Section des affaires sociales

En matière de services de santé et de services sociaux, d'éducation et de sécurité routière

 

 

Date : 23 septembre 2014

Référence neutre : 2014 QCTAQ 09484

Dossier  : SAS-Q-191635-1305

Devant le juge administratif :

GILLES FONTAINE

 

C... C...

Partie requérante

c.

SOCIÉTÉ DE L'ASSURANCE AUTOMOBILE DU QUÉBEC

Partie intimée

 

 


DÉCISION



 


[1]               La requérante conteste une décision du 26 avril 2013, rendue par la partie intimée, la Société de l’assurance automobile du Québec (ci-après, « la SAAQ »), qui lui impose des conditions préalablement à l’obtention de son permis de conduire .

[2]               La décision de la SAAQ fait suite à un rapport d’évaluation sommaire non favorable, reçu de l’Association des centres de réadaptation en dépendance du Québec, (ci-après, «l’ACRDQ ». Ce rapport, daté du 19 avril 2013 évalue que le comportement de la requérante envers la consommation d’alcool demeure un risque pour la sécurité routière suite à l’évaluation sommaire.

[3]           En raison de la conclusion non favorable du rapport, la requérante doit se soumettre à une complète évaluation afin de s’assurer que ses habitudes de consommation d’alcool ne soient plus incompatibles avec une conduite sécuritaire d’un véhicule routier.

[4]               Le 8 mai 2013, la requérante conteste, par voie d’une correspondance de son procureur [1] , la décision du 26 avril 2013 de la SAAQ.

[5]               À l’audience sur cette requête, tenue devant le Tribunal administratif du Québec le 11  juin 2014, la requérante était présente et était représentée Me Bertrand Jacob. La SAAQ était représentée par Me François Desroches Lapointe.

[6]               En début d’audience, le procureur de la SAAQ dépose les documents relatifs à l’évaluation sommaire-ACRDQ [2] .

[7]               Compte tenu de la nature confidentielle des documents contenus à la pièce I-1, compte tenu de la nécessité de préserver l’ordre public et dans le but d’assurer une bonne administration de la justice, le Tribunal autorise la production desdits documents, avec ordonnance de non-divulgation, de non-publication et de non-diffusion émise en vertu de l’article 131 de la Loi sur la justice administrative [3] tel que demandé par la SAAQ.

[8]               Après analyse de la preuve, des documents et du témoignage de la requérante, le Tribunal retient les éléments pertinents qui suivent :

·                La requérante est âgée de 63 ans et est retraitée depuis plus de cinq ans;

·                Le 22 mai 2011, elle se fait arrêter pour conduite avec les facultés affaiblies;

·                Conduite au poste de police, la requérante effectue un alcootest et les résultats sont transcrits sur le certificat du technicien qualifié, on y constate le taux de 184 mg d’alcool par 100 ml de sang à 3h57 e t 169 mg d’alcool par 100 ml de sang à 4 h15 [4] ;

·                Le 20 décembre 2012, la requérante enregistre un plaidoyer de culpabilité à l’accusation prévue à l’article 253 (1) a) du Code criminel [5] , soit d’avoir conduit un véhicule automobile avec les capacités affaiblies par l’alcool;

·                Le 19 avril 2013, la requérante se soumet à une évaluation sommaire du risque à partir d’un questionnaire standardisé. Cette entrevue est effectuée avec l’évaluatrice Marie-Ève Rousseau;

·                La requérante considère que l’évaluation s’est très bien déroulée et se déclare satisfaite des explications données par l’évaluatrice tout au long de la rencontre;

·                Bien qu’elle se dise en accord avec l’ensemble des réponses données aux divers questionnaires à l’exception d’une question, elle considère qu’elle est victime de son honnêteté et que si c’était à refaire, elle aurait intérêt à mentir.

·                Dans son témoignage à l’audience, la requérante mentionne qu’elle a répondu par l’affirmative à une des questions du questionnaire en rapport avec les problèmes liés à l’alcool, ce qui a comme conséquence de le coter défavorablement. La réponse devait être négative bien qu’elle avait bien compris la question, elle s’explique mal d’avoir répondu par l’affirmative.

·                À l’audience, l’évaluatrice, Marie-Ève Rousseau a témoigné pour décrire le processus du protocole de l’évaluation sommaire.

·                Elle explique alors son rôle dans l’entrevue et décrit la méthode pour établir les recommandations à partir des grilles de pondération.

[9]               Le rapport d’évaluation sommaire repose sur des facteurs de risque et une recommandation non favorable est émise lorsqu’un conducteur cote à trois facteurs ou plus. En ce qui concerne la requérante, la cote de trois facteurs de risque a amené la recommandation défavorable, soit les facteurs B, I et K:

Le facteur B:           Problèmes liés à l’alcool;

Le facteur I:             Risques liés aux attitudes, intentions, comportements et

                                 cognition ;

Le facteur K:           Alcoolémie à l’arrestation.

[10]            Les dispositions pertinentes du Code de la sécurité routière s’inscrivent aux articles  76 et 76.1.2, et se lisent comme suit :

« 76.   Sous réserve de l'article 76.1.1, aucun permis ne peut être délivré à une personne dont le permis a été révoqué ou dont le droit d'en obtenir un a été suspendu à la suite d'une déclaration de culpabilité pour une infraction au Code criminel (L.R.C. 1985, c. C-46), visée à l'article 180 du présent code, avant l'expiration d'une période d'une , de trois ou de cinq années consécutive à la date de la révocation ou de la suspension selon que, au cours des 10 années précédant cette révocation ou cette suspension, elle s'est vu imposer aucune , une seule ou plus d'une révocation ou suspension en vertu de cet article. (…) »

Infraction reliée à l’alcool.

« 76.1.2.  Lorsque l'infraction donnant lieu à la révocation ou à la suspension est reliée à l'alcool et que la personne n'est pas visée à l'article 76.1.4, elle doit, pour obtenir un nouveau permis, établir que son rapport à l'alcool ou aux drogues ne compromet pas la conduite sécuritaire d'un véhicule routier de la classe de permis demandée. [6]

(Le souligné est de nous)

[11]            Rappelons que ces dispositions sont impératives et d’ordre public et que nul ne peut les ignorer. Ces dispositions visent la protection du public aussi bien que celle du détenteur du permis de conduire.

[12]            Soulignons également que l’obtention d’un permis de conduire n’est pas un droit, mais bien un privilège.

[13]            Les procureurs des parties ont fait des représentations très intéressantes sur chacun des facteurs qui ont occasionné la recommandation non favorable et présenté des points de vue bien approfondis que nous résumerons dans l’analyse qui suit. 

[14]            En ce qui concerne le facteur B, le procureur de la requérante plaide que la requérante ne devrait pas recevoir une cotation défavorable sur ce facteur, principalement en raison qu’elle a répondu de façon erronée à une question. 

[15]            Le procureur de la SAAQ invoque le fait que le Tribunal se doit de privilégier les réponses données à la date de l’évaluation puisque la spontanéité des réponses est un élément important dans le cadre du protocole.

[16]            Quant au facteur I, le procureur de la requérante  a fait ressortir plusieurs questions des tests afin de soulever des arguments concernant soit leur compréhension, soit leur interprétation ou leur « absurdité ».

[17]            Selon le procureur de la SAAQ, le processus de l’évaluation sommaire ne démontre pas que la requérante n’a pas bien compris les questions et que ses réponses ont été affectées ou corrompues par l’évaluatrice.

[18]            Il ajoute que rien dans la preuve et l’argumentation, soulevées par la requérante, n’établit l’invalidité ou l’impertinence de l’évaluation sommaire dans la détermination d’un facteur de risque.   

[19]            Finalement, les procureurs plaident sur la cotation du facteur K en raison de l’utilisation du certificat du technicien qualifié qui rapporte le taux d’alcoolémie au moment de l’infraction.

[20]            L’argument pose la question de la possibilité d’utiliser les résultats du certificat du technicien qualifié suite à un acquittement devant la Cour en matière criminelle d’une accusation  d’avoir conduit avec plus de 80 mg d’alcool dans 100 ml de sang (article 253 (1) b) du Code criminel pour les fins de détermination de ce facteur.

[21]            Rappelons que l’évaluation sommaire a pour but d’évaluer la compatibilité du comportement du requérant relativement à sa consommation d’alcool avec la conduite sécuritaire d’un véhicule routier.

[22]            Comme le mentionnait le Tribunal dans une décision récente :

« Elle détermine si son comportement face à la consommation d’alcool constitue un danger pour la conduite sécuritaire d’un véhicule automobile. Il ne s’agit pas ici d’établir si une personne est alcoolique ou toxicomane, mais plutôt s’il existe des risques de récidive d’un comportement face à l’alcool ou aux drogues pouvant mettre en cause la conduite sécuritaire d’un véhicule routier. » [7]

[23]            Le Tribunal tient à rappeler que le fardeau de démontrer le bien-fondé de son recours incombe au requérant, et ce par une preuve prépondérante.

[24]            Afin de disposer de ce recours, il nous faut considérer les différents facteurs qui ont été défavorables pour établir si la recommandation faite était bien fondée.

[25]            Tout d’abord, le Tribunal est d’avis que concernant les arguments relatifs au facteur B, comme la jurisprudence constante l’a rappelé, la réponse spontanée doit être privilégiée à celle donnée postérieurement à l’audience. Récemment, le Tribunal l’exprimait ainsi :

«De plus, la jurisprudence du Tribunal a établi à maintes occasions que la réponse spontanée lors de l’évaluation est généralement privilégiée à celle donnée à l’audience parce qu’elle est plus fiable. La réponse originale, parce qu’émise de façon spontanée et non stratégique, reflète le mieux la réalité. » [8]

[26]            Le Tribunal ne peut modifier le résultat significatif à un facteur, sur une simple preuve testimoniale qui n’est d’ailleurs corroborée par aucun élément objectivable.

[27]            Au niveau des arguments sur le facteur I, la jurisprudence du Tribunal se divise en deux courants qui se distinguent particulièrement sur le pouvoir d’intervention sur le protocole.

[28]            Selon un courant, le Tribunal dispose de pouvoir plus limité, soit, uniquement d’établir si le processus d’évaluation est entaché d’une erreur de procédure qui l’invaliderait et non le protocole en tant que tel, comme l’exprimait récemment le Tribunal:

« [22] Le principe retenu par la jurisprudence majoritaire du Tribunal est qu’il n’appartient pas à ce dernier de s’immiscer dans le choix des critères d’évaluation retenus par le protocole de l’ACRDQ ni à leur pointage.  Les questionnaires psychométriques standardisés utilisés par le protocole se fondent sur des indicateurs directs, et aussi des indicateurs de risque indirects.

   [23] Le Tribunal, au risque de se répéter, n’a pas à évaluer la valeur et la pertinence de tels critères, qui sont le fruit d’un protocole bien établi. » [9]

[29]            À l’autre extrémité du spectre, le Tribunal porte l’analyse sur la notion de vice de fond dans l’administration du test et du protocole comme tel, comme décrit ci-après :

«[52] Notre Tribunal renvoie à la notion de vice de fond dans l’administration du test. Or, dans le présent dossier, le fait de tenir compte d’un constat d’infraction contesté tout autant que le fait de présenter des questions ambigües qui conduit à des réponses hautement suggestives (dans un contexte d’insuffisance d’assistance) et à un calcul qui produit des résultats absurdes sont autant chacun et ensemble des vices de fond.

[53] En effet, tant la SAAQ que le présent Tribunal ne doit pas interpréter une loi de façon à conduire à un résultat absurde. Bien que nous devions avoir un regard respectueux sur le travail d’évaluation fait par des organismes désignés, s’il est constaté, comme en l’espèce, que l’application de ces tests conduit à des absurdités, nous nous devons de ne pas donner à la Loi une application absurde. Telle est la présomption de non absurdité qui résulte des règles d’interprétation. Voir à cet effet :

« Bien sûr, les termes de « justice » et de « raison » y figurent en bonne place : des résultats seront qualifiés de, « déraisonnables », d’« injustes », d’« inéquitables », une interprétation sera présentée comme menant à des « injustices », qualifiées de « graves » ou de « manifestes ». Parfois, on soulignera que telle interprétation mène à des résultats « injustes et déraisonnables », « manifestement injustes et déraisonnables » ou « absurdes et impensables ».

D’autres qualificatifs sont également utilisés pour décrire ces conséquences que ne peut avoir voulues le législateur . On rencontre les épithètes « absurde », « anormal », « intolérable »; « inconcevable » ou « difficile à concevoir »; « curieux ». Est présenté comme préférable l’interprétation susceptible d’éviter « l’incertitude, les frictions ou la confusion » ou celle qui paraît « la plus pratique et la plus efficace ».

Les tribunaux feront l’hypothèse que le législateur n’entend pas exiger le respect d’un texte au cas d’impossibilité pratique de le faire : le brocard lex non cogit ad impossibilia consacre ce principe de bon sens et d’équité.

Pour éviter de donner à une loi des résultats absurdes, il serait même permis de s’écarter d’un texte clair : ce serait d’ailleurs le seul cas où, selon la doctrine littéraliste classique, on serait justifié de ne pas suivre un texte dont le sens paraît évident : « on ne doit s’écarter du sens littéral qu’en cas d’ambigüité ou d’absurdité. »

Pierre-André Côté, Interprétation des lois, 2 e édition , Les Éditions Yvon Blais inc.,Centre de recherche en droit public de la faculté de droit de l’Université de Montréal, 1990, 427-429 » [10]

[30]            À notre avis, le Tribunal se doit disposer des litiges en vertu des pouvoirs de l’article 15 de la Loi sur la justice administrative qui se lit ainsi :

 

«  15. Le Tribunal a le pouvoir de décider toute question de droit ou de fait nécessaire à l'exercice de sa compétence.

 

Contestation d'une décision.

Lorsqu'il s'agit de la contestation d'une décision, il peut confirmer, modifier ou infirmer la décision contestée et, s'il y a lieu, rendre la décision qui, à son avis, aurait dû être prise en premier lieu. »

[31]        À ce titre, le Tribunal doit considérer le protocole de l’évaluation sommaire comme un instrument servant d’évaluateur de risque de sorte qu’il constitue un élément de preuve nécessaire à la détermination des conditions afin d’obtenir son permis de conduire [11] .

[32]            Étant donné que cette évaluation du risque ne peut être considérée comme une preuve irréfragable, elle est donc possible d’être contredite par une preuve contraire. D’ailleurs, le Tribunal s’exprimait sur le sujet :

« [41] Ainsi, dans l’exercice de sa compétence et tout en étant prudent, le Tribunal doit donner l’occasion aux parties de présenter une preuve afin qu’elles puissent remettre en contexte les résultats obtenus. Il sera alors possible d’évaluer si le comportement du requérant en lien avec l’alcool est un risque pour la sécurité du public sur la route. » [12]

[33]            Il revient ici au Tribunal de s’assurer que l’évaluation sommaire a été correctement appliquée et qu’il n’y a pas d’erreur pouvant invalider cette évaluation.

[34]            Selon le soussigné, l’évaluation sommaire a été appliquée selon les normes d’un protocole standardisé, par une personne qualifiée. Aucune erreur déterminante n’est détectée, autant dans l’application du questionnaire que dans l’interprétation des résultats.

[35]            En effet, tant dans le déroulement, la compréhension ainsi que dans l’honnêteté des réponses, rien n’est soumis pour altérer le résultat de l’ensemble de l’évaluation sommaire.

[36]            Reste donc à analyser l’argumentation voulant  que certaines questions des tests conduiraient à des résultats « absurdes ».

[37]            D’abord, le protocole standardisé est établi à partir d’un ensemble de tests psychométriques. Or, il n’est pas de connaissance judiciaire, le caractère scientifique à donner à ceux-ci.

[38]            Ayant été déposé valablement en preuve, c’est à la partie qui veut démontrer que le protocole de l’évaluation sommaire ne présente pas une valeur probante, une pertinence ou une crédibilité de le faire à l’aide d’une preuve prépondérante.

[39]            Avec respect pour l’opinion contraire, le Tribunal considère que le protocole, établi sur un ensemble de facteurs évalués à l’aide de tests, où les questions ont été pondérées par une analyse « scientifique » pour estimer le risque de conduite avec les facultés affaiblies par l’alcool, ne pourrait être contré que par une preuve rencontrant minimalement ce même niveau de fiabilité.

[40]            Dire qu’une question est non pertinente ou donne un résultat absurde, revient à déclarer qu’elle ne serait pas utile pour évaluer le niveau de risque. Le Tribunal ne peut qu’être extrêmement vigilant avant d’aller dans cette voie.

[41]            En effet, il serait particulièrement difficile de déterminer quelles questions ou quels tests devraient être ainsi écartés en l’absence d’une preuve concrètement prépondérante, comme le mentionnait récemment le Tribunal :

« Le Tribunal ne peut écarter ces questions en l’absence de preuve établissant que celles-ci ne permettent pas d’évaluer ni de près ni de loin le niveau de risque en relation avec la conduite sécuritaire d’un véhicule routier. » [13]

[42]            Dans la preuve produite par la requérante, rien ne permettrait de repousser l’évaluation du risque établi à partir des résultats du protocole, soutenue par la cotation de trois facteurs sur les dix facteurs dont le facteur I, qui a comme conséquence la recommandation non favorable contestée.

[43]            Finalement, on a beaucoup insisté sur le facteur K qui demeure déterminant puisqu’il se base sur l’alcoolémie au moment de l’arrestation.

[44]            Les résultats conduisant à la cotation de ce facteur s’appuient sur la présence d’un taux d’alcoolémie élevé de plus de 160 mg d’alcool par 100 ml de sang (ci-après, « 0.160 ») ou par le refus de se soumettre à l’alcootest ou de fournir des documents. Les autres cas mentionnés où la cote est de […] ne semblent pas avoir d’application dans le cadre de l’évaluation sommaire.

[45]            Bien que concernant la requérante, le facteur K cote en raison du refus de fournir le document, à savoir le certificat du technicien qualifié qui établit alors des taux supérieurs à 0.160, les procureurs ont élargi l’argumentation sur la pertinence et l’obligation de fournir ce certificat dans le cadre d’un acquittement ou d’un arrêt des procédures, sur le chef d’accusation de conduite automobile avec un taux supérieur à 0,08.

[46]            Avant de faire l’analyse des arguments en présence, il importe de bien la circonscrire en débutant par la nature du certificat du technicien qualifié.

[47]            Le certificat du technicien qualifié, comme celui déposé sous la cote I-1, a été préparé dans le cadre des procédures criminelles concernant les accusations de conduite avec les facultés affaiblies par l’alcool. On y retrouve les informations suivantes :

·                Le lieu où le prélèvement s’est effectué;

·                La personne de qui les prélèvements d’haleine ont été pris;

·                L’appareil avec lequel les prélèvements ont été pris avec le numéro de série;

·                Le numéro et la compagnie du lot qui a été utilisé afin de tester la viabilité de l’alcootest et les résultats de ces tests;

·                Les résultats des échantillons d’haleine avec les heures exactes de ceux-ci;

·                Le numéro d’évènement, la date ainsi que la signature du technicien qualifié sont finalement inscrits sur ce certificat.

[48]            Le respect de l’ensemble de ces éléments accorde alors, selon l’article 258 du Code Criminel [14] que , « la preuve des résultats des analyses fait foi de façon concluante ». Ainsi, il y a une présomption en faveur de la poursuite afin de démontrer les éléments de l’infraction de conduite avec plus de 80 mg d’alcool par 100 ml de sang de l’article 253 (1)b) du Code Criminel .

[49]            Évidemment, dans le cadre de l’application du Code de la sécurité routière et d’une contestation d’une décision suivant la recommandation non favorable de l’ACRDQ faite en lien avec l’évaluation sommaire, il n’y a pas de présomption en faveur de la SAAQ et le fardeau de la preuve n’est plus celui du hors de tout doute raisonnable.

[50]             Toutefois, les éléments factuels contenus dans le certificat ne disparaissent pas du fait du simple fait qu’il y aurait eu, dans l’instance criminelle,  un acquittement, un retrait ou un arrêt des procédures sur le chef en vertu de l’article 253 (1) b) du Code criminel .

[51]               Comme le mentionne le Tribunal :

«[39]   À cet égard et avec respect pour l’opinion contraire [15] , la soussignée maintient sa position sur cette question telle qu’énoncée dans la décision 2014 QCTAQ 02454 , dont les extraits pertinents sont rapportés au paragraphe 35 de la présente décision.

[40] En bref, cette position est la suivante :

-                le litige dont est saisi le Tribunal relève non pas du droit criminel, mais du droit administratif et plus particulièrement du Code de la sécurité routière;

-                l’on ne peut reconnaître à un acquittement au criminel, l’autorité de la chose jugée en matière de sécurité routière;

-                l’acquittement (ou un retrait des procédures d’accusation), constitue par ailleurs un fait juridique admissible en preuve devant le Tribunal;

-                toutefois, il n’emporte pas automatiquement la conclusion que le taux d’alcoolémie inscrit au certificat du technicien qualifié doit être écarté aux fins de l’évaluation du risque que présente, pour les fins de la conduite sécuritaire d’un véhicule routier, le comportement d’une personne face à l’alcool;

-                il n’existe aucune preuve en l’espèce que l’acquittement ou le retrait des procédures criminelles est la résultante, par exemple, d’une faille constatée au niveau de la prise des échantillons d’haleine par le technicien qualifié, ou encore d’une défectuosité de l’alcootest utilisé par le technicien qualifié. » [16]

[52]            Ainsi, puisque le processus de l’évaluation sommaire se met en branle suite à une condamnation à l’article 253 du Code criminel , sous réserve des commentaires précédents lorsqu’il y a une preuve contraire, il n’appartient pas au Tribunal de remettre en question le recours au taux d'alcoolémie inscrit au certificat du technicien qualifié comme indicateur de risque à l'évaluation sommaire.

[53]            Dans un tel cas, le certificat du technicien qualifié peut être mis en preuve devant le Tribunal, et il peut être utilisé par l’ACRDQ dans le cadre de son protocole pour évaluer le risque de récidive d’une personne déclarée coupable d’une infraction à l’article 253 du Code criminel .

[54]            Il est vrai que le facteur K paraît plus déterminant que les autres facteurs car il repose sur un seul élément. Cependant, il s’agit d’un facteur sur dix facteurs.

[55]            De plus, il n’a pas été démontré par exemple que le fait d’avoir une cotation défavorable sur le facteur K, permet d’établir des corrélations obligatoires sur les autres facteurs ou inversement.

[56]            Évidemment, l’effet d’une condamnation à une infraction pour facultés affaiblies a des incidences importantes dans les conditions pour obtenir à nouveau son permis de conduire. L’une de ces conditions est d’obtenir une recommandation favorable à l’évaluation sommaire.

[57]            Or, aucune preuve n’a été présentée devant le Tribunal pour permettre de ne pas considérer le facteur K, soit le taux d’alcoolémie à l’arrestation pour évaluer le niveau de risque, ni d’ailleurs que le certificat du technicien qualifié ne serait d’aucun recours pour déterminer un tel taux.

[58]            On veut à tort, lier l’inadmissibilité du certificat à la conclusion de l’instance criminelle. Ce qui revient à dire que le Tribunal serait lié par cette décision ou par celle du procureur de la direction des poursuites pénales; ce qui n’est pas le cas.

[59]            Appliquant les principes que nous venons de discuter à la situation de la requérante, le Tribunal considère que le certificat du technicien qualifié qui fait état des taux de 0.184 et de 0.169 est recevable en preuve et qu’aucune preuve n’a été soumise au Tribunal qui serait de nature à affecter la valeur probante de ce certificat ni, finalement, à modifier ou à infirmer la recommandation défavorable au facteur K.

[60]            Ayant conclu que les recommandations défavorables des facteurs B, I et K doivent être confirmées et lorsqu’une personne cote à plus de trois facteurs de risque, le protocole de l’ACRDQ établit que la recommandation, à la suite de l’évaluation sommaire, doit être non favorable. Le Tribunal en vient à la conclusion qu’il maintient la décision de la SAAQ et rejette le recours de la requérante.

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL  :

REJETTE le recours;

ORDONNE la non-publication, la non-divulgation et la non-diffusion des renseignements contenus dans les documents relatifs à l’évaluation sommaire (I-1) qui auraient pour effet de révéler le contenu des tests et les résultats pondérés de l’évaluation, à l’exception de l’avis du professionnel de la santé ou d’un autre professionnel que la SAAQ a désigné nommément ou d’une personne autorisée par un centre de réadaptation pour personnes alcooliques et autres personnes toxicomanes.


 

 

GILLES FONTAINE, j.a.t.a.q.


 

Me Bertrand Jacob

Procureur de la partie requérante

 

Me François Desroches-Lapointe

Procureur de la partie intimée


 



[1] Dossier, p.8-9.

[2] Pièce I-1

[3] RLRQ, chapitre J-3

[4] Pièce I-2

[5] L.R.C. 1985, c.C-46

[6] RLRQ, C-24.2

[7] 2014 QCTAQ 08321

[8] 2014 QCTAQ 0696

[9] 2014 QCTAQ 08645

[10] 2013 QCTAQ 04484, prendre note que cette décision est en révision judiciaire

[11] Art. 76.1.2 , CSR

[12] 2014 QCTAQ 0869

[13] 2104 QCTAQ 06865, la juge administratif, Danielle Allard se questionnait sur le pouvoir du Tribunal pour écarter des questions de l’évaluation sommaire.

[14] LRC, C.-24

[15] voir supra note 6, décision du Tribunal du 28 mai 2014, 2014 QCTAQ 05876 , SAS-Q-197785-1312.

[16] 2014 QCTAQ 06181