Goyette c. Montréal (Ville de)

2014 QCCQ 10614

COUR DU QUÉBEC

( « Division des petites créances » )

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

LOCALITÉ DE MONTRÉAL

« Chambre civile »

N° :

500-32-128054-113

 

 

DATE :

 Le 23 octobre 2014

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

SYLVIE LACHAPELLE, J.C.Q.

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JEAN-JACQUES GOYETTE

Demandeur

 

c.

 

VILLE DE MONTRÉAL

Défenderesse

 

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JUGEMENT

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[1]            Le demandeur, M. Jean-Jacques Goyette ( « M. Goyette  ») réclame 4 433,22 $ à la défenderesse Ville de Montréal ( « la Ville ») pour le bris de la conduite d'eau de sa propriété. Il allègue que ces dommages ont été causés par la Ville qui aurait été négligente lors des réparations que cette dernière a effectuées sur les services d'entrée d'eau de la Ville.

[2]            La Ville  conteste cette réclamation au motif que M. Goyette  a fait défaut d'entretenir sa conduite d'eau devenue vétuste, ce qui a causé les dommages dont il se plaint .

[3]            La Ville allègue de plus que les dommages réclamés sont exagérés.

Questions en litige

[4]            Est-ce l'état de la conduite d'eau, propriété du demandeur qui est la cause des dommages que ce dernier aurait subis ou si le bris a été causé par une négligence des employés de la Ville lors de leurs travaux ?

[5]            Le demandeur a-t-il été négligent en n'effectuant pas les travaux d'entretien sur sa conduite d'eau devenue vétuste, et ce, en contravention de la réglementation municipale (articles 25.1 et 34 du Règlement 03-096).

Les faits

[6]            Depuis 1986, M. Goyette est propriétaire d'un immeuble à logements construit en 1932.

[7]            Le 4 mars 2011, M. Goyette est informé que la Ville doit effectuer une réparation sur le service d'entrée d'eau domestique ( P-5 ).

[8]            La Ville creuse une tranchée de la rue au trottoir pour réparer en urgence une fuite du réseau d'aqueduc.

[9]            Pendant les travaux, l'alimentation en eau de l'immeuble de M. Goyette  est interrompue. La Ville fournit de l'eau embouteillée aux résidents touchés par cette interruption.

[10]         Quelques jours plus tard, une fois la tranchée refermée, M. Goyette réalise que la pression d'eau est très faible dans son immeuble ce qui n'était pas le cas avant les travaux effectués par la Ville.

[11]         Madame Nathalie Langlois ( « madame Langlois  »), contremaître aqueduc et égout, témoigne que le préposé de la Ville qui faisait les travaux avait informé M.  Goyette que la partie de la conduite d'eau, dont il est propriétaire, était vétuste et qu'il y avait lieu de la changer.

[12]         Madame Langlois explique que la Ville offre ainsi au citoyen de profiter de l'excavation déjà faite ce qui diminue sensiblement le coût des travaux.

« Il (le citoyen) doit contacter un plombier privé pour changer le tuyau. Il n'a pas besoin de payer la dalle de trottoir et l'excavation. Il sauve 1 500 $. »

[13]         Selon madame Langlois, la Ville installe une plaque sur la tranchée en attendant que le citoyen obtienne des expertises et soumissions de plombiers. La Ville peut retarder le remblayage de quelques jours, mais habituellement, après trois tours, le citoyen a retenu son plombier.

[14]         Dans ce cas-ci, selon madame Langlois, M.  Goyette aurait refusé de faire ces démarches au motif qu'il n'avait pas de problème avec la conduite d'eau. Ainsi, la tranchée a été remplie.

« Le 4 mars 2011, j'ai noté à mon rapport de réclamation que Monsieur a mentionné qu'il n'avait aucun problème avec l'eau. Nous avons donc rempli l'excavation.

Monsieur n'a pas mentionné qu'il avait des problèmes de pression d'eau à ce moment-là - tout allait bien. »

[15]         Aussi, quand un citoyen refuse de remplacer sa conduite d'eau, madame Langlois témoigne que la Ville demande au citoyen d'appeler un plombier pour enlever les débris accumulés à l'intérieur des tuyaux lors de l'excavation. C'est la Ville qui paie pour la purge du tuyau, ce qui coûte habituellement 600 $ et ainsi rétablir la pression.

[16]         La preuve révèle que l'excavation fut faite les 3 et 4 mars 2011 et remblayée le 4 mars 2011. Madame Langlois soulève que ce n'est que trois jours plus tard, le 7 mars 2011 , que M.  Goyette aurait avisé la Ville que la pression d'eau était très faible dans l'immeuble.

[17]         La Ville aurait accepté de payer non pas l'ensemble des travaux comme le réclame M.  Goyette, mais seulement le travail du plombier pour effectuer la purge des tuyaux.

[18]         Or, le 9 mars 2011, la Ville reçoit un téléphone 311. Le plombier retenu par le propriétaire aurait mentionné qu'il ne peut faire la purge parce que le tuyau se serait brisé.

[19]         Selon madame Langlois, la conduite d'eau de M.  Goyette date de 1930. Il s'agit d'un tuyau de fer galvanisé. Un tel tuyau se perfore avec le temps et la rouille s'accumule à l'intérieur, ce qui peut aussi contribuer à obstruer le flux de l'eau. C'est pour cette raison que la Ville aurait recommandé à M.  Goyette de changer sa conduite d'eau lors des travaux effectués par la Ville.

[20]         M.  Goyette contredit la version de madame Langlois. D'abord, il précise que lorsqu'il a informé l'employé de la Ville qu'il n'avait pas de problème de pression d'eau, il référait à la période avant les travaux. Il n'a jamais connu de problème de pression d'eau dans l'immeuble.

[21]         Aussi, c'est ce qu'il a dit à l'employé de la Ville qui lui offrait de profiter des travaux de la Ville pour changer la conduite d'eau de sa propriété. Or, cet employé lui aurait finalement conseillé de ne pas la changer considérant qu'il n'avait jamais eu de problème de pression d'eau dans le passé. « Ce ne demeurait qu'une suggestion, on ne m'a pas expliqué. »

[22]         Par ailleurs, dès qu'il s'est rendu compte qu'il y avait un problème de pression d'eau, il a avisé la Ville, mais à ce moment, la tranchée était refermée. Il ne comprend pas pourquoi la Ville n'a pas attendu qu'il vérifie s'il avait de l'eau avant de refermer.

Jugement

[23]         M. Goyette  allègue qu'il a dû changer la conduite d'eau de son immeuble parce que les employés de la Ville l'ont obstrué avec des roches et débris lors des travaux effectués pour réparer une fuite d'eau du tuyau d'aqueduc.

[24]         La Ville argumente que la conduite d'eau de l'immeuble de M. Goyette a plutôt été obstruée par de la rouille et des résidus de fer qui se sont délogés parce que la tuyauterie en fer galvanisé, installée en 1930, était vétuste et non entretenue.

[25]         La Ville plaide que M. Goyette a agi en contravention de l'article 34 du Règlement sur la salubrité, l'entretien et la sécurité des logements qui se lit comme suit :

« Un logement doit être pourvu d'un système d'alimentation en eau potable, de plomberie, de chauffage qui doivent être maintenus continuellement en bon état de fonctionnement et pouvoir être utilisé aux fins auxquels ils sont destinés. »

[26]         M. Goyette réclame 4 433,22 $ qu'il a déboursé pour faire réparer la conduite d'eau, telle que détaillée à la facture ( P-4 ) du 16 mars 2011 de Plomberie R. Lalumière inc. (« Lalumière »)

[27]         D'après le témoignage non contredit de M. Goyette, ce dernier n'a jamais connu de problème de pression d'eau dans son immeuble.

[28]         C'est d'ailleurs ce dont il a discuté avec l'employé de la Ville de telle sorte que  cet employé aurait finalement convenu avec lui que puisqu'il n'avait jamais eu de problème de pression d'eau, il n'était pas nécessaire de changer sa conduite d'eau.

[29]         La Ville aurait exécuté ces travaux le 3 et le 4 mars 2011 et, le vendredi 4 mars 2011, la tranchée fut remblayée.

[30]         Le lundi 7 mars 2011, M. Goyette avise la Ville que la pression d'eau dans l'immeuble est diminuée.

[31]         La Ville recommande à M. Goyette de retenir les services du plombier Lalumière pour nettoyer la conduite d'eau.

[32]         D'après M. Goyette, M.  Lalumière ne peut faire la purge parce que le tuyau est trop obstrué par des petites pierres. Il produit la facture détaillée de Lalumière au soutien de son témoignage.

[33]         Madame Langlois témoigne que M.  Lalumière a informé la Ville qu'il ne pouvait effectuer la purge parce que le tuyau s'était brisé.

[34]         M.  Lalumière indique à la facture détaillée du 16 mars 2011 que le 9 mars 2011, il a creusé à l'intérieur pour libérer le tuyau principal de 1 pouce qui était rempli de petites roches et le tuyau étant en trop mauvais état pour le raccorder, il faut le remplacer.

[35]         Aussi, M.  Lalumière creuse à l'extérieur et remplace le tuyau d'entrée d'eau au complet. Il facture 3 080 $ pour ces travaux, qui incluent l'excavation d'une tranchée.

[36]         La Ville refuse de payer ce montant. M. Goyette aurait pu économiser ces coûts s'il avait accepté la suggestion de l'employé de la Ville de faire les travaux alors que la tranchée était ouverte.

[37]         De plus, selon madame Langlois, le 4 mars 2011, M. Goyette n'avait pas de problème de pression d'eau. Ce n'est que trois jours plus tard soit le 7 mars 2011 qu'il remarque que la pression d'eau est diminuée.

[38]         Madame Langlois conclut donc que ce ne sont pas les travaux de la Ville qui aurait bloqué la conduite d'eau. Elle suggère que la pression a pu être diminuée par l'accumulation de rouille et de débris de fer entre le 4 et le 7  mars 2011 .

[39]         Le Tribunal ne retient pas cette suggestion. M. Goyette a avisé la Ville dès le lundi 7 mars 2011 que depuis les travaux effectués vendredi le 4 mars 2011 que la pression d'eau avait diminué.

[40]         M. Goyette n'a pu dire qu'il n'avait pas de problème de pression le 4  mars 2011 puisqu’à ce moment l'eau était complètement interrompue. Il faisait nécessairement référence à la période avant les travaux.

[41]         M. Goyette a accompagné M.  Lalumière lors des travaux. Il a vu que la tuyauterie de la conduite d'eau était obstruée de petit gravier, le tout tel que confirmé par M.  Lalumière dans sa facture détaillée P-4 .

[42]         Le Tribunal conclut donc, selon la balance des probabilités, que l'obstruction de la conduite d'eau a été causée lors des travaux effectués par la Ville.

[43]         Habituellement, ce problème peut être réglé par une purge des tuyaux dont les coûts sont défrayés par la Ville.

[44]         Or, dans ce cas-ci, M.  Lalumière a avisé la Ville que le tuyau était en trop mauvais état pour pouvoir faire un raccordement et effectuer la purge et qu'il n'avait pas d'autre choix que de remplacer le tuyau de l'entrée d'eau.

[45]         La Ville argumente qu'elle n'a pas à payer les coûts d'excavation pour le remplacement de la conduite d'eau puisque M. Goyette a refusé de faire effectuer les travaux lorsque la tranchée était ouverte.

[46]         Or, la preuve révèle que les explications fournies par la Ville n'étaient pas suffisantes pour que M. Goyette comprenne bien la situation et prenne une décision éclairée .

[47]         De plus, tout s'est déroulé très rapidement. Les travaux de la Ville ont été exécutés les 3 et 4 mars 2011 et le 4 mars 2011, la tranchée est refermée.

[48]         M. Goyette n'a pas eu le temps de consulter un plombier qui aurait pu examiner les tuyaux de son entrée d'eau et le conseiller avant que la tranchée soit refermée.

[49]         Aussi, le Tribunal est d'avis que M. Goyette n'a pas à payer pour l'excavation de la tranchée et accorde à ce dernier la somme de 1 500 $.

[50]         D'après la description de la facture de M.  Lalumière, il appert que malgré le changement de la conduite d'eau, des purges inversées ont été effectuées pour déloger la saleté dans la tuyauterie des logements, nettoyer les aérateurs de robinets et les soupapes de toilettes, dont une fut remplacée parce que trop endommagée.

[51]         La Ville n'a pas à payer pour les tuyaux et la robinetterie qui devaient être changés parce que ces équipements, propriété de M. Goyette avaient atteints leur durée de vie utile , mais le Tribunal considère que M. Goyette a droit au remboursement de 600 $ pour la purge des tuyaux.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:

            ACCUEILLE partiellement la requête introductive d'instance du demandeur ;

CONDAMNE la défenderesse à payer au demandeur la somme de 2 100 $, avec intérêt au taux de 5 % plus l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec à compter de la mise en demeure du 7 mars 2011 ;

AVEC FRAIS.

           

 

 

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SYLVIE LACHAPELLE, J.C.Q.

 

 

Date d’audience :

20 mai 2014