Polito c. Guerna

2014 QCCQ 9988

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

 

 

« Chambre civile »

N° :

500-32-135847-129

 

 

 

DATE :

14 octobre 2014

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

MAURICE ABUD, J.C.Q.

 

 

 

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CARMELO POLITO  et              

JOE POLITO

Partie demanderesse

c.

NADJIB GUERNA

Partie défenderesse

 

 

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JUGEMENT

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[1]    Carmelo Polito témoigne que le 13 juillet 2012, la partie défenderesse Nadjib Guerna a signé une offre de location d’un local commercial pour un bail d’une durée d’un an, soit du 1 er août 2012 au 31 juillet 2013. 

[2]    Lors de la signature de l’offre de location, Nadjib Guerna a fait un dépôt de 100 $. Mais avant de signer le bail de location, la partie demanderesse a voulu procéder à une enquête de crédit concernant Nadjib Guerna. 

[3]    Le 16 juillet 2012, après avoir procédé à l'enquête de crédit, Carmelo Polito mentionne qu’il était prêt à signer un bail avec Nadjib Guerna et a tenté communiqué avec ce dernier afin qu’il vienne le signer le bail mais sans succès.

[4]    Il appert que Nadjib Guerna a refusé de lui répondre malgré plusieurs appels téléphoniques. Devant le refus de ce dernier, il n’a pu louer le local avant le mois d’octobre 2014.  C’est pourquoi il réclame un loyer mensuel de 900 $ tel qu’il était prévu à l'offre de location, la taxe d’affaire et la taxe d’eau de 147,13 $ et la T.P.S. et la T.V.Q. pour un total de 1 261, 43 $ par mois et ce pour deux mois.

[5]    Il réclame également le coût des annonces, 474,96 $, qu’il a fait publier dans le journal,  l’enquête de crédit au montant de 40,24 $ et les frais d’huissier de 37,21 $ pour un grand total de 3 038,06 $.

[6]    En défense, Nadjib Guerna témoigne que lorsqu’il a rencontré Carmelo Polito, il n’a pas signé d'offre de location,  les documents qu’il a remplis étaient pour une enquête de crédit à son sujet et il lui a donné toutes les informations nécessaires.  En aucun moment, dit-il, il n’a accepté de louer le local compte tenu qu’il y avait certaines complexités avec celui-ci. 

[7]    La réclamation sera accueillie mais en partie seulement.

[8]    Dans l’offre de location signée le 13 juillet 2012, il était prévu ce qui suit :

«Je soussigné(e) par la présente accepte et m’engage de signer un bail suivant les termes clauses et conditions stipulées dans les baux du Gouvernement du Québec, pourvu que cette demande de location soit acceptée par le propriétaire dans les 10 jours de la date de la présente.  Au cas de refus de la part du propriétaire, le montant ci-joint applicable pour le premier mois de loyer me sera remis et le reçu donné sera nul et de nul effet.  Dans le cas où je me désiste de ma demande, la présente offre tiendra lieu de bail verbal et le propriétaire pourra alors en exiger le respect et je serai responsable du loyer stipulé ci-dessus pour la durée du bail.

Je certifie, par les présentes, que les renseignements ci-donnés sont à tout égard, vrais, exacts, complets et j’autorise le propriétaire à faire toutes les enquêtes jugées nécessaires dans le seul but de vérifier les renseignements mentionnés. »

[9]    Or, lorsque Nadjib Guerna mentionne que le document qu’il avait signé l’était uniquement dans le but d’autoriser le propriétaire de faire les enquêtes jugées nécessaires, il dit vrai et ce n’est que par la suite que le contrat pouvait être signé.

[10]         Or, selon la preuve, le Tribunal considère que la clause qu’on y retrouve soit le fait de se désister de sa demande, que la présente offre tiendra lieu de bail verbal et le propriétaire pourra en exiger le respect et qu’il sera responsable du loyer stipulé ci-dessus pour la durée du bail consiste dans une clause abusive.

[11]         En vertu de l’article 1437 C.c.Q. traite de la clause abusive.  Il y est écrit :

1437. La clause abusive d'un contrat de consommation ou d'adhésion est nulle ou l'obligation qui en découle, réductible.

 

Est abusive toute clause qui désavantage le consommateur ou l'adhérent d'une manière excessive et déraisonnable, allant ainsi à l'encontre de ce qu'exige la bonne foi; est abusive, notamment, la clause si éloignée des obligations essentielles qui découlent des règles gouvernant habituellement le contrat qu'elle dénature celui-ci.

[12]         Dans le volume des obligations de Pinault et Gaudette [1] on écrit :

«La définition de cette clause abusive donnée par le législateur réfère à la notion de désavantage excessif et déraisonnable.  Ces deux qualités devant s’ajouter l’une à l’autre et à la notion de bonne foi.  Il s’agit de la clause imposée par le fort qui désavantage le faible de façon tellement excessive ou déraisonnable qu’il est permis de conclure qu’elle va à l’encontre de ce qui est généralement exigible pour que l’on considère qu’il y ait bonne foi.  Sanctionner la clause abusive est condamner un comportement fautif et corriger le déséquilibre dans les rapports de force existants entre les contractants.»

[13]         Dans l’arrêt Québec procureur général c. Kabakian Kechichian [2] , le juge Beaudoin écrit :

«Le caractère excessif d’une clause peut être apprécié soit en fonction d’un critère objectif (par exemple exigible du contractant en exécution d’une obligation pratiquement impossible à remplir ou totalement disproportionné par rapport à l’obligation corrélative.» Soit en fonction d’un critère subjectif : (C’est-à-dire en tenant compte de la situation particulière du contractant)

[14]         L’auteur Benoit Moore [3] écrit :

«L’article 1437 C.c.Q. rappelons-le ne vise pas à sanctionner l’ignorance vraisemblable de la clause mais son contenu injuste.  Par conséquent et malgré une certaine jurisprudence, le fait que la partie aurait normalement pu connaître et comprendre cette clause est indifférent dès lors qu’a été établie l’impossibilité de la modifier.»

[15]         Dans les circonstances de l’espèce, il n’y a aucun doute que la clause que l’on retrouve à l’offre de location, dans le cas où Nadjib Guerna se désisterait de sa demande est abusive puisque s'il ne signe pas, l'offre de location tiendra lieu de bail verbal et qu’il serait tenu responsable du loyer pour la durée du bail soit un an. 

[16]         Il y a disproportion nette entre le cas où le propriétaire refuserait de signer le bail, lequel remettrait tout simplement le montant reçu 100 $, alors que pour l’autre partie, serait responsable du bail pour sa durée.

[17]         Dans les circonstances, le Tribunal usant de son pouvoir discrétionnaire réduit l’obligation à un montant de 500 $.

PAR CES MOTIFS LE TRIBUNAL :

CONDAMNE la partie défenderesse à payer à la partie demanderesse la somme de 500 $ avec les intérêts au taux légal de 5% l'an plus l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 C.c.Q. à compter du 25 octobre 2012.

CONDAMNE la partie défenderesse à payer à la partie demanderesse les frais judiciaires au montant de 132 $.

 

 

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MAURICE ABUD, J.C.Q.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Date d’audience :

6 octobre 2014 

 



[1] Pinaud, J.  et Gaudette, S., Burman, D. Théorie des obligations, 4 e édition, Montréal, Thémis Inc. 2001, p. 425-426

[2] Québec procureur général c. Kabakian Kechichian , Canlii, 2000 R.J.Q. 1730 , 7772 QCCA.

[3] Moore, B., Le Contrôle des clauses abusives entre formation et exécution du contrat