RÉGIE DES ALCOOLS, DES COURSES ET DES JEUX
DÉCISION
[1] Le 29 mai 2014, par avis de report, la Régie des alcools, des courses et des jeux (la Régie) a adressé à la titulaire un avis de convocation à une audience afin d’examiner et d’apprécier les allégations décrites aux documents annexés à l’avis, d’entendre tout témoignage utile aux fins de déterminer s’il y a eu ou non manquement à la loi et, le cas échéant, suspendre ou révoquer le permis de la titulaire.
LES FAITS
[2] Les faits qui ont donné ouverture à la convocation se résument comme suit :
[Transcription conforme]
Tolérer des boissons alcooliques acquises non conformément au permis :
Le 21 octobre 2013, les policiers ont saisi, dans votre établissement, les contenants de boissons alcooliques suivants : (Document 1)
- 3 bouteilles de Champagne de 750 millilitres de marque Armand de Brignac, 12,5% alc./vol.
Le timbre de droit de la Société des alcools du Québec n'était pas apposé sur ces contenants.
Ces contenants ont été trouvés dans la réserve du 2 e étage, dans le bar du 2 e étage dans le réfrigérateur et dans le réfrigérateur du bar du 1 er étage.
Total en litres des contenants : 2,25 litres
Madame Johanne Dolbec, propriétaire, déclare : "qu'elle les a commandées pour un party privé les 3 en même temps."
[3] L’audience s’est tenue à Québec, le 30 septembre 2014. La société titulaire, 9094-0487 Québec inc., était représentée par son administratrice, M me Johanne Dolbec, assistée de son procureur M e Claude Roy. La Direction du contentieux de la Régie était représentée par M e Andréanne Tremblay.
Preuve de la Direction du contentieux de la Régie
[4] M e Tremblay réfère à la preuve documentaire annexée à l’avis de convocation au document 1. Celle-ci est à l’effet que le 21 octobre 2013, les policiers ont saisi trois bouteilles de champagne de marque Armand de Brignac, lesquelles ne portaient pas le timbre de la Société des alcools du Québec (SAQ). M me Dolbec a alors déclaré que ces bouteilles avaient été commandées dans le cadre d’un « party » privé.
Preuve de la titulaire
Témoignage de M me Johanne Dolbec
[5] M me Dolbec explique qu’elle cumule plus de trente ans d’expérience dans le domaine des bars de danseuses. Elle décrit son établissement comme étant bien tenu, sécuritaire et élégant. Il est ouvert sept jours sur sept et elle assure personnellement une présence du lundi au vendredi de 8 h 30 à 17 h. Elle a fait l’embauche de deux gérants qui s’occupent de la bonne marche de l’établissement jusqu’à la fermeture.
[6] Concernant l’événement du 21 octobre 2013, elle explique que cette marque de champagne qui fut saisie ne fait pas partie de celles vendues à son bar (T-1).
[7] Elle ajoute que le 30 juin 2013, son établissement a été l’hôte d’un « party » privé organisé par M. Simon Landry. Ce dernier est promoteur d’événements et c’était la seconde fois qu’une telle activité, ouverte au public, se tenait à l’établissement (T-2). Plusieurs prix de présence étaient offerts par le promoteur dont les trois bouteilles de champagne non timbrées de marque Armand de Brignac, lesquelles étaient présentées dans un coffret noir laqué.
[8] Elle dit qu’elle s’est opposée à ce que ces bouteilles soient ouvertes et consommées pendant la soirée. Elle a plutôt opté pour qu’elles soient tirées au sort et récupérées au vestiaire par les gagnants à la fin de la soirée. Étant donné que ce ne fut pas le cas, l’employé au vestiaire les a rangées dans la chambre froide de l’établissement et celle-ci y sont restées par la suite.
[9] La journée de la saisie, soit le 21 octobre 2013, l’établissement fêtait son 17 e anniversaire et deux chapiteaux avaient été érigés pour l’occasion. Elle avait changé la configuration des frigos afin de mettre en évidence pour la clientèle, les alcools les plus vendus. Son personnel a donc récupéré et réparti les trois bouteilles de champagne en litige dans trois endroits différents du bar.
[10] M me Dolbec dit que c’est elle qui est responsable des achats d’alcool pour l’établissement. La prise d’inventaire fait l’objet d’une vérification méticuleuse de la part de son personnel. En effet, les employés doivent compléter deux fois par jour un formulaire à cet égard (T-3). Ce même exercice est repris la nuit par le personnel de l’entretien ménager.
[11] Elle a tenu aussi à déposer en T-4, le rapport détaillé des achats 2013-2014. Elle termine en ajoutant qu’elle offre une bonne collaboration aux policiers qui se présentent à l’établissement environ deux fois par année.
LE DROIT
[12] Les dispositions légales qui s'appliquent dans le présent dossier sont les suivantes :
Loi sur les infractions en matière de boissons alcooliques [1] (LIMBA)
84. Il est défendu à un titulaire de permis de garder dans l'établissement où ce permis est exploité un contenant de boissons alcooliques autres que la bière et le cidre et sur lequel n'est pas apposé le timbre de la Société ou un contenant de boissons alcooliques fabriquées par un titulaire de permis de production artisanale sur lequel n'est pas apposé un autocollant numéroté de la Régie (…)
Loi sur les permis d'alcool [2] (LPA)
72.1. Un titulaire de permis autorisant la vente ou le service de boissons alcooliques ne doit tolérer dans son établissement que la présence de boissons alcooliques acquises, conformément à son permis, de la Société ou d'un titulaire de permis de brasseur, de production artisanale, de distributeur de bière ou de fabricant de cidre, délivrés en vertu de la Loi sur la Société des alcools du Québec (chapitre S - 13), ou d'un agent d'un tel titulaire de permis.
(…)
86. (…) La Régie doit révoquer ou suspendre un permis si :
(…)
4° le titulaire du permis a contrevenu à l’article 72.1;
(…)
La Régie, dans la détermination de la sanction administrative pour contravention à l’article 72.1, tient compte notamment des facteurs aggravants suivants :
a) la quantité de boissons alcooliques ou d’appareils de loterie vidéo;
b) le fait que les boissons alcooliques sont de mauvaises qualité ou impropres à la consommation;
c) le fait que les boissons alcooliques sont fabriquées frauduleusement ou falsifiées;
d) le fait que le titulaire du permis a contrevenu à l’article 72.1 dans les cinq dernières années;
e) le fait que les boissons alcooliques ne sont pas commercialisées par la Société des alcools du Québec et qu’elles ne sont pas fabriquées, embouteillées ou livrées conformément à un permis délivré en vertu de la Loi sur la Société des alcools du Québec (chapitre S-13)
ANALYSE
[13]
Dans ce
dossier, la soussignée doit décider si la titulaire a contrevenu à l’article
[14] Le législateur n’ayant pas défini ce que l’on devait entendre par ce mot, il faut alors recourir à son sens usuel et l’interpréter en fonction du contexte législatif dans lequel il se retrouve.
[15] Le « Petit Robert » le définit ainsi :
Laisser se produire ou subsister (une chose qu’on aurait le droit ou la possibilité d’empêcher) v. autoriser, permettre.
Dans son sens usuel, on peut dire que tolérer c’est :
- laisser par son action ou son inaction se produire ou subsister une chose ou une situation qu’on avait le droit, la possibilité ou le devoir d’empêcher.
[16] L’on retrouve également la position des tribunaux supérieurs quant à la signification de ce mot, lequel a été élaboré par l’honorable juge Jean-Louis Beaudoin de la Cour d’appel dans l’affaire 134677 Canada inc. c. Tribunal administratif du Québec et la Régie des alcools, des courses et des jeux [3] .
[17] Pour déterminer si la titulaire a toléré dans son établissement des boissons alcooliques non acquises conformément à son permis, on doit d’abord s’assurer si elle était au courant de leur présence dans l’établissement.
[18] Par la suite, on doit vérifier si la titulaire a pris les mesures raisonnables et efficaces pour empêcher ou prévenir leur présence dans l’établissement avant que la saisie n’ait lieu.
[19] Dans ce dossier, la preuve documentaire est à l’effet que, le 21 octobre 2013, les policiers ont saisi dans l’établissement, trois bouteilles de champagne de marque Armand de Brignac lesquelles n’étaient pas timbrées.
[20] Dans son témoignage, M me Dolbec a admis que les trois bouteilles de champagne non timbrées ont été apportées, à sa connaissance, par le promoteur M. Simon Landry dans le cadre d’une fête donnée à l’établissement le 30 juin 2013.
[21] À sa demande, ces bouteilles ont été conservées dans le vestiaire en attendant d’être récupérées à la fin de la soirée par les gagnants. Or, comme celles-ci n’ont pas été réclamées, elles ont été rangées par la suite dans la chambre froide de l’établissement.
[22] Elle a ajouté que la journée de la saisie, soit le 21 octobre 2013, ces trois bouteilles se sont retrouvées dans le bar à trois endroits différents puisqu’une fête afin de souligner le 17 e anniversaire avait lieu au Cabaret Lady Mary-Ann.
[23] Or, il est évident pour la soussignée que ces trois bouteilles de champagne, qui étaient dans des coffrets noirs laqués et identifiables parmi les autres alcools, étaient dans l’établissement à la connaissance de M me Dolbec puisque c’est elle qui, le 30 juin 2013, a demandé à ce qu’elles soient rangées au vestiaire jusqu’à ce qu’elles soient réclamées à la fin de la soirée.
[24] De plus, si des vérifications d’inventaire à raison de deux fois par jour étaient faites, toujours selon le témoignage de M me Dolbec, comment expliquer que ces bouteilles n’ont pas fait l’objet d’une vérification concernant l’apposition du timbre et qu’elles n’ont pas attiré l’attention du personnel puisqu’elles se démarquaient par rapport aux autres.
[25] Le fait que la saisie ait eu lieu quatre mois après l’entrée de ces bouteilles, démontre qu’elles ont été tolérées et que le personnel avait amplement le temps de les identifier et de les sortir de l’établissement.
[26] Comme la titulaire n’a pas réussi à renverser la présomption qui pèse contre elle, la soussignée ne peut donc que conclure que la titulaire a toléré dans son établissement la présence de boissons alcooliques non acquises conformément à son permis.
[27]
Il y a donc
eu contravention à l’article
[28] Dans les circonstances, une suspension des permis d’une durée de 2 jours apparaît juste et équitable.
PAR CES MOTIFS, |
SUSPEND pour une période de 2 jours , le permis de bar avec autorisation de spectacles avec nudité numéro 9215443 et, conséquemment, la licence d'exploitant de site d'appareils de loterie vidéo numéro 48470 dont 9094-0487 Québec inc. est titulaire, et ce, à compter de la mise sous scellés des boissons alcooliques par un inspecteur de la Régie ou par le corps de police dûment mandaté à cette fin;
ORDONNE la mise sous scellés des boissons alcooliques se trouvant sur les lieux par un inspecteur de la Régie ou par le corps de police dûment mandaté à cette fin pour la période de la suspension ci-dessus mentionnée.
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Régisseure |