Syndicat des travailleuses et travailleurs du Centre de réadaptation en déficience intellectuelle Gabrielle-Major (CSN) et Centre de réadaptation en déficience intellectuelle et en troubles envahissants du développement (CRDITED de Montréal) (Lise Larochelle) |
2014 QCTA 812 |
TRIBUNAL D’ARBITRAGE
No de dépôt : 2014-8863
ME DENIS NADEAU, ARBITRE
SYNDICAT DES TRAVAILLEUSES ET TRAVAILLEURS DU CENTRE
DE RÉADAPTATION EN DÉFICIENCE INTELLECTUELLE GABRIELLE-MAJOR (CSN)
-ET-
CENTRE DE RÉADAPTATION EN DÉFICIENCE INTELLECTUELLE
ET EN TROUBLES ENVAHISSANTS DU DÉVELOPPEMENT
(CRDITED DE MONTRÉAL)
GRIEFS : LISE LAROCHELLE
NOS. 09-2010 et 18-2011
LE 1 er OCTOBRE 2014
SENTENCE ARBITRALE
Dans le cadre de plusieurs
griefs déposés par une salariée, dont deux reprochant à l’employeur du
harcèlement psychologique, l’employeur a soulevé une objection préliminaire à
l’effet que ces deux griefs sont prescrits au sens de l’article
I) Remarques préliminaires
1. Je suis saisi de neuf (9) griefs de la salariée Lise Larochelle, dont deux reprochant à l’employeur du harcèlement psychologique à son égard (S-21 et S-22). Les sept autres contestent des mesures disciplinaires (S-5 : avis disciplinaire ; S-9 : lettre disciplinaire ; S-12 : suspension de trois (3) jours ; S-14 : suivi de prestation de travail ; S-16 : suspension de cinq (5) jours ; S-24 : suspension de trois (3) jours et S-26 : attentes en lien avec la prestation de travail.
2. Dès le début de l’audience,
le procureur patronal a soulevé une objection préliminaire à l’égard de
l’arbitrabilité des deux griefs de harcèlement psychologique. À son avis, ces
griefs sont prescrits puisqu’ils n’ont pas été déposés dans les 90 jours de la
dernière manifestation de la conduite interdite (art.
3. Il a été convenu que la partie syndicale présenterait sa preuve au soutien des deux griefs de harcèlement psychologique. De son côté, l’employeur, dans la perspective de ses objections préliminaires, n’a présenté une défense qu’à l’égard des deux mesures qui se trouvent à l’intérieur du délai de 90 jours précédant les griefs S-21 et S-22. Il a été convenu que l’employeur se réservait le droit de présenter une défense visant l’ensemble des griefs visés par ce litige si ses objections préliminaires étaient rejetées.
I) LES FAITS
4. Lise Larochelle est assistante en réadaptation et travaille pour l’établissement depuis 1993. Au début de l’audience, elle était pré-retraitée. Avant le printemps 2007, son dossier disciplinaire était vierge.
5. Le 23 avril 2007, Ann Lajeunesse, chef en réadaptation, à la Résidence Baldwin, lui transmettait un avis disciplinaire (S-6), contesté par grief (S-5). Essentiellement, la chef reprochait à la plaignante son absence non autorisée du 26 mars 2007, ainsi que le fait qu’elle avait planifié - mais non réalisé - une sortie avec une usagère à la cabane à sucre, alors qu’elle savait qu’une telle activité devait être planifiée et faite avec l’accord de l’éducateur de référence et le chef en réadaptation. (S-6)
6. Relativement à sa demande de congé, la plaignante explique qu’elle avait fait une demande écrite de congé, mais qu’il est possible qu’elle ait omis de la signer. Elle était, dit-elle, alors à ses premiers mois à titre d’employée à temps complet. Elle se souvient avoir reçu un appel de sa chef entre 16h et 16h30 et avoir indiqué qu’en raison du temps qui lui serait nécessaire pour se rendre au travail (elle habite St-Jérôme et l’établissement se trouve dans l’est de Montréal), il serait plus rapide pour l’établissement de rejoindre un salarié de la liste de rappel. Lise Larochelle reconnaît avoir été ferme et avoir dit à la chef qu’elle recevait chez elle et qu’il n’y avait pas de problème pour la remplacer.
7. Quant au second reproche, elle explique qu’elle avait pensé organiser une sortie pour une bénéficiaire (DP) qui, une fois semaine, allait prendre un repas à Place Versailles. Or, elle explique avoir pensé de modifier l’endroit de la sortie, et ce, afin de rendre la vie de cette dernière intéressante. La plaignante souligne que la bénéficiaire souffrait d’un problème auditif et que le bruit ambiant du centre commercial pouvait la déranger. Elle indique avoir pensé à une sortie à la cabane à sucre, car deux autres bénéficiaires s’y étaient rendues et que DP souhaitait également y aller. Lise Larochelle explique avoir trouvé une cabane située sur le territoire de la CUM. Elle dit ne pas en avoir parlé à DP, de peur qu’elle se désorganise si le projet ne fonctionnait pas ; ce qui a d’ailleurs été le cas.
8. Lise Larochelle dit s’être sentie blessée en recevant l’avis disciplinaire du 23 avril 2007 (S-6). D’une part, même si elle reconnaît qu’elle avait fait une erreur dans sa demande de congé, elle signale que l’employeur aurait pu facilement la remplacer avec une personne de la liste de rappel. Elle note que c’était la première fois qu’elle faisait une telle demande de congé. Quant au projet de sortie, elle indique qu’elle s’investissait pour donner la meilleure qualité de vie pour les usagers et que sa démarche - qui n’a pas été réalisée - n’a entraîné aucune conséquence pour l’établissement ou l’usagère.
9. Dans son exposé des motifs, Lise Larochelle traite de la situation suivante :
10. Au printemps 2007, alors que suite à des abolitions de postes je devais exercer mon droit de supplantation, l’employeur me convoque à une rencontre d’information sur mes choix de supplantation. Une fois rendue à la rencontre, on m’informe que celle-ci est en fait une entrevue qui doit déterminer ma capacité à assumer les tâches d’instructrice d’atelier, poste que sur lequel j’ai supplanté. J’ai perçu tout au long de l’entrevue que l’on cherchait à me décourager d’exercer mon droit de supplantation sur ce poste. Encore là, j’ai ressentie du dénigrement, ce qui constitue pour moi une forme de harcèlement psychologique.
10. Lors de son témoignage à propos de ce point, Lise Larochelle explique que pendant l’entrevue, elle a perçu qu’on ne voulait pas d’une femme comme instructeur d’atelier « ou qu’on ne voulait pas de moi ». Elle dit qu’on lui a parlé de l’emploi, de la force physique requise, etc.
11. Dans son exposé des motifs, la plaignante relate le point suivant :
11. Le 15 octobre 2007, alors que je rentre d’un voyage à l’étranger fait durant ma période de vacances annuelles, j’apprends qu’on a modifié mon horaire de travail et que je suis requise au travail le lendemain matin alors que je devais être en congé. Avant mon départ, j’avais expressément demandé si des changements étaient prévus à mon horaire de travail ; on m’avait répondu négativement. Le lendemain matin, j’ai téléphoné pour demander de reporter mon heure d’entrée au travail parce que je subissais les inconvénients du décalage horaire. On m’a signifié qu’il n’en n’était pas question, que je devais me présenter au travail illico et que je n’avais pas le choix. On m’a fait comprendre que je n’avais d’autre choix que d’obtempérer, ce que j’ai fait.
12. Elle a repris sensiblement les mêmes faits lors de son témoignage. Dans son exposé des motifs, Lise Larochelle indique :
12. Le 9 mai 2008, lors d’une réunion d’équipe, Madame Roseline Lefebvre nous avise que suite à la retraite de M. Yannick Pon son poste serait affiché. Elle m’avise alors devant tous les membres de l’équipe qu’elle ne veut pas que je postule sur ce poste. Encore une fois on m’humilie.
13. Lors de son témoignage, la plaignante indique que Roseline Lefebvre a dit, lors de la réunion, « je sais qui je veux (Yves C.) et toi, Lise, tu n’appliques pas. » Elle dit qu’elle n’avait jamais vu auparavant une chef, lors d’une réunion d’équipe, dire à une salariée de ne pas postuler pour un poste. « Elle me traitait de façon différente de tout le monde ». La plaignante croit, par ailleurs, que Yves C. avait plus d’ancienneté qu’elle et qu’il avait plus d’expérience dans le poste.
14. Dans son exposé des motifs, la plaignante indique :
13. Le 3 juillet 2008, je suis convoquée à une rencontre par Madame Roseline Lefebvre. Elle me remet un avis disciplinaire. On me reproche des propos tenus à un usager devant un collègue. On a omis de dire que je m’étais immédiatement excusée de ces propos auprès de cette collègue, propos qui n’avaient pas du tout l’intention malveillante que Mme Lefebvre leur a prêtée. On me reproche aussi d’autres paroles prononcées devant certains usagers en leur sortant du contexte où elles ont été dites et on sous-entend que mes intentions étaient malicieuses.
15. L’avis disciplinaire allégué est daté du 3 juillet 2008 (S-7). Il n’a pas été contesté par grief. Dans celui-ci, la chef Roseline Lefebvre écrivait :
La présente fait suite à notre rencontre du 17 juin 2008 en lien avec une situation survenue le 12 juin dernier.
Le matin du 12 juin, alors qu’une éducatrice nouvellement embauchée au CRDI était présente au SAHT, vous avez invité « Y », un usager fréquentant le SAHT, à venir afin que vous lui présentiez la nouvelle éducatrice en lui disant « viens « Y », je vais te présenter une belle jeune fille comme tu les aimes ». Lors de notre rencontre le 17 juin, vous avez admis avoir tenu ces propos et mentionné avoir réalisé, après coup, que vous n’auriez pas dû dire cela.
Les propos que j’ai entendus le 12 juin sont totalement inacceptables et irrespectueux tant envers la clientèle qu’envers votre nouvelle collègue et ce, d’autant plus que vous connaissez cet usager pour avoir travaillé auprès de lui à la résidence Baldwin. Vous êtes de ce fait à même de savoir qu’au plan de sa problématique, il a lui-même tendance à tenir des propos inadéquats à connotation sexuelle, particulièrement envers les jeunes filles. En agissant comme vous l’avez fait le 12 juin, vous avez manqué à vos responsabilités professionnelles d’intervenante en alimentant la problématique de l’usager et avez fait preuve d’un manque évident de respect et de jugement.
16. Lors de son témoignage, la plaignante indique qu’elle a reconnu, et l’avoir répété à de nombreuses reprises, qu’elle s’excusait pour ses « propos niaiseux », qui étaient « une erreur de ma part ». Elle dit s’être également excusée auprès de la nouvelle éducatrice.
17. Toujours dans l’avis disciplinaire du 3 juillet 2008, la chef Lefebvre écrivait :
De plus, depuis votre arrivée au SAHT en septembre 2007, vos collègues vous ont déjà fait part de l’importance de surveiller votre langage compte tenu des problématiques des usagers. Je vous ai également à plusieurs reprises rencontré et mentionné que les propos, blagues ou allusions à connotation sexuelle ou reliés à l’apparence physique des gens ne sont pas appropriés dans votre milieu de travail et que vous devez vous en abstenir, que ce soit envers les usagers, vos collègues, vos supérieurs ou toute autre personne. Je vous ai précisé que vous avez également tendance à tenir des propos ironiques ou à double sens qui sont irrespectueux ou qui ont pour effet de provoquer vos collègues. Vous devez également faire preuve de jugement dans l’exercice de votre rôle d’intervenante au CRDI Gabrielle-Major.
18. Dans son témoignage, la plaignante explique que c’est à l’occasion d’un dîner, avec des usagers, qu’elle parlait, avec une collègue éducatrice, d’un fait divers ayant une connotation sexuelle. On lui a alors dit de s’abstenir de tenir de tels propos en raison des problématiques de certains usagers. Elle dit qu’elle ne connaissait pas cette situation à ce moment. Par ailleurs, elle reconnaît avoir dit, devant quelques collègues, qu’un usager lui faisait penser à Quasimodo, soit Garou dans Notre-Dame de Paris . Elle dit que ce propos n’était pas péjoratif.
19. Lise Larochelle dit qu’elle a alors compris « qu’on va me chercher des poux pour me disqualifier; Roseline se liguait contre moi avec les trois éducatrices après m’avoir demandé de faire des changements ; c’était assez blessant merci. » Elle se réfère au fait que Roseline Lefebvre lui avait dit que l’équipe était difficile, que les trois éducatrices avaient les coudes serrés. La plaignante dit qu’elle a « essayé un petit changement, mais elles [les éducatrices] résistent. »
20. Le 15 août 2008, Roseline Lefebvre a convoqué la plaignante à son bureau pour lui remettre une lettre traitant de la « collaboration et travail d’équipe. » (S-8) Elle ne sait pas si elle est la seule à avoir reçu cette lettre. Lors d’une journée d’audition subséquente, elle a indiqué qu’elle croyait que cette lettre a été envoyée à tout le personnel de l’équipe, mais qu’elle ne se souvenait pas si elle avait été remise en mains propres à chaque personne. « Ce n’était pas une nouvelle pour moi que c’était difficile de travailler au site Champ d’Eau. » Elle indique le travail de révision, mentionné au premier paragraphe de la lettre, était bien intéressant. Relativement au second paragraphe où la chef Lefebvre traite du « climat de travail harmonieux », Lise Larochelle indique qu’elle était prise entre les demandes de l’employeur (soit Mme Bédard) qui lui avait dit, à son arrivée, vers quoi les usagers du site devaient aller et les trois éducatrices qui ne voulaient pas de changement, qui demeuraient dans leur routine, qui voulaient le statu quo pour les usagers.
21. La plaignante affirme qu’elle a été « boudée » par les éducatrices. Elle mentionne, à titre d’exemple, qu’elle avait construit un gabarit pour un diviseur de pommes et « on me l’a détruit. » Selon elle, il n’y a jamais eu d’éclats de voix perturbant la clientèle, ni « vraiment en d’altercations » dans le sens allégué à la lettre S-8.
22. Lise Larochelle dit qu’elle a été blessée par cette dernière lettre. « Ma perception, c’est que Roseline veut me monter un dossier car il y aura un remplacement de Y. Pon. » La plaignante reconnaît que lors de la rencontre du 15 août, elle a monté « un peu le ton, mais je ne perds pas le contrôle, je demeure cérébrale, je ne tombe pas dans les émotions. »
23. Elle indique ne pas avoir contesté cette lettre S-8 par grief (S-9), «car je trouvais ça tellement sans fondement ; on me demande de collaborer, alors que c’est ce que j’essayais de faire le plus complètement possible. » Elle dit qu’à cette époque, « ce n’était pas dans ma nature de faire des griefs ». Dans son exposé des motifs (S-28), Lise Larochelle indique, à propos de cet événement, que « [L]à encore, on peut y voir une intervention de l’employeur qui vise à attaquer directement mon intégrité psychologique et à miner volontairement mon estime personnelle. » (par. 14).
24. Dans l’exposé des motifs de la plaignante, on y relate les événements suivants :
15. Le 26 août 2008, je reçois à l’atelier une grande quantité de matériel servant au travail des usagers. Après être intervenue auprès de l’instructeur de l’atelier Edison et lui avoir signifié l’encombrement causé par cette arrivée massive et les risques pour la sécurité tant des usagers que celle du personnel, celui-ci m’indique que je dois conserver tout le matériel. J’avise alors Mme Lefebvre des dangers occasionnés par ce surplus de matériel, notamment parce que celui-ci obstrue la sortie incendie de l’atelier. Elle me répond que je dois conserver la totalité du matériel livré.
16. Je communique alors avec Monsieur Stéphane Cayer, responsable syndical en santé et sécurité au travail, qui me suggère de contacter Madame Sylvie Ouellet, préventionniste du centre. Je l’appelle. Une visite de l’atelier se tient le 17 septembre 2008. J’indique alors à Mme Ouellet les lacunes en matière de santé et sécurité au travail dans l’atelier (entre autre le chariot élévateur qui ne permet pas d’atteindre les tablettes supérieures des étagères et qui oblige notamment à manipuler des boîtes trop lourdes et ne permet pas de ranger adéquatement celles-ci). Madame Ouellet a pris des notes.
25. Dans son témoignage à propos de cet événement, la plaignante est d’avis que la chef Lefebvre, en lui disant d’accepter la marchandise en dépit du manque d’espace, « voulait me faire mal paraître, que j’étais sans contrôle de l’atelier » lors de la visite de la préventionniste prévue pour le 17 septembre (S-32). Elle explique qu’il y avait suffisamment de matériel à l’atelier et qu’il n’y avait pas d’urgence à en recevoir du nouveau ; d’où, dit-elle, son appel à sa chef pour que cette livraison n’ait pas lieu. » La plaignante dépose un document du 27 mai 2008 (S-33) faisant état d’un déplacement de deux tablettes de matériel (boulons) de son atelier, vers celui de Edison, afin de laisser de l’espace. Or, elle signale comment elle avait de la difficulté à comprendre la position de la chef Lefebvre lorsque, quelques mois plus tard, celle-ci lui disait d’accepter la livraison de nouveau matériel qui aurait alors pour effet de limiter considérablement la circulation dans l’entrepôt et de réduire l’espace pour accéder à la sortie de secours. C’est d’ailleurs afin de souligner ce qui lui paraissait « votre nouvelle approche », que Lise Larochelle a transmis, le 4 septembre 2008, un long courriel à Roseline Lefebvre à propos de cette situation.
26. Le 29 août 2008, Lise Larochelle communique, par courriel, avec Christine Landry, conseillère en relations de travail. Elle explique sa démarche directe auprès de l’employeur en ces termes : dans une organisation, dit-elle, il peut y avoir dérapage d’une personne. Or, elle note que Roseline Lefebvre était chef par intérim, et « elle dérape » et dit avoir écrit ce courriel «pour qu’elle ne me dévalorise pas aux yeux des autres. » Voici le texte de son courriel (S-35) :
Depuis la mi-octobre 2007, j’occupe la fonction d’instructeur à l’atelier Champ d’Eau.
La direction du personnel avait manifesté sa préférence pour un homme dans cette fonction. Lors de l’entrevue de sélection, on ne m’a soumis à aucun test d’effort physique. J’ai toujours aimé et effectué des travaux matériels de bonne envergure dont entre autre, une semelle de fondation de maison et un mur de soutien en bloc de talus. A 58 ans, je n’ai aucun problème de dos ni de santé en général.
Actuellement, à l’Atelier, il y a un problème d’espace entre autre P.C.Q. mon chariot élévateur ne me donne accès aux tablettes du haut. Ma chef de service, madame Lefebvre me dit que pour le moment, il est impossible de faire modifier les tablettes et elle me demande de déplacer où de faire déplacer manuellement des boites de vis et autres très lourdes des palettes de façon à libérer de l’espace de plancher. Elle me suggère de vider partiellement les caisses pour les alléger si je trouve cela trop lourd…
Cette façon de procéder va demander beaucoup de temps et mentalement ca m’apparaît tout aussi pénible.
J’ai un rendement de production qui est surement aussi élevé que celle de l’ancien instructeur si non plus élevé.
Je suis capable d’exécuter ma tâche sans me ruiner à la condition qu’on me permette de travailler selon ma méthode et qu’on me fournisse un minimum d’équipement.
Je demande donc une rencontre avec le service du personnel, ma chef ce service ainsi que Mme Ouellette de service santé et sécurité au travail et un représentant de mon syndicat et ce de toute urgence.
Merci à l’avance de la diligence dans le traitement de ma requête.
27. La plaignante dit qu’elle demandait alors de l’aide, « je me trouvais alors dans une situation très difficile. » Elle dit qu’il n’y a pas eu de rencontre et elle croit se souvenir que Christine Landry l’a appelée pour lui dire de ne plus lui envoyer de courriel. Elle ne peut toutefois affirmer que cet appel de la conseillère visait le courriel du 29 août ou un des autres qu’elle lui a déjà transmis.
28. Une série de photos ont été prises par la plaignante pendant cette période. (S-36 à S-38). Ces photos permettent de voir une partie de l’entrepôt, la sortie de secours de l’atelier, les tablettes, l’empilement de boîtes, etc. La plaignante explique avoir pris ces photos à titre de preuves car, dit-elle, « je me sentais en danger de perte d’emploi depuis juillet. » Elle explique que les éducatrices « n’aimaient pas cela que les clients [usagers] produisent plus [des lavettes], car c’est elles qui vérifiaient la qualité du travail. » Elle dit qu’elle aurait pu « s’accoquiner » avec les trois éducatrices et ça, c’aurait été la belle vie. »
29. Dans son exposé des motifs, la plaignante écrit, au paragraphe 17 (S-28) :
17. Le 19 septembre 2008, lors d’une rencontre de service portant sur la Politique du centre pour contrer le harcèlement psychologique au travail, je dois me «faire une place à la table de mon équipe de travail » parce que je constate qu’à défaut de le faire je serai consignée seule à une autre table. Je ressens alors qu’on veut m’isoler.
30. Toujours dans l’exposé des motifs, la plaignante indique que :
18. Le 15 octobre 2008, je suis convoquée à une nouvelle rencontre avec ma chef de service, Mme Lefebvre. Elle me remet une lettre sur ma prestation de travail. On me reproche mes méthodes de travail qui auraient entraîné l’intervention de la préventionniste le 17 septembre 2008. On m’attribue l’encombrement de l’atelier alors que j’ai moi-même dénoncé cette situation au mois d’août et demandé expressément l’intervention de Mme Ouellet.
19. On insinue que je me suis fait un « espace bureau » dans l’atelier alors que mon bureau, alors localisé dans le local des intervenants, fut déménagé là à la suggestion de Mme Lefebvre pour relocaliser le photocopieur. Ce bureau sert au travail clérical en lien avec notamment la gestion de l’inventaire et les commandes que je dois faire pour m’assurer que le matériel requis le sera en quantité suffisante. On me reproche d’avoir récupéré un vieux téléphone et « d’avoir voulu » l’installer alors que la seule chose que j’ai faite est de demander de le faire.
20. Dans la même lettre on réfère à la lettre du 15 août précédent en mentionnant que les commentaires qui y apparaissaient s’adressaient directement à moi, alors que cette dernière ne contient que des consignes générales s’adressant à toute l’équipe. On pervertit à dessein les faits et la vérité pour mieux me diminuer et me sanctionner sans raison. Tout cela constitue pour moi des gestes de mauvaise foi et conséquemment du harcèlement psychologique.
31. La lettre qui lui a été remise le 15 octobre 2008 se lit ainsi (S-10) :
La présente fait suite à la rencontre du 18 septembre dernier à laquelle assistait également Madame Christine Landry, conseillère en relations de travail et Madame France Perrault, représentante syndicale. Lors de cette rencontre, nous avons fait un suivi sur votre prestation de travail et préciser nos attentes à cet égard.
Nous notons des difficultés importantes au plan de votre capacité à organiser l’atelier Champ d’Eau. Notamment, vous avez tendance à ramasser du matériel inutile qui encombre l’atelier. Vous vous plaignez également de manquer d’espace mais vous avez une forte tendance à accumuler du matériel que vous croyez pouvoir éventuellement utiliser, ce qui encombre l’atelier inutilement. Vous devez également travaillé de manière sécuritaire, utiliser les équipements mis à votre disposition pour ce faire et faire preuve de jugement dans l’exercice de vos fonctions. A cet égard, je vous ai régulièrement conseillé afin que vous utilisiez des méthodes sécuritaires de travail et le support de la conseillère en prévention a été sollicité afin d’améliorer la sécurité du milieu. Notamment, lors de notre visite, le 17 septembre, un des premiers constats faits est que le milieu est beaucoup trop encombré et l’établi était jonché de matériel et très désordonné. La sortie de secours était bloquée par des palettes de matériel alors qu’il est de votre responsabilité à titre d’instructeur d’organiser et de maintenir l’atelier en ordre. A cet égard, le 27 août, j’avais dû moi-même replacer le matériel du contrat de vis tant il était désordonné et ne permettait pas de s’y retrouver. De plus, vous faites des aménagements de votre milieu de travail sans en avoir l’autorisation, vous vous êtes aménagé un coin « bureau » et avez récupéré un vieux téléphone pour vous installer une ligne téléphonique dans l’atelier. J’ai dû intervenir pour vous préciser que l’atelier est déjà muni d’un téléphone sans fil et que vous ne pouviez modifier ainsi le milieu de travail.
Nous avons également validé avec vous votre compréhension de votre rôle à titre d’instructeur. Vous décrivez votre rôle comme étant essentiellement lié à la réception et à l’envoi de la marchandise relié aux contrats de travail. Vous vous plaignez également de la résistance de vos collègues de travail qui auraient, selon vous, peur du changement et de faire évoluer les usagers. Nous devons vous rappeler que la supervision et l’encadrement du personnel sont la responsabilité du chef de service. A titre d’instructeur, votre responsabilité est, entre autre, d’initier les usagers aux tâches et de superviser les usagers dans l’exécution des contrats. La production au niveau d’un SAHT, demeurant un outil de réadaptation et d’apprentissage pour les usagers, il ne doit pas y avoir de pression mise pour réaliser les contrats en terme quantitatif. Vous vous devez également de travailler en collaboration avec les éducatrices de l’équipe.
Vous faites également parfois preuve d’irrespect envers vos collègues, supérieurs ou collaborateurs. Notamment durant la rencontre, vous avez, à plus d’une reprise fait référence à « Madame Santé et Sécurité » en parlant de Sylvie Ouellette dont vous connaissiez pourtant le nom. Vous admettez être parfois ironique dans vos propos, ce qui, selon vos dires, est un signe d’intelligence. Or, je vous ai déjà demandé de soigner votre langage et de demeurer en tout temps respectueuse dans votre langage afin d’éviter la provocation.
Un support important vous a été offert dans l’organisation des tâches et des postes de travail des usagers et les rôles de chacun, éducateur et instructeur ont été précisés afin d’améliorer le fonctionnement du SAHT et le climat de travail. Votre collègue instructeur affecté au SAHT Edison a également été mis à contribution pour vous supporter dans l’organisation des contrats. Or, vous êtes en fonction au SAHT Champ d’Eau depuis octobre 2007 et nous notons encore des lacunes au plan de votre prestation de travail et de votre attitude et tenons, par la présente à vous préciser de nouveau nos attentes :
. Vous devez assumer l’organisation technique et matérielle de l’atelier et maintenir en tout temps l’atelier en ordre ;
.Vous devez travailler en collaboration avec vos collègues tel qu’indiqué dans notre lettre du 15 août dernier et ce, tout en respectant les rôles de chacun ;
.Vous devez en tout temps maintenir une attitude respectueuse et un langage adéquat tant envers les collègues, supérieurs et collaborateurs, ce que nous vous avions déjà indiqué dans l’avis disciplinaire du 3 juillet 2008 ;
.Vous devez faire preuve de jugement dans l’exercice de vos fonctions, travailler de manière sécuritaire et ne pas faire preuve de mauvaise foi.
Lors de la rencontre, nous avons également validé votre intérêt à travailler à titre d’instructrice en SAHT car vous avez à plusieurs reprises exprimé le souhait de quitter et étiez notamment fort déçue d’apprendre en juillet dernier que vous n’étiez pas supplanté. Nous vous rappelons cependant, que vous occupez actuellement un poste d’instructeur au SAHT Champ d’Eau et à cet égard, vous vous devez de répondre aux attentes formulées dans la présente.
Soyez assurée, Madame Larochelle de mon support dans vos efforts pour actualiser ces attentes. Tel que demandé lors de la rencontre, copie de la présente est remise sous pli confidentiel à Madame Perreault, votre représentante syndicale.
32. Cette lettre a été contestée par grief (S-9).
33. Dans son témoignage, la plaignante indique que cette rencontre a été « tellement humiliante que j’ai tendance à les chasser de mon esprit. » Elle dit qu’elle « faisait des abstractions mentales pour survivre, j’étais vraiment bouleversée. » Elle dit qu’elle se demandait ce qui se passait car elle considérait que son employeur était sérieux et honnête. Elle attribuait ces événements au fait que Roseline Lefebvre voulait favoriser son collègue C. pour le remplacement de Y. Pon.
34. À propos de l’aménagement d’un petit bureau dans l’atelier, la plaignante affirme l’avoir d’abord dit à Roseline Lefebvre et « il me semble qu’elle était d’accord ; en tout cas, elle n’a pas dit qu’elle ne voulait pas. » Elle dit qu’elle trouvait cela plus pratique d’être installée dans l’atelier où les clients travaillent [les usagers], plutôt que de se trouver dans un bureau séparé. » À propos du projet de s’installer un téléphone à ce bureau, c’est à nouveau afin d’éviter des pertes de temps pour les fournisseurs qui appelaient qu’elle a offert d’installer une rallonge pour avoir un appareil. Roseline Lefebvre, selon elle, a refusé ; « elle ne voulait pas que j’aie des initiatives, que je me débrouille. »
35. Lise Larochelle a pris des photos des bureaux des éducatrices (S-46) et de l’endroit où celles-ci rangeaient du matériel d’activités (S-45). Elle qualifie ces endroits de « véritables désordres » et elle ajoute qu’on lui reprochait « un peu de matériel sur mon atelier, alors que j’en avais besoin pour faire des gabarits, mais l’employeur n’a pas pris de mesures à sa connaissance pour corriger les désordres « qui sont visibles sur les bureaux des éducatrices. (S-46) Elle note que « l’employeur doit pourtant traiter ses employés équitablement. »
36. La plaignante affirme avoir effectué, pendant la période où elle a été affectée à l’atelier Champ d’Eau, plus de gabarits pour les usagers qui ne pouvaient travailler avant et avoir amélioré ceux qui existaient auparavant. Elle dit qu’elle observait les usagers qui avaient des difficultés et qu’elle essayait de trouver des solutions, de créer des gabarits, qui étaient adaptés pour eux.
37. Relativement au quatrième paragraphe de S-10, elle reconnaît avoir dit, à une occasion, « Madame Santé-Sécurité » en parlant de Sylvie Ouellette, mais elle dit que c’est parce qu’elle n’a pas une bonne mémoire des noms et qu’elle ne voulait pas lui manquer ainsi de respect. Quant au reproche concernant des propos ironiques qu’elle aurait tenus (S-10, par. 4), elle répond que « face à la mauvaise foi et aux faussetés, oui, j’ai pu être ironique, mais, dit-elle, l’être humain a besoin de défense psychologique, sinon il va sombrer. »
38. Concernant la référence, dans ce même paragraphe, au fait « d’éviter la provocation » (S-10, par. 4), la plaignante indique que la chef Lefebvre lui avait dit, à son arrivée à l’atelier Champ d’Eau, que son rôle consistait à initier les clients au travail. Alors, dit-elle, pour y arriver, « je cherchais des solutions, je créais des gabarits spéciaux. » Or, selon elle, les éducatrices « ne voulaient pas que ça change », elles disaient qu’un tel usager pouvait être fatigué et se désorganiser. « Moi, mon travail, c’était d’augmenter la capacité de travail des usagers, je créais des gabarits ; mais il fallait que ça demeure comme avant ; D. Leduc m’a déjà dit « ça fait 15 ans que c’est de même et ça va rester de même. »
39. À propos du dernier paragraphe de la lettre S-10, la plaignante affirme que c’est l’employeur qui a abordé la question d’être affectée à un autre poste. Elle reconnaît que, « vu le contexte », elle espérait être supplantée pour travailler ailleurs. Elle avait vu qu’un poste au transport était ouvert. Elle explique que « c’était mieux que je change de poste. » Pour elle, « créer des gabarits, c’était valorisant, c’était un rêve d’enfant. » Elle dit qu’elle espérait avoir les outils de l’atelier Edison et qu’elle avait même, en arrivant à Champ d’Eau, des projets de faire des cours d’ébéniste pour faire de beaux gabarits. » Mais, dit-elle, vu les évaluations de Roseline Lefebvre, « ma seule porte de sortie, était de quitter, sortir de là au plus vite. » J’avais 58 ans et je voulais continuer de travailler pour accumuler des crédits pour ma retraite. »
40. Dans l’exposé des motifs, la plaignante indique :
21. Ce même 15 octobre, j’étais suspendue pour une journée pour m’être absentée du travail sans aviser. On invoque au soutien de cette suspension, un avis verbal qu’on m’aurait fait un an auparavant, alors que dans les faits je m’étais présentée au travail alors qu’on avait modifié mon horaire de travail pendant mes vacances sans s’assurer que j’en étais préalablement et valablement avisée. On me suspend injustement alors que l’erreur initiale était attribuable à l’employeur. Là encore on me traite injustement pour me harceler.
41. La lettre de suspension d’une (1) journée, datée du 15 octobre (S-11), soit le même jour que la lettre S-10 relative à « votre prestation de travail », a été contestée par le même grief (S-9).
42. La lettre de suspension S-11 se lit ainsi :
Vendredi le 3 octobre 2008, alors qu’une journée de rencontre avait lieu pour la diffusion de la programmation du secteur d’intégration au travail et d’intégration communautaire, vous ne vous êtes pas présentée au travail et n’avez aucunement avisé de votre absence. Lorsque le service de la liste de rappel vous a contacté, vous avez mentionné que vous n’aviez pas à être remplacée et ne vouliez pas me déranger en rencontre. Or, vous connaissez la procédure de déclaration des absences et devez en tout temps signaler votre absence à votre chef de service par le biais de sa boîte vocale ou de son téléavertissseur ou au service de la liste de rappel en cas d’impossibilité de joindre votre chef en dehors des heures de travail.
A cet égard, vous vous étiez également absentée sans aviser lors de votre intégration au SAHT Champ d’Eau le 15 octobre 2007 et aviez reçu un avertissement verbal. Votre absence du 3 octobre 2008 constitue une absence non autorisée que nous nous voyons dans l’obligation de sanctionner. Par conséquent, nous nous voyons dans l’obligation d’appliquer une mesure disciplinaire et vous serez suspendue sans solde de vos fonctions pour une journée, soit jeudi le 16 octobre 2008. Toute récidive de même nature entraînera des mesures plus sévères pouvant aller jusqu’au congédiement.
43. Lors de son témoignage, la plaignante explique qu’elle avait l’intention d’aviser de son absence, mais comme il s’agissait d’une journée de réunion et qu’elle n’avait pas à être remplacée et « comme j’étais en état psychologique pour tout ce qui touchait le travail, qui me rebutait, alors, j’ai pris le temps de déjeuner avant d’appeler, mais on m’a appelé avant pour me signaler mon absence. » La plaignante explique qu’elle « ne voulait pas aller me faire motiver, car je l’étais dix fois plus que les autres éducatrices ; moi, je devais plutôt mettre les breaks pour ne pas être trop motivée. » Elle dit qu’elle se « sentait mise à l’écart » et que « ça serait une journée pénible, puis ça va m’affecter psychologiquement, déjà que je suis à la limite. » À la personne qui l’a appelée le 3 octobre 2008, elle dit avoir répondu qu’elle était malade, que son corps aurait pu être présent, mais vu son état psychologique, dans le contexte… »
44. À propos de la référence, dans la lettre S-11, à une absence survenue le 15 octobre 2007, la plaignante explique l’événement, son changement de titre d’emploi et d’horaire pendant ses vacances, etc., et le fait qu’elle s’est présentée au travail à 11 h 00, à la demande de Solange Bédard. Elle réitère qu’elle ne devait pas travailler ce jour-là, selon son horaire initial.
45. Dans son exposé des motifs, la plaignante écrit :
24. Le 22 octobre 2008, je recevais un nouvel avis de suspension. Dans celui-ci, on invoque ma colère et mon manque de respect envers ma chef de service. Je soutiens que cette colère n’est que l’aboutissement du harcèlement vécu depuis plusieurs mois déjà. Mon retard du 17 octobre avait fait l’objet de l’avis requis. Quant à ma demande de congé personnel pour le 20 octobre, elle correspondait à la date ultime pour passer l’examen de conduite à la SAAQ afin d’obtenir le permis de conduire requis avant la fin de l’affichage d’un poste que je convoitais. De plus, ma demande répondait aux conditions prévues à la convention collective. On me reproche mon attitude enfantine lors de ma demande alors que du coté de l’employeur on faisait preuve d’arbitraire en me refusant ma demande de congé.
46. La lettre de suspension de trois (3) jours, datée du 22 octobre 2008 (S-13), et contestée par grief (S-12), se lit ainsi :
La présente fait suite à la rencontre du 21 octobre dernier à laquelle assistait également Madame Christine Landry, conseillère en relations de travail et Madame Reine Desmarais, représentante syndicale. Cette rencontre faisait suite aux évènements survenus les 15 et 17 octobre 2008.
Mercredi le 15 octobre, je vous ai rencontré pour vous remettre une lettre précisant les attentes en lien avec votre prestation de travail en suivi de la rencontre tenue le 18 septembre 2008. De plus, je vous ai remis une lettre de suspension suite à votre absence du 3 octobre 2008. Vous vous êtes alors mise en colère, vous vous êtes emportées en parlant sans arrêt et rendant toute discussion impossible, à un point tel que j’ai dû mettre fin à la rencontre et quitter. Vous avez tenu à mon égard des propos irrespectueux et quasi menaçants en mentionnant, notamment : « c’est ben de valeur, t’es ben mal parti pour un nouveau chef » « ça restera pas là », « j’vais t’emmener en cour ». Cette façon de parler à votre supérieur est totalement inadéquate et les propos tenus sont inacceptables, d’autant plus que vous avez déjà à plusieurs reprises été avisé de nos attentes quant au respect, au langage et à l’aptitude à maintenir au travail.
D’autre part, le 16 octobre 2008 alors que vous étiez en suspension suite à une absence sans avis, vous avez, en soirée, laissé un message sur ma boîte vocale m’informant que repreniez du temps le lendemain et seriez en retard au travail le 17 octobre. Or, vous ne m’aviez aucunement demandé d’autorisation pour ce faire et n’aviez pas de temps accumulé à reprendre. Le 17 octobre vous vous êtes donc présenté au travail avec près de 2 heures de retard. Vous étiez également convoqué à 13h00 pour une rencontre de production. Vous vous êtes présentée à 13h15 sans vous excuser de votre retard et sans en avoir aviser. A la toute fin de cette rencontre, soit vers 15h30, vous m’avez demandé l’autorisation de vous absenter pour motif personnel lundi le 20 octobre en mentionnant que vous aviez un rendez-vous à la SAAQ. Je vous ai alors précisé que nous étions vendredi en fin de journée et que le délai pour faire une demande de remplacement pour le lundi matin était court alors que vous saviez depuis votre arrivée le matin que vous aviez ce rendez-vous puisque vous vous étiez présenté au travail en retard suite à une visite à la SAAQ. Vous avez alors adopté une attitude très enfantine en vous mettant à vous plaindre et à gémir en me suppliant de vous donner votre congé et ce, de manière incessante et continue, jusqu’à ce que je cède et contacte le service de la liste de rappel. Une telle attitude est complètement inappropriée au travail.
Considérant votre attitude irrespectueuse et les propos tenus à mon égard le 15 octobre 2008 ;
Considérant que, le 17 octobre 2008, vous vous êtes absentée sans y être autorisé et vous êtes présentée en retard et ce, malgré la mesure disciplinaire du 16 octobre 20008 ;
Considérant l’attitude fort inadéquate dont vous avez de nouveau fait preuve le 17 octobre 2008 ;
Considérant les attentes que nous avons déjà formulées quant à votre attitude, à votre langage et au respect dans nos lettres du 3 juillet 2008, du 15 août 2008 et du 15 octobre 2008 ;
Pour toutes ces raisons, nous nous voyons dans l’obligation de sévir et d’appliquer une mesure disciplinaire. Par conséquent, vous êtes suspendue sans solde de vos fonctions pour une durée de trois (3) jours, soit le 21, 22 et 23 octobre 2008. Nous espérons sincèrement que cette mesure vous amène à une saine réflexion quant à votre attitude et vous incite à modifier votre comportement. Sachez également, Madame Larochelle que toute récidive entraînera des mesures plus sévères pouvant aller jusqu’au congédiement.
Je demeure disponible si des précisions en lien avec la présente sont requises. Tel que demandé lors de la rencontre, copie de la présente est remise, sous pli confidentiel, à Madame Desmarais.
47. Lors de son témoignage, la plaignante reconnaît avoir tenu des propos irrespectueux au moment où elle a reçu les deux lettres du 15 octobre 2008 (S-10 et S-11). « J’étais, dit-elle, hors de moi. » À propos du retard du 17 octobre, elle explique qu’elle devait se rendre à la SAAQ afin de passer les tests requis pour pouvoir conduire un autobus. Elle dit qu’elle avait appelé pour aviser de son retard.
48. Elle explique son retard de quinze minutes par le fait qu’elle devait se rendre de l’atelier Champ d’Eau à celui d’Edison et qu’il y avait de la circulation. De plus, elle dit que les réunions ne débutaient jamais à l’heure. Enfin, elle indique que « l’ambiance, ça me rendait malade, je savais qu’elle [Roseline Lefebvre] voulait ma tête, je n’avais pas hâte de la voir ». Et, dit-elle, le syndicat lui avait dit qu’avec les sanctions graduelles qu’elle recevait, elle se trouvait dans un processus de congédiement. Elle indique qu’elle a ressenti sa suspension « comme une grande injustice, du vol de mon salaire. »
49. Dans son exposé des motifs, Lise Larochelle écrit ce qui suit :
26. Le 17 février 2009, une nouvelle lettre, intitulée « Suivi de votre prestation de travail », m’était adressée. Cette lettre suivait une rencontre tenue la veille où étaient également présentes Mme Landry, du service des ressources humaines, et ma représentante syndicale.
27. L’ensemble de la lettre laisse entendre que je n’ai aucun jugement, alors que je communique régulièrement avec Mme Lefebvre par courriel tant pour l’informer que pour connaître le suivi des questions en lien avec mes responsabilités. Par exemple, l’ajout d’une chaufferette, du type de celui que l’on retrouve dans les véhicules récréatifs, aurait grandement amélioré le confort des usagers. On me reproche toutes les initiatives pouvant améliorer le service aux usagers en m’imposant notamment de ne pas arriver plus d’une demi-heure avant le début de mon quart de travail qui débutait à 8 heures alors que je demeure à l’extérieur de la ville et que je ne peux jamais prévoir précisément le temps requis pour me rendre au travail. Cette interdiction fait en sorte, qu’en plus de m’occasionner des inconvénients personnels, les usagers sont souvent obligés à se déplacer dans un véhicule froid et inconfortable.
50. La lettre du 17 février 2009 (S-15) se lit ainsi :
La présente fait suite à la rencontre du 12 février dernier à laquelle assistait également Mesdames Christine Landry, conseillère en relations du travail et France Perreault, agent de griefs.
Lors de cette rencontre, nous avons tenté de faire un suivi de votre prestation de travail à titre de préposée au transport des usagers, poste que vous occupez depuis le 27 octobre dernier. La rencontre s’est déroulée difficilement considérant que vous faites preuve de peu d’écoute, interrompez fréquemment votre interlocuteur, donnez des exemples n’ayant pas lien avec les propos. Vous vous placez en situation de défensive et êtes peu réceptive à nos propos. Nous notons également ces difficultés d’écoute dans le cadre de votre travail. Vous ne semblez pas intégrer les consignes données et des rappels fréquents doivent être faits. Votre tâche est relativement simple, vous détenez un poste à temps complet et assumez actuellement le transport de cinq usagers avec un horaire de transport déjà établi. De plus, vous devez vous assurer que l’entretien du véhicule et les réparations requises soient faites. Depuis votre entrée en fonction, une supervision constante de ma part est requise et des rappels fréquents doivent vous être faits.
Après près de 4 mois dans ces fonctions, malgré tout le support offert et les rappels fréquents quant aux consignes applicables, vous devriez être en mesure d’assumer vos tâches de manière autonome et de bien comprendre les procédures applicables. Pourtant, nous notons des lacunes importantes dans votre prestation de travail. Nous désirons donc préciser de nouveau nos attentes quant à la prestation de travail requise :
1.- Respecter les règles applicables quant aux modifications à apporter à l’horaire de transport des usagers
A cet égard, les règles sont claires et précises pour éviter de la confusion. Vous n’êtes pas autorisé à traiter les demandes de modifications à l’horaire provenant des ressources, familles ou intervenants oeuvrant auprès des usagers transportés. Le cas échéant, ces demandes doivent m’être transmises et nous les évaluons ensemble. Cependant, si, en raison d’un bri mécanique, conditions météorologiques ou autres situation, vous devez modifier l’horaire des transports ou annuler un transport, vous devez en aviser directement l’éducateur responsable de l’usager ou la ressource et ce, le plus tôt possible.
Pourtant, le 10 février dernier, alors que le véhicule devait être au garage le 13 février et qu’un usager devait être transporté plus tôt, vous m’avez adressé un courriel demandant comment assurer le suivi de cette modification à l’horaire. Vous demandiez si vous deviez faire le lien directement avec l’usager. Pourtant à plusieurs reprises, je vous ai indiqué qu’aucune modification d’horaire ne devait être traitée avec les usagers, considérant le risque de confusion et d’insécurité que cela peut amener.
2 .- Faire preuve de respect envers votre supérieur et vous conformer aux consignes administratives reliées à vos fonctions
Lorsque je vous ai présenté la procédure de traitement des factures reliées à l’utilisation du véhicule et demandé de remettre les factures une semaine avant la fin du mois, vous avez réagi en disant que vous étiez pour les transmettre directement à la comptabilité, ce qui n’est pas acceptable. De plus, vous devez me les remettre en ordre et en 2 copies avec l’original. Des rappels fréquents ont dû être faits pour que les factures soient remises adéquatement.
Vous devez également respecter votre horaire de travail et ne pas vous présenter sur les lieux du travail plus d’une demi-heure avant le début de votre quart. Avant les fêtes, vous arriviez régulièrement plus d’une heure quinze avant le début de votre quart et avez réagi à cette consigne en faisant valoir que vous demeuriez loin et deviez arriver tôt pour éviter la circulation et pouvoir déjeuner avant le début de votre travail. Vous vous êtes moquée de la consigne que je vous donnais en disant que vous alliez m’appeler tous les matins pour m’indiquer votre heure d’arrivée. Lors de la rencontre, vous avez fait valoir des arguments tout autre pour justifier votre arrivée hâtive au travail. Nous vous rappelons que l’accès à votre lieu de travail vous est permis à partir de 7h30 considérant que vous débutez à 8h00.
En tout temps, vous devez faire preuve de respect envers votre supérieur et utiliser un langage approprié au travail. Pour faire valoir votre arrivée hâtive au travail, vous vous êtes justifié en disant que vous deviez « aller chier » avant votre quart de travail, ce qui n’est pas acceptable comme langage. Nous vous rappelons que nous vous avons déjà fait part de nos attentes au plan de l’attitude et du langage requis au travail, notamment dans nos lettres du 3 juillet 2008, 15 octobre 2008 et 22 octobre 2008.
3.- Faire preuve d’autonomie, de débrouillardise et de jugement dans l’exercice de vos fonctions
Dans le cadre de vos fonctions, vous devez assumer le suivi de l’entretien périodique et des réparations requises pour le véhicule. Les rendez-vous au garage doivent être pris à l’avance et générer le moins d’impacts possibles sur les services aux usagers.
Vous devez également faire preuve de jugement dans l’exercice de vos fonctions. Vous avez parfois des initiatives douteuses au plan du jugement. Notamment, face aux problèmes de chauffage du bus vous vouliez installer une chaufferette portative dans le bus, ce qui représente un risque pour la sécurité des usagers. Plutôt que de demander les explications requises, vous avez proposé de débrancher le système d’alarme du véhicule car vous aviez de la difficulté à le mettre en fonction. Avant les fêtes, vous avez omis de retirer la barrure installée sur la porte de garage à Edison, brisant l’ouvre-porte automatique. Pour éviter de laisser le véhicule à l’extérieur, vous avez proposé de le laisser chez le concessionnaire pour la période des Fêtes, ce qui est fort questionnant au plan du jugement, le véhicule pouvant stationner dehors, d’autant plus qu’il est muni d’un système d’alarme. Le 29 décembre, vers 7h10, vous laissez un message sur ma boite vocale pour pour vérifier si les usagers vont au centre de jour. Si vous en doutiez, vous auriez dû valider cette information avant le matin même et d’autre part, un message sur boite vocale disant que vous attendez mon appel pour amorcer votre journée n’est pas la façon rapide d’avoir une réponse pressante alors que vous savez que je dispose d’un téléavertisseur pour être jointe rapidement. Toutes ces situations nous amène à nous questionner sur le jugement dont vous faites preuve au travail.
4.- Faire preuve d’ouverture et d’écoute
Vous devez vous efforcer d’écouter les consignes pour bien les comprendre et pouvoir les intégrer plutôt que d’argumenter, discuter et couper sans cesse la parole.
5.- Démontrer une attitude calme et sécurisante pour les usagers
Vous devez avoir une attitude calme et sécurisante pour les usagers qui présentent des problématiques complexes au plan du comportement et de l’adaptation. Votre attitude est souvent fébrile et anxieuse, vous parlez très vite et parlez de modifications d’horaire avec les usagers. Cette attitude génère pour les usagers de la confusion et de l’anxiété. Vous devez demeurer calme et sécurisante compte tenu du profil de nos usagers et de votre responsabilité d’en assurer le transport de manière sécuritaire.
Nous souhaitons, Madame Larochelle que ces précisions quant aux attentes à actualiser dans vos fonctions vous permettent d’améliorer votre prestation de travail pour répondre aux exigences reliées à vos fonctions. A défaut de répondre aux attentes et de fournir une prestation de travail adéquate, nous devrons éventuellement questionner la poursuite de votre lien d’emploi au CRDI Gabrielle-Major.
Je demeure disponible si des précisions en lien avec la présente sont requises. Tel que demandé lors de la rencontre du 12 février dernier, copie de la présente est remise à Madame Perrault sous pli confidentiel. (les caractères gras sont au texte)
51. Cette lettre de Roseline Lefebvre a été contestée par grief (S-14). Dans son témoignage, la plaignante revient sur chacun des éléments de la lettre, donne des explications du contexte dans lequel elle se trouvait, du fait qu’elle était « sur la défensive », qu’elle avait peur de faire des erreurs, qu’elle aimait mieux se référer à une personne en autorité pour éviter les reproches subséquents. Elle reconnaît avoir prononcé les paroles mentionnées au 3 e paragraphe du point 2 et explique le contexte sous-jacent, soit le fait qu’elle arrivait plus tôt au travail afin de pouvoir déjeuner tranquillement, faire ses besoins et éviter que de mauvaises odeurs se propagent. Lise Larochelle fait état que l’autobus qu’elle conduisait était régulièrement au garage, ce qui posait différents problèmes d’organisation. À propos de la chaufferette portative, elle dit que c’est un spécialiste (F. Ford) qui lui avait proposé cette alternative au lieu d’une réparation beaucoup plus coûteuse. Elle réfute le point 5 de la lettre et affirme qu’elle n’a pas eu de problème avec la clientèle.
52. Le 17 février 2010, l’employeur imposait une suspension de cinq (5) jours à Lise Larochelle. (S-17). La lettre du chef en réadaptation, Patrick Boisvert, se lit ainsi :
La présente fait suite à la rencontre du 16 février à laquelle assistaient également Mesdames Christine Landry, conseillère en relations de travail et France Perrault, agent de griefs.
Cette rencontre visait à faire un suivi des propos que vous avez tenus lors de la fin de semaine des 2 et 3 janvier 2010 alors que vous avez travaillé de nuit à la résidence Dandurand dans le contexte où plusieurs usagers ainsi que certains membres du personnel ont été malades de vomissements et diarrhée, ce qui serait selon toute vraisemblance le virus de la gastro. Vous avez mentionné à certains collègues, qu’un des intervenants de la résidence est jeune et gai, qu’il sort dans les bars gais, que c’est bien connu que dans les bars gais, il y a plein de microbes et pouvait être tombé malade à l’extérieur de la résidence, laissant entendre que c’est lui qui a ramené des microbes à la résidence.
Vos propos ont profondément choqués vos collègues ainsi que l’intervenant visé et sont pour l’employeur complètement inappropriés considérant qu’ils présentent un caractère diffamatoires à l’égard de votre collègue et témoigne d’un manque important de jugement de votre part.
Lors de la rencontre du 16 février, vous avez nié avoir tenu ces propos, avez demandé à avoir le nom des personnes ayant dit cela pour les poursuivre. Nous vous avons indiqué que si vous n’étiez pas d’accord vous deviez référer à votre syndicat et que la voie pour contester est par voie de grief. Vous avez tenu des propos hors d’ordre en mentionnant « ne pas avoir de problème avec ça, ce genre de chose là » avoir travaillé avec S. et G. Lorsque nous vous avons demandé pourquoi vous faisiez référence à ces travailleurs, vous avez indiqué que c’est pour indiqué que vous n’avez pas de problème à travailler avec des homo. Vous avez aussi ajouté que vous vous muniriez d’une enregistreuse et alliez enregistrer tout ce que vous dites. Nous vous avons formellement mis en garde qu’il n’est pas permis d’enregistrer des collègues ou des usagers à leur insu. Vous avez alors rétorqué que vous ne communiqueriez que par écrit, ce à quoi, nous vous avons précisé que cela ne serait pas toléré, que vous aviez l’obligation de communiquer adéquatement avec vos collègues les informations requises au bon fonctionnement du service.
Durant la rencontre, les propos que vous avez tenus manifestent d’un manque flagrant de discernement de votre part et étaient parfois hors d’ordre. Votre attitude avec Madame Landry a été fort inadéquate, vous avez argumenté sans écouter et coupé la parole, vous avez été à la limite de la politesse au point où votre représentante syndicale a dû vous indiquer à un moment d’arrêter de parler.
Considérant que nous vous avons déjà signifié à plusieurs reprises, notamment le 17 février 2009, nos attentes au plan du respect et du langage approprié à maintenir tant avec vos collègues, vos supérieurs que les usagers et précisé que vous devez également faire preuve d’ouverture et d’écoute ;
Considérant que vous avez tenu les 2 et 3 janvier derniers des propos à caractère diffamatoires à l’égard d’un collègue ;
Considérant que lors la rencontre, vous avez eu une attitude irrespectueuse en plus de tenir des propos faisant état d’un manque de discernement et de jugement ;
Pour toutes ces raisons, nous nous voyons dans l’obligation de sévir et de vous suspendre sans solde de vos fonctions pour cinq (5) nuits, soit les 16, 17, 18, 22 et 23 février 2010. Toute récidive pourra entraîner des sanctions plus sévères pouvant aller jusqu’au congédiement.
Nous nous attendons, Madame Larochelle à ce qu’en tout temps, vous fassiez preuve de respect et de jugement dans vos propos et votre langage tout en adoptant une attitude favorisant un bon climat de travail avec vos collègues.
Je demeure disponible si des précisions en lien avec la présente sont requises. Tel que demandé lors de la rencontre du 16 février, copie de la présente est remise à Madame Perrault sous pli confidentiel.
53. Dans son exposé des motifs, la plaignante écrit, à propos de cet événement :
30. Le 17 février 2010, une nouvelle mesure disciplinaire m’était imposée, soit une suspension de 5 jours. D’abord, on m’a avisé par téléphone et par la poste au début d’un congé autorisé d’un mois, que j’étais convoqué à mon retour au travail à une rencontre au service des ressources humaines. On ne m’a pas avisé du motif de la rencontre si bien que je n’ai pu profiter pleinement de mon congé.
31. Le contenu de la lettre me prête des propos diffamatoires et homophobes que je n’ai jamais tenus. On a interprété malicieusement les termes utilisés pour les citer hors contexte et leur donner une portée tendancieuse qui ne reflétait en rien ni mes propos ni mon intention. On m’a dépeint ainsi comme une personne homophobe, ce que je n’ai jamais été.
32. Cette attaque gratuite m’a grandement affectée et constitue pour moi l’événement ultime et la goutte qui a fait déborder le vase.
54. Cette mesure disciplinaire du 17 février 2010 a été contestée par grief (S-16). Avant de résumer la preuve à propos de cet événement, je souligne que, le 24 février 2010, Lise Larochelle déposait une plainte de harcèlement psychologique. (S-18) Une Annexe accompagnait cette plainte (S-19). Le 18 mars 2010, Francine Rondou, directrice des ressources humaines, a avisé la plaignante que le comité d’assistance et de traitement des plaintes ne pouvait être saisi de sa plainte puisqu’elle avait déposé un grief (S-16). Curieusement, dans le dernier paragraphe de la lettre, la directrice indiquait que « l’enquête sera donc menée par la conseillère aux relations de travail de notre établissement (…). » (S-20).
55. Le 9 avril 2010, Lise
Larochelle déposait un grief contestant le harcèlement psychologique qu’elle
disait subir de la part de son employeur. (S-21) Je note, pour les fins de
l’analyse de l’objection préliminaire de l’employeur, que ce dernier allègue
qu’aucune manifestation de harcèlement psychologique n’est survenue dans les 90
jours précédant cette plainte du 9 avril 2010. Ainsi, comme le seul événement
mis en preuve à l’intérieur de ce délai est celui de la mesure disciplinaire
imposée le 17 février 2010 (S-17), et que le fait précédent mis en preuve datait
du 17 février 2009 (S-15), l’employeur soutient que le grief de harcèlement
psychologique S-21 doit être rejeté sur la base du non-respect de la
prescription énoncée à l’article
56. Dans le cadre de son témoignage, la plaignante explique qu’après que le service de transport auquel elle était affectée a été fermé, elle a obtenu un poste à la résidence Dandurand, à compter de novembre 2009. Elle y remplaçait une salariée qui devait revenir au travail au début 2010. Lise Larochelle indique qu’elle a demandé un congé sans solde pour se rendre faire du ski en janvier 2010. Juste avant son départ, Christine Landry la téléphone pour lui dire qu’elle voulait la rencontrer à son retour. Elle n’a pas voulu lui donner la raison, lui indiquant que si elle voulait la connaître, elle devait appeler son syndicat. Alors qu’elle croyait que c’était en lien avec un usager de la résidence du Rhône qui s’était désorganisé, son syndicat lui a dit que c’était lié à un événement remontant au 2-3 janvier. La plaignante dit être partie en vacances et a « essayé d’oublier ça. »
57. La plaignante explique l’événement survenu au cours de la nuit du 2 au 3 janvier 2010. À son arrivée au travail, une intervenante lui dit que C, une bénéficiaire, est malade, que ça doit être une intoxication alimentaire, puisque E, un autre intervenant, est également malade et qu’ils ont mangé la même chose, alors que ce n’était pas le cas pour elle. Par ailleurs, elle a appris que les six autres résidents n’étaient pas malades ; ce qu’elle a trouvé étrange. Elle indique que C était très malade. Elle a appelé Info Santé et on lui a demandé de faire une palpation, car l’appendicite ne pouvait être exclue. La plaignante dit avoir alors demandé à son collègue J.S. de faire un appel pour confirmer les informations. Elle dit que « ça ne le tentait pas beaucoup. » C’est alors qu’elle indique avoir mentionné que « ça ne veut pas dire que c’est une intoxication alimentaire. E, c’est un jeune homme, il sort, va dans des partys, il a pu attraper ça ailleurs ; ça ne veut pas dire que C a la même chose. » Finalement, J.S. a téléphoné. Elle signale que E s’est également absenté du travail le lendemain.
58. Au sujet des propos homophobes qu’elle aurait alors tenus, Lise Larochelle affirme qu’il était connu que E est homosexuel, mais elle dit que ce dernier ne lui a jamais dit. La plaignante affirme que J.S. est « venu les yeux ronds » lorsqu’elle lui a parlé. La plaignante affirme qu’il est complètement faux qu’elle ait tenu des propos homophobes, que « ça ne lui ressemble absolument pas », qu’elle est pour la diversité, qu’elle n’a jamais été dérangée par l’orientation sexuelle. Elle considère que c’est un « abus de pouvoir terrible » de répandre une rumeur concernant le fait qu’elle aurait tenu de tels propos, que « c’est très péjoratif pour moi et pour les personnes visées. » Elle dit avoir trouvé « complètement capoté, sauté, que Patrick Boisvert, qui a signé la lettre S-17, « ait pris tout ça pour du cash , sans m’entendre ».
59. Lise Larochelle dit avoir fait une plainte pour harcèlement psychologique (S-18) car « ça dépassait tout entendement, c’était comme un régime totalitaire, tu n’étais pas entendue et condamnée d’avance; on ne se gênait pas pour salir ma réputation ; l’énergie qu’ils mettaient à me détruire, je ne savais pas pourquoi. »
60. En contre-interrogatoire, Lise Larochelle dit que J.S. a peut-être mal interprété ses propos lorsqu’elle lui a fait mention que E pouvait souffrir d’une autre maladie que celle de C puisque, dans son cas, il sortait, allait dans les partys. Elle ne peut dire si elle a répété les mêmes propos à Cathy Raymond le matin. La plaignante réitère qu’elle n’a pas dit que E était homosexuel et que sa maladie pouvait être en lien avec ses sorties dans les bars gays. Elle ne se souvient pas d’avoir reçu un appel de Patrick Boisvert à propos de cet événement.
61. Patrick Boisvert, chef en réadaptation, remplaçait, en janvier 2010, la responsable de la résidence Dandurand. Il dit qu’il a parlé avec la plaignante au téléphone le 14 janvier 2010. Il ne se souvient pas du contenu exact de l’échange, mais il dit que la plaignante lui a exposé sa version des faits et qu’elle avait « plutôt une attitude de vouloir diminuer l’impact de ses propos tenus en janvier. » Il dit qu’elle tentait d’expliquer ceux-ci « en donnant une version plus légère de ce qu’elle avait dit. » Le chef dit que la plaignante a tenu les mêmes propos lors de la rencontre du 16 février. Elle niait avoir tenu des propos homophobes, mais avoir plutôt parlé de bars, sans viser précisément E.
62. Lors de la rencontre du 16 février, il dit que le climat était assez tendu, que la plaignante avait plutôt tendance à ne pas répondre aux questions, à amener la discussion sur d’autres sujets. Il dit avoir eu l’impression, pendant la rencontre, que Lise Larochelle « avait ciblé Mme Landry, comme responsable » et qu’elle ne répondait pas aux questions de cette dernière, mais s’adressait aux autres. »
63. En contre-interrogatoire, Patrick Boisvert indique que la discussion téléphonique avec la plaignante a duré entre 15 et 30 minutes, que la plaignante a pris le temps de décrire la situation. Il dit avoir pris connaissance de la pièce E-3 lors du traitement du dossier, mais qu’il ne l’avait pas lors de l’appel à la plaignante. Le document E-3 constitue une plainte de E, datée du 12 janvier 2010, envers la plaignante « pour avoir tenu des propos homophobes. »
64. Le chef dit avoir recueilli de l’information de l’équipe de la résidence. Il n’a plus son dossier, ni ses notes de la rencontre du 16 février. Il a remis celles-ci à la personne qu’il remplaçait, mais cette dernière ne travaille plus à la résidence et trois chefs ont dirigé celle-ci depuis. Il est d’accord avec la mesure disciplinaire imposée à la plaignante. Il dit qu’il n’avait pas entendu dire, avant cet événement, que la plaignante aurait tenu des propos homophobes, ni par la suite.
65. Cathy Raymond est ASSS à la résidence Dandurand. Elle est également représentante syndicale depuis octobre 2010. Elle n’occupait pas de fonction syndicale au moment des événements. Elle travaillait sur le quart de jour, le 4 janvier 2010. À son arrivée, elle lisait le cahier de bord lorsque la plaignante est venue l’informer du déroulement de cette « grosse nuit », avec des usagers malades, etc.
66. Elle affirme que la plaignante lui a alors dit que « c’est de la faute de E, qui est gay, qu’il se tient dans les bars gays et qu’il a probablement ramené des microbes à la résidence. » Cathy Raymond dit qu’elle a alors été « très surprise, sous le choc. » Elle dit avoir regardé son collègue J.S., qui avait travaillé avec la plaignante sur le quart de nuit, et « lui aussi était très surpris. » Cathy Raymond dit avoir demandé à la plaignante si elle était sérieuse et que cette dernière lui a répété les mêmes propos.
67. Cathy Raymond dit avoir fait état de la situation à E et que ce dernier a fait une plainte formelle à l’encontre de la plaignante auprès de son chef de service. C’est ce dernier qui lui a demandé d’écrire la note déposée sous E-4. Elle ne se souvient plus de ce qui est mentionné au dernier paragraphe de sa note.
68. En contre-interrogatoire, elle ne peut dire quand, ni comment elle a avisé E de la situation. Cathy Raymond ne peut dire si elle avait travaillé avant le 4 janvier, ni si ce jour-là était sa dernière journée de travail. Elle ne peut dire s’il y avait des usagers qui avaient la gastro à son dernier jour de travail. Elle avait déjà travaillé à quelques occasions avec Lise Larochelle auparavant et n’avait pas entendu auparavant des propos similaires à ceux qui lui sont reprochés.
69. Cathy Raymond indique que la plaignante était, au petit matin du 4 janvier, fatiguée et débordée, étant donné la situation difficile de la nuit et des nombreuses tâches à accomplir dans de tels cas. Elle ne se souvient pas que J.S. lui ait fait part de cette situation de maladie. Quant au dernier paragraphe de sa note E-4, où elle écrit que « JS est stupéfait et m’informe que Lise aurait téléphoné à la personne de garde (L.P.) cette nuit pour lui faire le même commentaire », elle dit ne pas se souvenir d’avoir écrit cela et affirme que « ça a l’air » que c’est J.S. qui lui aurait dit cela.
70. Tel que je l’indiquais précédemment, Lise Larochelle a déposé une seconde plainte où elle allègue être victime de harcèlement psychologique. Ce grief est daté du 18 octobre 2011 (S-22) et est en lien avec la lettre datée du 25 août 2011, qui lui a été remise en mains propres, le 24 août 2011, par Marie Brochu, chef en réadaptation, secteur résidentiel. (S-23) Cette lettre de Marie Brochu se lit ainsi (S-23) :
La présente fait suite à notre rencontre du 20 juillet 2011 dans le cadre de laquelle je vous ai fait part de mes attentes en lien avec l’exercice de votre rôle d’auxiliaire aux services de santé et sociaux au sein de l’équipe de la résidence Perras. En effet, considérant votre statut d’emploi de temps complet de jour, vous agissez à titre de personne significative dans la résidence.
Bien que vous travaillez à la résidence Perras depuis presque deux mois, vous m’avez déclaré ne pas avoir eu beaucoup de temps pour lire toutes les interventions et fiches de désescalades, étant beaucoup sur le plancher et dans vos tâches ménagères. Nous avons convenu à ce sujet que vous profiteriez de certains moments lors des activités de jour des usagers. Nous avons également établi que Monsieur Richard Rompré, occupant un poste d’appoint dans la résidence, vous remplacerait, une heure ou deux sur le plancher pour vous permettre de consulter ces informations essentielles à l’exercice de votre rôle. Nous pourrons par la suite évaluer la pertinence d’autres supports.
Nous avons également discuté de l’importance de la collaboration et du fait que vous deviez être plus présente et impliquée dans l’équipe. Nous avons finalement planifié votre inscription à la formation ITCA du mois d’octobre, la dernière formation reçue datant de 2006.
Je tiens à vous réitérer les attentes qui vous furent alors signifiées :
. appliquer les PI, les fiches de désescalades et les programmations de l’ensemble des usagers ;
. faire preuve de collaboration avec vos collègues ;
. faire preuve d’initiative ;
. prendre davantage de responsabilités.
Je demeure disponible afin de vous supporter et de vous guider dans l’exercice de votre rôle et dans vos efforts pour répondre à ces attentes.
71. Dans son grief S-22, la plaignante allègue qu’elle conteste le contenu de cette lettre, «comme étant une nouvelle manifestation de harcèlement psychologique en lien avec le grief 09-2010. » Elle se réfère alors à son premier grief de harcèlement psychologique (S-21).
72. Dans son exposé des motifs S-29, la plaignante indique ce qui suit à ce sujet :
7.- Le 24 août 2011, la veille de mon départ pour ma période de congé annuel, alors que j’occupais mon poste d’auxiliaire aux services de santé et sociaux à la résidence Perras, je fus à nouveau rencontrée par l’employeur.
8.- Madame Marie Brochu chef de service s’est présentée sans prévenir à la résidence Perras à l’heure du dîner.
9.- Devant les trois (3) personnes salariées présentes e, elle a alors demandé à me rencontrer seule à seule. Cette rencontre s’est tenue dans la salle de séjour au sous-sol de la résidence. La rencontre a duré 15 à 20 minutes.
10.- Je me suis alors sentie encore visée ne sachant ni à quoi m’attendre ni quels reproches me seraient faits.
11.- Lors de la rencontre Madame Brochu m’a spécifié qu’elle n’avait rien de spécial à me reprocher, rien d’urgent qui nécessitait son intervention à ce jour précis. Elle m’a alors remise en main propre une lettre datée du 25 août 2011 ayant pour objet le suivi de la rencontre du 20 juillet 2011. Suite à cette rencontre Madame Brochu a quitté la résidence sans rencontrer qui que ce soit d’autre.
12.- La lettre ne représente que le compte rendu de la rencontre tenue à cette date et ne comprend aucun fait et aucun reproche précis sur mon travail.
13.- On utilise mes propos pour laisser entendre que je n’exécute pas correctement mon travail.
14.- On me reproche subtilement le temps passé à effectuer mes tâches pour insinuer que comme « vous m’avez déclaré ne pas avoir eu beaucoup de temps pour lire toutes les interventions et fiches de désescalades » laissant sous entendre que de ce fait je ne donne pas les services adéquats à la clientèle. Beaucoup d’insinuation mais aucun reproche sur un ou des faits précis.
15.- « Nous avons également discuté de l’importance de la collaboration et du fait que vous deviez être plus présente et impliquée dans l’équipe », encore là aucune indication sur un moment ou un fait où j’aurais manqué de collaboration ou d’implication dans l’équipe.
16.- On spécifie alors les attentes de l’employeur envers ma personne sans jamais indiquer quand et où j’aurais manqué à celles-ci. On expose celles-ci comme si elles n’appartenaient qu’à moi et comme si je ne suivais pas les consignes faites à toute l’équipe.
17.- J’ai le sentiment profond que l’employeur me traite différemment des autres personnes salariées et que de ce fait, on cherche volontairement tant à attaquer ma crédibilité auprès de mes collègues qu’à miner ma confiance.
18.- En me convoquant seule à des rencontres privées sur mon lieu de travail, l’employeur laisse entendre à mes collègues qu’il a nécessairement des reproches à me faire alors que le rappel des consignes se fait normalement en réunion d’équipe pour toutes les personnes salariées de l’équipe.
19.- Comme on l’a déjà fait dans le passé (lettre du 15 août 2008 - voir paragraphe 14 de mon exposé précédent), on me sert des généralités pour ensuite me dire qu’on m’avait averti.
20.- De plus j’ai le sentiment qu’on choisit volontairement le moment opportun pour me rencontrer (la veille de mon départ en vacances) pour être bien certain que je serai « en état de choc » lors de mon départ. Le résultat voulu fut atteint, je fus perturbée par cette nouvelle manifestation gratuite de harcèlement. Sinon comment expliquer qu’on choisisse précisément cette journée alors que la rencontre s’est passée plus d’un mois avant et que même de l’aveu de Madame Brochu, rien n’était urgent.
73. Lors de son témoignage, la plaignante revient sur le fait que c’est la veille de son congé annuel que la rencontre avec Marie Brochu s’est déroulée. Elle indique que « ça perturbe, ça gâche le plaisir de partir en vacances. » La plaignante précise qu’une telle rencontre, à son lieu de travail, était un événement « singulier », alors que la chef Brochu travaillait à plus de 30 minutes, en auto, de cet endroit. Elle indique qu’une telle rencontre, à son travail, était « dégradante » pour elle, car ses deux autres collègues « se demandent ce qu’il y a. » Ceci, dit-elle, « la blesse devant les autres, j’aurais pu perdre le contrôle. » La plaignante insiste sur le fait que la chef n’a rencontré personne d’autre. Elle indique n’avoir reçu aucun commentaire des autres personnes travaillant à la résidence à l’occasion de la venue de Marie Brochu.
74. Selon Lise Larochelle, on lui reprochait des banalités et allègue qu’on exigeait d’elle qu’elle soit parfaite. Selon, elle, « on essayait de me prendre en défaut, alors que moi, j’étais payée pour m’occuper de ces personnes qui ont besoin d’aide. » Elle dit qu’elle n’était pas « traitée comme les autres » et s’être dit, à cette époque, « qu’il y a un contrat sur ma tête » et que ceci venait de sa plainte de harcèlement faite précédemment.
75. Concernant le second paragraphe de la lettre de Marie Brochu (S-23) où elle fait référence à la lecture des fiches, la plaignante explique que dans le cadre d’une réunion d’équipe, elle avait dit qu’elle était tellement sollicitée pour s’occuper de A, qu’elle n’avait pas le temps de lire les fiches de désescalade. La plaignante voit, dans ce paragraphe, une forme d’insinuation qu’elle ne donnait pas les services adéquats, alors que c’est elle qui avait fait part de cette difficulté. Quant à la solution de faire appel à son collègue Rompré, elle estime qu’il ne lui revient pas de dire à ce dernier - qui occupe un poste de même niveau qu’elle - de venir faire son travail pendant qu’elle va lire. « C’est à la chef de service, dit-elle, de faire ce travail de répartition du travail. » Elle indique que la chef ne lui a pas précisé les jours ou heures où son collègue pourrait la remplacer.
76. Lise Larochelle indique qu’elle est arrivée en poste à la résidence Perras à la fin-mai 2011 et qu’en raison de la clientèle qui y réside (troubles de comportement graves), ça lui a pris environ un mois pour s’adapter et créer des liens avec les usagers. La plaignante indique qu’il y a eu de nombreux cas d’événements/accidents du travail à cette résidence et que de nombreux rapports, du type de E-1, ont dû être préparés. Elle dit qu’à cet endroit, « on en mange des coups. » Elle précise que la situation a changé après le départ de A, mais qu’elle a également reçu des coups de Y.
77. Relativement à une des attentes formulées par Marie Brochu, soit « faire preuve d’initiative », Lise Larochelle dit qu’elle est une personne qui en a beaucoup, qui fait plusieurs suggestions lors des réunions d’équipe, mais qu’elle n’a pas de charisme et n’a pas beaucoup de succès avec celles-ci.
78. En contre-interrogatoire, la plaignante explique qu’à l’occasion de la réunion d’équipe de la résidence Perras, à la fin de juillet 2011, elle avait indiqué que « c’était très demandant », à cause surtout d’une résidente (A), qui frappait régulièrement, qui était chaleureuse avec les hommes et demandait donc une surveillance constante. Donc, « j’ai dit que je n’avais pas le temps de lire les documents. » Elle indique que A a infligé des blessures graves à des intervenants et a envoyé plusieurs personnes en accident du travail. La fiche E-1 relate trois incidents impliquant A et elle, avec des coups de poing, etc. Lors de la réunion, il a d’ailleurs été convenu que la plaignante assiste à une formation en intervention physique (ITCA). Une demande écrite en ce sens a été faite le 20 juillet 2011, soit le jour de la réunion. (E-2).
79. La plaignante ne se souvient pas si Marie Brochu lui aurait dit, au moment de la réunion d’équipe, qu’elle ferait un résumé écrit de celle-ci. Elle ne se souvient pas exactement de l’endroit de la réunion du 20 juillet, mais croit que c’était au site des Terrasses.
80. Lise Larochelle revient sur la rencontre du 24 août. Elle indique que Marie Brochu est arrivée vers 12 h 15, au moment où le repas du midi est servi aux usagers. Elle a alors demandé de la rencontrer seule à seule. Elle dit que ceci était « assez humiliant », compte tenu du moment de la journée et de la présence de tout le monde. Elle reconnaît que la demande de Marie Brochu était polie. Les deux femmes sont alors descendues au sous-sol de la résidence. La chef lui a remis la lettre S-23. Elle ne se souvient pas de ce qu’elle lu a dit, « j’étais blessée, humiliée ». Elle dit que la chef « avait un contrat sur ma tête, elle avait des obligations à remplir. » Elle réitère qu’elle partait ce jour-là pour ses vacances. « Je trouvais ça ridicule. »
81. Lorsque les deux femmes sont revenues à l’étage, la plaignante dit que A, avec qui elle avait développé une relation, lui a demandé de l’accompagner aux toilettes, alors qu’il y avait trois autres intervenantes présentes. Elle dit que A « sentait qu’il se passait quelque chose, elle a eu une émotion de sensibilité envers moi, elle sentait cela. » La plaignante dit que Marie Brochu « a été surprise face à cela. » Elle dit que tous les autres intervenants sont restés surpris également de cette demande. Elle précise qu’à son retour au rez-de-chaussée, ses collègues sont demeurés polis et gentils.
82. La plaignante ne croit pas que Marie Brochu ait parlé avec d’autres intervenants. Elle est, selon elle, partie assez rapidement. Leur rencontre a duré environ 15 minutes. Elle relate que la chef Brochu lui avait reproché, le 17 juillet, de ne pas initialer les médicaments lorsqu’elle les dispensait. Elle dit que tous ses collègues faisaient la même chose.
83. Marie Brochu est chef en réadaptation depuis 2004. Elle était responsable de la résidence Perras à l’été 2011, en même temps que deux autres résidences. Elle explique qu’elle a rencontré, à son bureau, la plaignante le 20 juillet 2011, pour discuter des difficultés éprouvées avec certains usagers. Elle se réfère à A plus particulièrement, où, dit-elle, elle avait vu plusieurs rapports d’accidents du travail avec elle. Elle se réfère également à Y, un autre usager qui était sous la responsabilité d’un autre intervenant. Elle voulait discuter également avec la plaignante des difficultés qu’elle avait parfois avec les autres intervenants ; « il y avait parfois des frictions avec certains. » Elle n’a pas été témoin de celles-ci, mais lui ont été rapportées par deux éducatrices.
84. Marie Brochu dit avoir constaté, après que la plaignante ait relaté comment elle avait réagi suite à une crise de A, un besoin d’aide au niveau des interventions. La plaignante lui avait parlé du recours à une prise d’immobilisation vue dans une série télé. Lise Larochelle a expliqué avoir dit cela en blague, mais la chef a été plutôt étonnée de cette remarque. Elle a donc inscrit la plaignante à une formation en interventions thérapeutiques de conduites agressives.
85. Marie Brochu dit que sa rencontre s’est bien déroulée. Quant à l’aide pouvant être donnée par le biais du collègue Rompré, elle explique que le but était de libérer la plaignante afin qu’elle puisse lire les plans d’intervention.
86. Elle dit qu’elle avait avisé Richard Rompré que la plaignante lui en parlerait. Marie Brochu indique que cette rencontre n’était pas disciplinaire, et qu’il s’agissait d’une formule qu’elle utilisait souvent. La chef indique avoir dit à la plaignante qu’elle ferait un rapport écrit de la rencontre afin d’en faire un résumé et d’en indiquer les attentes. Elle mentionne avoir dit à Lise Larochelle qu’elle ferait un suivi.
87. Le 24 juillet 2011, Marie Brochu partait en vacances. Elle dit avoir écrit la lettre S-23 à son retour de vacances à la mi-août. Elle a daté sa lettre S-23 du 25 août, car, dit-elle, elle avait prévu lui remettre ce jour-là. Toutefois, elle dit avoir appris le 24 août ou un peu avant que Lise Larochelle serait en vacances le 25 août. Marie Brochu explique qu’elle a alors remis la lettre à la plaignante le 24 août, car elle prévoyait qu’à compter du début du mois de septembre, elle devrait s’absenter pour une longue période pour des raisons médicales. De fait, elle est revenue brièvement au travail après six mois et est repartie. Son absence s’est échelonnée sur deux ans.
88. Marie Brochu affirme qu’il n’est pas inhabituel pour elle de faire un compte-rendu écrit d’une rencontre. « C’est mon modus operandi . » Elle dit qu’au moment de la remise de la lettre S-23, il n’y a pas eu d’esclandre. Elle affirme que personne ne lui a demandé de surveiller particulièrement Lise Larochelle.
89. En contre-interrogatoire, Marie Brochu indique que c’est, en fait, la plaignante qui a parlé, lors de la réunion d’équipe (tenue également le 20 juillet) des problèmes avec A. Elle dit que c’est à l’occasion de ces rencontres, tenues aux deux semaines, que les intervenants discutent des usagers, des difficultés, etc. Elle indique que c’est à cette occasion que Lise Larochelle a fait part de la prise physique qu’elle avait dû utiliser pour immobiliser A lors d’une crise d’agressivité de cette dernière.
90. Elle ne se souvient pas que les autres intervenants aient discuté de ce point, mais ajoute que « probablement, des gens ont amené différentes façons de faire. » Elle dit qu’il a également été question des difficultés avec Y, afin que tous sachent comment réagir avec lui (et non pas le seul intervenant qui travaillait avec lui).
91. Marie Brochu dit qu’il y a un procès-verbal des réunions d’équipe, mais elle dit que ce ne sont pas nécessairement tous les sujets qui y ont été discutés lors de la réunion du 20 juillet qui se retrouvent à S-23. La chef dit que certains point de cette lettre proviennent plutôt de leur rencontre individuelle tenue le même jour.
92. La chef Brochu reconnaît que les « attentes » formulées à S-23 (celles relatives aux PI et à l’initiative), étaient des attentes applicables à tous les intervenants. Par rapport à la plaignante, elle dit que la question de l’initiative était plus en lien avec le fait qu’elle devait répondre au téléphone et non pas déléguer l’appel à un intervenant. La chef reconnaît que le leadership clinique à la résidence Perras revenait aux éducateurs et que le rôle exclusif relevant du titre d’emploi de Lise Larochelle était de faire le suivi pour les médicaments.
93. La chef Brochu reconnaît que la plaignante n’a pas manqué à une de ses responsabilités. À propos du collègue Rompré, elle explique qu’il était mobile et s’occupait du « surplus » dans trois résidences. Son horaire était planifié à l’avance, mais il fallait souvent le modifier. Elle dit lui avoir indiqué que « quand ça sera possible pour toi et Lise, je m’attends à ce qu’ils s’organisent ensemble pour déterminer du temps « où elle pourrait se libérer pour aller lire les fiches.
94. Marie Brochu croit que Richard Rompré était en vacances après le 20 juillet. Pour sa part, elle est revenue au travail à la mi-août. Elle reconnaît qu’elle n’a pas vérifié, au moment où elle a écrit la lettre S-23, si les attentes qui y sont indiquées, avaient été respectées depuis la rencontre du 20 juillet. Elle dit qu’elle « aurait pu le faire avec Lise. »
95. Relativement aux formulaires de déclaration d’événements (E-1), Marie Brochu indique qu’il y en avait plusieurs à la résidence Perras ; « c’était préoccupant. » Elle indique qu’il n’était pas question, lors des réunions d’équipe, des situations particulières (lésions) de chaque salarié, mais, « on va en parler de façon générale, qu’il y a plusieurs agressions de mois-ci. »
96. Lors de la rencontre du 24 août, la chef n’a pas discuté de ce point avec la plaignante. « Le 24 août, c’était pour lui remettre la lettre » (S-23). Marie Brochu dit que la plaignante « aurait dû apprécier que [la rencontre] se fasse individuellement. » Elle dit que « ça arrive régulièrement que je rencontre » des salariés ainsi. Elle ne se souvient pas si la plaignante semblait contente. « Ça se peut, dit-elle, qu’elle n’était pas contente ; ça ne m’étonnerait pas, je n’ai pas de souvenir négatif. » Elle dit que c’était pour des raisons de confidentialité qu’elle n’a pas fait part de ses attentes envers la plaignante devant tout le monde, même si, elle le reconnaît, ces attentes étaient les mêmes pour tous. La chef Brochu ne croit pas qu’une rencontre individuelle, comme celle du 24 août, puisse être interprétée par les collègues de travail de la plaignante comme le signe d’un problème. « Ils ne savaient pas, en principe, que je lui remettais une lettre. » Elle dit que si elle avait convoquée la plaignante à son bureau, la situation aurait été identique quant à la perception des autres car, dit-elle, « j’aurais dû la faire remplacer. » Elle conteste donc que cette méthode aurait été plus confidentielle.
II) PLAIDOIRIES
97. J’ai déjà indiqué, dans le cadre de mes remarques préliminaires le cadre particulier de la présente décision (par. 2-3). Je le reprends brièvement. L’employeur a présenté, de façon liminaire, une objection alléguant la prescription des deux griefs de la plaignante où celle-ci se plaint de harcèlement psychologique. (S-21 et S-22) Compte tenu de cette objection, la partie syndicale a présenté sa preuve au soutien de ces deux griefs. Tel que le résumé l’indique, cette preuve syndicale a consisté à présenter, en ordre chronologique, une série d’événements qui ont débuté en avril 2007 et qui se sont échelonnés jusqu’au 24 août 2011. Certains de ces événements ont donné lieu à des lettres ou mesures disciplinaires et à des griefs dont je suis également saisi. Toutefois, et il importe de le noter, la preuve syndicale a traité de ces lettres ou mesures disciplinaires non pas pour en faire la preuve (elle n’en a pas le fardeau), ni pour établir sa défense à leur égard (la preuve de l’employeur n’ayant pas encore été produite), mais pour établir que ces mesures disciplinaires seraient à l’origine des deux plaintes de harcèlement psychologique et que c’est ce continuum d’événements qui a mené au dépôt des deux griefs de harcèlement psychologique.
98. De son côté, l’employeur n’a soumis une preuve qu’à l’égard des deux événements qui se situent à l’intérieur du délai de 90 jours des griefs S-21 et S-22. L’employeur n’a contre-interrogé la plaignante qu’à l’égard de ces événements.
99. Dans sa plaidoirie, le
procureur patronal soutient, en premier lieu, que le grief S-21 du 30 mars 2010
est prescrit puisque le seul événement qui est survenu à l’intérieur du délai
de 90 jours (art.
100. Plus précisément, le procureur souligne que la mesure disciplinaire du 17 février 2010 (S-17) n’a absolument rien de harcèlement psychologique, mais vise exclusivement à sanctionner des propos homophobes tenus par la plaignante sur ses lieux de travail. Le procureur soutient que la preuve a établi de façon prépondérante le reproche fait à la plaignante. Le procureur indique que l’employeur, en vertu de ses droits de direction, pouvait imposer une sanction disciplinaire et que celle-ci, même si elle était jugée trop sévère au moment de son analyse au fond, ne peut être nullement associée à du harcèlement psychologique. Il n’y a pas, note le procureur, de mauvaise foi, d’arbitraire, mais plutôt l’exercice du droit, par l’employeur, de reprocher des propos qui ne sont pas acceptables dans son établissement.
101. Quant au second grief (S-22), le procureur estime que la lettre du 25 août 2011 (S-23) est une simple mesure administrative, où la chef Brochu fait un compte-rendu d’une rencontre tenue le 20 juillet. Selon le procureur, il n’y a rien, dans cette lettre, qui puisse correspondre à du harcèlement psychologique. Il signale qu’il avait été convenu, le 20 juillet, qu’un écrit ferait un résumé de leur rencontre. Quant à la façon que cette lettre S-23 lui a été remise, soit le jour du départ en vacances de la plaignante et sur le lieu de travail de celle-ci, le procureur rappelle le contexte où la chef Brochu savait qu’elle devrait s’absenter pour une longue période à compter de septembre. Elle a donc considéré qu’il valait mieux la remettre à la plaignante le 24 août. Quant à son entretien à la résidence Perras, le procureur note que la démarche de Marie Brochu a été faite de façon privée et que la rencontre n’a duré qu’une quinzaine de minutes. Le procureur estime qu’une convocation de la plaignante au bureau de la chef Brochu aurait tout autant fait l’objet de critique de la part de Lise Larochelle.
102. Le procureur patronal
estime donc que, tout comme dans le premier cas, le second grief de harcèlement
psychologique est prescrit et doit donc être rejeté. Du coup, il indique que
même si tous les reproches de la plaignante qui précèdent le délai prévu à
l’article
103. De son côté, le procureur syndical plaide essentiellement que la théorie du continuum : au fil des années, l’employeur aurait, à son avis, créé, autour de la plaignante, une aura de mauvaise employée et elle a fait l’objet, par la suite, d’attaques diverses quant à son manque de jugement, son manque d’initiative. Bref, soulève, le procureur, la plaignante a été marginalisée et a été victime de conduites de harcèlement psychologique. Le procureur reprend les divers événements présentés en preuve et fait ressortir que la plaignante, une salariée qui veut vraiment s’occuper des bénéficiaires, a été l’objet de mesures disciplinaires arbitraires et futiles, de comportements distants, d’amplification de ses propos, de mesures distinctes des autres collègues de travail, de condescendance, de dénigrement de ses initiatives, d’attaques de la confiance en soi, de répétition de banalités pour l’ennuyer, etc. Tous ces gestes, paroles, lettres et mesures forment, selon le procureur, un continuum et il estime qu’il est dangereux d’en isoler deux, comme le propose l’employeur, afin de conclure qu’il y aurait prescription des griefs S-21 et S-22. Selon le procureur, accueillir les objections patronales, sans entendre la totalité de la preuve sur tous les faits, pourrait préjudicier la plaignante.
III) DÉCISION
104. Je signale que pendant
mon délibéré, j’ai invité les deux procureurs à me faire part de leurs
commentaires à propos d’une décision récente de la Cour supérieure dans
l’affaire
Syndicat des professionnelles et professionnels municipaux de
Montréal c. Gravel,
105. En révision judiciaire, la juge Claude Dallaire a d’abord conclu que l’arbitre avait commis une erreur déraisonnable eu égard à la disposition applicable en matière de prescription. (par. 80) Cependant, en obiter , elle a ajouté que « même si l’arbitre avait appliqué le bon délai », la Cour « serait également justifiée » d’intervenir en raison de la commission de d’autres erreurs « notamment quant à la méthodologie utilisée » pour déterminer la dernière manifestation de harcèlement psychologique. (par. 81)
106. Sur cette question, la juge Dallaire précise :
[83] Dans l’analyse à laquelle il se livre aux paragraphes 455 et 456, l’arbitre s’inspire de la preuve au mérite sur ce qui s’est passé le 26 novembre 2010, ce qu’il ne pouvait faire à cette étape.
[84] Pour disposer d’une objection préliminaire fondée sur la prescription, l’arbitre devait plutôt faire trois choses : 1) vérifier si le grief ou la lettre expliquant les différentes manifestations de harcèlement psychologique indiquaient au moins un événement se situant dans la période critique de 90 jours précédant le dépôt du grief, 2) s’il y en avait, vérifier sommairement si les faits décrits pouvaient en apparence constituer des manifestations de harcèlement psychologique sur lesquelles l’enquête au mérite pourrait ensuite faire la lumière, une fois l’objection préliminaire tranchée et 3) motiver sa décision s’il retenait ou rejetait tel ou tel événement allégué durant la période de 90 jours.
[85] Si l’arbitre n’avait retrouvé aucun événement dans la période critique de 90 jours précédant la date du dépôt du grief, il aurait pu rejeter le grief en maintenant simplement l’objection préliminaire.
[86] Cependant, comme il a constaté l’existence de quelques événements dans la période critique de 90 jours, il devait ensuite déterminer si ceux-ci s’inscrivaient en apparence dans ce que l’on retrouve parfois, ou habituellement, dans un dossier de harcèlement psychologique.
[87] Si ces événements ne présentaient en apparence aucun lien avec un dossier de harcèlement psychologique, en ce sens qu’ils ne pouvaient pas en constituer des manifestations pertinentes, l’arbitre pouvait aussi rejeter le grief en maintenant l’objection préliminaire fondée sur la prescription, sans même avoir à entendre la preuve sur lesdites manifestations alléguées pour la période de 90 jours précédant le dépôt du grief ou de la plainte.
[88] À titre d’exemple, l’arbitre aurait pu maintenir l’objection préliminaire si les faits allégués dans la plainte ou dans la lettre explicative avaient ceux-ci : «20 février 2011 : rencontre entre mon collègue Tardif et mon supérieur. Ils se sont chicanés. » ou « rencontre avec mon supérieur pour la remise de mon évaluation annuelle; compliments de ce dernier sur le travail que j’ai accompli au cours de la dernière année » ou « 26 novembre 2010 : souper de Noël de l’équipe; le patron est assis à la table voisine et la soirée se déroule bien, sans aucune allusion à quoi que ce soit » ou « incident survenu entre le patron de mon collègue Tardif et moi, au cours duquel le patron de Tardif m’insulte devant des collègues ».
[89] Soit ces exemples ne démontrent pas de manifestation de harcèlement, de par leur contenu, soit ils visent quelqu’un d’autre que la plaignante ou une autre personne que le harceleur présumé selon le reste de la plainte. Mais l’un dans l’autre, ces faits allégués auraient pu justifier l’arbitre de maintenir l’objection préliminaire fondée sur la prescription sur la base des explications que nous venons de fournir pour justifier en quoi les événements identifiés ne se qualifient pas pour « sauver » le dossier, et ce, peu importe que le reste du dossier puisse a priori démontrer une trame factuelle de harcèlement psychologique. Comme les faits cités dans nos exemples ne peuvent en apparence être considérés comme de telles manifestations et qu’il n’y a rien d’autre dans les 90 jours précédant le dépôt du grief ou de la plainte, l’arbitre aurait eu raison de maintenir l’objection préliminaire et de rejeter ensuite le grief au motif qu’il est prescrit.
107. Après avoir énoncé sa position, la juge a estimé que l’approche retenue par l’arbitre était erronée puisque, selon elle, s’était inspiré « de ce que la preuve a révélé pour étoffer le mérite de la plainte de harcèlement, pour ensuite revenir en arrière et conclure que les faits allégués à la date du 26 novembre 2010 et à celle du 22 février 2011 ne sont pas des manifestations de harcèlement psychologique. » (par. 90) Selon la juge :
[91] S’il fallait que les arguments dits « préliminaires » soient décidés de la même manière qu’un argument annoncé et plaidé comme un moyen de défense au mérite, nous nous interrogeons sur l’intérêt de présenter de tels moyens, surtout lorsque l’objectif d’un tel moyen préliminaire est d’éviter d’administrer une longue preuve au mérite pour un dossier qui ne devrait pas être poussé plus loin, étant à sa face même prescrit.
[92] Bien que les parties conviennent régulièrement de tout plaider en même temps, aux fins d’une gestion efficace des ressources décisionnelles, comme cela a été le cas en l’espèce, cela n’opère pas pour autant une modification des règles applicables à chaque phase de l’exercice qu’elles ont convenu de faire.
[93]
Nous nous inspirons de
ce qui se passe lorsqu’une partie à un recours civil soulève l’article
[94] Bien entendu, lorsque le dossier passe à travers un moyen d’irrecevabilité fondé sur la prescription, cela ne signifie pas que l’arbitre ne puisse pas revenir sur le mérite de cet argument, une fois l’ensemble de la preuve présentée et analysée à la lumière de la jurisprudence applicable, mais tel n’était pas le programme annoncé.
108. La partie syndicale estime que l’approche développée par la Cour supérieure devrait être retenue en l’espèce ; ceci supposant à son avis que les objections préliminaires patronales devraient être rejetées afin que la totalité de la preuve sur tous les faits puisse être entendue. De son côté, l’employeur estime qu’il serait erroné, dans un cas où une preuve contradictoire a été entendue concernant un événement, de se limiter à une preuve de « faits avérés ».
109. Sur le plan méthodologique, cette décision Ville de Montréal pose une frontière dans l’évaluation de la preuve pour disposer d’une objection préliminaire. La Cour supérieure estime, en effet, que l’arbitre, qui a entendu la preuve sur l’ensemble du mérite d’un dossier, aurait dû faire abstraction de cette preuve « générale » lorsqu’il a déterminé, dans sa sentence, si l’objection préliminaire, invoquant la prescription, était fondée. À ce dernier stade, selon la Cour, les faits allégués devaient être tenus pour avérés et le rôle de l’arbitre se limitait à déterminer si les événements présentaient « en apparence » un lien avec « ce que l’on retrouve parfois, ou habituellement, dans un dossier de harcèlement psychologique. » (par. 86, 87, 89).
110. Mon rôle ne consiste pas à commenter cette approche. Pour ma part, j’estime que la position développée par la Cour supérieure doit être lue en fonction du contexte spécifique du dossier alors à l’étude en révision judiciaire. Je rappelle que, dans ce cas, les parties avaient convenu de présenter l’ensemble de leur preuve respective, et ce, nonobstant la présentation d’objections préliminaires en début d’audience par l’employeur. Une seule sentence arbitrale disposerait de tout le dossier. Dans le présent dossier, il a été convenu, dès le début de l’audience, que je devais rendre une sentence ne portant que sur les deux objections préliminaires patronales alléguant la prescription des deux griefs de harcèlement psychologique. Dans le cadre de l’audience, qui ne portait donc que sur ces deux objections préliminaires, il est vrai que la partie syndicale - et ceci relevait de son choix - a soumis une preuve sur l’ensemble des événements qui, à son avis, constituent du harcèlement psychologique à l’encontre de Lise Larochelle. Quant à l’employeur, toujours au même stade des objections préliminaires, il s’est limité - au-delà d’avoir formulé celles-ci in limine litis - à contre-interroger la plaignante et à soumettre une preuve, relative aux seuls événements spécifiques qui se sont déroulés à l’intérieur des 90 jours précédant les deux griefs de harcèlement psychologique.
111. En conséquence, au stade de l’analyse des deux objections préliminaires (et non pas, je le répète, d’une analyse mixte ‘’préliminaire-mérite’’ comme dans Ville de Montréal ), j’ai entendu une preuve complète et contradictoire dont l’objectif, pour les deux parties, était de me permettre de disposer de ces seules objections préliminaires. Il serait pour le moins inusité - voire même erroné, selon moi - que mon analyse et ma décision sur ces deux objections préliminaires doivent se limiter à « tenir les faits pour avérés », ou à un examen de la preuve en fonction de « l’apparence », alors que les parties m’ont présenté, de façon complète, leur preuve respective à l’égard desdits événements et qu’elles ont convenu que je dispose de ces objections dans le cadre d’une sentence spécifique.
112. À la lumière de ces
principes, j’ai examiné les deux objections préliminaires soumises par
l’employeur. Dans le cas du premier grief de harcèlement psychologique, daté
du 30 mars 2010 (S-21) le seul événement se situant à l’intérieur de la période
de 90 jours prévue à l’article
113. J’ai déjà reproduit la lettre du chef en réadaptation Patrick Boisvert du 17 février 2010 (S-17, par. 52) et fait état du témoignage de la plaignante et de ceux du chef Boisvert et de Cathy Raymond. Relativement à la nature des propos tenus par Lise Larochelle au sujet de E, la preuve est contradictoire. La plaignante nie avoir tenu des propos homophobes à l’endroit de ce dernier, alors que Cathy Raymond affirme le contraire. À mon avis, le témoignage de cette dernière, une collègue de travail de Lise Larochelle, est plus crédible que celui de la plaignante qui consiste essentiellement à nier les propos reprochés en se référant à son ouverture face à la diversité sexuelle. Cathy Raymond, qui n’a pas d’intérêt dans le présent dossier, ni d’animosité envers la plaignante, a témoigné devant moi de façon précise, sans hésitation et a rappelé avoir fait état à la plaignante de sa surprise en entendant les propos de cette dernière au sujet de E. Elle ajoute même lui avoir demandé si elle était sérieuse, tant les propos l’ont étonnée. Elle a jugé bon d’en faire part à E et a écrit une note à ce sujet (E-4). Il paraît difficile de croire que Cathy Raymond aurait attribué faussement de tels propos à la plaignante et qu’elle aurait, subséquemment, avisé E et écrit une note à ce sujet. Rien à la preuve ne va en ce sens.
114. Je ne doute pas, selon la preuve, que le quart de travail concerné par l’événement a été très accablant pour la plaignante, compte tenu des malaises répétés de C et du travail supplémentaire que ceci lui a occasionné. Cependant, l’association à voix haute que celle-ci a effectuée entre la maladie contemporaine de son collègue E et son orientation sexuelle (et des sorties qu’il ferait dans des bars gays) relève d’un comportement qui, compte tenu de son caractère et du milieu de travail dans lequel évoluent la plaignante, Cathy Raymond et E, pouvait faire l’objet d’une mesure disciplinaire.
115. Évidemment, au présent stade, je ne me prononce pas sur la nature de la mesure disciplinaire qui a été imposée à la plaignante (S-17), mais je suis d’avis que, selon une preuve prépondérante, la mesure disciplinaire imposée par l’employeur le 17 février 2010, qui est en lien avec ces propos tenus à la résidence Dandurand, correspond à l’exercice des droits de direction d’un employeur. Cette mesure disciplinaire ne possède, ni au mérite, ni même en apparence, les attributs d’une manifestation de harcèlement psychologique à l’endroit de Lise Larochelle. L’employeur, après enquête, a estimé que les propos reprochés avaient été prononcés par la plaignante et a décidé, comme il en avait le droit, de sanctionner un tel comportement compte tenu des circonstances. Le procureur syndical allègue que la sévérité de la sanction (une suspension de cinq jours, S-17) est un élément à considérer afin de déterminer si celle-ci ne dissimule pas du harcèlement psychologique. Je répète que je n’ai pas à me prononcer, au présent stade, sur la question de l’évaluation de la sévérité de la sanction imposée. Cependant, je signale que je ne décèle pas, dans cet élément particulier qu’est la sanction imposée, et eu égard au contexte mis en preuve, un indice permettant d’établir le lien allégué entre la sanction imposée et la notion de harcèlement psychologique.
116. J’estime donc que le grief S-21 est prescrit puisque la preuve entendue ne révèle aucune manifestation de harcèlement psychologique dans les 90 jours précédant son dépôt. L’objection préliminaire patronale est accueillie.
117. La seconde objection préliminaire vise le grief S-22 daté du 18 octobre 2011. Dans ce grief, la plaignante « conteste le contenu de la lettre du 25 août 2011 comme étant une nouvelle manifestation de harcèlement psychologique en lien avec le grief 09-2010. » Je rappelle que, dans la séquence des événements mis en preuve, le grief précédent de Lise Larochelle était celui de harcèlement psychologique, daté du 30 mars 2010, analysé précédemment.(S-21). C’est donc dire qu’à l’exception de la lettre du 25 août 2011 (S-23), dix-huit (18) mois séparent cette lettre S-23- considérée par la plaignante comme du harcèlement psychologique - et les derniers faits précédents qui lui avaient été reprochés, soit ceux faisant l’objet de la mesure disciplinaire du 17 février 2010 (S-17).
118. L’employeur estime que ce
second grief est également prescrit, au sens de l’article
119. Tout comme à l’égard de la preuve sous-jacente à la première objection préliminaire, l’employeur a contre-interrogé la plaignante et soumis une preuve concernant l’événement lié à la lettre du 25 août 2011 (S-23). À cet égard, et sans insister, j’applique la même grille d’analyse que celle adoptée dans le cadre de la première objection préliminaire. (par. 111).
120. J’ai examiné attentivement la preuve entourant l’événement du 24 août 2011. Afin de bien comprendre celui-ci, il faut évidemment se référer à la rencontre tenue le 20 juillet 2011. La plaignante, rappelons-le, commence un nouveau poste à la résidence Perras, vers la fin-mai, début juin 2011. Elle indique qu’elle avait une bonne relation avec sa chef, Marie Brochu. Entre le début de ce poste et le mois d’août 2011, « je n’avais pas de préjugé défavorable par rapport à elle », dit-elle.
121. Lors de la réunion d’équipe du 20 juillet 2011, tenue avec Marie Brochu, divers sujets sont abordés, dont le fait qu’une résidente (A) pouvait être violente. De plus, Lise Larochelle a indiqué qu’elle manquait de temps pour lire les fiches de désescalade et la chef Brochu lui a mentionné qu’elle pouvait se faire remplacer par un collègue pour qu’elle puisse faire ces lectures. « Moi, dit-elle, j’aurais ainsi mieux qu’elle me cédule un moment plutôt que de demander à Richard de me remplacer ; c’est à la chef de service de le dire et de répartir le travail. »
122. Dans son témoignage, Lise Larochelle indique qu’en raison des problématiques de certains résidents de la résidence Perras, « ça m’a pris environ un mois » pour s’imprégner des tâches à faire à cet endroit.
123. Marie Brochu présente une autre version de la rencontre du 20 juillet 2011. Il ne s’agissait pas d’une réunion d’équipe, mais d’une rencontre avec la plaignante afin de discuter de certains sujets délicats en lien avec certains usagers, des méthodes d’intervention à adopter avec ceux-ci lorsqu’ils pouvaient être violents, de la question de la lecture des fiches de désescalade, etc. Selon la chef Brochu, il n’y a pas eu de difficultés de communication entre elle et la plaignante à ce moment-là. Marie Brochu affirme avoir indiqué à Lise Larochelle qu’elle ferait un rapport écrit de cette rencontre. La plaignante affirme qu’elle ne se souvient pas que la chef lui ait dit cela.
124. Marie Brochu quittait, le ou vers le 20 juillet 2011, pour ses vacances. Elle est revenue au travail un mois plus tard. Elle prévoyait alors remettre à la plaignante le rapport écrit de leur rencontre précédente le 25 août 2011 (c’est la date apparaissant à S-23), mais elle a appris que cette dernière quittait pour ses vacances annuelles le 24 août et que, pour sa part, elle savait qu’elle devait s’absenter, au début de septembre 2011, pour un congé de maladie prolongé. La chef voulait donc s’assurer que son résumé de leur rencontre du 20 juillet 2011 soit remis à la plaignante, d’où sa démarche du 24 août 2011.
125. La preuve concernant cette rencontre du 24 août 2011 converge sur différents points : la chef Brochu s’est présentée à la résidence Perras ; elle a demandé à la plaignante de se rendre au sous-sol avec elle ; cette demande a été faite poliment ; les deux femmes ont discuté entre 15 et 30 minutes ; les deux femmes sont remontées par la suite au rez-de-chaussée ; Marie Brochu a quitté.
126. Quant au déroulement de l’entretien, la plaignante ne se souvient pas de ce qui a été dit. Elle dit que « c’était illogique qu’elle [la chef Brochu] s’occupe de moi, j’étais dans un état d’humiliation, je trouvais ça ridicule. » Elle a répété à quelques reprises qu’elle savait que sa chef « avait des obligations à remplir, qu’il y avait un contrat sur ma tête. » La plaignante a également répété qu’elle était « blessée, humiliée, insultée, démotivée. »
127. De son côté, Marie Brochu a expliqué que cette rencontre s’inscrivait dans le suivi de la rencontre du 20 juillet 2011 ; qu’elle ne se souvient pas qu’il y ait eu d’esclandre lors de l’entretien ; qu’il « se peut qu’elle [la plaignante] n’était pas contente, ça ne m’étonnerait pas », mais qu’elle n’a pas de souvenir négatif de cette rencontre.
128. J’ai examiné très attentivement l’ensemble de la preuve concernant l’événement survenu le 24 août 2011, que la plaignante qualifie de « nouvelle manifestation de harcèlement psychologique. » En premier lieu, je suis d’avis que rien à la preuve n’établit que la rencontre du 20 juillet 2011 - que celle-ci en ait été une individuelle, d’équipe, ou la première succédant à la seconde - correspond aux éléments constitutifs de la notion de harcèlement psychologique. Lise Larochelle travaillait à la résidence Perras depuis près de deux mois à titre d’auxiliaire aux services de santé et sociaux et la chef Brochu a voulu examiner avec elle certains aspects de son travail (le comportement difficile d’une résidente, la consultation des fiches, etc.). À mon avis, cette rencontre - qui s’est déroulée sans heurts - correspond à une forme normale de supervision de la part d’une gestionnaire avec une salariée qui en est encore à ses débuts dans une nouvelle fonction.
129. La chef Brochu a fait un résumé écrit de cette rencontre du 20 juillet 2011 (S-23). Elle a indiqué qu’il s’agit là de sa façon de travailler. Aucune preuve n’a contredit ce point. La lecture de la lettre S-23 révèle que la chef y reprend, en effet, les aspects qui ont été discutés entre les deux femmes le 20 juillet 2011. Le ton de cette lettre est neutre et fait état de ce qui a été convenu lors de la rencontre, tout en réitérant les attentes signifiées au même moment. Il n’y a aucun reproche, exprès ou implicite, dans cette lettre, mais plutôt l’expression d’un rappel objectif d’une rencontre et des attentes de la gestionnaire relatives à l’exécution du travail de la plaignante. À nouveau, je ne peux identifier, dans cette lettre S-23, aucun élément se rapprochant, de près ou de loin, à du harcèlement psychologique.
130. Demeure tout le volet de la remise de cette lettre S-23, survenue le 24 août 2011, à la résidence Perras, par Marie Brochu. C’est cet aspect de l’événement que la plaignante associe directement à du harcèlement psychologique. Le fait que la chef se soit rendue directement à la résidence et qu’elle lui remette, de main à main, la lettre S-23, a humilié Lise Larochelle au plus haut point.
131. L’analyse de ce volet doit tenir compte des circonstances qui l’entoure. Marie Brochu affirme avoir dit à la plaignante qu’elle ferait un résumé écrit de leur rencontre du 20 juillet 2011. Lise Larochelle dit ne pas se souvenir de ce point ; mais elle ne le nie pas. La chef Brochu veut remettre cette lettre à la plaignante de main à main. Elle apprend, après avoir rédigé la lettre S-23, que Lise Larochelle part en vacances le 24 août et reviendra le 14 septembre 2011. Pour sa part, Marie Brochu, de retour alors d’un mois de vacances, sait qu’elle devra quitter le travail pour une intervention chirurgicale au début du mois de septembre. Dans les faits, elle dit s’être absentée du travail à compter du 19 septembre 2011 et ce, à l’exception d’un bref retour, pour une période de deux ans.
132. C’est à la lumière de cette preuve qu’il faut examiner la rencontre du 24 août 2011 à la résidence Perras. Si, a priori , la démarche de la gestionnaire, qui s’est rendue à la résidence, peut sembler étonnante, je suis d’avis que les circonstances liées à l’arrivée imminente des vacances de l’une et au départ prévu de l’autre pour une longue période permettent d’expliquer le déplacement de Marie Brochu à la résidence. Cette dernière a affirmé qu’elle avait déjà effectué ce type de rencontre avec des salariés sur les lieux de travail et cette preuve n’a pas été contredite ou affaiblie à l’occasion de son contre-interrogatoire.
133. Quant à la rencontre, celle-ci s’est déroulée en privé, au sous-sol, et n’a pas donné lieu à des esclandres. Les deux femmes sont remontées au rez-de-chaussée et, selon la plaignante, la vie a repris (A lui a demandé de l’accompagner aux toilettes à son retour).
134. La plaignante a indiqué qu’elle ne se souvient pas du contenu de leur échange au sous-sol, car elle trouvait illogique et ridicule que sa chef s’occupe ainsi d’elle ; elle dit qu’elle savait alors que Marie Brochu avait des obligations à remplir, qu’il y avait un contrat sur ma tête », et qu’elle était alors « blessée, humiliée, insultée, démotivée. »
135. En somme, je comprends que ce n’est pas le contenu de la lettre S-23 ou la nature de l’échange entre les deux femmes qui mènent la plaignante à considérer cet événement du 24 août 2011 comme du harcèlement psychologique, mais le fait que la chef Brochu soit venue lui remettre, de main à main, la lettre S-23 à la résidence. Dans cette veine, je note qu’à son arrivée à la résidence, Marie Brochu n’a pas indiqué, devant le personnel et les résidents présents, qu’elle voulait rencontrer Lise Larochelle afin de lui remettre une lettre. Elle lui a seulement demandé de l’accompagner au sous-sol. Et, suite à leur rencontre, la chef a quitté la résidence sans autre commentaire. Quant aux personnes présentes à la résidence, la plaignante a indiqué que celles-ci ne l’ont pas questionnée sur l’objet de la rencontre, ni fait de commentaires à ce sujet.
136. La partie syndicale invoque qu’il aurait été préférable que la plaignante soit convoquée au bureau de la chef Brochu plutôt que d’être rencontrée à la résidence. La gestionnaire a expliqué que cette méthode aurait également « attiré l’attention » puisque la plaignante aurait du être remplacée pendant la durée de la rencontre à son bureau.
137. Peut-on considérer que la
démarche de la chef Brochu du 24 août 2011 constitue
in se
une
manifestation de harcèlement psychologique au sens de l’article
74. Le critère d’appréciation de la manifestation d’une conduite vexatoire est celui subjectif/objectif de la « victime raisonnable », soit une personne raisonnable, normalement diligente et prudente, qui, placée dans les mêmes circonstances que la victime, estimerait que le supposé harceleur manifeste une conduite vexatoire . Ce critère se distingue de celui de la seule perception subjective de la victime ainsi que de la notion plus objective de « personne raisonnable » qui tient moins en compte les circonstances particulières de la victime. L’analyse des deux derniers critères peut demeurer pertinente, mais elle n’est pas déterminante. (mes italiques)
138. L’objet de la rencontre du 24 août 2011 s’inscrivait, on l’a vu, dans le cadre d’un suivi écrit effectué après une rencontre où la supérieure de la plaignante avait discuté avec elle de certains points liés à l’organisation du travail, aux relations avec certains résidents et aux attentes de l’organisation à son égard. Bref, Marie Brochu, exerçait, sous forme écrite, un des droits de la direction consistant à évaluer et superviser le travail de la plaignante. Au sens du critère d’appréciation de la « victime raisonnable » mentionné précédemment, j’estime qu’une personne raisonnable, normalement diligente et prudente, placée dans les mêmes circonstances, ne peut identifier dans la façon de faire de la chef Brochu, dans sa démarche personnalisée de suivi, une conduite vexatoire de la nature visée par la définition de harcèlement psychologique.
139. Mais Marie Brochu s’est rendue à la résidence pour lui remettre directement la lettre S-23. C’est cet aspect particulier qui, selon la plaignante, serait abusif et de l’ordre du harcèlement psychologique. Après analyse, je ne suis pas d’accord avec cette proposition. La séquence des événements du 24 août 2011 ne démontre aucune attitude abusive, arbitraire ou déraisonnable de la part de Marie Brochu et rien ne permet d’établir que la personne raisonnable mentionnée précédemment pourrait en arriver à une conclusion contraire. Marie Brochu était la supérieure de la plaignante et elle était en droit de la rencontrer afin de discuter avec elle des questions liées à son travail. Rien n’interdisait qu’une telle rencontre se déroule sur les lieux du travail.
140. Cependant - et c’est à ce niveau que tout aurait pu être différent - si la chef Brochu avait indiqué à son arrivée à la résidence qu’elle avait une lettre à remettre à Lise Larochelle, ou qu’elle aurait fait état devant ses collègues et résidents de l’objet ou du contenu de celle-ci, j’aurais été sensible à l’argument syndical de comportement abusif et vexatoire, pouvant être à la base de harcèlement psychologique. Mais, on l’a vu, rien à la preuve n’établit de tels éléments. Toute la rencontre, de l’arrivée de la chef à la résidence, jusqu’à son départ, y incluant l’entretien des deux femmes dans une salle du sous-sol, a été marquée par la discrétion, sans éclats de voix pouvant attirer l’attention des collègues et résidents et susciter la curiosité.
141. Quant au moment où cette rencontre a eu lieu, soit le jour de départ en vacances de la plaignante, la preuve a révélé, de façon prépondérante, que c’est en raison de facteurs indépendants, liés aux agendas des deux femmes (vacances de l’une et l’autre et départ imminent pour un long congé de maladie) que la rencontre s’est déroulée le 24 août 2011. Cette justification est, à mon avis, raisonnable et ne dissimule aucun geste abusif déraisonnable.
142. À la lumière de
l’ensemble de ces circonstances, je suis d’avis, en fonction du test énoncé
précédemment (par. 137), que la preuve relative à l’événement du 24 août 2011
(ni la rencontre du 20 juillet 2011 qui l’a précédé ne peut être qualifiée de
manifestation de harcèlement psychologique au sens de l’article
143. Dans le cadre de sa plaidoirie, la partie syndicale a fait valoir que le présent dossier, y incluant l’analyse des objections préliminaires patronales, devait être évalué à la lumière de la théorie du continuum , selon laquelle, en matière de harcèlement psychologique, il faille évaluer, dans le temps, un ensemble de gestes, faits et incidents afin de déterminer si le recours en cette matière est fondé. Si je suis d’accord avec la théorie du continuum , il importe que celle-ci soit appliquée dans le cadre permis au départ par les dispositions pertinentes en matière de harcèlement psychologique. En effet, lorsqu’un dossier ne soulève pas de problème de prescription, un événement isolé peut être évalué à l’aune d’un ensemble de faits et gestes s’étant déroulés sur une période de temps. Tel est le propre même de cette méthode d’évaluation longitudinale de la preuve dans son ensemble, soit sous l’axe d’un continuum .
144. Cependant, pour que cette
méthode d’analyse puisse être invoquée, il faut d’abord, de façon impérative,
que la condition énoncée à l’article
145. Je note, par ailleurs, que même si la théorie du continuum pouvait être considérée dans le présent dossier, l’application de celle-ci poserait problème puisque, comme ceci a été établi précédemment, le dossier ne révèle pas de tels éléments de constance, de persistance, sur une période donnée qui pourraient être compatibles avec l’idée d’un continuum . Dans les faits, la lettre du 25 août 2011 (S-23), dernier élément de preuve se situant à l’intérieur du délai de 90 jours précédant le second grief de harcèlement psychologique (S-22), est survenue dix-huit (18) mois après l’imposition de la mesure disciplinaire du 17 février 2010 (S-17), et trente (30) mois après la lettre du 17 février 2009 (S-15). À mon avis, même si elle était considérée, la théorie du continuum ne pourrait être invoquée avec succès dans le cadre d’un tel contexte factuel dépourvu, de façon manifeste, de cet élément de continuité, de persistance, qui en est l’essence même.
145. En conclusion, je suis
d’avis que les griefs S-21 et S-22 ont été déposés à l’extérieur des délais de
rigueur prévus à l’article
146. Par ailleurs, tel qu’indiqué en introduction, je demeure saisi des griefs S-5, S-9, S-12, S-14, S-16, S-24 et S-26.
IV) DISPOSITIF
POUR L’ENSEMBLE DE CES MOTIFS, le soussigné :
ACCUEILLE les objections
préliminaires patronales et REJETTE les griefs numéros 09-2010 (S-21) et
18-2011 (S-22) en raison de leur prescription au sens de l’article
CONVOQUE les parties pour la poursuite de l’audition des griefs S-5, S-9, S-12, S-14, S-16, S-24 et S-26 à une date à être convenue avec leurs procureurs respectifs.
GATINEAU, ce 1 er octobre 2014.
Denis NADEAU, arbitre
M. Jean-Luc THÉORET
Procureur du Syndicat
Me Jean-Luc GAGNON
Procureur de l’Employeur