RÉGIE DES ALCOOLS, DES COURSES ET DES JEUX

 

 

NUMÉRO DU DOSSIER

:

40-2505774-001

 

DATE DE L’AUDIENCE

:

2014-08-29 à Montréal

 

RÉGISSEURES

:

M e Louise Marchand

M me Yolaine Savignac

 

TITULAIRE

:

7640196 Canada Inc.

 

RESPONSABLE

:

M. Dinh Nguyen

 

NOM DE L’ÉTABLISSEMENT

:

Restaurant Lychee Sushi Bar

 

ADRESSE

:

40-A & B, boulevard Saint-Jean-Baptiste

Châteauguay (Québec)

J6K 3A3

 

PERMIS EN VIGUEUR

:

Restaurant pour vendre

1 er étage (100 personnes)

N o 9815713

 

Restaurant pour vendre

Terrasse (43 personnes)

N o 9815721

 

 

ET

 

DEMANDERESSE

 

:

9285-4512 Québec Inc.

 

RESPONSABLE

:

M. Xia Bo Lin

 

NOM DE L’ÉTABLISSEMENT

:

Restaurant Mitsuki Sushi Bar

 

ADRESSE

:

40-A & B, boulevard Saint-Jean-Baptiste

Châteauguay (Québec)

J6K 3A3

 

DEMANDE

:

Restaurant pour vendre, capacité 102

Restaurant pour vendre sur terrasse, capacité 40

 

NUMÉRO DE LA DEMANDE

:

275919 (cession) & 256644 (AET)

 

NATURE DE LA DÉCISION

:

Contrôle de l’exploitation et demande

 

DATE DE LA DÉCISION

:

2014-09-23

 

NUMÉRO DE LA DÉCISION

:

40-0006338

 

 

 

DÉCISION

 

[1]                Par avis de convocation du 22 juillet 2014, la Régie des alcools, des courses et des jeux (la Régie) a convoqué en audience la titulaire 7640196 Canada inc. afin de procéder à une enquête et examiner les allégations décrites dans l’avis et les documents annexés, déterminer si quelque manquement a été commis et, le cas échéant, de sanctionner tel manquement.

[2]                De plus, la Régie désirait obtenir davantage de renseignements pour compléter son analyse de la demande déposée par la demanderesse 9285-4512 Québec inc.

 

LES FAITS

[3]                Les faits qui ont donné ouverture à la convocation se résument comme suit :

[Transcription conforme]

§   La titulaire n’a plus de droit d’occupation depuis le 31 janvier 2014 (document 1).

 

Tolérer des boissons alcooliques acquises non conformément au permis :

 

§   Le 5 février 2013, les policiers ont saisi, dans votre établissement, les contenants de boissons alcooliques suivants (document 2) :

 

- 1 bouteille de spiritueux de 750 millilitres de marque Malibu rhum coco, 21% alc./vol. (item 1);

 

- 4 bouteilles de vin rosé de 750 millilitres de marque Desiderio Jeio, 11,5% alc./vol. (items 2 et 3).

 

Le timbre de droit de la Société des alcools du Québec n'était pas apposé sur ces contenants.

 

De plus, le rapport de la S.A.Q. de l’item 3 mentionne ce qui suit (document P-62332) : Ce produit n’est pas commercialisé par la SAQ et n’est pas fabriqué, embouteillé ou livré conformément à un permis délivré en vertu de la Loi sur la société des alcools du Québec .

 

Ces contenants ont été trouvés dans le réfrigérateur en dessous du bar principal et sur le comptoir.

 

Total en litres des contenants : 3,75 litres

 

*****

 

AUTRES INFORMATIONS PERTINENTES

 

7640196 Canada inc. est autorisée à exploiter cet établissement depuis le 28 octobre 2011.

La date d'anniversaire des permis est le 28 octobre.

 

*****

 

LA DEMANDE

 

Historique d'une première demande :

 

Le 12 septembre 2013, 1467-1861 Québec inc., à la suite de la cession du fonds de commerce, a déposé une demande pour deux (2) permis de restaurant pour vendre existants. Aucune décision n'a été rendue.

 

Le 24 octobre 2013, une autorisation d’exploitation temporaire (AET) a été accordée par la Régie à 1467-1861 Québec inc.

 

Le 2 juin 2014, la Régie prenait acte du désistement déposé le 7 mai 2014 par 1467-1861 Québec inc. quant à sa demande de permis.

 

Historique de la présente demande :

 

Le 17 avril 2014, 9285-4512 Québec inc., à la suite d'une nouvelle cession du fonds de commerce, a déposé une demande pour deux (2) permis de restaurant pour vendre existants. Aucune décision n'a été rendue à ce jour.

 

Le 5 mai 2014, la Régie a accordé à la présente demanderesse, 9285-4512 Québec inc., une autorisation d'exploitation temporaire (AET) valide jusqu'au 3 août 2014.

 

ie a pris connaissance des faits suivants pour lesquels elle veut obtenir les observations de la demanderesse :

 

-              les faits allégués au document 2.

L’AUDIENCE

[4]                L’audience se tient le 29 août 2014, au Palais de justice de Montréal.

[5]                La titulaire est représentée par M. Dinh Nguyen et la demanderesse par M. Xia Bo Lin, accompagnée de sa procureure, M e Marie-Noëlle Rochon. La Direction du contentieux de la Régie (le Contentieux) est représentée par M e Mélanie Charland et M. Olivier Verdon, stagiaire en droit.

 

Le contrôle de l’exploitation

Preuve de la Direction du contentieux

[6]                La procureure du Contentieux fait état de la perte du droit d’occupation de la titulaire, depuis le 31 janvier 2014, tel qu’il appert du bail signé entre la demanderesse et le propriétaire de l’immeuble (Document 1).

[7]                Elle se réfère ensuite au Rapport général d’infraction (Document 2 en liasse) concernant la saisie de cinq (5) bouteilles, dont quatre (4) de vin et une (1) de spiritueux, dépourvues du timbre de droit de la Société des alcools du Québec (SAQ), intervenue le 5 février 2013.

[8]                De même le Rapport d’expertise de la SAQ (Document 2 en liasse) démontre que les bouteilles de vin contenaient un produit qui n’est ni commercialisé par la SAQ ni fabriqué , embouteillé ou livré conformément à un permis délivré en vertu de la Loi sur la Société des alcools du Québec [1] (LSAQ).

[9]                La preuve du Contentieux est essentiellement documentaire.

 

Preuve de la titulaire

Témoignage de M. Dinh Nguyen

[10]            M. Dinh Nguyen, représentant de la titulaire, explique qu’au moment de la saisie des bouteilles sans timbre de la SAQ, les affaires du restaurant ne fonctionnaient pas très bien. Il avait donc pris un travail ailleurs pour compenser la perte de revenus et n’était pas aussi présent que requis à son établissement, pour en surveiller l’exploitation.

[11]            À l’époque, M. Nguyen employait un gérant, M. Liem, et deux employés.

[12]            Il raconte que lors d’une fête, ses employés avaient apporté les bouteilles de vin qui n’avaient pas été achetées conformément à ses permis.

[13]            Pour ce qui est de la bouteille de spiritueux, dépourvue aussi du timbre, il n’en connaît pas l’origine.

[14]            Il n’a été mis au courant de la saisie que lorsque le propriétaire de l’immeuble, où il était locataire, M. Jean Groleau, a reçu le constat d’infraction, plusieurs mois plus tard. Son gérant ne l’avait jamais prévenu de la visite des policiers.

[15]            Il avait pourtant donné des consignes qui n’ont manifestement pas été suivies.

[16]            La procureure du Contentieux n’a aucune question à poser au représentant de la titulaire 7640196 Canada inc.

 

La demande

Preuve de la demanderesse

Témoignage de M. Jean Groleau

[17]            M. Jean Groleau est un homme d’affaires, qui s’identifie comme consultant. Il était propriétaire de l’édifice situé au 40-A, boulevard Saint-Jean-Baptiste, à Châteauguay, où se trouvait le restaurant Le Lychee.

[18]            Il explique son rôle dans la cession du commerce.

[19]            Sa locataire, 7640196 Canada inc., qui exploitait le restaurant Lychee Sushi Bar (le Lychee), a éprouvé des difficultés financières, et ne pouvait payer son loyer. M. Groleau a alors intenté une requête introductive d’instance en résiliation de bail et expulsion et pour l’émission d’une ordonnance de sauvegarde des actifs de l’entreprise.

[20]            Les parties au litige ont finalement conclu une transaction et M. Groleau a donné quittance, en échange notamment des équipements du restaurant.

[21]            Il dépose cette quittance homologuée par la Cour supérieure le 19 juin 2013, sous la cote D-1, en liasse.


[22]            Après la transaction, M. Groleau a cherché un remplaçant pour exploiter le restaurant et a éventuellement fait une entente avec M. Xiao Bo Lin, responsable de la demanderesse 9285-4512 Québec inc.

[23]            Le 31 janvier 2014, M. Groleau vend son immeuble à la Société en commandite ABC et les actifs du restaurant à 9285-4512 Québec inc. Cette dernière signe avec la nouvelle propriétaire de l’édifice (ABC), un bail qui entre en vigueur le 1 er février 2014 (Document 1).

[24]            Vers le mois de septembre 2013, alors que son ancienne locataire avait déjà quitté les lieux, M. Jean Groleau a été mis au courant de l’infraction concernant les bouteilles dépourvues du timbre de la SAQ, lorsqu’un huissier lui a remis le constat d’infraction.

[25]            Le responsable de son ancienne locataire, M. Dinh Nguyen, ne l’avait jamais informé de la visite des policiers et de la saisie des bouteilles.

 

Témoignage du responsable de la demanderesse

[26]            M. Xia Bo Lin est le président fondateur de 9285-4512 Québec inc. qui exploite le Restaurant Mitsuki Sushi Bar (le Mitsuki). Il dépose son curriculum vitae en pièce D - 2 en liasse.

[27]            Outre le restaurant de Châteauguay pour lequel il demande un permis, M. Lin exploite deux autres succursales, à Longueuil et à Saint-Hubert.

[28]            Il dit effectuer le contrôle et la supervision générale de ses établissements. Mais il embauche des gérants pour la gestion quotidienne, en s’assurant toujours de leur compétence.

[29]            Pour le restaurant de Châteauguay, il compte sur son gérant, M. Clément Fok, qui possède une bonne expérience de la gestion d’un établissement de 200 à 300 places.

[30]            Il a embauché plusieurs employés, qui comptent de nombreuses années de service, dont un chef, M. Chen Wei Hong.

[31]            Son coactionnaire M. Zi Qui Zhang a travaillé dans des restaurants du quartier chinois de Montréal et il est maintenant aussi à l’établissement Mitsuki de Longueuil.


[32]            Il fournit les curriculum vitae de toutes ces personnes (Pièce D-2, en liasse) pour faire état de leur formation et de leur expérience.

[33]            Il dépose également le plan d’affaires, sous la cote D-3.

[34]            On y lit qu’il est le fondateur du groupe Mitsuki, formé de trois restaurants et qu’il est secondé par un gérant dans chacun d’eux.

[35]            Il voit à la supervision et à la formation des gérants et du personnel.

[36]            En réponse à plusieurs questions de la procureure du Contentieux sur la façon dont il exploitera l’établissement, M. Lin la réfère à son gérant, M. Clément Fok, à qui il fait totalement confiance.

[37]            M. Lin explique qu’il ne pourra être constamment présent à son établissement et que M. Fok s’assurera que l’exploitation du restaurant soit conforme aux lois et règlements qui régissent les titulaires de permis d’alcool.

[38]            C’est aussi M. Fok qui, si requis, verra à l’embauche du personnel de la salle à manger (serveurs et commis-débarrasseurs), coordonnera la cuisine, s’occupera des achats de l’alcool et de la gestion des stocks.

[39]            Il dépose comme pièce D-4 les autres permis de restaurant pour servir dont son entreprise est titulaire, pour les succursales de Longueuil et Saint-Hubert.

[40]            Sous la cote D-5 en liasse, il produit le plan du restaurant dont il dit qu’il faut rectifier la capacité à 102 places et de la terrasse dont il demande une diminution de places, passant de 43 à 32.

[41]            En pièce D-6, M. Lin dépose la politique interne de gestion de l’alcool qui résume les obligations prévues par la loi et les règlements régissant les titulaires de permis d’alcool.

[42]            M. Lin ajoute que tous ses employés ont copie de cette politique et ont signé un engagement de la respecter dans son intégralité.

 

Témoignage de M. Clément Fok

[43]            M. Fok explique avoir géré pendant deux ans un autre restaurant asiatique titulaire d’un permis pour vendre de l’alcool, à Brossard.


[44]            Comme il le faisait dans cet établissement, dans le cas du Mitsuki de Châteauguay, il verra aux achats d’alcool, à la gestion des stocks, embauchera les nouveaux employés, sera responsable de leur formation et s’assurera de leur faire comprendre et signer la politique interne de gestion d’alcool.

[45]            Il comprend bien les obligations d’un titulaire concernant notamment les bouteilles dépourvues de timbres de droit, l’interdiction des jeux pour obtenir de l’alcool gratuitement, etc.

[46]            En contre-interrogatoire, il précise qu’il ira lui-même chercher les commandes à la SAQ et vérifiera que les bouteilles portent le timbre de droit.

[47]            Pour la bière, il achètera du fournisseur la Brasserie Sleeman, où l’entreprise aura un compte et s’assurera que les bouteilles portent la mention Consommation sur place (CSP).

[48]            Il procèdera à un inventaire quotidien.

[49]            Il sera au restaurant environ 40 heures par semaine et un employé prendra la relève lors de ses congés.

[50]            Aucune commande ne sera faite en son absence, il ne laissera jamais consommer d’alcool sans repas et s’assurera de la salubrité des bouteilles en achetant des bouchons spéciaux pour les protéger des mouches drosophiles.

 

Plaidoirie de la Direction du contentieux

Le contrôle de l’exploitation

[51]            La procureure du Contentieux se réfère au Rapport général d’infraction du 5 février 2013 et du rapport de la SAQ (Document 2 en liasse), pour affirmer, d'une part, que la preuve démontre la saisie de cinq (5) bouteilles dépourvues du timbre de droit et qu’en ce qui concerne le vin, le rapport d’expertise de la SAQ démontre que ce produit n’est pas commercialisé, embouteillé ou livré conformément à la loi.

[52]            Il y a donc présomption d’une infraction à l’article 72.1 de la Loi sur les permis d’alcool [2] (LPA) que le responsable de la titulaire n’a pas réussi à renverser.

[53]            L’article 86, alinéa 2, sous paragraphe 4º de la LPA impose alors à la Régie de sanctionner la titulaire.

[54]            Au surplus, M. Nguyen, représentant de la titulaire, a admis que des bouteilles dépourvues de timbres avaient été trouvées dans son établissement et s’il a donné quelques explications concernant la provenance des bouteilles de vin (apportées par ses employées pour une fête), il n’a en rien justifié la présence de la bouteille de spiritueux.

[55]            Elle ajoute que, de toute façon, la preuve de la tolérance de bouteilles qui n’avaient pas été acquises conformément à ses permis n’a pas été contredite.

[56]            Se référant à l’arrêt Rubens [3] , de la Cour d’appel, M e Charland explique qu’il n’est pas nécessaire de démontrer qu’il y ait eu commission volontaire de l’infraction.

[57]            Même en l’absence d’un geste volontaire, le titulaire d’un permis d’alcool doit faire la preuve qu’il a implanté des mesures et donné des directives suffisantes pour éviter de « laisser se produire ce genre de manquement. »

[Transcription conforme]

[9]       Selon le Petit Robert que la requérante nous a cité, le mot « tolérer » ne signifie pas simplement « autoriser », ou « permettre », mais aussi « laisser se produire ». De même, en langue anglaise, « to tolerate » s'entend ( et je cite le « Randam House Dictionary » ) « to allow the existence, presence, practice or act of without prohibition or hindrance ».

 

[10]     Il n'était donc pas manifestement déraisonnable pour les deux instances administratives de donner une interprétation stricte et objective au mot en question et d'exclure toute intention coupable. [4]

[58]            La procureure souligne par ailleurs que même si la demanderesse en l’instance conteste le fait qu’une sanction imposée à la titulaire doive lui être imposée à elle, il demeure que la jurisprudence de la Régie est constante là-dessus.

[59]            Dans la mesure où la demanderesse continue d’exploiter les même permis, la sanction attachée à ces permis doit être purgée.

[60]            Elle cite alors la décision rendue dans le dossier Restaurant Nonno’s [5] où la Régie a suspendu le permis dans un cas similaire de cession d’entreprise.

[61]            Dans cette affaire, le Tribunal se fondait alors sur une décision rendue par le Tribunal administratif du Québec (TAQ) [6] qui se prononçait ainsi :

[Transcription conforme]

[32]           Le nouveau titulaire d’un permis à la suite d’une cession doit assumer les avantages et les inconvénients associés à ce permis, y compris les agissements du titulaire précédent. La Régie applique ce principe à tous les cas de transfert d’actifs, de transfert d’actions ou de transfert de fonds de commerce.

[…]

[34]           Lorsqu’une demande de cession de permis est concomitante à une enquête sur le contrôle de l’exploitation du permis, la Régie impose la sanction à l’ancien titulaire avant la délivrance d’un permis au nouveau titulaire.

[62]            Bien que la quantité d’alcool saisi ne soit pas importante, il demeure que le Tribunal devrait tenir compte du facteur aggravant que constitue la provenance du vin qui n’est ni commercialisé, ni embouteillé ou livré conformément à la LSAQ.

[63]            La procureure recommande donc que les permis soient suspendus pour deux jours.

[64]            Pour ce qui est de la demande, la procureure laisse le tout à la discrétion du Tribunal.

 

Plaidoirie de la titulaire

[65]            M. Nguyen se dit désolé que la demanderesse doive payer pour une sanction qui sera imposée pour un manquement dont il est le responsable.

 

Plaidoirie de la demanderesse

[66]            La procureure de la demanderesse, M e Marie-Noëlle Rochon, est aussi d’avis que la demanderesse ne devrait pas avoir à payer pour un manquement reproché à la titulaire. Elle soutient que si les permis de cette dernière avaient tout simplement été révoqués avant que sa cliente dépose une nouvelle demande, aucune sanction ne serait imposée à celle-ci.

[67]            Elle plaide que sa cliente a fait la preuve que sa gestion des permis d’alcool sera responsable et elle suggère au Tribunal qu’il doit en tenir compte.

[68]            La demanderesse a embauché un gérant fiable et expérimenté et des employés qui connaissent les règles et elle entend imposer une façon de faire rigoureuse et stricte.

 

LE DROIT

[69]            Les dispositions légales qui s’appliquent dans le présent dossier sont les suivantes :

Loi sur les infractions en matière de boissons alcooliques [7]

84.  Il est défendu à un titulaire de permis de garder dans l'établissement où ce permis est exploité un contenant de boissons alcooliques autres que la bière et le cidre et sur lequel n'est pas apposé le timbre de la Société ou un contenant de boissons alcooliques fabriquées par un titulaire de permis de production artisanale sur lequel n'est pas apposé un autocollant numéroté de la Régie. […]

 

Loi sur les permis d’alcool [8] (LPA)

39.  Pour obtenir un permis, une personne doit:

 

 1° être propriétaire ou locataire de l'établissement ou être expressément autorisée par le propriétaire ou le locataire de cet établissement à exploiter le permis ou, dans le cas des permis «Terre des hommes» ou «Parc olympique», avoir obtenu respectivement une concession de la Ville de Montréal ou de la Régie des installations olympiques; […]

 

41.  La Régie doit refuser de délivrer un permis si elle juge que:

 

 1° la délivrance du permis est contraire à l'intérêt public ou est susceptible de porter atteinte à la sécurité publique ou de nuire à la tranquillité publique;

 

 1.1° le demandeur est incapable d'établir sa capacité d'exercer avec compétence et intégrité les activités pour lesquelles il sollicite le permis, compte tenu de son comportement antérieur dans l'exercice d'une activité visée par la présente loi;

 

 1.2° la demande de permis est faite au bénéfice d'une autre personne;

 

 2° l'établissement n'est pas conforme aux normes prescrites par une loi sur la sécurité, l'hygiène ou la salubrité dans les édifices publics ou sur la qualité de l'environnement ou par un règlement adopté en vertu d'une telle loi.

 

Elle doit également refuser de délivrer un permis si le demandeur a été déclaré coupable d'un acte criminel lié aux activités visées par la présente loi au cours des cinq années qui précèdent la demande ou n'a pas purgé la peine qui lui a été imposée pour un tel acte criminel, sauf s'il a obtenu la réhabilitation à l'égard de cet acte.

 

72.1.  Un titulaire de permis autorisant la vente ou le service de boissons alcooliques ne doit tolérer dans son établissement que la présence de boissons alcooliques acquises, conformément à son permis, de la Société ou d'un titulaire de permis de production artisanale, de brasseur, de distributeur de bière ou de fabricant de cidre, délivrés en vertu de la Loi sur la Société des alcools du Québec (chapitre S-13), ou d'un agent d'un tel titulaire de permis. […]

 

79.  La Régie peut, sur production des documents pertinents qu'elle peut exiger et sur paiement du droit déterminé conformément au règlement, autoriser temporairement une personne autre que le titulaire à exploiter un permis, si cette personne est le liquidateur de succession du titulaire du permis, son légataire particulier ou son héritier ou une personne désignée par eux, un syndic à la faillite, un liquidateur, un séquestre judiciaire ou conventionnel ou un fiduciaire qui administre provisoirement un établissement dans lequel le permis est exploité.

 

La Régie peut également, aux mêmes conditions, autoriser temporairement une personne autre que le titulaire à exploiter un permis, si cette personne produit une demande à cet effet et l'accompagne d'une demande de permis en raison de l'aliénation ou de la location de l'établissement ou de la reprise de possession de l'établissement à la suite de l'exercice d'une prise en paiement ou de l'exécution d'une convention similaire.

 

Lorsque la Régie décide de la délivrance du permis dans une circonstance visée au deuxième alinéa, elle peut imposer, comme condition supplémentaire à la délivrance, le paiement de frais additionnels de 500 $ si le demandeur du permis n'avait pas requis d'autorisation d'exploitation temporaire alors qu'il aurait dû le faire.

 

La Régie peut refuser d'accorder une autorisation si elle a entamé des démarches en vue de suspendre ou de révoquer le permis ou si elle est saisie, conformément à l'article 85, d'une demande à cet effet.

 

81.  Les dispositions de la présente loi et de toute autre loi, ainsi que celles de leurs règlements, applicables à un permis et à son titulaire sont, compte tenu des adaptations nécessaires, applicables à une autorisation d'exploitation temporaire et à son titulaire.

 

86.  La Régie peut révoquer ou suspendre un permis si:

 

[…]

 

 2° le titulaire du permis ou, si celui-ci est une société ou une personne morale visée par l'article 38, une personne mentionnée à cet article ne satisfait plus aux conditions exigées par l'article 36, les paragraphes 1° à 3 ° du premier alinéa de l'article 39 ou les paragraphes 1.1° à 2° du premier alinéa de l'article 41;

 

[…]

 

La Régie doit révoquer ou suspendre un permis si:

 

[…]

 

 4° le titulaire du permis a contrevenu à l'article 72.1;

 

[…]

 

La Régie, dans la détermination de la sanction administrative pour contravention à l'article 72.1, tient compte notamment des facteurs aggravants suivants:

 

  a)  la quantité de boissons alcooliques ou d'appareils de loterie vidéo;

 

  b)  le fait que les boissons alcooliques sont de mauvaise qualité ou impropres à la consommation;

 

  c)  le fait que les boissons alcooliques sont fabriquées frauduleusement ou falsifiées;

 

  d)  le fait que le titulaire du permis a contrevenu à l'article 72.1 dans les cinq dernières années;

 

  e)  le fait que les boissons alcooliques ne sont pas commercialisées par la Société des alcools du Québec et qu'elles ne sont pas fabriquées, embouteillées ou livrées conformément à un permis délivré en vertu de la Loi sur la Société des alcools du Québec (chapitre S-13).

 

Règlement concernant les normes d'aménagement des établissements [9]

 

1.                   Pour exploiter un permis sur une terrasse, le titulaire de ce permis doit respecter les normes d'aménagement suivantes:

 

[…]

 

  2°    la terrasse doit être meublée de chaises ou de bancs et de tables pour accommoder le nombre de personnes pouvant y être admises simultanément.

 

 

ANALYSE

Contrôle de l’exploitation

[70]            La preuve de la tolérance de bouteilles d’alcool dépourvues de timbres de droit n’a pas été contredite. En vertu de l’article 86, alinéa 2, sous paragraphe 4 de la LPA, le Tribunal doit donc intervenir et sanctionner la titulaire.

[71]            Comme le soulignait la Régie dans la décision Restaurant Nonno’s  :

[Transcription conforme]

[31]           La question à laquelle le Tribunal de la Régie a à répondre maintenant est de savoir si la sanction imputée à la titulaire devrait être subie par la demanderesse malgré que l’infraction ait eu lieu avant l’achat du fonds de commerce/cession. [10]

[72]            Les soussignées sont d’avis que, dans le cas qui nous occupe, elles doivent répondre oui à cette question.

[73]            Il est possible que, dans certains cas d’espèce, la Régie se gouverne autrement. Mais, compte tenu des circonstances, le Tribunal est d’avis qu’une suspension du permis pour une période d’une journée est juste et raisonnable.

 

La demande

[74]            Les témoignages entendus démontrent que la demanderesse a pris les mesures pour que l’exploitation des permis demandés se fasse selon les règles prescrites.

[75]            Le Tribunal constate, en effet, que les personnes embauchées disposent à la fois de l’expertise et de l’expérience pour s’assurer du bon fonctionnement de l’établissement. Les curriculum vitae du gérant, du chef et des serveurs (Pièce D-2, en liasse), le plan d’affaires (Pièce D-3), la politique interne sur la gestion des alcools (Pièce D-6) attestent du sérieux de la demanderesse.

[76]            Le Tribunal soulignera toutefois que, bien que le responsable de la demanderesse investisse toute sa confiance en son gérant pour la gestion quotidienne de l’établissement, il demeure que c’est lui qui est responsable des permis octroyés et que l’observance des règles édictées par la LPA et la LIMBA repose entièrement sur ses épaules. Il doit donc bien connaître toutes ces règles.

[77]            Cette mise en garde étant faite, les soussignées sont d’avis que la demanderesse a démontré sa capacité à exercer avec compétence et intégrité les activités pour lesquelles elle sollicite des permis. Le Tribunal fera donc droit à la demande telle que déposée, notamment quant à la demande d’augmentation de capacité pour le restaurant pour vendre et à la demande de diminution pour le restaurant pour vendre sur terrasse, telles que décrites au plan déposé (pièce D-5).


[78]            En conséquence :

[79]            CONSIDÉRANT que la titulaire a contrevenu à l’article 72.1 de la LPA et que la Régie, en vertu de l’article 86, alinéa 2 e sous paragraphe 4º de cette même loi, doit la sanctionner en révoquant ou suspendant ses permis;

[80]            CONSIDÉRANT par ailleurs que la demanderesse répond adéquatement aux exigences de l’article 41 de la LPA quant aux qualités requises pour exploiter des permis d’alcool;

[81]            CONSIDÉRANT que la délivrance de permis d’alcool à la demanderesse n’est pas susceptible de porter atteinte à la sécurité publique ou de nuire à la tranquillité publique;

 

PAR CES MOTIFS,

la Régie des alcools, des courses et des jeux :

 

SUSPEND                                         pour une période d’un (1) jour , les permis de restaurant pour vendre n os 9815713 et 9815721 dont 7640196 Canada Inc. est titulaire, suspension débutant lors de la mise sous scellés des boissons alcooliques;

 

ORDONNE                                        pendant la période de suspension, la mise sous scellés des boissons alcooliques se trouvant sur les lieux, par un inspecteur de la Régie ou par le corps policier dûment mandaté à cette fin;

 

 

À l’expiration de la période de suspension :

 

RÉVOQUE                                         les permis de restaurant pour vendre n os 9815713 et 9815721 dont 7640196 Canada Inc. est titulaire à compter de la délivrance du permis à la demanderesse;

 

MET FIN                                           à l’autorisation d’exploitation temporaire;

 

FAIT DROIT                                     à la demande;


AUTORISE                                        la délivrance à la demanderesse, 9285-4512 Québec Inc. sur paiement des droits prescrits dans les trente jours de la présente décision, des permis suivants :

 

 

CATÉGORIE

AUTORISATION

LOCALISATION

CAPACITÉ

Restaurant pour vendre

s/o

1 er étage

102

Restaurant pour vendre

s/o

Terrasse

32

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                           LOUISE MARCHAND, avocate                          

                                                           Régisseure

 

 

 

 

                                                            YOLAINE SAVIGNAC                                          

                                                           Régisseure

 



[1] R LRQ, chapitre S-13.

[2] R LRQ, chapitre P-9.1.

[3] C.A., 134677 Canada Inc. c. Tribunal administratif du Québec c. Régies des alcools, des courses et des jeux, le 24 mars 2004, dossier 500-09-014332-043 (500-17-019438-046).

[4] Idem.

[5] RACJ, le 8 juin 2012, décision n o 40-0004883.

[6] TAQ, Dépanneur Fortin (Dépanneur H & X) c. Régie des alcools, des courses et des jeux , le 14 mai 2012, dossier : SAE-Q 172379-1103.

[7] RLRQ, chapitre I-8.1.

[8] RLRQ, chapitre P-9.1.

[9] RLRQ, chapitre P-9.1, r. 4.

[10] Précitée note 5.