et ces derniers déclinent toute responsabilité concernant les éléments énoncés dans la mise en demeure du 18 août 2010.
[10] Le 23 avril 2011 (P-5), monsieur Cantave répond à la lettre des défendeurs transmise par leur avocat le 30 septembre 2010, et avise à ce moment les défendeurs qu’il est disposé à mettre fin aux poursuites judiciaires contre le paiement d’une somme de 21 000 $, c’est-à-dire le coût qu’il a supporté pour faire poser un nouveau drain.
[11] En réponse à la lettre du 23 avril 2011, les défendeurs répliquent, en date du 19 mai 2011 (D-7) et contestent les conclusions de l’expert du demandeur. Les défendeurs affirment de plus que les travaux que monsieur Cantave a effectués, constituent une amélioration et du rajeunissement du système de drainage, dépenses qui normalement ne sont pas considérées dans le cadre d’un dédommagement basé sur des vices cachés.
La preuve lors de l’audition
[12] Plusieurs vidéos sur support CD ont été déposées à l’occasion de l’audition par monsieur Cantave. Ces vidéos démontrent que l’intérieur des tuyaux, constatant le drain, est presque sec et que seul un petit filet d’eau est visible à l’intérieur. Ces vidéos démontrent également que les tuyaux du drain ne sont pas endommagés et qu’ils sont en très bonnes conditions, à l’extérieur comme à l’intérieur. Enfin, sur une vidéo, un test d’eau est effectué qui démontrerait que l’eau provenant non seulement de la pluie, mais du système d’arrosoir, n’est pas capté par le drain. Sur une autre vidéo, les drains seraient trop collés (un sur l’autre), ne laissant pas filtrer l’eau qui pourrait venir de la partie supérieure du terrain.
[13] Monsieur Sylvain Ouellet, représentant de la firme Expert drainage Québec inc., a témoigné sur les travaux effectués et sur ses constatations à l’occasion des travaux portant sur le drain.
[14] Monsieur Ouellet affirme qu’il n’y a pas de problème de nappe phréatique sur cet immeuble puisque ce dernier est situé sur un terrain élevé (sur un cap). Monsieur Ouellet affirme également que le drain agricole est situé trop bas par rapport à la semelle et que, placé de cette façon, le drain ne pouvait pas capter les eaux de pluie provenant de la surface du terrain et qui percole vers le bas des fondations en direction du drain.
[15] Monsieur Ouellet admet également que l’immeuble comportait plusieurs fissures sur le solage, lesquelles étaient visibles puisque le solage était assez élevé par rapport au niveau du terrain. Selon ce dernier, le fait que les tuyaux du drain ne soient pas abîmés après 40 ans d’usure est la preuve qu’il n’a jamais fonctionné normalement.
[16] En défense, madame Beaulieu et monsieur Salvano indiquent qu’il s’agit de la troisième demande de monsieur Cantave depuis la vente de la maison. La première réclamation, en date du 10 juillet 2009 (lettre D-3) concernait un problème de toiture et la deuxième réclamation, en date du 4 septembre 2009 (D-4) concernait un problème avec le patio arrière.
[17] Selon les défendeurs, monsieur Cantave avait été avisé avant l’achat de l’état de l’immeuble. Les défendeurs affirment que les fissures étaient visibles de l’extérieur et de l’intérieur. Ils confirment avoir dénoncé le problème des fissures sur la fondation et des travaux concernant l’armature d’acier qui avait été posée par monsieur Gino Lepage de l’entreprise « M. Fissure ». Ils réfèrent au document déposé par monsieur Cantave à cet effet (P-11) en date du 12 décembre 2006 concernant les travaux à effectuer à l’immeuble.
[18] Les défendeurs font entendre monsieur Jean-François Sirois de l’entreprise Garco inc., entreprise spécialisée en remplacement de drain de fondation, conduits d’égouts et aqueduc.
[19] Selon monsieur Sirois, l’objectif du drain est de prendre l’eau qui provient de la nappe phréatique. Selon ce dernier, il n’y a aucun problème à ce qu’un drain soit positionné plus bas que la semelle puisqu’il serait encore utile à ce moment afin d’empêcher l’eau provenant de la nappe phréatique d’entrer par la semelle de la fondation.
[20] Monsieur Sirois confirme également, tout comme monsieur Ouellet, qu’il n’y a pas à cet endroit de problème de nappe phréatique, car la maison est située en haut d’un cap. Pour cette raison, il est d’avis que le drain a été peu utilisé durant sa vie à cause de la configuration du terrain et du fait que la nappe phréatique, n’a pas atteint le drain en question.
[21] Enfin, selon monsieur Sirois, la mauvaise installation d’un drain ne se constate pas après 40 ans. Il est d’avis que lorsqu’il y a des problèmes d’installation, ces derniers apparaissent très rapidement après les premières années suivant la construction.
[22] En ce qui concerne l’humidité sans un sous-sol, monsieur Sirois affirme que les causes peuvent être multiples, comme la présence de fissures dans la fondation ou encore un drain qui aurait été mal posé ou qui serait endommagé.
analyse
[23]
En ce qui concerne la garantie de qualité, l’article
III. — De la garantie de qualité
1726. Le vendeur est tenu de garantir à l'acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l'usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l'acheteur ne l'aurait pas acheté, ou n'aurait pas donné si haut prix, s'il les avait connus.
Il n'est, cependant, pas tenu de garantir le vice caché connu de l'acheteur ni le vice apparent; est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert.
[24] La jurisprudence a établi que les indices permettant de soupçonner l’existence d’un vice potentiel peuvent créer le besoin d’inspection plus poussé, même de la part de l’expert, sous peine que le vice soit considéré comme vice apparent; aussi lorsque l’apparence d’indice laisse soupçonner l’existence d’un vice, l’acheteur devrait consulter un expert [1] .
[25]
Par ailleurs, en ce qui concerne les Règles de preuve, les articles
2803. Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.
Celui qui prétend qu'un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée.
2804 . La preuve qui rend l'existence d'un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n'exige une preuve plus convaincante.
[26] Le Tribunal est en présence de témoignages contradictoires de la part des témoins experts. D’une part, monsieur Ouellet affirme que la mauvaise installation du drain agricole lors de la construction de la maison est responsable de l’humidité excessive qui affectait le sous-sol à l’été 2010.
[27] D’autre part, monsieur Sirois est d’avis que la présence d’humidité peut avoir comme origine différentes sources. Parmi ces sources, un drain mal posé pourrait être responsable d’une forte humidité mais, comme il le précise, cette humidité ne pourrait provenir que de la présence de la nappe phréatique à la suite du mauvais fonctionnement du drain.
[28] Or, les deux experts partagent la même conclusion sur un point : dans le présent dossier, il n’y a pas de problème de nappe phréatique puisque l’immeuble est situé et construit en haut d’un cap.
[29] Donc, selon monsieur Sirois, l’autre cause potentielle de l’humidité excessive est celle qui pourrait provenir des fissures.
[30] À ce sujet, il est en preuve que ces fissures étaient non seulement apparentes mais avaient été dénoncées par les défendeurs à monsieur Cantave avant l’acquisition de la maison.
[31] Étant donné ce qui précède, le Tribunal arrive à la conclusion que monsieur Cantave n’a pas fait la preuve que l’excès de l’humidité constaté à l’été 2010, dans le sous-sol de la résidence, a été causé par un problème de drain. Pour ce qui est de la demande reconventionnelle des défendeurs, la somme réclamée de 6 611,15 $ comprend essentiellement les troubles et inconvénients normaux liés à une défense dans le cadre d’un recours judiciaire. Aucune preuve n’a été faite quant à la conduite fautive de monsieur Cantave dans le cadre de sa réclamation en vices cachés.
[32] Pour ces raisons, la demande reconventionnelle des défendeurs doit également être rejetée.
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
rejette la demande principale du demandeur, monsieur Jude Renel Cantave;
rejette la demande reconventionnelle des défendeurs, Marie-Claude Beaulieu et Patrick Salvano;
le tout sans frais.
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__________________________________ Daniel bourgeois j.c.q. |
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Date d’audience : |
20 août 2014 |
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[1]
Blanchard
c.
Guertin