Syndicat des employées et employés de métiers d'Hydro-Québec, section locale 1500, syndicat canadien de la fonction publique (FTQ) et Hydro-Québec (Jean-Marc Rochon)

2014 QCTA 912

 

TRIBUNAL D’ARBITRAGE

 

 

 

CANADA

 

PROVINCE DE QUÉBEC

 

 

 

N o de dépôt :

2014-9472

 

 

 

Date :

Le 3 novembre 2014

 

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DEVANT L’ARBITRE :

Me Nathalie Faucher

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Syndicat des employé-e-s de métiers d'Hydro-Québec, section locale 1500, Syndicat canadien de la fonction publique (F.T.Q.)

 

 

Ci-après appelé(e) « le syndicat »

 

 

Et

 

 

Hydro-Québec

 

 

Ci-après appelé(e) « l’employeur »

 

 

 

 

 

Plaignant(e) :

M. Jean-Marc Rochon

 

 

 

Grief(s) :

n o du syndicat

RIC-90-02-03

 

 

 

 

 

 

 

Convention collective :

1995-2000

 

 

 

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SENTENCE ARBITRALE

 

(Article 100 C.tr.)

 

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[1]            Conformément aux termes de la convention collective, j'ai été désignée afin disposer du présent grief par lequel le syndicat réclame que du travail effectué en temps supplémentaire par des salariés couverts par une autre unité d'accréditation, soit remboursé au plaignant. 

[2]            Les parties ont convenu que la procédure de grief a été suivie, que l'arbitre est valablement saisie du présent litige et qu'elle a juridiction pour trancher les questions qui lui sont soumises. 

[3]            Le syndicat a fait entendre le plaignant, M. Jean-Marc Rochon, M. Jean-Pierre Richer, commis au guichet, M. Robert Gauthier, également commis au guichet.  De son côté, l'employeur a fait entendre M. Yves Brisson, chef exploitation immobilier siège social et location.

LES FAITS

[4]            Le plaignant a été embauché le 15 février 1982 et a obtenu sa permanence en mars 1986.  Au moment du litige, il occupait le poste d'ouvrier civil.  Il travaillait à l'époque dans les établissements situés à Chateauguay et à Valleyfield.  Ce dernier établissement constituait son quartier général.  Il relevait de l'unité administrative DPAS i.e. Division principale approvisionnement et services.  Son supérieur était M. Yves Brisson.  Son horaire de travail était du mardi au vendredi, de 7h00 à 17h00.

[5]            En 2003, une équipe appartenant au groupe Trans-énergie a dû déménager dans les locaux de l'établissement situé à Valleyfield.  Pour ce faire, des travaux de réaménagement du bâtiment furent exécutés. 

[6]            Parmi les travaux requis, la superficie totale occupée par le magasin fut grandement réduite afin de dégager de l'espace et celui-ci dut, en conséquence, être complètement réaménagé.  Les travaux en question ont notamment consisté à bâtir de nouveaux murs, à défaire et déplacer les tablettes de rangements ce qui, implicitement, demandait l'enlèvement et le replacement du matériel qui y était entreposé. 

[7]            Le plaignant témoigne qu'il a toujours fait les travaux demandant de la manipulation dans les bâtiments où il a été appelé à travailler.

[8]            Selon lui, le groupe équipement avait convenu d'une entente avec le chef du magasin à l'effet que ces travaux devaient être réalisés à l'extérieur des heures normales de travail par des commis magasin.  L'horaire de travail de ces personnes étaient de 8h00 à 16h00.  Le ou vers le 15 juin 2003, les deux commis magasin ont commencé à démanteler les étagères et à les replacer. 

[9]            Le 20 juin, le plaignant contactait son supérieur, M. Brisson afin de lui demander pourquoi il n'était pas impliqué dans la réalisation de ces travaux alors qu'habituellement il l'était toujours.  Selon lui, son supérieur lui a répondu que c'était parce qu'il avait déjà suffisamment de travail à accomplir dans les bâtiments de Valleyfield et de Châteauguay.  M. Rochon lui a alors fait valoir que ce travail était exécuté en temps supplémentaire et qu'il était donc capable de faire ce travail.  Malgré cette représentation, le travail a été exécuté par M. Jean-Pierre Richer et par M. Robert Gauthier.  Ces deux personnes sont des salariés couverts par une autre unité d'accréditation que la sienne, soit de la section 2000 regroupant les employés de techniques professionnelles et de bureau d'Hydro-Québec.

[10]         Au total, les travaux en question ont duré un mois.

[11]         M. Richer et Gauthier ont témoigné qu'ils étaient tous les deux commis au guichet en 2003 à l'établissement situé à Valleyfield.  À ce titre, ils travaillaient au magasin.  Leur supérieur était M. Cadieux.  Leurs tâches avaient trait à tout ce qui concernait l'approvisionnement, la réception et l'expédition de la marchandise, le rangement de la marchandise dans les tablettes, le service au comptoir.

[12]         M. Richer dépose ses feuilles de présence pour les périodes 14 et 15 i.e.  du 16 juin au 13 juillet 2003.  Ces feuilles font voir que ce dernier a effectué du temps supplémentaire durant ces deux périodes pour l'emménagement du magasin.  Il explique qu'il a dû enlever le matériel des tablettes, enlever les sections, déplacer et  réaménager les tablettes, replacer le matériel.  Ces travaux ont requis l'usage d'une échelle et d'un chariot élévateur.  De plus, les tablettes ont dû être défaites à l'aide d'une masse.  Ce travail a été effectué avec son collègue, M. Gauthier.

[13]         Selon M. Richer, il appartient aux commis de décider de l'aménagement du matériel dans le magasin.  La seule fois où on leur a demandé de déplacer des tablettes est lors de ce réaménagement en 2003.  Présentement, si une tablette nécessite d'être déplacée, le travail est confié à un mécanicien.  Toutefois, le travail d'enlèvement du matériel préalablement au déplacement de la tablette et de replacement de celui-ci est réalisé par les commis.  Selon M. Gauthier, le déplacement des tablettes ne fait pas partie de ses tâches habituelles.

[14]         Le plaignant allègue qu'il a aussi fallu déplacer les casiers des monteurs.  Ce travail aurait été fait par M. André Leblanc qui agissait alors à titre de préposé à l'outillage le vendredi et le samedi en temps supplémentaire.  Ce dernier est couvert par la présente unité d'accréditation.  M. Rochon mentionne que le rapport quotidien de présence de Leblanc ferait voir que ce dernier a effectué du temps supplémentaire pour le déplacement de casiers.  Il admet ne pas avoir vu M. Leblanc faire le travail en question n'étant pas au travail la fin de semaine.

[15]         Les rapports en question ont été déposés en preuve et indiquent plutôt «déménagement matériel dans le garage pour la construction» pour le temps supplémentaire réalisé le 21 juin 2003 et «emménagement garage pour la construction» pour le temps supplémentaire du 26 juin 2003.  M. Leblanc n'a pas été entendu comme témoin.

[16]         En juin et juillet 2003, aucune offre de travail en temps supplémentaire n'a été présentée au plaignant.  Deux mois plus tard, en septembre 2003, il a été appelé à effectuer des travaux de semblable nature (i.e. le déplacement d'étagères) le samedi en temps supplémentaire.  Ce travail lui a été assigné par son supérieur, M. Brisson.  Depuis, il lui est arrivé d'effectuer d'autres travaux consistant à déplacer des équipements en temps supplémentaire. 

[17]         M. Rochon explique qu'en tant qu'ouvrier civil, il faisait un peu de tout.  Il effectuait des travaux de planification des travaux, des déménagements, etc.  Il explique qu'il connaît les bâtisses dont il a la charge comme le fond de sa poche.

[18]         La description d'emploi de l'ouvrier civil se lit comme suit:

NATURE DU TRAVAIL

·          Exécute tout travail d'entretien, de réparation et de modification de nature civile, tel que: bétonnage, maçonnerie, menuiserie, couverture de bâtiment, soudure, ferblanterie, plomberie, peinture, gréage et mécanique du bâtiment requis aux édifices, structures, terrains, routes, centrales, postes et barrages.

·          Lors du comblement d'un poste vacant, l'employé doit être capable d'exercer au départ par son expérience et ses connaissances déjà acquises et conformément à la législation (certificats, qualifications) un des métiers ci-dessus exigé; par la suite, se familiarise et exerce à divers degrés les autres métiers mentionnés.

·          Assiste son chef d'équipe dans les responsabilités qui lui sont dévolues.

LES RESPONSABILITÉS ET TÂCHES TYPES SONT RÉALISÉES DE CONCERT AVEC LE SUPÉRIEUR ET LES INTERVENANTS DU MILIEU ET SONT RÉALISÉES DE MANIÈRE À AMÉLIORER LA BONNE MARCHE DES OPÉRATIONS.

TÂCHES TYPES

1.     Remplace le chef d'équipe lorsque requis.

2.     Assiste le chef d'équipe aux différentes étapes de la planification de l'organisation des travaux.

3.     Collabore pour que tous les matériaux et les outils nécessaires aux travaux soient acheminés sur les lieux de travail à pied d'œuvre.

4.     Collabore au suivi du programme d'entretien de l'outillage et de l'équipement.

5.     Informe le chef d'équipe sur l'évolution de travaux en fonction des étapes de réalisation, des problèmes reliés à l'exécution des travaux, des anomalies rencontrées et y apporte les correctifs, s'il y a lieu.

6.     Exécute l'ensemble de ses tâches, en respectant les délais et selon les résultats attendus (qualité du travail).

7.     Soumet, à son chef d'équipe, toute amélioration au processus de travail dans le but d'optimiser le travail.

8.     Assiste le chef d'équipe au niveau de la fiche de sécurité.  Respecte et applique les méthodes de travail et règles de sécurité convenues lors de laïus.

9.     Utilise et remplit toute la documentation nécessaire au suivi des travaux selon les règles en vigueur en utilisant les systèmes informatiques appropriés: mise à jour des plans, bons de travail, feuilles de temps, etc.

10.   Rédige des rapports d'inspection des véhicules, trousses de premiers soins, etc.

11.   Participe à l'entraînement des membres de l'équipe et informe son chef d'équipe des besoins de formation nécessaires en fonction des travaux à réaliser.

12.   Partage ses connaissances avec les autres membres de l'équipe.

13.   Entretient, répare et modifie les bâtiments et structures en y effectuant des travaux de bétonnage, maçonnerie, menuiserie, ferblanterie et gréage.

14.   Effectue tout genre de soudures électriques et oxyacéthylèniques reliées aux ouvrages de génie civil.

15.   Entretient, répare et modifie la tuyauterie des systèmes d'alimentation en eau et d'égouts ainsi que la tuyauterie d'alimentation en eau des systèmes d'extinction d'incendie reliés aux bâtiments.

16.   Entretient, répare et modifie selon les plans et devis et les manuels techniques, l'équipement mécanique des bâtiments.

17.   Entretient, répare, modifie et installe, selon les données de plans ou croquis, les bases en béton et les structures propres à recevoir l'équipement.

18.   Érige, modifie et démonte les échafaudages et les structures métalliques requis pour l'entretien des ouvrages de génie civil et des propriétés ainsi que l'exploitation de l'appareillage.

19.   Effectue les travaux de décapage et de peinture aux équipements et aux bâtiments.

20.   Aménage les espaces administratifs selon les données de plans, devis et croquis; manutentionne l'ameublement et, au besoin, en effectue la réparation.

21.   Entretient, répare, modifie les ponts, routes, aéroports, etc., et les infrastructures des postes et centrales.

22.   Opère les appareils de levage pour effectuer le déplacement de pièces lourdes relié à son travail.

23.   Entretient, répare, modifie, installe et fabrique des estacades en utilisant l'équipement approprié.

24.   Peut surveiller et aider à la formation des couverts de glace avec l'aide d'équipements spécialisés appropriés.

25.   Obtient au besoin les autorisations de travail, selon les règles de sécurité.

26.   Effectue au besoin l'entretien et la réparation d'outillage.

27.   Manutentionne et transporte des matériaux et des équipements.

28.   Conduit un véhicule et opère de la machinerie lourde.

29.   Peut accomplir les tâches d'emplois de classe inférieure lorsque requis.

30.   Peut donner des premiers soins et la respirations artificielle; prend les mesures prévues en cas d'incendie en utilisant l'équipement requis.

Note: dans les tâches ci-haut énumérées ou dans la nature, s'il n'y a pas de chef d'équipe dans l'emploi, l'expression "chef d'équipe" est remplacée par supérieur immédiat lorsque cela s'applique .

Les tâches mentionnées reflètent les éléments caractéristiques de l'emploi identifié et ne doivent pas être considérées comme une énumération exhaustive de toutes les tâches reliées à l'emploi .

[19]         Le plaignant affirme que le travail revendiqué fait partie intégrante de son emploi i.e. découle du point 18. 

[20]         M. Brisson explique qu'il occupait à l'époque du litige le poste de chef exploitation immobilier à Saint-Bruno (ci-après l'exploitant).  À ce titre, il était responsable de cinq à six bâtiments dont notamment l'édifice situé à Valleyfield.  Il était le supérieur hiérarchique du plaignant.

[21]         Selon M. Brisson, le travail d'un ouvrier civil, dépendait du territoire à couvrir et des compétences des ouvriers sur place.  Dans le cas de Châteauguay et de Valleyfield, l'ouvrier civil devait couvrir deux bâtiments.  En général, il devait faire l'accompagnement des entrepreneurs qui venaient faire des travaux dans ces bâtiments.  Selon l'envergure des travaux, il pouvait être appelé à réaliser des tâches spécialisées.  Le plaignant pouvait ainsi être appelé à faire des travaux mineurs en plus de faire de l'accompagnement des entrepreneurs.  Il devait alors s'assurer de la qualité des travaux réalisés et que les services facturés étaient bel et bien accomplis.  Beaucoup de travaux étaient confiés à l'externe.  L'ouvrier civil  secondait le mécanicien en climatisation notamment pour changer les courroies et les filtres du système.  L'ouvrier civil pouvait être appelé à travailler en dehors de son horaire de travail entre autre pour sécuriser les biens en cas de bris ou lors d'urgences.  M. Brisson estime que sa charge de travail était lourde. 

[22]         En général, M. Brisson confiait des travaux à l'externe lorsque la charge de l'ouvrier civil était lourde.  Il explique qu'il ne pouvait pas laisser à l'ouvrier civil la charge de réaliser des travaux d'envergure alors que ce dernier devait aussi s'occuper des urgences.  Cela aurait nécessité un délai dans les travaux alors qu'un entrepreneur externe pouvait, lui, finir les travaux selon le temps requis.

[23]         Dans d'autres territoires, il était possible de confier plus de travaux à l'ouvrier civil.  Ainsi, à Saint-Bruno, l'ouvrier pouvait effectuer des travaux de soudure ou effectuer des réparations d'aspect mécaniques. 

[24]         À cette époque, le centre de services partagés (ci-après le «CSP») venait d'être créé.  Cette entité résultait de la fusion de deux services dont le DPAS.  Le CSP regroupait les activités de support aux unités d'affaires énergie et transport.  Cela comprenait notamment la gestion des immeubles, l'acquisition de matériel, les activités informatiques. 

[25]         La direction immobilière devait à l'époque assurer l'entretien des bâtiments et le maintien des actifs.  L'acquisition d'immeuble relevait d'une autre direction. 

[26]         Une équipe de Projets s'occupaient des travaux de modifications de grande envergure.  Cette division relevait de la même direction que celle employant M. Brisson mais il s'agissait néanmoins d'une unité distincte. 

[27]         C'est cette équipe de Projets qui a été mandatée pour effectuer la gestion des travaux requis dans l'édifice de Valleyfield en 2003, soit les travaux en litige.  Le chef  de cette équipe était M. Sylvain Lamoureux.  Le technicien qui s'occupait plus particulièrement des travaux était M. Luc Choinière.  Cette équipe pouvait aller en appel d'offres, faire les plans et devis, obtenir les propositions des entrepreneurs, faire réaliser les travaux et en assurer la qualité.  La réalisation des travaux a été confiée au groupe Équipement.  C'est ce groupe qui a engagé des entrepreneurs selon les besoins.

[28]         Les travaux à Valleyfield consistaient à agrandir le bâtiment et à repositionner des locaux afin d'accueillir les activités de l'équipe de Trans-énergie.

[29]         M. Brisson explique qu'il n'était pas le maître d'œuvre de ces travaux.  Le tout relevait de l'équipe des Projets de A à Z.  Il  admet qu'il a pu arriver, dans certains cas spécifiques, que son équipe ait été appelée à travailler en collaboration avec l'équipe des Projets.  Par exemple, il a pu arriver que son équipe ait à fermer le système de ventilation afin de permettre la réalisation de certains travaux mais cela se limitait à cela.

[30]         M. Brisson se rappelle vaguement que M. Rochon soit allé le rencontrer au sujet des travaux de déplacement de matériel et d'étagères.  Ce dernier voulait intervenir dans ces travaux.  Selon M. Brisson, ces travaux étaient alors commencés et étaient réalisés par les magasiniers aidés d'un ou deux monteurs.  Comme le projet ne relevait pas de son unité, il n'avait pas de services à rendre dans le projet. Il y avait une séparation fonctionnelle entre son équipe (exploitant) et l'équipe mandatée pour réaliser les travaux. 

[31]         M. Brisson témoigne avoir refusé la demande du plaignant car ce dernier avait une charge de travail importante et qu'il n'était pas prévu que l'équipe consacre du temps dans ce projet.  Selon lui, lorsque l'exploitant se réserve des travaux dans un projet d'envergure, ceux-ci sont spécifiquement identifiés dans l'avant-projet.  Dans un tel cas, l'exploitant doit alors déterminer l'ampleur des travaux qu'il réalisera dans le projet et si ceux-ci seront effectués à l'interne ou à l'externe selon les spécialités requises.  Lorsqu'aucune tâche n'est identifiée à cette étape, cela signifie que tous les travaux seront réalisés par l'équipe Projet et par ses sous-traitants.  Or, dans le cadre des travaux réalisés à Valleyfield, l'exploitant ne s'est réservé aucun travail.  Aucun travail n'a d'ailleurs été confié à un des employés de M. Brisson. 

[32]         M. Brisson ne sait pas vraiment qui a confié le travail de réaménagement du magasin aux commis au guichet.  Il pense que cela résulte d'une demande de M. Choinière auprès de M. Cadieux, chef guichet unique 

[33]         M. Brisson témoigne n'être pas d'accord avec le plaignant pour dire que le déménagement d'étagères fait partie de ses tâches.  Selon lui, la tâche numéro 18 ne vise pas les étagères mais plutôt les échafaudages et les structures métalliques de génie civil ce qui est totalement différent. 

[34]         Selon ce dernier, le travail consistant à défaire une étagère prend peu de temps pour quelqu'un expérimenté en cette matière.  Le travail consistant à déplacer le matériel dans les étagères relève des responsabilités des commis du magasin.  Ce sont ces derniers qui en sont responsables et qui doivent respecter les systèmes de classement pour déplacer  et enregistrer le matériel et l'emplacement exact de celui-ci. 

[35]         M. Brisson se rappelle vaguement que des travaux d'une nature semblable aient été confiés au plaignant en septembre 2003.  Selon lui, il s'agissait de créer une zone libre service pour le matériel.  Les travaux à faire était d'une ampleur beaucoup moins importante que les travaux réalisés à Valleyfield en juin 2013.  Une partie de ces travaux avaient été confiés à des entrepreneurs externes.  S'il a accepté que M. Rochon effectue ces travaux, c'est que des travaux avaient sûrement été réservés à son équipe dans l'avant-projet et que cette question avait fait l'objet de discussions.  Ces travaux n'étaient pas sous la responsabilité du groupe Équipement mais uniquement de l'équipe Projet.

[36]         M. Brisson reconnaît que le plaignant avait la capacité d'aider les gens du magasin à faire les travaux.  Il ne sait pas pourquoi l'équipe des projets n'a pas fait appel aux services de ses employés pour réaliser ce travail. 

ARGUMENTATION

Plaidoirie du Syndicat

[37]         Selon le syndicat, en juillet 2003, l'employeur a fait faire du travail relevant de l'employé civil couvert par la section locale 1500 par des commis guichet lesquels relèvent plutôt de l'unité d'accréditation 2000.  Ces derniers ont effectué le travail de déménagement et d'emménagement des tablettes en temps supplémentaire de soir et de fin de semaine.  De plus, le préposé à l'outillage aurait aussi fait des travaux de déménagement de matériel en temps supplémentaire.

[38]         Le plaignant est le seul ouvrier civil assigné à Valleyfield.  Les travaux en litige sont englobés dans la nature du travail de l'ouvrier civil alors qu'ils ne le sont nullement dans la description d'emploi des commis au guichet.  Le syndicat estime que M. Rochon aurait donc dû faire le travail réclamé et il revendique que le temps supplémentaire ayant été requis lui soit octroyé.  Selon le syndicat les quatre conditions énoncées à la clause 24.01 sont rencontrées et s'appliquent en l'espèce.  Il estime que l'employeur n'a pris aucun moyen raisonnable pour que le temps supplémentaire soit attribué de façon la plus équitable possible à l'ouvrier civil.  De plus, il n'a pas démontré qu'il existait un écart entre des salariés d'un même emploi et qui aurait pu justifier qu'il écarte le plaignant.  Les agissements de l'employeur ont pour effet de vider de sens la clause 24.01 de la convention collective.  L'employeur a commis une faute et doit donc compenser le plaignant.  Le syndicat demande donc à l'arbitre de faire droit au grief.

[39]         Le syndicat estime que l'interprétation patronale de la convention collective dénature complètement les termes et la portée de la convention.  Cela équivaut à dire que n'importe qui peut faire n'importe quoi sans que les métiers ne soient respectés.. Cela peut même mettre la santé et la sécurité  des employés en péril. 

Plaidoirie de l’Employeur

[40]         L'employeur estime que la clause de la convention collective applicable en l'espèce est 7.02 et non 24.01.  La clause 7.02 interdit aux personnes exclues de l'unité de remplir les emplois régis par la convention collective.  Le terme «emplois» est important car il ne réfère pas à une tâche spécifique.  Cette clause ne crée pas d'exclusivité de tâches.  En d'autres termes, la clause telle que libellée n'interdit pas à l'employeur de faire exécuter certaines tâches appartenant à des gens de l'unité d'accréditation par des personnes exclues de l'unité.  L'employeur estime donc qu'il était en droit d'agir comme il l'a fait et ce d'autant plus, que la tâche revendiquée n'est pas incluse dans la description de tâches de l'ouvrier civil.

[41]         L'article 24.01 s'applique entre les salariés d'un même emploi.  Or, cela ne pouvait aucunement s'appliquer en l'espèce car il ne s'agit même pas d'emplois de la même unité de négociation.  Cette disposition n'oblige pas l'employeur à octroyer du temps supplémentaire à un titre d'emploi en particulier mais plutôt de s'assurer que le temps supplémentaire est accordé de façon équitable entre les salariés d'un même emploi.

[42]         Par ailleurs, la preuve a démontré que les travaux de construction ne relevaient pas de l'entretien des bâtiments mais de l'équipe Projet.  M. Brisson n'avait donc pas à demander à son personnel de faire le travail en question puisque celui-ci ne relevait pas de sa responsabilité.  L'employeur souligne que les seules tâches que le plaignant pourrait à la rigueur revendiquer sont celles consistant à défaire et refaire les tablettes car tout ce qui concerne le matériel relève clairement du travail des commis au guichet.  Il estime par ailleurs que le syndicat n'a pas fait la preuve du travail réellement effectué par M. Leblanc.  Sa seule preuve repose sur du ouï-dire et ne permet pas de savoir quelle tâche précise a été faite.

[43]         L'employeur demande le rejet du grief.

DÉCISION ET MOTIFS

[44]         Je suis donc saisie d'une réclamation par laquelle le syndicat demande à ce que le temps supplémentaire réalisé en juin et juillet 2003 soit octroyé à l'ouvrier civil, M. Rochon. 

[45]         La preuve révèle qu'à cette époque, des travaux de réaménagement importants ont eu lieu dans la bâtisse située à Valleyfield.  Plus spécifiquement, ce sont les travaux qui avaient trait au réaménagement du magasin qui sont présentement en cause.  Ces travaux ont essentiellement consisté à l'enlèvement et au déplacement de tablettes et d'étagères dans le magasin, ce qui comprenait évidemment le déplacement et le replacement du matériel qui y était contenu.  Ces travaux ont été réalisés par deux commis au guichet.  Ces derniers ne sont pas des salariés couverts par la présente unité d'accréditation.  Par conséquent, ils ne peuvent pas être assimilés à des salariés d'un même emploi que le plaignant.

[46]         Il a été mis en preuve que les travaux en litige ont été gérés et exécutés par des unités de travail différentes de celle à laquelle le plaignant et son supérieur appartenaient.  Le supérieur immédiat du plaignant n'a rien eu à voir dans l'octroi de ce temps supplémentaire et il a expliqué qu'aucun ouvrage n'avait été réservé à son unité dans le cadre de ces travaux.  En d'autres termes, jamais le supérieur du plaignant n'a autorisé du temps supplémentaire et il n'avait en fait aucune autorité en cette matière puisque les travaux ne relevaient pas de lui. 

[47]         Selon la prétention syndicale, des travaux auraient aussi été accomplis par M. André Leblanc qui est, lui, un salarié couvert par la présente unité d'accréditation.  Ce dernier n'a pas été entendu et la nature exacte des travaux qu'il a faits n'a pas été prouvée.  En effet, bien que le plaignant ait affirmé qu'il s'est agi du déplacement des casiers des monteurs, il a dû admettre qu'il n'avait pas une connaissance personnelle de ces travaux.  Ceux-ci ont été effectués alors qu'il n'était pas au travail.  Qui plus est, les feuilles de temps déposées en preuve ne comportent aucune précision à cet égard.  Il m'est donc impossible de statuer si ce travail aurait dû être confié au plaignant.

[48]         Le syndicat prétend que sa réclamation s'appuie sur l'article 24.01 de la convention collective se lisant comme suit:

 

24.01 La Direction s'efforce de distribuer le travail supplémentaire parmi les employés d'un même emploi de la façon la plus équitable possible, compte tenu des qualifications requises et du lieu de l'exécution du travail. Un employé ne peut être exempté du travail supplémentaire qui lui est assigné qu'à la condition qu'un autre employé qualifié et disponible dans le groupe consente à effectuer ce travail sans qu'il en résulte des inconvénients pour la marche efficace des travaux de la Direction.

 

[49]         Avec égard, j'estime que cette disposition ne peut servir de base pour la présente réclamation et ce pour les motifs qui suivent.

[50]         Premièrement, il est reconnu qu'à moins d'une disposition à l'effet contraire dans la convention collective, l'employeur dispose, en vertu de ses droits de direction, du pouvoir d'administrer ses affaires et de diriger ses opérations.  C'est ainsi qu'il peut décider de faire faire des travaux en temps supplémentaire ou en modifiant l'organisation du travail ou de toute autre façon lui permettant d'atteindre le but qu'il recherche aux fins d'opérer son entreprise. 

[51]         Dans la présente convention, les droits de direction sont spécifiés à la clause 6.01 se lisant comme suit:

 

6.01 La Direction a et conserve tous les droits et privilèges lui permettant d'administrer et de diriger efficacement le cours de ses opérations présentes et à venir. Les seules considérations qui limitent ces droits sont les restrictions apportées par les termes de la présente convention.

 

[52]         Cela étant dit, l'exercice de ce droit n'est pas absolu et doit se faire de façon compatible avec les dispositions de la convention collective.  L'employeur doit impérativement respecter les limites librement négociées par les parties en plus d'agir de façon raisonnable, sans abus ni discrimination.  Il s'agit donc d'un droit dit résiduaire c'est-à-dire qu'il ne s'applique que s'il n'a pas été limité de quelque façon par les termes de la convention collective ou encore par la Loi. 

[53]         Il faut donc se demander si l'article 24.01 de la convention collective constitue une telle limite et, dans l'affirmative, quelle en est sa portée.

[54]         Il m'apparaît évident que cette disposition constitue une certaine limite au droit de direction de l'employeur puisque ce dernier a souscrit à un engagement à octroyer le temps supplémentaire de façon équitable.  En cette matière, il ne peut pas agir selon son seul gré mais il doit respecter cet engagement.

[55]         Toutefois, à mon avis, cette obligation ne va pas jusqu'à forcer l'employeur à offrir du travail en temps supplémentaire [1] et encore moins jusqu'à lui imposer de l'offrir à une catégorie d'employés en particulier i.e. aux détenteurs du poste dont la ou les tâches sont effectuées en temps supplémentaire. 

[56]         Plusieurs raisons m'incitent à conclure de la sorte.  Tout d'abord, je remarque que cette disposition se situe dans le chapitre de la convention collective intitulé «rémunération de surtemps».  Dès le départ, il nous faut constater que ce chapitre ne semble pas, du moins compte tenu de son titre, viser à imposer à l'employeur un mécanisme particulier d'attribution du temps supplémentaire.  À première vue, un tel titre incite plutôt à croire que l'on vise à établir les modalités de paiement, dès lors que du temps supplémentaire est demandé.

[57]         La lecture des clauses 24.02 à 24.04 permet de voir que celles-ci constituent bel et bien des modalités de paiement du temps supplémentaire ou des modalités de compensation en congés. 

[58]         La clause 24.01 est d'une facture un peu différente.  Celle-ci traite plutôt de la distribution du temps supplémentaire.  On y prévoit ainsi, que le temps supplémentaire doit être distribué de la façon la plus équitable possible entre les employés d'un même emploi compte tenu des qualifications requises et du lieu de l'exécution du travail.

[59]         Cette distribution ne peut toutefois avoir lieu qu'une fois la décision de confier du travail en temps supplémentaire a été prise par l'employeur.  En d'autres termes, lorsque l'employeur décide de confier du travail en temps supplémentaire, il doit alors s'assurer de le distribuer équitablement parmi les salariés d'un même emploi.  Son droit de direction est donc limité en ce qu'il ne peut pas favoriser un employé au détriment d'un autre.  Il doit agir équitablement.  Telle est la nature de l'obligation souscrite.  À mon avis, cette obligation ne doit donc pas être confondue avec l'attribution du temps supplémentaire laquelle relève strictement des droits de direction de l'employeur.  Toutefois, l'obligation contenue à l'article 24.01 s'applique une fois que le temps supplémentaire a été attribué.

[60]         Je tiens immédiatement à préciser que je ne partage pas l'opinion de l'arbitre Germain Jutras lorsqu'il affirme qu'il faut d'abord permettre que le temps supplémentaire relevant d'un emploi soit confié à un titulaire de cet emploi et non pas à d'autres afin de rencontrer l'objectif de répartition équitable [2] .  Cela m'apparaît ajouter au texte une obligation qui ne s'y retrouve pas.  Or, il est un principe généralement reconnu comme quoi un arbitre ne peut ajouter au texte des obligations non convenues par les parties. 

[61]         De plus, comme nous le verrons ultérieurement, la convention collective octroie à l'employeur une grande flexibilité opérationnelle en ne comportant aucune clause protégeant les tâches ou reconnaissant un droit de propriété exclusif à l'égard des tâches qui composent les emplois.  Ainsi, si l'employeur ne peut pas confier un emploi couvert par l'unité de négociation à une personne exclue de celle-ci, rien ne lui interdit de confier une tâche faisant partie d'un emploi à une personne exclue de l'unité.  Or, il serait à tout le moins surprenant que cette liberté soit anéantie à l'occasion du travail en temps supplémentaire mais existerait lors du travail régulier.  Il me semble que pour en arriver à un tel résultat, il faudrait une clause claire à cet effet.  Or, j'estime que ce n'est pas le cas de l'article 24.01.

[62]         Je préfère nettement l'approche retenue par l'arbitre Viateur Larouche.  Ce dernier était saisie en 1982 d'une question de nature semblable à la présente affaire i.e. qu'il devait décider si le temps supplémentaire effectué par des techniciens aurait dû être exécuté par des monteurs et si l'employeur était alors tenu de distribuer ce travail de façon équitable [3] .  Après avoir fait une revue des décisions arbitrales antérieures, remontant même jusqu'en 1965, il concluait de la façon suivante (p. 12):

 

«Dans cette perspective, le soussigné en vient à la conclusion que l'article 24.01 de la convention collective oblige l'employeur, lorsqu'il a du travail a (sic) effectuer en temps supplémentaire à ce (sic) répartir équitablement entre les employés d'un même emploi.  Elle ne l'oblige pas, par contre, à allouer ce travail seulement aux salariés de la classification qui effectuent normalement ce genre de travail

(Soulignés ajoutés)

 

[63]         J'ai aussi lu avec attention les autres décisions que le syndicat a porté à mon attention.  Plusieurs d'entre elles contestent le caractère équitable de la distribution du temps supplémentaire entre des salariés d'un même emploi [4] .  Elles définissent comment doit s'interpréter la clause 24.01, l'intensité de l'engagement souscrit par l'employeur ainsi que la façon de réparer une faute commise dans l'octroi du temps supplémentaire, etc.  Elles n'établissent toutefois pas que cet engagement oblige l'employeur à attribuer le temps supplémentaire à une catégorie d'employés et se distinguent donc de la présente affaire. 

[64]         Je tiens à préciser que, même si la clause 24.01 avait bien eu la portée que le syndicat voulait lui conférer, ce avec quoi je ne suis pas d'accord, elle ne s'appliquerait pas au cas d'espèce.  En effet, il a été démontré que le travail contesté relevait d'une autre unité que celle à laquelle le plaignant appartenait.  Son supérieur n'avait pas le pouvoir d'autoriser le temps supplémentaire en question.  Les travaux ont été faits par des employés d'un autre groupe d'emploi.  L'obligation de traitement équitable ne saurait s'appliquer dans de telles circonstances.

[65]         Pour donner raison au syndicat, encore faudrait-il, à mon avis, qu'une ou plusieurs clauses de la convention spécifient à qui le travail en temps supplémentaire devrait être confié.  En d'autres termes, retrouve-t-on ailleurs dans la présente convention collective une ou des clauses imposant à l'employeur de faire effectuer ce travail en surtemps par les salariés qui font normalement le travail concerné?  Existe-t-il une clause consacrant la propriété des tâches aux salariés d'une classification en particulier?  Malheureusement pour le syndicat, il faut répondre par la négative à ces questions.

[66]         Seule la clause 7.02 de la convention collective vient en quelque sorte baliser les droits de l'employeur en la matière.  Cette clause est ainsi libellée:

 

7.02 Les personnes exclues de l'unité de négociation ne rempliront pas normalement les emplois régis par la présente convention.

 

[67]         Cette clause existe depuis de très nombreuses années et a été interprétée par plusieurs arbitres au fil des années.  Malgré ces nombreuses décisions, les parties n'ont jamais changé le texte de cette disposition.

[68]         Le 21 mars 1989, l'arbitre François Hamelin était appelé à interpréter la même clause dans un contexte différent soit après que l'employeur eut décidé de confier une tâche des commis magasin à des personnes exclues de l'unité de négociation.  Je me permets d'en citer un long extrait:

 

« Une première considération a trait au sujet concerné par le paragraphe  7.02 ; ce sont «les personnes exclues de l’unité de négociation», c’est- à-dire les cadres non syndiqués de même que les salariés qui ne sont  pas membres de la présente unité de négociation. C’est à ces  personnes que s’adresse l’interdiction contenue en ce paragraphe.

Une seconde considération a trait à l’objet de l’interdiction. L’interdiction vise les emplois régis par la convention et non les tâches comprises dans ces emplois. Il s’agit ici d’une distinction capitale. Un emploi est généralement constitué d’un ensemble finalisé et organisé de tâches alors qu’une tâche réfère plutôt à un travail spécifique ou à une prestation déterminée. Les descriptions et titres d’emploi en usage chez les parties le démontrent d’ailleurs éloquemment. L’emploi c’est le tout alors que les tâches ce sont les parties.

L’interdiction qui est faite aux personnes exclues de l’unité ce n’est pas de remplir des tâches mais bien de remplir des emplois. C’est-à-dire l’ensemble regroupé et finalisé de tâches qui constituent cet emploi.

En l’espèce, la directive du 5 juin 1986 n’a pas demandé aux chefs de service requérants d’accomplir un emploi de commis magasin mais bien une des tâches de cet emploi et l’une de ses tâches accessoires, quoique cela ne change rien au problème. Cela n’est pas interdit par le paragraphe 7.02 car celui-ci ne concerne que les emplois et non l’une ou l’autre des tâches qui le composent.

Une troisième considération a trait à l’intensité de l’interdiction; ce qui est interdit par le paragraphe 7.02 n’est pas absolu. Les personnes exclues de l’unité de négociation ne peuvent remplir normalement les emplois régis par la présente convention. Autrement dit, ils ne peuvent le faire d’une manière régulière, normale et habituelle. A contrario, on doit alors tirer la conséquence suivante : en situation anormale, inhabituelle ou irrégulière causée par l’urgence, l’exception, le cas fortuit, etc…, les personnes exclues peuvent remplir les emplois régis par la présente convention.

Bref, l’interdiction prévue au paragraphe 7.02 qui est adressée aux personnes exclues de l’unité de négociation est à l’effet de ne pas remplir normalement les emplois régis par la convention. Il n’y a ici rien d’étanche ni d’absolu mais beaucoup de flexibilité. Par ce texte, les parties ont implicitement reconnu que les personnes exclues de l’unité de négociation pouvaient, soit remplir exceptionnellement un emploi régi par la présente convention, soit remplir normalement l’une ou l’autre tâche d’un emploi.» [5]

 

[69]         Ce dernier conclut donc qu'une personne exclue de l'unité peut remplir normalement une tâche d'un emploi couvert par l'unité de négociation et même, de façon exceptionnelle, l'emploi lui-même.

[70]         Le même raisonnement a été appliqué par l'arbitre Marcel Morin le 23 janvier 2003 [6] .  Dans cette dernière affaire, les salariés contestaient qu'une de leurs tâches aient été confiées à des employés non-syndiqués.  De plus, ils se plaignaient qu'il serait impossible à l'employeur de répartir équitablement le temps supplémentaire puisque l'employeur avait transféré une partie de leur travail à du personnel non-syndiqué.  S'appuyant sur la décision de l'arbitre Hamelin ci-haut citée, l'arbitre Morin a estimé que les tâches ne bénéficiaient d'aucune clause d'exclusivité.  La tâche en litige ne représentait pas la substance de l'emploi d'électricien d'appareillage et, par conséquent, l'arbitre a tranché que l'on ne pouvait pas prétendre que l'emploi d'électricien d'appareillage était rempli par une personne exclue de l'unité de négociation.  L'arbitre rejetait également l'argument fondé sur la clause 24.01.  Il estimait cette disposition inapplicable car il faut être à l'intérieur d'un même emploi.  Il ajoutait de plus que (p. 14):

 

«De toute façon, vu la conclusion à laquelle le soussigné est arrivé sur l’argument principal fondé sur la clause 7.02, l’argument supplétif fondé sur la clause 24.01 n’aurait pu être considérée qu’en autant que la réponse soit différente à la première question.»

 

[71]         Ainsi, il estimait qu'il aurait fallu que la tâche en litige bénéficie d'une protection d'exclusivité pour que l'on puisse considérer l'application de la clause 24.01.

[72]         En l'espèce, il est loin d'être évident que la tâche de défaire et replacer les tablettes et les étagères constituait une tâche propre à l'ouvrier civil, se rattachant à l'article 18 de la description de fonction.  Cette clause porte sur les échafaudages et les structures métalliques requises pour l'entretien des ouvrages de génie civil, des propriétés ainsi que l'exploitation de l'appareillage.  Cependant, il faut rappeler que cette description de tâches n'est pas exhaustive et qu'elle reflète les éléments caractéristiques de celle-ci.  Or, une lecture combinée des items numéros 17 et  20 peut amener à conclure que ce genre de travail peut constituer une tâche de l'ouvrier civil.

[73]         Toutefois, il ne s'agit là que d'une tâche parmi d'autres composant l'emploi d'ouvrier civil.  La preuve a démontré que M. Rochon pouvait en effet être appelé à effectuer une grande variété de tâches tel qu'il en a lui-même témoigné et tel qu'il ressort de sa description d'emploi.  Une tâche n'est pas un emploi.  Elle ne bénéficie pas de la  protection de l'article 7.02 comme il l'a été décidé dans  la jurisprudence ci-haut mentionnée et avec laquelle la soussignée est entièrement d'accord. 

[74]         De plus, les personnes ayant été appelées à faire le travail en question n'effectuaient pas ce travail de façon normale, régulière ou habituelle.  Il s'agissait de travaux effectués à l'occasion d'un évènement spécifique, soit le réaménagement du magasin.

[75]         Partant, l'employeur ne contrevenait pas à la clause 7.02 en confiant le travail en litige à des personnes exclues de l'unité d'accréditation.

[76]         En somme j'en viens à la conclusion que ni la clause 24.01, ni la clause 7.02 n'ont été violées par l'employeur.


 

DISPOSITIF

[77]         Pour tous ces motifs, le tribunal rend la décision suivante:

REJETTE le grief

 

 

 

________________________________ __

Me Nathalie Faucher

 

 

 

 

Pour le syndicat :

Mme Murielle Masse

 

 

 

Pour l’employeur :

Me France Legault

 

 

 

 

 

Date(s) d’audience :

10 septembre et 1er octobre 2014

 

 

 

 

 

 

 



[1]     Hydro-Québec et Syndicat des employés de métiers d'Hydro-Québec, section locale 1500 (S.C.F.P.-F.T.Q.) , décision de Me Richard Marcheterre du 16 juillet 2005, (no 2005-31 de la numérotation maison).

[2]     Hydro-Québec et Syndicat des employés de métiers d'Hydro-Québec, section locale 1500 (S.C.F.P.-F.T.Q.) , décision de Me Germain Jutras du 7 octobre 1991, (no 91-63 de la numérotation maison).

[3]     Commission hydroélectrique de Québec et Syndicat des employés de métiers de l'Hydro-Québec, section locale 1500 (S.C.F.P.- F.T.Q.) , décision de Me Viateur Larouche du 5 mai 1982.

[4]     V. Hydro-Québec et Syndicat des employé-e-s de métiers d'Hydro-Québec, section locale 1500 (S.C.F.P.-F.T.Q.) , décision de Me François Hamelin du 5 octobre 2005 (no 2005-36 de la numérotation maison); Syndicat des employé-e-s de métiers d'Hydro-Québec, section locale 1500 (S.C.F.P.-F.T.Q.) et Hydro-Québec, décision de Me Diane Sabourin du 1er avril 2004 (no 2004-11 de la numérotation maison); Syndicat des employé-e-s de métiers d'Hydro-Québec, section locale 1500 (S.C.F.P.-F.T.Q.) et Hydro-Québec, décision de Me Denis Tremblay du 21 septembre 2001 (no 2001-24  de la numérotation maison); Syndicat des employé-e-s de métiers d'Hydro-Québec, section locale 1500 (S.C.F.P.-F.T.Q.) et Hydro-Québec, décision de Me Rodrigue Blouin du 9 septembre 1997, (no 97-32 de la numérotation maison).

[5]     Hydro-Québec et Syndicat des employés de bureau d'Hydro-Québec, section locale 2000 (SCFP- F.T.Q.) , décision de Me François Hamelin du 21 mars 1989.

[6]     Syndicat des employés de métiers d'Hydro-Québec, section locale 1500 (SCFP-FTQ) et Hydro-Québec (T.A., 2003-01-23), SOQUIJ AZ-50176127 .