Re/Max Performance inc. c. Dupont

2014 QCCQ 9917

JD2786

 
COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE  LONGUEUIL

LOCALITÉ DE LONGUEUIL

« Chambre civile »

 

N° :            505-32-031215-131

                                               

DATE :      8 octobre 2014

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE L’HONORABLE MONIQUE DUPUIS, J.C.Q.

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RE/MAX PERFORMANCE INC.

                        Demanderesse

c.

RUTH DUPONT

                        Défenderesse

 

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JUGEMENT

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[1]            Re/Max Performance inc. (" Re/Max Performance ") réclame à Ruth Dupont la somme de 7 150,00$ aux termes d'une convention de courtier immobilier signée par les parties le 20 mars 2012.

[2]            Elle consent à réduire sa réclamation à 7 000,00$ pour bénéficier du recours à la Division des petites créances.

[3]            Ruth Dupont prétend ne rien devoir à Re/Max Performance. Elle lui reproche de ne pas avoir respecté ses propres obligations en vertu du contrat, ajoutant que c'est Re/Max Performance qui a mis fin au contrat, sans justification.

Le contexte

[4]            Re/Max Performance exerce ses activités de courtage immobilier comme franchisée de la bannière de Re/Max. Son président Jacques Tremblay est courtier depuis de nombreuses années; il est l'actionnaire principal d'autres compagnies également propriétaires de franchises Re/Max.

[5]            Ruth Dupont est courtier immobilier depuis plus de 15 ans, et a travaillé sous différentes bannières.

[6]            Le 20 mars 2012, les parties signent une convention de courtier immobilier, par laquelle les parties conviennent que Ruth Dupont agit comme courtier immobilier autonome pour le compte de Re/Max Performance.

[7]            Les relations entre les parties sont régies par le contrat, par les lois et règlements qui leur sont applicables et par les normes, règles, conseils et directives auxquelles le contrat réfère, tel qu'ils seront adoptés ou modifiés par Re/Max Performance inc. ou par Re/Max Québec inc.

[8]          Re/Max Performance s'oblige notamment à fournir à Ruth Dupont tous les services ou produits que Re/Max Québec inc. met à sa disposition aux fins d'utilisation par ses courtiers immobiliers.

[9]          Elle s'engage également à mettre à sa disposition toutes les installations et équipements dont est pourvue la place d'affaires de Re/Max Performance, située sur la rue Prince-Arthur à Saint-Lambert. Il est également convenu que Ruth Dupont aura accès aux autres bureaux de Re/Max Performance situés à Ile-des-Sœurs (Verdun), et à Saint-Rémi, et également aux bureaux des autres compagnies franchisées de Re/Max dont Jacques Tremblay est le principal actionnaire, soit notamment les bureaux de Re/Max Plus inc. à Saint-Basile-le-Grand et à Chambly.

[10]         Re/Max Performance s'engage également à lui fournir, de temps à autre, " des avis, instructions et conseils et à permettre à ce dernier de participer à des colloques, congrès ou comités afin de lui permettre de tirer profit au maximum des engagements, obligations, biens et services auxquels s'oblige RE/MAX PERFORMANCE INC. par les présentes. Il est entendu que les items précédemment décrits le seront selon les modalités qui pourront être raisonnablement établies par RE/MAX PERFORMANCE INC. et par RE/MAX QUÉBEC INC. " (article 3.3 du contrat).

[11]         En contrepartie de ce qui précède, Ruth Dupont s'engage à payer à Re/Max Performance les montants suivants, le premier de chaque mois.

-     350,00$ à titre de frais de service et de gestion (art. 6 du contrat);

-     100,00$ à titre de contribution au FONDS PROMOTIONNEL RE/MAX (art. 7 du contrat);

-     200,00$ à titre de redevance mensuelle au Franchiseur, RE/MAX

      QUÉBEC INC. (art. 7 du contrat);

[12]         À l'annexe " A " au contrat, qui fait partie intégrante de la convention signée par les parties, les parties résument les engagements de Ruth Dupont ainsi :

-     Loyer mensuel :                     350$         Dépenses d'opération fixes

                                                         200$         Frais Re/Max Québec                                  100$      Frais Re/Max International inc.

                                                                           (publicité)

                                              Total : 650$         plus taxes applicables

[13]         Les parties conviennent que les mois d'août et septembre sont gratuits, sauf en ce qui concerne les frais de Re/Max Québec Inc. et Re/Max International inc. décrits plus haut.

[14]         La durée du contrat est d'un an à partir du premier jour du premier mois gratuit, soit le 1 er août 2012.

[15]         Selon le contrat (article 12), Re/Max Performance peut mettre fin à la convention par simple avis écrit de résiliation donné à Ruth Dupont, alors que cette dernière peut également y mettre fin, mais en donnant un avis de résiliation de 30 jours précédant la date à laquelle la résiliation prend effet. Les parties conviennent que cependant, à titre de dommages intérêts liquidés pour rupture de contrat, le REPRÉSENTANT AUTONOME s'engage à payer à RE/MAX PERFORMANCE INC.  une somme équivalente à trois (3) fois le montant des frais prévus à l'article 6 de la présente convention.

[16]         Re/Max Performance prétend que Ruth Dupont met fin au contrat sans préavis, au cours du mois de décembre 2012.

[17]         En effet, Jacques Tremblay apprend par lettre de l'Organisme d'autoréglementation du courtage immobilier du Québec (" OACIQ "), que Ruth Dupont a fait une demande d'exercer ses activités pour une nouvelle agence immobilière et par conséquent, elle est réputée avoir agi pour Re/Max Performance jusqu'au 3 janvier 2013.

[18]         De son côté, Ruth Dupont prétend avoir été congédiée de façon abusive par Jacques Tremblay, en décembre 2012.

[19]         Il n'est pas contesté qu'à compter de janvier 2013, elle exerce ses activités de courtier immobilier sous la bannière Du Proprio.

[20]         Il n'est pas contesté non plus qu'elle n'a jamais payé les montants auxquels elle s'était engagée, aux termes de la convention de courtier immobilier.

[21]         Re/Max Performance lui réclame les montants suivants :

-     facture 001770 (31-08-2012) montant dû pour le mois d'août 2012      147,39$

-     facture 001859 (30-09-2012) montant dû pour le mois de septembre 2012                                                                                                       835,38$

-     facture 001948 (31-10-2012) frais du mois d'octobre 2012           800,59$

-     facture 002042 (30-11-2012) frais du mois de novembre 2012    900,54$

-     facture 002133 (31-12-2012) frais du mois de décembre 2012    946,28$

-     facture 002195 (09-01-2013) trois mois de pénalité (3 X 675 + taxes)     2 328,24$

      Total                                                                                                    5 958,42$

[22]         Elle réclame également 20% de ce montant à titre de frais de recouvrement (art. 19 de la convention).

[23]         Re/Max Performance réduit le total demandé de 7 150,00$ à 7 000,00$ pour bénéficier du recours devant la Division des petites créances.

ANALYSE ET DÉCISION

A) Montants réclamés pour les mois d'août à décembre 2012

[24]         Re/Max Performance a prouvé le contrat intervenu entre les parties, aux termes duquel Ruth Dupont doit lui payer un loyer mensuel de 650,00$ plus les taxes applicables.

[25]         Il est également en preuve qu'elle accorde deux mois gratuits, soit juillet et août, Ruth Dupont étant cependant tenue de payer les frais Re/Max Québec inc. (200,00$ par mois) et Re/Max International inc. (100,00$ par mois) pour ces deux mois.

[26]         Elle ne conteste pas les montants réclamés par Re/Max Performance qui apparaissent aux factures des mois d'août à décembre inclusivement, qui totalisent 3 630,18$.

[27]         Elle conteste devoir ce montant parce qu'elle prétend que Re/Max Performance n'a pas respecté ses propres obligations, aux termes du même contrat.

[28]         C'est ainsi qu'elle reproche plus particulièrement à son président Jacques Tremblay, de ne pas s'être intéressé à ce qu'elle faisait, de ne pas l'avoir aidée, encouragée ou conseillée, d'avoir fait preuve de favoritisme, de l'avoir insultée et dénigrée.

[29]         Ruth Dupont tente ainsi d'obtenir la réduction de ses obligations en raison de l'inexécution par Re/Max Performance des siennes, en application des dispositions de l'article 1604 al.2 du Code civil du Québec (" C.c.Q. ")

" 1604.  Le créancier, s'il ne se prévaut pas du droit de forcer, dans les cas qui le permettent, l'exécution en nature de l'obligation contractuelle de son débiteur, a droit à la résolution du contrat, ou à sa résiliation s'il s'agit d'un contrat à exécution successive.

Cependant, il n'y a pas droit, malgré toute stipulation contraire, lorsque le défaut du débiteur est de peu d'importance, à moins que, s'agissant d'une obligation à exécution successive, ce défaut n'ait un caractère répétitif; mais il a droit, alors, à la réduction proportionnelle de son obligation corrélative.

La réduction proportionnelle de l'obligation corrélative s'apprécie en tenant compte de toutes les circonstances appropriées; si elle ne peut avoir lieu, le créancier n'a droit qu'à des dommages-intérêts. "

[30]         Malgré le libellé du deuxième alinéa, la doctrine et la jurisprudence reconnaissent qu'une partie peut obtenir la réduction de ses obligations, même si le manquement reproché à l'autre n'est pas " de peu d'importance " [1] .

[31]         Par contre, il appartient à Ruth Dupont de démontrer, par preuve prépondérante, le bien-fondé de ses allégations, tel que le stipulent les articles 2803 et 2804 C.c.Q. :

" Art. 2803 Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.

Celui qui prétend qu'un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée.

Art. 2804 La preuve qui rend l'existence d'un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n'exige une preuve plus convaincante. "

[32]         La preuve présentée à la Division des petites créances doit répondre aux règles habituelles de preuve. Ainsi, la partie à qui incombe la charge de la preuve doit l'établir de façon prépondérante au moyen d'éléments factuels pertinents en droit et en faits. La règle de la prépondérance de la preuve exige que celui à qui elle incombe démontre que l'existence des faits qu'il invoque est plus probable que leur inexistence. Il ne s'agit pas de démontrer par une certitude absolue ces faits. En l'absence de prépondérance de preuve, la partie qui ne peut se décharger de son fardeau perd sa cause.

[33]         Ruth Dupont n'a pas convaincu le Tribunal du bien-fondé des reproches qu'elle adresse à Re/Max Performance.

[34]         Le contrat intervenu entre les parties oblige Re/Max Performance à lui fournir principalement les services ou produits que Re/Max Québec inc. met à sa disposition pour l'utilisation par ses courtiers immobiliers (art. 3.1) de même que toutes les installations et l'équipement dont est pourvue sa place d'affaires à Saint-Lambert (art. 3.2).

[35]         Certes, Re/Max Performance doit lui fournir " de temps à autre " des avis, instructions et conseils, mais il ressort de l'ensemble de la preuve et du libellé même du contrat qu'il ne s'agit pas de l'obligation principale de Re/Max Performance (art. 3.3).

[36]         Ruth Dupont travaille comme courtier immobilier depuis plus de 15 ans lorsqu'elle signe le contrat avec Re/Max Performance, elle dispose donc d'une solide expérience dans ce domaine.

[37]         Elle n'a pas démontré, par preuve prépondérante, que Re/Max Performance a fait défaut de lui fournir des " instructions et conseils ", à un point tel, le cas échéant, que cela l'a empêchée, comme elle le prétend, de rencontrer de nouveaux clients ou d'obtenir des contrats de courtage.

[38]         Elle n'a pas démontré non plus par une preuve probante le favoritisme dont aurait fait preuve Jacques Tremblay, et qui aurait pu lui nuire dans ses démarches pour obtenir des clients et des contrats de courtage.

[39]         Par exemple, elle prétend qu'elle n'a jamais été assignée à des périodes de garde aux bureaux de Re/Max Performance, contrairement aux autres courtiers immobiliers autonomes du même bureau.

[40]         Or, les tableaux de " Liste de garde " qu'elle produit elle-même, pour les mois d'août, septembre et octobre 2012, démontrent au contraire qu'elle a eu des périodes de garde en nombre comparable à ceux des autres courtiers immobiliers du même bureau.

[41]         Ruth Dupont invoque également en défense le fait que Jacques Tremblay, président de Re/Max Performance, l'aurait insultée et dénigrée à plusieurs reprises.

[42]         Les propos de Jacques Tremblay qu'elle rapporte ne constituent ni insulte, ni dénigrement. Il s'agit, le cas échéant, tout au plus d'une remarque sur les difficultés prévisibles d'une transaction, sans plus.

[43]         Ruth Dupont ne conteste pas le fait que malgré la transmission par Re/Max Performance des factures mensuelles, elle ne les a jamais acquittées alors que par ailleurs, elle n'a jamais avisé Re/Max Performance de son insatisfaction quant aux services non rendus, ni aux autres manquements reprochés à son président Jacques Tremblay.

[44]         Par conséquent, elle est tenue de payer à Re/Max Performance la somme de 3 630,18$ .

B) Montant réclamé à titre de pénalité (2 025,00$ plus taxes)

[45]         Le contrat intervenu entre les parties est d'une durée d'un an, à partir du premier mois gratuit.

[46]         Les parties peuvent cependant y mettre fin avant, tel que le prévoit l'article 12 du contrat :

" DURÉE ET FIN DE LA CONVENTION

La présente convention est pour une durée de douze (12) mois à combler de la signature, à moins qu'il n'en soit disposé de l'une ou l'autre des manières suivantes :

A) RE/MAX PERFORMANCE INC . peut mettre fin à la présente convention par simple avis écrit de résiliation donné au REPRÉSENTANT AUTONOME . Le REPRÉSENTANT AUTONOME reconnaît le droit de RE/MAX PERFORMANCE INC . de résilier en tout temps la présente convention et renonce à réclamer quelque dommage que ce soit pouvant découler de la résiliation.

B) Le REPRÉSENTANT AUTONOME peut également mettre fin à la présente en donnant un avis de résiliation de trente (30) jours précédant la date à laquelle semblable résiliation doit prendre effet. Cependant, à titre de dommages intérêts liquidités pour rupture de contrat, le REPRÉSENTANT AUTONOME s'engage à payer à RE/MAX PERFORMANCE INC. une somme équivalente à trois (3) fois le montant des frais prévus à l'article 6 de la présente convention. "

[47]         Re/Max Performance prétend que Ruth Dupont a mis fin au contrat sans avoir donné un avis de résiliation, alors que cette dernière prétend que c'est plutôt Re/Max Performance qui l'a " congédiée ".

[48]         Jacques Tremblay reconnaît qu'en décembre 2012, il parle à Ruth Dupont au sujet des factures impayées et lui mentionne que si elle ne les paie pas, elle devra éventuellement quitter. Il est formel : il ne met pas fin à son contrat, il s'agit plutôt d'un rappel de ses obligations.

[49]         Ruth Dupont prétend plutôt que lors de cette conversation, Jacques Tremblay met fin au contrat  et ajoute qu'elle ne doit rien.

[50]         Le Tribunal retient le témoignage crédible de Jacques Tremblay à ce sujet.

[51]         Les circonstances mises en preuve ne soutiennent pas les prétentions de Ruth Dupont, notamment en ce que rien ne justifie Re/Max Performance de renoncer à lui réclamer les cinq mois de loyer qu'elle lui devait.

[52]         Rien ne permet au Tribunal de remettre en cause le témoignage de Jacques Tremblay, lorsqu'il affirme que c'est par la lettre du 3 janvier de l'OACIQ que Re/Max Performance apprend que Ruth Dupont exerce ses activités pour une nouvelle agence immobilière.

[53]         Par conséquent, elle est en droit de recouvrer de Ruth Dupont la pénalité prévue à l'article 12 (a), soit un montant équivalent à trois fois le montant des frais prévus à l'article 6 de la convention, soit 350,00$, et non le montant total du loyer de 650,00$ par mois.

[54]         Ruth Dupont doit donc payer, à ce titre, la somme de 1 050,00$ (3 X 350,00$) plus les taxes applicables en 2013, soit un total de 1 207,24$ .

C) Réclamation pour la pénalité (20%) et les intérêts

[55]         Vu les dispositions claires du contrat, Re/Max Performance a droit au montant de 20% sur le solde impayé des différents versements prévus, soit 966,88$ (3 630,18$ + 1 207,24$ = 4 834,42$ X 20%).

[56]         Re/Max Performance a droit aux intérêts de 24% par année, convenus au contrat.

 

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[57]         ACCUEILLE en partie l'action de la demanderesse;

[58]         CONDAMNE la défenderesse à payer à la demanderesse la somme de 5 801,30$ avec intérêts au taux de 24% l'an à compter du 1 er janvier 2013;

[59]         CONDAMNE la défenderesse à payer à la demanderesse les frais judiciaires de 218,00$;

[60]         LE TOUT avec dépens.

 

 

 

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MONIQUE DUPUIS, J.C.Q.

 



[1]     Jean-Louis Baudouin et Pierre-Gabriel JOBIN, Les obligations , 6 e éd., Les Éditions Yvon Blais inc., 2005, pp. 809-810 no. 817.