Section des affaires sociales

En matière de services de santé et de services sociaux, d'éducation et de sécurité routière

 

 

Date : 19 novembre 2014

Référence neutre : 2014 QCTAQ 11505

Dossier  : SAS-M-223422-1404

Devant le juge administratif :

MARIE ANNIK GAGNON

 

L… D…

Partie requérante

c.

SOCIÉTÉ DE L'ASSURANCE AUTOMOBILE DU QUÉBEC

Partie intimée

 


DÉCISION


[1]               La requérante conteste une décision datée du 22 mars 2014, rendue par la partie intimée, la Société de l'assurance automobile du Québec (ci-après « SAAQ »), relativement à son permis de conduire qui a été révoqué, suite à une conduite sous l’influence de l’alcool.

[2]               Par cette décision, la SAAQ refuse d’émettre un nouveau permis de conduire à la requérante, au motif qu’elle a reçu de l’Association des centres de réadaptation en dépendance du Québec (ci-après « ACRDQ ») un rapport défavorable à la suite de l’évaluation sommaire à laquelle elle s’est soumise le 17 mars 2014.

[3]               Cette évaluation concerne la compatibilité du comportement de la requérante relativement à la consommation d’alcool ou de drogue avec la conduite sécuritaire d’un véhicule routier.

[4]               Par la même occasion, la SAAQ exige de la requérante qu’elle se soumette à un examen médical et à une évaluation complète auprès d’un centre reconnu par l'ACRDQ, si elle désire obtenir un nouveau permis de conduire.

[5]               À l’audience, le procureur de la SAAQ dépose les documents relatifs à l’évaluation sommaire-ACRDQ [1] et demande au Tribunal d’émettre une ordonnance de non-divulgation, non-publication et non-diffusion desdits documents.

[6]               Compte tenu de la nature confidentielle des documents contenus à la pièce I-1, compte tenu de la nécessité de préserver l’ordre public et dans le but d’assurer une bonne administration de la justice, le Tribunal autorise la production desdits documents, avec ordonnance de non-divulgation, de non-publication et de non-diffusion émise en vertu de l’article 131 de la Loi sur la justice administrative [2] .

LES FAITS

[7]               À la suite d’une déclaration de culpabilité survenue le 7 novembre 2013 pour une infraction à l’article 253 (1) b) du Code criminel [3] (conduite avec alcoolémie supérieure à 80 mg\100 ml sang), commise 12 mai 2013, le Tribunal a rendu une ordonnance interdisant à la requérante de conduire pour un an.

[8]               La SAAQ a alors révoqué le permis de conduire de la requérante conformément au paragraphe 2 du premier alinéa de l’article 180 du Code de la sécurité routière [4] , qui énonce :

« 180. Entraîne de plein droit la révocation de tout permis autorisant la conduite d'un véhicule routier ou la suspension du droit d'en obtenir un, la déclaration de culpabilité d'une personne à une infraction au Code criminel (L.R.C. 1985, c. C-46), commise avec un véhicule routier ou avec un véhicule hors route et prévue aux articles suivants de ce code:

[…];

2° l'article 253, le paragraphe 5 de l'article 254 ou les paragraphes 2, 2.1, 2.2, 3, 3.1 ou 3.2 de l'article 255.

[…]»

[9]               Dans un cas comme en l’espèce, des conditions additionnelles particulières s’appliquent à l’obtention d’un nouveau permis, tel que l’énoncent l’article 76.1.2 du Code de la sécurité routière , qui se lit comme suit :

  « 76.1.2. Lorsque l'infraction donnant lieu à la révocation ou à la suspension est reliée à l'alcool et que la personne n'est pas visée à l'article 76.1.4, elle doit, pour obtenir un nouveau permis, établir que son rapport à l'alcool ou aux drogues ne compromet pas la conduite sécuritaire d'un véhicule routier de la classe de permis demandée.

La personne doit satisfaire à l'exigence prévue au premier alinéa:

1° au moyen d'une évaluation sommaire, si, au cours des 10 années précédant la révocation ou la suspension, elle ne s'est vu imposer ni révocation ni suspension pour une infraction consistant à refuser de fournir un échantillon d'haleine ou pour une infraction reliée à l'alcool;

2° au moyen d'une évaluation complète, si, au cours des 10 années précédant la révocation ou la suspension, elle s'est vu imposer au moins une révocation ou suspension pour une infraction consistant à refuser de fournir un échantillon d'haleine ou pour une infraction reliée à l'alcool.

La personne qui échoue l'évaluation sommaire doit satisfaire à l'exigence prévue au premier alinéa au moyen d'une évaluation complète.

La personne qui réussit l'évaluation sommaire doit, après avoir payé à la Société les droits afférents, suivre avec succès un programme d'éducation reconnu par le ministre des Transports et destiné à sensibiliser les conducteurs aux problèmes de la consommation d'alcool ou de drogue.»

[10]        Comme requis, la requérante se soumet à une évaluation sommaire effectuée par l’ACRDQ le 17 mars 2014. Le rapport de cette évaluation lui est défavorable [5] .

[11]            Selon le protocole, lorsque la personne évaluée cote à trois des dix facteurs de risque, la recommandation est défavorable et par conséquent, il est automatiquement recommandé qu’elle se soumette à une évaluation complète.

[12]            La requérante a coté à quatre facteurs de risque sur dix soit facteurs D (habitudes de consommation d’alcool), F (habitudes de consommation mixtes) et H (infractions au Code de la sécurité routière).

[13]            Lors de l’audition, le procureur de la SAAQ a fait une admission quant au facteur J. Reste donc trois facteurs de risque; ce qui entraîne automatiquement une recommandation défavorable.

[14]            L’évaluatrice recommande donc que la requérante se soumette à une évaluation complète, afin de s’assurer que ses habitudes de consommation d’alcool ne soient plus incompatibles avec la conduite sécuritaire d’un véhicule routier.

[15]            Entendu lors de l’audience, la requérante déclare ce qui suit :

 - Au moment de l’arrestation, le 12 mai 2013, elle revenait d’une soirée chez sa fille à l’occasion de la Fête des mères. Elle a consommé cinq consommations tout au long de la soirée;

- Elle n’a pas conduit depuis les événements, elle n’a plus de voiture et ne consomme plus d’alcool;

- Elle confirme consommer quotidiennement la médication prescrite par son médecin à savoir du Flurazépam, pour faciliter son sommeil. Elle prend sa médication au coucher et n’a jamais conduit sous l’influence de ce médicament.

- Elle confirme un antécédent de conduite sous influence d’alcool survenu en 1997. Elle fournit des explications sur les circonstances de cet événement et soumet au Tribunal que l’événement remonte à plus de dix ans et qu’il ne devrait pas influencer le résultat du présent dossier;

 

MOTIFS  :

[16]            Le Tribunal est appelé à statuer sur le bien-fondé de la décision de la SAAQ d’exiger de la requérante de se soumette à une évaluation complète afin de démontrer que le risque de récidive qu’elle présente est contrôlé.

[17]            L’évaluation sommaire et un protocole standardisé, universel et objectif établi par l’ACRDQ ayant pour but de dépister un risque de récidive. L’évaluation complète quant à elle, sert à démontrer que le risque de récidive qui avait été détecté chez un individu est contrôlé.

[18]            Dans le cadre de l’évaluation sommaire, l’évaluatrice doit utiliser et respecter le protocole standardisé, universel et objectif établi par l’ACRDQ.

[19]               En cette matière, le rôle et les pouvoirs du Tribunal sont très limités. Il n’est pas autorisé à faire fi des conclusions de l’évaluation en substituant sa propre opinion. Il n’est pas non plus habilité à juger de la valeur ou de la pertinence de cette évaluation.

[20]            Le Tribunal a pris connaissance du protocole d’évaluation incluant les résultats obtenus par la requérante.

[21]            Une infraction antérieure de conduite avec les facultés affaiblies à vie fait automatiquement coter le facteur H. L’argument de la requérante à l’effet que l’infraction est survenue il y a plus de dix ans ne peut être retenu.

[22]            De même, le somnifère prescrit à la requérante, le Flurazépam, est considéré comme une drogue [6] . L’évaluation considère qu’il y a consommation mixte dès qu’il y a consommation d’alcool et de drogue dans la même journée. Or, la requérante admet avec honnêteté avoir pris trois consommations dans la soirée du 22 février 2014 et avoir pris son comprimé de Flurazépam au coucher.

[23]            Le Tribunal arrive à la conclusion que l’évaluation a été faite par une professionnelle en matière d’habitude de consommation d’alcool ou de drogue qui a vu la requérante en entrevue et qui lui a fait subir les tests standardisés. L’évaluatrice a recueilli les données factuelles selon les normes établies et a suivi le protocole standardisé.

[24]             Malgré le témoignage sincère de la requérante et toute la sympathie que le Tribunal peut ressentir à son égard, l’avis émis par l’évaluatrice est motivé et justifie la décision émise par la SAAQ.

POUR CES MOTIFS , le TRIBUNAL :

Rejette le recours;

ORDONNE la non-publication, la non-divulgation et la non-diffusion des renseignements contenus dans les documents relatifs à l’évaluation sommaire (I-1) qui auraient pour effet de révéler le contenu des tests et les résultats pondérés de l’évaluation.

 


 

 

MARIE ANNIK GAGNON, j.a.t.a.q.


 

Me Mario Forget

Procureur de la partie intimée


 



[1] Pièce I-1

[2] RLRQ, chapitre J-3

[3] L.R.C. 1985, c. C-46

[4] RLRQ, chapitre C-24.2

[5] Dossier p. 7

[6] Pièce I-2