Desgranges c. Duchesneau |
2014 QCCQ 9253 |
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COUR DU QUÉBEC
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
QUÉBEC |
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LOCALITÉ DE |
QUÉBEC |
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« Chambre civile » |
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N° : |
200-32-059135-136 |
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DATE : |
16 septembre 2014 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
PIERRE CODERRE [JC2399] |
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LUC DESGRANGES, […] , Granby (Québec) […]
Demandeur |
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c. |
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JEAN-PHILIPPE DUCHESNEAU, […], Québec (Québec) […] et ANNICK PLEAU, […], Québec (Québec) […]
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Défendeurs
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JUGEMENT
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[1] Le demandeur, monsieur Luc Desgranges (monsieur Desgranges), réclame, après amendement, 7 000 $ conjointement et solidairement aux défendeurs, madame Annick Pleau et monsieur Jean-Philippe Duchesneau (madame Pleau et monsieur Duchesneau), à la suite de l'acquisition d'une roulotte Travel Star 2003 de ces derniers qui comporte, selon monsieur Desgranges, de nombreux problèmes.
LES FAITS
[2] Lors de l'audition tenue le 3 septembre 2014, madame Pleau explique au Tribunal qu'au début du mois d'avril 2012, elle acquiert une roulotte Travel Star 2003 tant pour l'usage de sa famille, soit elle, son conjoint et leurs cinq enfants que pour les activités professionnelles d'elle et de son conjoint, monsieur Duchesneau.
[3] Elle soutient que deux semaines après l'acquisition de cette roulotte, à l'égard de laquelle elle affirme ne pas se souvenir du nom du vendeur, elle décide de la remettre en vente.
[4] L'annonce publiée sur LesPac n'est pas produite au dossier tant par le demandeur que les défendeurs.
[5] Lors de l'audition, monsieur Desgranges soutient que le prix demandé est de 5 600 $. Il s'agit pour lui et sa conjointe, madame Julie Paquette, de leur première acquisition d'une roulotte.
[6] Le 24 mai 2012, monsieur Desgranges se rend chez madame Pleau et monsieur Duchesneau à Québec et il ne procède à aucune inspection détaillée de la roulotte car il affirme que celle-ci étant « reconstruite », selon ce qui apparaît au dossier de la Société d'assurance automobile du Québec (SAAQ), il est rassuré car dans sa famille plusieurs véhicules ont été achetés « reconstruits ».
[7] La réparation qui a été faite, selon ce qu'affirme monsieur Desgranges, se situe dans le secteur de la toilette dans la roulotte. Il dit que c'est madame Pleau qui lui a indiqué cela.
[8] Monsieur Desgranges dit qu'il n'a pas noté de problèmes particuliers avec la roulotte à ce moment.
[9] Dans les documents qu'il produit au soutien de sa preuve, monsieur Desgranges dépose un contrat qui n'est pas au prix qu'il affirme avoir payé, soit 5 600 $ comptant, mais plutôt 1 000 $. Celui-ci est signé par monsieur Jean-Philippe Duchesneau ainsi que par monsieur Luc Desgranges. Il est inscrit ceci sur ce contrat :
Moi Jean Philippe Duchesneau a vendu ma roulotte star lite 2003 (ISABS02G731EB3246) a _____ 1 000 _____, la sommes complet a été remis ce jeudi 24 mai 2012, la roulotte est présentement plaquer et assuré au Québec, une procuration complet lui a été remis et le nécessaire pour les transferts a son nom. L'acheteur la inspecté a son entière satisfaction et elle est vendu sans garantie et aucun retour. La roulotte a une mention **reconstruit** au dossier mais a été réparé.
Elle est libérée de tout lien
L'acheteur s'engage a procédé au transfert d'ici samedi et prend l'entière responsabilité en cas d'accident ou de bris avant les transferts lors de la prise de possession
Signature d'approbation de l'entente
Québec 24 mai 2012
Jean Philippe Duchesneau
(s) Jean Philippe Duchesneau
Temoin annick pleau
Acheteur
Lettre moulé Luc Desgranges
Signature (s) Luc Desgranges
(Reproduction intégrale)
[10] Par ailleurs, le même contrat est aussi produit par les défendeurs, madame Pleau et monsieur Duchesneau, et le prix indiqué est plutôt de 5 600 $. Sur ce document, contrairement au précédent, la signature de madame Pleau apparaît comme témoin ce qui n'est pas le cas dans celui où le montant de 1 000 $ est inscrit.
[11] Le lendemain, soit le 25 mai 2012, le montant inscrit comme valeur à la SAAQ pour cette roulotte est de 800 $.
[12] Lors de l'audition, le Tribunal informe les parties que c'est le montant de 800 $ qu'il retient comme valeur de la roulotte.
[13] Monsieur Desgranges affirme qu'à l'été 2012, il utilise la roulotte à trois reprises avec sa conjointe et leurs enfants.
[14] Dans les documents accompagnant sa demande à la Cour du Québec, Division des petites créances, monsieur Desgranges écrit que lorsqu'il a examiné la roulotte au moment de l'achat, il avait remarqué que le prélart était décollé à l'intérieur. Il affirme que selon lui, madame Annick Pleau était au courant de l'état du plancher car « le plancher était pourri six pouces à côté de l'endroit que je lui avais mentionné ». Malgré cela, il acquiert la roulotte.
[15] Il mentionne aussi dans son document qu'à l'été 2012, il a noté des dégâts au niveau du plancher après une journée de camping et il a aussi remarqué que la porte de salle de bain accrochait la lumière au plafond.
[16] Il soutient que ce n'est qu'à l'automne 2012 qu'il a vu l'ampleur des problèmes à la roulotte lorsqu'il a amené celle-ci chez Services V.R. Boisclair Enr. pour l'hiverner à Granby. Monsieur Richard Boisclair l'informe à ce moment que la toiture est à refaire au complet, ainsi que le mur du côté gauche à l'intérieur et la moitié du plancher est à enlever à l'intérieur.
[17] Monsieur Boisclair informe monsieur Desgranges qu'il estime le coût des travaux à un minimum de 5 000 $ pour corriger la situation, ceux-ci pouvant varier lorsqu'il verra davantage l'ampleur des dégâts.
[18] À la suite de cette vérification par monsieur Boisclair, le 13 octobre 2012, monsieur Desgranges affirme qu'il a téléphoné à madame Pleau le 30 novembre 2012. Il soutient que celle-ci n'a pas voulu collaborer.
[19] Par après, il requiert une expertise de Les Roulottes Gilles Ouellet à L'Ange-Gardien.
[20] Le 5 décembre 2012, cette entreprise fait une estimation des travaux d'un total de 42 449,30 $. Cela est près du double du coût d'une roulotte similaire, selon ce qu'affirme monsieur Desgranges.
[21] Parmi les documents qu'il a produits au dossier, monsieur Desgranges a fait parvenir au greffe de la Cour du Québec, Division des petites créances, une déclaration pour valoir témoignage de monsieur Samuel Lavallée qui travaille chez Go-Vr à l'Ange-Gardien, auparavant Les Roulottes Gilles Ouellet.
[22] Monsieur Lavallée précise dans sa déclaration qu'il a fait une estimation des réparations à la suite de l'inspection de la roulotte de marque Travel Star de Starcraft acquise par monsieur Desgranges. Il écrit :
Nous Go-Vr avons complété un estimé de réparation suite à une inspection sur la roulotte de marque Travel Star de Starcraft appartenant à monsieur Luc Desgranges. Au moment de l'inspection nous avons constaté plusieurs infiltrations d'eau majeur à commencer par la toiture qui laissait voir plusieurs délaminations et champignons ainsi qu'une affaissement de la toiture au niveau de la salle de bain. Les murs de coté sont atteints à tout les niveau, de délamination, moisissures et de champignons et que dire du plancher qui est atteints de façon très avancé. Il est important de noter qu'autant de dommages sur un tel véhicule ne se produit pas sur une courte période d'une année. Pour avoir un véhicule dans cet état avancé il a fallu une accumulation de dommages sur une longue durée. Par exemple plusieurs réparations avaient été fait sur la toiture mais il est important pour un consommateur qui vend un bien de ne pas juste colmater une infiltration mais bien de réparer et de remplacer les matériaux atteints ce qui n'a pas été fais dans le ci. Nous avons aussi effectué un test d'humidité sur l'ensemble du véhicule à l'aide d'un détecteur de haute qualité qui nous as donné un taux d'humidité relative des matériaux de plus de 100% qui dans la normal ne devrait pas dépasser les 40% - 50%. Le pourcentage lui de teneur en eau dans le bois en %H2O lui est de 21% environ et à noter qu'à partir de 18% il se forme de la moisissure. L'évaluation effectué avec l'appareil était à titre informatif car sans même ses lectures d'humidité nous aurions été en mesure de donner le même résultat avec tous les signes apparent dans le véhicule.
(Reproduction intégrale)
[23] À la suite de cela, le 6 décembre 2012, monsieur Desgranges transmet une mise en demeure à madame Pleau et monsieur Duchesneau dans laquelle il affirme :
[…]
La présente est pour vous aviser de mon insatisfaction de la roulotte achetée au montant de 5600$, en date du 24 mai 2012.
Lors de l'hivernisation de la roulotte par un spécialiste, nous avons réalisé l'ampleur des dommages sur le bien (infiltration d'eau, affaissement des mûrs, présence de champignons, plafond sur le point de s'effondrer, etc.)
En achetant une roulotte 2003, nous étions conscients qu'elle n'était pas neuve mais pas dans un état aussi lamentable. Considérant les réparations trop importante à y faire, je demande l'annulation de la vente et le remboursement total.
Vous avez 10 jours à partir du moment que vous recevrez cette lettre pour prendre contact avec moi afin que nous puissions régler la situation. Sinon, des procédures légales seront entreprises selon le Ministère de la Justice du Québec.
[…]
(Reproduction intégrale)
[24] Aucune entente n'est intervenue entre les parties, d'où le présent litige.
LA QUESTION EN LITIGE
[25] Lors de la transaction intervenue entre monsieur Desgranges, madame Pleau et monsieur Duchesneau relativement à la roulotte en litige, cette dernière est-elle affectée de vices cachés et y a-t-il eu dol de la part de madame Pleau et monsieur Duchesneau à l'égard de monsieur Desgranges? Si oui, à quel montant ce dernier a-t-il droit?
ANALYSE
[26]
En matière de preuve, les articles
2803. Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.
Celui qui prétend qu'un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée.
2804. La preuve qui rend l'existence d'un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n'exige une preuve plus convaincante.
[27]
Relativement à la garantie de qualité, les articles
1726. Le vendeur est tenu de garantir à l'acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l'usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l'acheteur ne l'aurait pas acheté, ou n'aurait pas donné si haut prix, s'il les avait connus.
Il n'est, cependant, pas tenu de garantir le vice caché connu de l'acheteur ni le vice apparent; est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert.
1728. Si le vendeur connaissait le vice caché ou ne pouvait l'ignorer, il est tenu, outre la restitution du prix, de réparer le préjudice subi par l'acheteur.
1739. L'acheteur qui constate que le bien est atteint d'un vice doit, par écrit, le dénoncer au vendeur dans un délai raisonnable depuis sa découverte. Ce délai commence à courir, lorsque le vice apparaît graduellement, du jour où l'acheteur a pu en soupçonner la gravité et l'étendue.
Le vendeur ne peut se prévaloir d'une dénonciation tardive de l'acheteur s'il connaissait ou ne pouvait ignorer le vice.
[28]
En regard du vice de consentement sous forme de dol, les articles
1399. Le consentement doit être libre et éclairé.
Il peut être vicié par l'erreur, la crainte ou la lésion.
1400. L'erreur vicie le consentement des parties ou de l'une d'elles lorsqu'elle porte sur la nature du contrat, sur l'objet de la prestation ou, encore, sur tout élément essentiel qui a déterminé le consentement.
L'erreur inexcusable ne constitue pas un vice de consentement.
1401. L'erreur d'une partie, provoquée par le dol de l'autre partie ou à la connaissance de celle-ci, vicie le consentement dans tous les cas où, sans cela, la partie n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions différentes.
Le dol peut résulter du silence ou d'une réticence.
1407.
Celui
dont le consentement est vicié a le droit de demander la nullité du contrat; en
cas d'erreur provoquée par le dol, de crainte ou de lésion, il peut demander,
outre la nullité, des dommages-intérêts ou encore, s'il préfère que le contrat
soit maintenu, demander une réduction de son obligation équivalente aux
dommages-intérêts qu'il eût été justifié de réclamer.
[29] La preuve présentée par monsieur Desgranges établit, notamment par l'inspection faite par Services V.R. Boisclair Enr. le 13 octobre 2012 et celle réalisée par monsieur Samuel Lavallée au mois de décembre 2012 que la roulotte en litige comporte de nombreux problèmes majeurs.
[30]
L'article
[31] Madame Pleau dit à l'audience qu'elle s'y connaît en matière de véhicules récréatifs, notamment de roulottes, son père en ayant eus pendant 25 ans. Elle soutient qu'elle a acquis cette roulotte en 2012 d'une personne dont elle ne se souvient pas le nom et pour un prix dont elle ne se souvient pas davantage. Monsieur Duchesneau n'ajoute pas d'information à cela.
[32] Il appert du témoignage de madame Pleau que rapidement, elle s'aperçoit que la roulotte en litige ne convient pas pour sa famille, ce dont elle aurait pu s'apercevoir avant l'acquisition de celle-ci.
[33] Le Tribunal constate que l'inspection faite par monsieur Boisclair et celle réalisée par monsieur Lavallée démontrent que la roulotte est dans un état avancé de pourriture au moment de la transaction, le plafond de celle-ci, entre autres, étant abaissé de façon anormale.
[34] Le Tribunal retient le témoignage de monsieur Desgranges lorsque celui-ci dit qu'il s'est fié sur madame Pleau pour conclure que la roulotte était en bon état et aussi parce qu'elle avait été « reconstruite ». C'est pourquoi, il n'a pas fait faire d'inspection et a signé le contrat de vente.
[35] Le Tribunal conclut que madame Pleau sait ou doit savoir, en raison de l'expérience qu'elle dit posséder en matière de véhicules récréatifs, que cette roulotte est dans un piètre état avec un degré de pourriture avancée. Les mises en garde requises devaient être communiquées à monsieur Desgranges. Cela n'a pas été fait et ainsi monsieur Desgranges a subi un dol.
[36] Par ailleurs, le Tribunal conclut aussi qu'il a été négligent dans le cadre de l'acquisition de cette roulotte en ne la faisant pas inspecter, et ce, d'autant plus, qu'il s'agit de sa première.
[37] Après amendement, monsieur Desgranges réclame 7 000 $ à madame Pleau et monsieur Duchesneau. Le Tribunal lui accorde 800 $ à titre de dommages-intérêts pour les réparations qu'il devra faire et il ajoute 200 $ pour les troubles et inconvénients qu'il a subis, ce qui fait un total de 1 000 $.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
ACCUEILLE partiellement la demande;
CONDAMNE
les défendeurs conjointement et
solidairement, madame Annick Pleau et monsieur Jean-Philippe Duchesneau, à
payer au demandeur, monsieur Luc Desgranges, 1 000 $ avec intérêts au
taux légal et l'indemnité additionnelle prévue à l'article
LE TOUT avec les frais judiciaires de 167 $.
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______________________________ PIERRE CODERRE, J.C.Q. |
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Date d'audience: 3 septembre 2014 |
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