Comtax international c. 9209-7815 Québec inc.

2014 QCCQ 10428

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

ARTHABASKA

LOCALITÉ DE

VICTORIAVILLE

« Chambre civile »

N° :

415-32-006311-149

 

DATE :

22 octobre 2014

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

 PIERRE LABBÉ, J.C.Q.

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COMTAX INTERNATIONAL,

Demanderesse

c.

9209-7815 QUÉBEC INC.,

Défenderesse

 

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JUGEMENT RECTIFIÉ le 10 novembre 2014

pour corriger une erreur matérielle

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[1]            La demanderesse réclame à la défenderesse 5 035,55 $ à titre de solde dû et impayé pour des services professionnels rendus.

[2]            La défenderesse conteste la demande, précisant que l’entente intervenue entre les parties ne couvrait pas l’année d’imposition 2012. À titre subsidiaire, elle allègue que la somme réclamée est exagérée.

[3]            Il ressort de la preuve les faits pertinents suivants.

[4]            Comtax international inc. rend des services de gestion aux entreprises.

[5]            La défenderesse est une entreprise qui exploite un salon de beauté pour femmes et de coiffure sous la raison sociale Concept Chatelaine à Victoriaville (P-8).

[6]            Le 22 septembre 2010, les parties ont signé un contrat (P-1) dont il y a lieu de reproduire le paragraphe 1 :

Par la présente, il est entendu que COMTAX effectuera l’application de mesures et de programme ainsi que la vérification des documents du client afin de déceler et récupérer des montant d’impôt et/ou tout autre crédit relié aux programmes gouvernementaux disponibles (ci-après nommé CRÉDITS).

(Reproduction intégrale)

[7]            L’entente prévoyait que si la défenderesse recevait un remboursement de crédits d’impôt, elle devrait payer à la demanderesse des honoraires de 35 % du remboursement total brut des crédits d’impôt et des intérêts obtenus. S’il n’y a aucun recouvrement, la défenderesse ne doit rien à la demanderesse.

[8]            L’année d’imposition n’est pas précisée dans l’entente. Le représentant de la demanderesse, Marc Fortin, a précisé que le genre de programme que la demanderesse a géré pour la défenderesse s’étale sur deux ans. La correspondance entre les parties, dont il sera fait mention plus loin, révèle que la défenderesse ne contestait pas réellement à l’époque que l’année 2012 faisait partie de l’entente.

[9]            La demanderesse a été payée de ses services pour l’année d’imposition 2011.

[10]         Il est important de mentionner que la demanderesse facture ses honoraires, en cas de recouvrement de crédits d’impôt, sur l’avis de cotisation reçu par la défenderesse puisque les montants sont établis après vérification par les autorités fiscales.

[11]         Pour l’année 2012, la demanderesse a tenté d’obtenir de la défenderesse une copie de son avis de cotisation de façon à établir sa facturation. N’ayant pas reçu de réponse de la défenderesse, la demanderesse a établi ses honoraires sur la base de la somme de 24 938,50 $, montant qui apparaît dans le sommaire de la déclaration de revenus provinciale pour l’année 2012 (P-2).

[12]         C’est ainsi que la demanderesse a établi sa facture numéro 5847 (P-3) du 15 avril 2013 à la somme de 10 035,55 $ détaillés de la façon suivante :

§   Montant récupéré : 24 938,50 $ x 35 % = 8 728,47 $

§   TPS (5 %) : 436,42 $

§   TVQ (9.975 %) : 870,66 $.

[13]         Auparavant, soit le 7 janvier 2013, un avis de remboursement de crédits a été envoyé par Revenu Québec à la défenderesse établissant le remboursement à 22 089 $ (D-2) pour l’année 2012.

[14]         Le 18 octobre 2013, l’avocat de la défenderesse écrivait à la demanderesse que pour l’année 2012 le montant qu’elle réclamait était erroné et qu’il devrait plutôt être de 7 731,15 $, soit 35 % de 22 089 $. Une offre inférieure à cette somme a été faite à la demanderesse qu’elle n’a pas acceptée.

[15]         Le 11 novembre 2013, la défenderesse a fait une offre de 5 000 $ à la demanderesse en appliquant un pourcentage de 22 % à la somme de 22 089 $ et en réduisant la somme à 5 000 $. La demanderesse n’a pas accepté cette offre puisqu’elle désirait que la défenderesse lui envoie au préalable une copie de son avis de cotisation.

[16]         Le 4 décembre 2013, la défenderesse a envoyé à la demanderesse un document qu’elle appelait un avis de cotisation et elle demandait également que la demanderesse lui envoie une nouvelle facture.

[17]         Le 17 décembre 2013, la demanderesse a répondu à la défenderesse que le document reçu n’était pas un avis de cotisation, mais une page de la déclaration de revenus; elle réitérait sa demande de recevoir une copie de l’avis de cotisation, car le montant peut être différent de celui mentionné dans la déclaration de revenus. Le document envoyé par la défenderesse était probablement la page de la déclaration de revenus à Revenu Québec pour l’année 2012 indiquant une demande de remboursement de 22 089 $. Ce document lui avait été envoyé par Gaétane Ramsay de la société de comptables Pellerin, Aubert, Ramsay, Provencher inc. de Victoriaville avec la mention suivante : « avec cette page de la déclaration d’impôt provinciale, tu vois le remboursement demandé et que l’on a reçu » .

[18]         Le 30 novembre 2013, la défenderesse a envoyé un chèque à la demanderesse pour la somme de 5 000 $ en paiement de la facture numéro 5847 et portant la mention « paiement final » (P-6).

[19]         Le 3 décembre 2013, la demanderesse écrivait à la défenderesse pour lui dire qu’elle avait reçu son chèque de 5 000 $, qu’elle maintenait sa réclamation de 10 035,55 $, que le chèque sera encaissé le 5 décembre 2013 sous protêt et qu’elle veut recevoir le solde dans les cinq jours suivants (P-7).

[20]         Le 3 décembre 2013 était un mardi. La défenderesse soutient avoir reçu cette lettre par courrier le lundi suivant qui serait le 9 décembre 2013. Cependant, le reçu de poste indique que la lettre a été livrée le 5 décembre 2013 en avant-midi et qu’un reçu a été signé par Marilou Moreau, probablement une préposée de la défenderesse.

[21]         La preuve ne révèle pas quand la demanderesse a effectivement encaissé le chèque ni à quelle heure la lettre du 3 décembre a été livrée au bureau de la défenderesse le 5 décembre 2013. La preuve ne révèle donc pas si le chèque de la défenderesse a été encaissé avant qu’elle reçoive la lettre de la demanderesse.

ANALYSE

[22]         Le litige consiste à déterminer si le chèque du 30 novembre 2013 de la défenderesse portant la mention « paiement final » la libère de la dette envers la demanderesse pour la somme réclamée.

[23]         La jurisprudence considère qu’un chèque portant une telle mention constitue une offre de règlement. Le créancier qui se contente d’encaisser un tel chèque, sans se manifester auprès de son débiteur, accepte l’offre et de ce fait confirme la transaction pour une somme moindre [1] . Pour éviter une telle conséquence, le créancier doit signifier à son débiteur qu’il n’accepte pas son offre et qu’il encaissera le chèque à titre de versement partiel. L’arrêt de la Cour d’appel du Québec dans Canada Gum Ltd. c. Double E. Electric inc. [2] pose le principe, dans un litige portant sur l’effet libératoire d’offres et de consignations faites en cours d’instance, que si le débiteur ne conteste pas la créance, mais uniquement le montant, le retrait de la somme offerte et consignée n’est pas fatal au créancier pour le surplus.

[24]         Il y a lieu de citer également un extrait du volume Les obligations de l’ancien juge de la Cour d’appel du Québec, Jean-Louis Baudouin [3]  :

À notre avis, la faiblesse principale de l’approche qui prévaut dans la jurisprudence actuelle consiste à s’éloigner de celle privilégiée quant à une situation pourtant très similaire, soit celle des offres réelles « en règlement complet et final ». Eu égard à de telles offres, la Cour d’appel s’est pourtant réservé la possibilité de considérer que, même ainsi libellées, elles n’aient rien de conditionnel; le retrait de la somme consignée par le créancier - qui n’est pas sans évoquer l’idée de l’encaissement du chèque dans la situation qui nous intéresse - n’emporte alors pas renonciation au surplus, dans la mesure où il ne s’agit pas d’une offre conditionnelle, mais bien d’une simple offre de paiement partiel (art. 1561 , al. 2 in fine C.c.Q. et 190 C.p.c.). Le critère, nous l’avons vu précédemment, consiste à déterminer si le débiteur qui offre moins que ce que le créancier lui réclame conteste la créance elle-même, auquel cas il s’agit d’une véritable offre de règlement qui repose sur l’idée de concessions réciproques (art. 2631 C.c.Q.); si, au contraire, le litige porte sur le quantum mais que le comportement du débiteur permet de déduire qu’il se reconnaît endetté pour la somme offerte, il ne s’agit aucunement d’une offre de règlement et le retrait de la somme consignée n’entraîne alors pas renonciation au surplus . Comme le soulignait fort justement la Cour d’appel dans l’arrêt Canada Gum face à des offres réelles libellées « in full and final settlement »  : « Dans le cas à l’étude, l’appelante se reconnaît tout bonnement endettée envers l’intimée pour la somme consignée. Il n’y a rien dans ce montant qui puisse faire l’objet d’une transaction si ce n’est un chantage fondé sur les délais de cour. »

(Référence omise et soulignement ajouté)

[25]         Comme le Tribunal l’a mentionné plus haut, la preuve ne révèle pas si le chèque de 5 000 $ a été réellement encaissé par la demanderesse le 5 décembre 2013 ou, même à cette date, s’il a été encaissé avant la livraison de la lettre du 3 décembre 2013 au bureau de la demanderesse le 5 décembre 2013 en avant-midi. Le Tribunal ne peut donc présumer que c’est le cas.

[26]         La preuve révèle que la défenderesse ne conteste pas la créance, mais seulement le montant; c’est ce qui ressort de la correspondance et des courriels entre les parties.

[27]         Le Tribunal en vient donc à la conclusion que la demanderesse n’a pas renoncé à réclamer le surplus de sa facture.

[28]         Le montant retenu par la demanderesse, soit 24 938,50 $, provient de la déclaration de revenus produite sous la cote P-2. La preuve n’explique pas pourquoi ce montant est différent de celui de 22 089 $ qui apparaît aussi dans une déclaration de revenus au même gouvernement.

[29]         Le montant retenu par la défenderesse, soit 22 089 $ provient non seulement d’un extrait de la déclaration de revenus, mais d’un document plus fiable, soit un avis de remboursement de Revenu Québec. Même s’il ne s’agit pas d’un avis de cotisation, ce document représente plus de certitude que la déclaration de revenus. En conséquence, le Tribunal en vient à la conclusion que la facture de la demanderesse aurait dû être basée sur le montant de 22 089 $, ce qui représente des honoraires (35 %) de 7 731,15 $; s’y ajoutent la TPS de 5 %, soit 386,56 $, et la TVQ de 9.975 %, soit 771,18 $, pour un total de 8 888,89 $. La demanderesse ayant reçu 5 000 $, le solde dû est de 3 888,89 $ .

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL  :

[30]         ACCUEILLE en partie la demande;

[31]         CONDAMNE la défenderesse à payer à la demanderesse la somme de 3 888,89 $ , plus les intérêts sur cette somme au taux légal, majoré de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 C.c.Q., à compter du 15 avril 2013;

[32]         CONDAMNE la défenderesse à payer à la demanderesse les frais judiciaires de 220 $.

 

 

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PIERRE LABBÉ, J.C.Q.

 

 

 

Date d’audience :

23 septembre 2014

 



[1]     Lemieux c. Puits du Québec inc. , JE-81-1119 (C.A.). Voir aussi : Banque de Montréal c. Prudentielle (La), Cie d’assurance ltée [ 1988] R.D.J. 164, J.E. 88-956 , AZ-88011670 (C.A.); Degremont ltée c. Léger , 2006 QCCA 1396, J.E. 2006-2201, EYB 2006-110761, AZ-50396466 .

[2]     [1983] R.D.J. 303 , AZ-83122027 (C.A.)

[3]     Jean-Louis Baudouin et Pierre-Gabriel Jobin , Les Obligations , 7 e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2013, p. 798.