Syndicat des technologues Hydro-Québec et Hydro-Québec (Gestion accident de travail)

2014 QCCLP 6698

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Laval

8 décembre 2014

 

Région :

Abitibi-Témiscamingue

 

Dossier :

520305-08-1308

 

Dossier CSST :

4152138

 

Commissaire :

Philippe Bouvier, juge administratif

 

Membres :

Francine Huot, associations d’employeurs

 

Daniel Flynn, associations syndicales

 

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Syndicat des technologues Hydro-Québec

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Hydro-Québec (Gestion accident de travail)

 

 

 

S.C.F.P. 1500

 

Parties intéressées

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]            Le 26 août 2013, le Syndicat des technologues Hydro-Québec (le syndicat) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 23 août 2013 à la suite d’une révision administrative.

[2]            Par cette décision, la CSST confirme la décision de son inspecteur rendue le 11 juillet 2013 dans le rapport d’intervention RAP0868425 et déclare que l’employeur a effectué la dérogation numéro 4 du rapport d’intervention en standardisant le calcul des marges de sécurité lors de la détermination des zones d’accès limité.

[3]            L’audience est tenue les 7 et 8 mai 2014 ainsi que le 15 septembre 2014 à Laval. Le syndicat et son représentant sont présents. Hydro-Québec (l’employeur) est également présente et représentée par procureur. La cause a été mise en délibéré le 15 septembre 2014.

L’OBJET DE LA REQUÊTE

[4]            Le syndicat demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que la méthode développée par l’employeur pour déterminer les zones d’accès limité ne respecte pas ses obligations d’assurer la santé, la sécurité et l’intégrité physique des travailleurs.

[5]            Il demande également au tribunal de déclarer que l’employeur doit appliquer le modèle développé par le syndicat pour déterminer l’étendue des zones d’accès limité.

QUESTION PRÉLIMINAIRE

[6]            Le tribunal a soulevé d’office la question de déterminer s’il possède les pouvoirs nécessaires pour déclarer que l’employeur doit adopter une méthode précise de détermination d’une zone d’accès limité.

LA PREUVE

[7]            D’entrée de jeu, il y a lieu de définir ce que constitue une zone d’accès limité (ZAL) pour comprendre les enjeux et les témoignages relatés dans le présent dossier. Dans la mise à jour d’un document du 24 juillet 2013, norme TEI-SEC-N-0011 (la norme N-0011) intitulé Établissement d’une zone d’accès limité dans les installations, l’employeur définit une ZAL de la façon suivante :

Périmètre identifié et délimité matériellement, dont l’accès est interdit sans la mise en place de mesures de sécurité.

 

 

[8]            Le 11 juillet 2013, monsieur Serge Gaudreault, inspecteur à la CSST remplit un rapport d’intervention portant le numéro RAP0868425 dans lequel il conclut, à la lumière de nouveaux documents présentés par l’employeur, qu’une marge de sécurité de 10 % ajoutée à la plus longue distance de projection selon un type d’équipement donné, représente une méthode adéquate pour établir une ZAL. La conclusion de monsieur Gaudreault est la suivante :

La production des deux documents analysés précédemment visait à mieux documenter l’utilisation d’une marge de sécurité de 10 % tel que requis par la révision administrative. Considérant que la documentation remise recense 134 défauts d’équipement avec projection, qu’une analyse statistique de ces défauts a été effectuée et que cette analyse conclue que la marge de sécurité de 10 % est incluse entre la moyenne des projections additionnées de deux fois l’écart-type et la moyenne des projections additionnée de trois fois l’écart-type, j’estime que l’employeur a satisfait à la demande de la commission en terme de documentation et considère la dérogation #4 effectuée.

 

 

[9]            L’employeur fait témoigner monsieur Pierre Dufour, ingénieur de formation qui est à son emploi depuis mai 2000. Au cours de sa carrière chez l’employeur, il a développé une expertise en matière de transformateurs et de ses composantes notamment alors qu’il occupe un poste à titre de chef de division secteur appareillage.

[10]         Il explique le fonctionnement de certains équipements dont celui des transformateurs dont la tension varie en fonction du transport de l’énergie ou encore de la distribution d’énergie. Il note que les composantes des transformateurs peuvent être en porcelaine bien qu’Hydro-Québec se dirige de plus en plus vers des équipements en composites.

[11]         L’ingénieur Dufour expose que s’il y a une pression interne à l’intérieur d’un transformateur, peu en importe la cause, tout peut éclater notamment les pièces en porcelaine ou encore il peut y avoir une projection d’huile, de gaz ou de sable. Dans ces zones ou encore auprès de ces équipements, plusieurs personnes peuvent intervenir dont des opérateurs pour des vérifications de poste ou des gens de métier en appareillage pour l’entretien comme des mécaniciens, des électriciens ou des techniciens.

[12]         C’est dans le contexte de ces explosions que l’employeur est appelé à établir des ZAL. Monsieur Dufour explique que ces zones visent à identifier un périmètre à l’intérieur duquel des mesures de protection particulières et des méthodes spécifiques d’intervention sont élaborées afin d’assurer la sécurité des travailleurs. D’ailleurs, dans la norme N-0011 dont la première version remonte à 2004, l’employeur expose le but visé par l’établissement d’une ZAL :

La présente norme détermine les actions à prendre lors de l’établissement d’une zone d’accès limité afin que les personnes circulant dans les installations soient avisées des dangers potentiels. De plus, elle définit le matériel normalisé à utiliser dans le but d’assurer la sécurité du personnel.

 

 

[13]         Il mentionne qu’il n’y avait pas chez Hydro-Québec de procédure d’établissement d’une zone de protection avec des paramètres précis. L’ingénieur Dufour indique que s’il y avait défaut d’un équipement avec explosion, une zone de protection était établie au gré de chacun des ingénieurs responsables de l’équipement en question. Or, à la suite de l’explosion d’un transformateur survenu le 27 avril 2011 au poste Chissibi à la Baie-James, la CSST intervient et demande à l’employeur de standardiser sa méthode pour l’établissement des ZAL.

[14]         Dans un document de l’employeur daté du 14 février 2012 intitulé Standardisation des zones d’accès limitées , l’ingénieur Dufour  retient la norme du 10 % en s’exprimant ainsi :

Ainsi, en attendant d’avoir un encadrement provincial, qui sera réalisé par le groupe de travail de ce dossier, nous comptons appliquer, pour les prochains cas de bris d’appareillage avec projection les règles suivantes :

 

·         Dans le cas d’un bris d’équipement, où il est nécessaire d’installer une zone d’accès limitée, la zone sera de 10 % plus grande que le rayon de projection, pour ce type d’unité pour le même manufacturier.

[…]

·         S’il n’y a pas eu de défaut avec projection pour un type d’unité, mais que des évidences nous amène à installer une zone d’accès limité, n’ayant pas de cas de projection comme base de calcul, la zone sera de 10 % de plus que la projection la plus lointaine d’une unité de ce niveau de tension.

[…]

·         Dans le cas où l’équipement est constitué de plusieurs composantes (par exemple un transformateur de puissance, avec une cuve, une tourelle et des traversées), la distance calculée sera celle de la composante en défaut (par exemple si c’est la traversée qui est questionnable, les distances seront celle des projections historique provenant des traversées de ce niveau de tension). [ sic ]

 

 

[15]         Or, cette proposition a fait l’objet de commentaires de la part du syndicat et de l’inspecteur Gaudreault de la CSST. C’est dans cette perspective que le 25 mai 2012, monsieur Dufour rédige le document intitulé Justification de la marge de sécurité de 10 % pour la mise en place d’une zone d’accès limitée . Dans celui-ci, il réitère l’opportunité de retenir cette norme de 10 % qu’il énonce la façon suivante :

·         Dans le cas d’un bris d’équipement, où il est nécessaire d’installer une zone d’accès limité, la zone sera de 10 % plus grande que le rayon de projection du pire cas pour ce type de défaillance, pour ce type d’unité, pour le même modèle d’équipement avec le même niveau de tension, arrondi au mètre supérieur suivant.

[…]

·         Si il n’y avait pas eu de défaut avec projection pour un type d’unité, mais que des évidences nous amène à installer une zone d’accès limité, n’ayant pas de cas de projection réelle comme base de calcul, la zone sera de 10 % de plus que la projection la plus lointaine d’une unité de ce niveau de tension, selon le type de défaillance suspectée, tout modèle d’unité confondue. La zone pourra par la suite être ajustée selon diverses études techniques visant la problématique suspectée.

[…]

·         Dans le cas où l’équipement est constitué de plusieurs composantes (par exemple un transformateur de puissance, avec une cuve, une tourelle et des traversées), la distance calculée sera celle de la composante en défaut (par exemple si c’est la traversée qui est questionnable, les distances seront celle des projections historique provenant des traversées de ce niveau de tension). [ sic ]

 

 

[16]         Cette méthode du 10 % est établie notamment à partir de l’analyse de 14 événements. Or la CSST, dans une décision rendue le 27 février 2013 à la suite d’une révision administrative, considère que la marge de 10 % retenue par l’employeur doit être validée non pas à la lumière de seulement 14 événements, mais en tenant compte de toutes les données historiques des projections.

[17]         C’est dans ce contexte que l’employeur poursuit ses démarches en s’appuyant notamment sur un comité paritaire composé de représentants de l’employeur et de représentants syndicaux provenant du local 957 et du local syndical 1500. Monsieur Dufour explique que le mandat de ce comité paritaire est d’élaborer une méthode standardisée pour la détermination des ZAL.

[18]          Dans le cadre des travaux de ce comité, il communique avec des collègues et consulte de nombreux rapports, appelés dans le jargon de l’employeur, avis de maintenance et rapports d’enquête, afin de répertorier les différents défauts et explosions d’équipement qui ont nécessité la mise en place ou non d’une ZAL. À partir de l’information colligée, monsieur Dufour confectionne un tableau dans lequel sont répertoriés les différents événements selon les dates, le nom du poste, la tension, le type et le modèle d’équipement, le type de projection que ce soit de la porcelaine, de l’huile ou autres pièces et surtout la distance sur laquelle ont été projetées les pièces [1] . Il y a un peu moins de 140 événements rapportés.

[19]         Le fruit de cette collecte d’informations et l’analyse qui en découle font l’objet d’un avis technique daté du 23 mai 2013 et signé par l’ingénieur Dufour. Il ressort de cet avis que l’employeur met en place une banque de données pour répertorier les différents défauts des équipements. De plus, dans cet avis technique, l’employeur établit une étude comparative ainsi qu’une étude statistique, selon le niveau de tension des équipements, afin de déterminer si la marge de 10 % ajoutée à la distance de projection la plus grande offre des garanties suffisantes de sécurité et de protection.

[20]         Dans son témoignage, monsieur Dufour mentionne que l’application de la marge de 10 % a été validée par une étude statistique. Selon l’annexe 2 de l’avis technique du 23 mai 2013, cette validation statistique, en tenant compte des écarts-types permet de conclure que la marge de 10 % couvre 99,4 % des distances de projection potentielles.

[21]         Ainsi, l’employeur met en vigueur le 19 septembre 2013 la Procédure définissant les dimensions de la zone d’accès limité dans le domaine de l’appareillage, portant le numéro TET-APE-P-0015 (la norme P-0015). L’article 6.4 de cette établit comment déterminer l’étendue d’une ZAL :

a)      La zone sera de 10 % plus grande que le rayon de projection du pire cas pour ce type de défaillance, pour ce type d’unité, pour le même modèle d’équipement avec le même niveau de tension, arrondi au mètre supérieur suivant. La zone pourra par la suite être ajustée selon diverses études techniques visant la problématique ou si un autre bris se produit avec des projections différentes. En aucun cas, la dimension de la ZAL ne peut être inférieure à la projection la plus lointaine  pour ce type unité.

 

b)      S’il n’y a pas eu de défaut avec projection pour un type d’unité, mais que des évidences amènent à installer une zone d’accès limité, n’ayant pas de cas de projection réelle comme base de calcul, la zone sera de 10 % de plus que la projection la plus lointaine d’une unité du même type (exemple : disjoncteur, traversée, transformateur de courant, etc.), de ce niveau de tension, selon le type de défaillance suspectée, tout modèle d’unité de ce type confondu. La zone pourra par la suite être ajustée selon diverses études techniques visant la problématique suspectée.

[…]

 

 

[22]         Par ailleurs, monsieur Dufour ajoute que le fait d’arrondir au mètre supérieur a pour effet d’augmenter l’étendue de la marge de 10 % ce qui confère une plus grande protection. Quant aux projections sur de courtes distances, il estime qu’il y a peu d’énergie déployée et donc peu de risques de blessures. Par ailleurs, si les projections dépassent la zone de la marge de 10 %, encore là, monsieur Dufour prétend que l’énergie déployée ne sera pas suffisante pour blesser un travailleur.

[23]         Le syndicat fait entendre monsieur Yves Richard, représentant syndical provincial en santé et sécurité au travail. Il s’attaque au tableau présenté par l’employeur répertoriant les différentes explosions survenues. Il met en lumière que ce tableau contient plusieurs erreurs notamment quant aux distances de projection rapportées. Il ajoute que l’employeur a omis d’inclure dans son tableau différents événements pour lesquels il y a eu des avis de maintenance ou des rapports d’enquêtes. Il repasse donc l’ensemble du tableau de l’employeur en apportant des précisions.

[24]         De plus, il commente des photographies et un court vidéo qui illustrent ce qui se passe lorsqu’il y a une explosion.

[25]         À la demande du syndicat, monsieur Jacques Léveillé témoigne également à l’audience. Il se présente comme un technicien expert en essai mécanique, il est membre depuis un an du comité provincial du syndicat en santé et sécurité.  Il détient un diplôme du Collège Limoilou. Il a travaillé trois ans à titre de machiniste chez Pratt et Whitney. Depuis 1992, il travaille pour l’Institut de recherche d’Hydro-Québec comme technicien d’essai mécanique et comme technicien expert.

[26]         S’impliquant dans le comité provincial de santé et sécurité du syndicat, monsieur Léveillé commence à s’intéresser au dossier des ZAL. L’une de ses préoccupations réside dans les petites projections. Selon lui, la marge de 10 % proposée par l’employeur n’offre pas de protection adéquate pour les travailleurs. C’est à partir de ces inquiétudes qu’il a commencé à réfléchir sur une méthode pour déterminer l’étendue d’une ZAL.

[27]         La méthode proposée par monsieur Léveillé, après l’analyse de plusieurs hypothèses, repose sur l’établissement d’une ZAL en fonction du niveau de tension des équipements. Ainsi, il a établi la moyenne des distances de projection selon le niveau de tension des équipements, et ce, à partir des événements répertoriés par l’employeur. À partir de cette distance de projection moyenne, il ajoute une marge de 10 % de celle-ci. Il appelle cette zone une ZAL minimale. Il tient également compte d’une zone équivalente à deux fois cette ZAL minimale.

[28]         En se basant sur ces données, monsieur Léveillé élabore un gabarit. Cet instrument permet, selon monsieur Léveillé, d’établir une ZAL offrant notamment une meilleure protection contre les courtes projections. Ainsi, dans les cas où la projection est inférieure à la distance de la ZAL minimale qu’il a calculée selon les niveaux de tension, il faudra ajouter à la distance de projection, 50 % de celle-ci pour établir la ZAL de cet appareil. Dans les cas où la distance de projection dépasse la ZAL minimale mais se situe à l’intérieur de deux fois la distance de cette ZAL minimale, il faudra ajouter à la distance de projection 25 % de celle-ci pour établir la ZAL de cet appareil. Enfin, dans les cas où la distance de projection plus grande que deux fois la ZAL minimale, c’est 10 % de la distance de projection qu’il faudra ajouter à celle-ci pour établir la ZAL appropriée.

[29]         Pour conceptualiser son raisonnement, monsieur Léveillé élabore un tableau établissant selon les niveaux de tension des appareils, quelle devrait être la grandeur d’une ZAL en fonction de la distance de projection. Ainsi, pour les appareils de 25kv, la moyenne des projections à partir des cas répertoriés par l’employeur s’établit à 16 mètres. Pour établir une ZAL minimale, monsieur Léveillé ajoute 10 % à cette distance de projection moyenne, ce qui donne 18 mètres. Deux fois cette ZAL minimale donne donc 36 mètres.

[30]         Le tribunal expose les exemples suivants tirés du tableau élaboré par monsieur Léveillé pour illustrer la méthode de détermination des ZAL proposée par ce dernier :

-si la distance de projection est de 6 mètres, cette distance est à l’intérieure de la ZAL minimum. Il faut donc ajouter 50 % de la distance de projection donc 3 mètres. Étant donné que la distance obtenue est de 9 mètres, soit moins que la ZAL minimale, la ZAL sera donc de 18 mètres, soit la ZAL minimale;

 

-si la distance de projection est de 14 mètres; cette distance est à l’intérieure de la ZAL minimum. Il faut donc ajouter 50 % de la distance de projection donc 7 mètres. La ZAL sera donc fixée à 21 mètres;

 

-si la distance de projection est de 24 mètres; cette distance se situe entre la ZAL minimale et deux fois celle-ci, il faut donc ajouter 25 % de la distance de projection donc 6 mètres. La ZAL sera donc fixée à 30 mètres;

 

-Si la distance de projection est de 40 mètres; cette distance se situe au-delà de deux fois la ZAL minimale, il faut donc ajouter 10 % de la distance de projection donc 4 mètres. La ZAL sera donc fixée à 44 mètres.

 

 

[31]         Par la suite, monsieur Léveillé présente différents graphiques pour démontrer l’impact de sa méthode pour déterminer une ZAL selon les appareils et les niveaux de tension. Il explique que ces graphiques témoignent que sa méthode offre une plus grande protection pour les courtes projections alors que pour les plus grandes, il estime que l’étendue de la zone de protection couvre plus de mètres selon sa méthode que selon celle conçue par l’employeur.

[32]         Par ailleurs, il ne prétend pas que sa méthode soit parfaite. Il convient qu’elle peut être améliorée, mais il se dit convaincu qu’elle offre une meilleure protection que celle de l’employeur. De plus, il estime que la validation statistique de la méthode de l’employeur a peu de valeur puisqu’elle repose sur des données d’événements qui se répètent et qui sont imprécises.

[33]         Contre-interrogé par le procureur de l’employeur, monsieur Léveillé admet qu’il a utilisé les mêmes données pour élaborer sa méthode que celles retenues par l’ingénieur Dufour. Il convient qu’il n’a pas validé par la méthode statistique ses hypothèses et qu’il s’est basé sur les mêmes chiffres que monsieur Dufour. Il indique que les données de monsieur Dufour ne sont pas fiables pour valider statistiquement la méthode de détermination des ZAL retenue l’employeur. Il soutient que ces données ne sont pas meilleures pour élaborer sa méthode, mais qu’il doit en tenir compte afin de comparer sa méthode à celle de l’employeur.

[34]         Au sujet de sa méthode, monsieur Léveillé réitère que celle-ci est plus efficace pour les projections de courtes distances. Il ajoute que sa méthode s’applique aux appareils de tous les niveaux de tension. Il convient que sa méthode ne couvre pas les cas où il n’y a aucune donnée pour un type d’appareil. Dans ces situations, la politique de l’employeur énoncée à l’article 6.4 b) de la norme P-0015 apparaît adéquate à monsieur Léveillé.

[35]         Appelé à commenter la méthode développée par monsieur Léveillé, monsieur Dufour mentionne que cette méthode met surtout l’impact sur les courtes projections. Il réitère que les courtes projections génèrent peu de puissance et que les risques de blessures sont moins grands. De plus, il mentionne que l’établissement d’une ZAL trop grande empêche l’employeur d’accéder et d’opérer adéquatement les équipements à proximité des équipements défaillants.

[36]         Monsieur Dufour reproche également au modèle syndical le fait qu’il n’ait pas fait l’objet d’une validation statistique.

L’AVIS DES MEMBRES

Sur la question préliminaire

[37]         Le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales sont d’avis que la Commission des lésions professionnelles ne possède pas dans le présent dossier les pouvoirs nécessaires pour imposer à l’employeur la méthode de détermination des ZAL élaborée par le syndicat.

Sur le fond du litige

[38]         Le membre issu des associations d’employeurs considère que la méthode du 10 % proposée par l’employeur respecte la santé, la sécurité et l’intégrité des travailleurs. Il soutient que la validation statistique vient corroborer l’efficacité de cette méthode.

[39]         De son côté, le membre issu des associations syndicales considère que la méthode de l’employeur ne respecte pas ses obligations en matière de santé et sécurité. Il estime que le syndicat, par son modèle de gabarit, a démontré qu’il y avait une méthode de détermination des ZAL qui offrait une meilleure protection. Il est d’avis de retourner le dossier à la CSST pour qu’elle se prononce sur la conformité de la méthode syndicale.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

Question préliminaire

[40]         La Commission des lésions professionnelles doit d’abord déterminer si elle possède les pouvoirs nécessaires pour imposer à l’employeur une méthode de travail spécifique ou encore une procédure particulière en matière de santé et sécurité au travail ou si les pouvoirs que lui confère la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles [2] (la loi) font en sorte que son champ décisionnel ne s’étend qu’à déterminer si la méthode adoptée par l’employeur respecte ses obligations édictées par la Loi sur la santé et la sécurité du travail [3] (la LSST).

[41]         Dans le présent dossier, le syndicat conteste la méthode standardisée mise en place par l’employeur pour déterminer quelle devrait être l’étendue d’une ZAL. Selon la preuve, cette méthode de l’employeur est le fruit d’échanges à l’interne notamment à l’intérieur d’un comité paritaire. De plus, cette méthode de l’employeur a fait l’objet d’échanges et d’analyses de la part de l’inspecteur de la CSST.

[42]         En audience, le syndicat demande à la Commission des lésions professionnelles de retenir le modèle qu’il a développé pour la détermination de l’étendue des ZAL. Ce modèle a été élaboré par monsieur Léveillé quelques mois avant l’audience devant le tribunal, sans consultation auprès du comité paritaire mis en place pour étudier cette question et sans que la CSST n’en ait analysé la portée.

[43]         L’article 369 de la loi établit la compétence d’attribution de la Commission de lésions professionnelles :

369.  La Commission des lésions professionnelles statue, à l'exclusion de tout autre tribunal :

 

1° sur les recours formés en vertu des articles 359, 359.1, 450 et 451;

 

2° sur les recours formés en vertu des articles 37.3 et 193 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (chapitre S - 2.1).

__________

1985, c. 6, a. 369; 1997, c. 27, a. 24.

 

 

[44]         Cette disposition attributive de compétence doit être lue en tenant compte des pouvoirs de la Commission des lésions professionnelles prévus à l’article 377 de la loi :

377.  La Commission des lésions professionnelles a le pouvoir de décider de toute question de droit ou de fait nécessaire à l'exercice de sa compétence.

 

Elle peut confirmer, modifier ou infirmer la décision, l'ordre ou l'ordonnance contesté et, s'il y a lieu, rendre la décision, l'ordre ou l'ordonnance qui, à son avis, aurait dû être rendu en premier lieu.

__________

1985, c. 6, a. 377; 1997, c. 27, a. 24.

 

 

[45]         La Commission des lésions professionnelles est un tribunal d’appel qui entend de novo les contestations découlant des recours valablement formés notamment, en vertu de l’article 193 de la LSST. Dans l’exercice de cette compétence, la Commission des lésions professionnelles possède les pouvoirs nécessaires pour rendre la décision qui aurait dû être rendue par la CSST.

[46]         Cet intime lien entre les articles 369 et 377 de la loi fait l’objet d’une analyse du juge Blanchet dans l’affaire Gagnon c. Commission des lésions professionnelles [4]   :

[26]      Dans Chaput c Société des transports de Montréal [7], en 1992, le juge Bisson, de la Cour d'appel, met en relief l'intention affirmée du législateur de doter la Commission d'appel des lésions professionnelles (C.A.L.P.) d'une latitude beaucoup plus étendue que celle dont disposait l'ancienne Commission des affaires sociales (C.A.S.).  Considérant le caractère hautement social de la Loi et son but réparateur, dit-il, la C.A.L.P. (aujourd'hui C.L.P.) doit voir à ce que «les travailleurs obtiennent les prestations auxquelles ils ont droit, mais pas davantage». (p.1264).  Dans l’exercice de ses pouvoirs, la C.L.P. est invitée à rendre la décision qui, selon elle, aurait dû être rendue en premier lieu.  Elle exerce donc une compétence de novo, ce qui peut l'amener, entre autres, à actualiser le dossier et à remédier s'il y a lieu aux erreurs commises par les instances inférieures.[8]

_________________

7 (1992) C.A.L.P. 1253 (C.A.)

8 Moulin de préparation de bois en transit de St-Romuald c. C.A.L.P., (1998) C.A.L.P. 574 (C.A.); Société canadienne des postes c. Morency & C.S.S.T., 1989 CanLII 904 (QC C.A.) , (1989) R.J.Q. 2300 (C.A.).

 

 

[47]         Le pouvoir de rendre la décision qui aurait dû être rendue implique donc que la Commission des lésions professionnelles tienne compte de l’ensemble de la preuve. Cette obligation signifie que le tribunal doit actualiser le dossier dont il est saisi.  Dans l’affaire Turbide [5] , la Cour d’appel explique que l’un des buts poursuivis par l’actualisation du dossier dont est saisi le tribunal est d’éviter une multiplication des recours coûteux et inutiles.

[48]         En matière de santé et sécurité du travail, la Commission des lésions professionnelles considère que l’actualisation du dossier implique que le tribunal doive prendre en compte les différentes interventions de la CSST, du syndicat, des travailleurs et de l’employeur posées postérieurement au rapport contesté de l’inspecteur afin d’apprécier le litige mu entre les parties. Dans la décision T.U.A.C. (local 1991-P) et Transformation B.F.L. [6] , la Commission des lésions professionnelles écrit :

[16]      Par ailleurs, le tribunal estime utile de préciser que les litiges opposant les parties ont cours depuis quelques mois. Depuis la première intervention de l’inspecteur en mars 2010, le dossier a évolué et des correctifs ont été apportés par l’employeur au regard des dérogations constatées. Ainsi, la preuve existante au moment des décisions rendues par la CSST, à la suite de révisions administratives, diffère à quelques égards de celle rapportée par les réviseurs.

 

[17]      Cependant, même si les décisions des réviseurs ne traitent pas de tous ces nouveaux éléments, il n’en demeure pas moins qu’ils avaient pour mandat de déterminer s’il était opportun de maintenir les avis de corrections au regard des situations analysées. Ce faisant, le tribunal appelé à décider en dernière instance, peut examiner de novo cette question, sans se limiter à l’étude faite par l’inspecteur au premier niveau et à celle des réviseurs par la suite, à la preuve alors présentée ou aux arguments et prétentions alors soumis par les parties.

 

 

[49]         Toutefois, le tribunal considère qu’en matière de santé et sécurité du travail, les pouvoirs que lui confère l’article 377 de la loi et l’obligation corollaire d’actualiser le dossier ne lui permettent pas d’imposer à l’employeur une méthode de travail ou une procédure d’organisation du travail alors que la LSST et la règlementation afférente n’impose pas une façon de faire spécifique. Le tribunal doit plutôt s’assurer que les mesures, méthodes et moyens mis en place par l’employeur pour assurer la santé et la sécurité des travailleurs correspondent à ses obligations et respectent les droits des travailleurs prévus à la LSST.

[50]         Dans la décision Institut Philippe Pinel de Montréal et Lebeau [7] , le tribunal écrit :

[227]    Vu les circonstances, il n’appartient pas à la Commission des lésions professionnelles d’imposer à l’employeur des solutions qui peuvent avoir un impact sur la distribution des effectifs, et ce, d’autant plus qu’il n’y a aucune preuve sur ces aspects du dossier.  De plus, le tribunal n’est pas le mieux placé pour trouver des solutions qui doivent être ensuite appliquées par ceux et celles qui ont la meilleure connaissance du milieu de travail.

 

 

[51]         De plus, dans la décision Association des pompiers de Montréal inc. et Service de la prévention des incendies [8] , la Commission des lésions professionnelles considère qu’elle ne peut se prononcer sur la mise en œuvre d’un moyen de protection mis en place par l’employeur en l’absence d’une décision d’un inspecteur de la CSST statuant sur ce moyen de protection. Cette nécessité d’une décision de l’inspecteur de la CSST réside dans le rôle clé qu’il occupe en matière de santé et sécurité au travail. Dans l’affaire Domtar inc. c. C.A.L.P. [9] , la Cour d’appel relève l’importance du rôle de l’inspecteur :

On aurait tort d’assimiler ce fonctionnaire, par exemple, à un inspecteur en bâtiment qui surveille l’application de certaines normes et fait rapport à l’autorité compétente.

 

En réalité, l’Assemblée nationale a attribué à l’inspecteur un statut important et lui a accordé des pouvoirs considérables. […]

[…]

[…] Dans le domaine qui nous occupe, les intérêts que la législation vise à protéger sont la santé, la sécurité et l’intégrité physique. […] C’est en fonction de ces intérêts que la loi doit être interprétée en ce qui concerne les droits et devoirs qui en découlent. […]

[…]

Or, c’est la loi elle-même qui confère à l’inspecteur des pouvoirs considérables. En d’autres termes, il ne tient pas ces pouvoirs par délégation. Comme il a été observé précédemment, ses fonctions ne se bornent pas à vérifier si les règlements sont respectés. Il doit veiller à ce que l’objectif de la loi soit atteint dans la mesure du possible. Parmi ces pouvoirs, se trouve l’utilisation d’une façon de procéder propre à la loi qui nous occupe, à savoir l’avis de correction.

 

 

[52]         Dans cette perspective, le tribunal considère qu’il ne possède pas les pouvoirs nécessaires pour imposer à l’employeur la méthode de détermination des ZAL élaborée par le syndicat. D’une part, cette méthode développée en vase clos par le syndicat n’a pas été soumise, discutée ou évaluée par le comité paritaire mis en place pour se pencher sur cette question de la détermination des ZAL. D’autre part, cette méthode envisagée par le syndicat n’a pas fait l’objet d’une appréciation quelconque de la part d’un inspecteur de la CSST. De fait, aucun rapport d’intervention ne statue sur cette méthode.

[53]         En conséquence, le tribunal ne peut imposer à l’employeur le modèle de détermination des ZAL développé par la partie syndicale. Néanmoins, le tribunal peut prendre en compte cette méthode pour apprécier si celle mise de l’avant par l’employeur respecte la santé, la sécurité et l’intégrité physique des travailleurs.

Fond du litige

[54]         Dans ce contexte, la Commission des lésions professionnelles doit maintenant déterminer si la procédure mise en place par l’employeur pour définir les ZAL respecte ses obligations et protège les droits des travailleurs prévus à la LSST.

[55]         En somme, le tribunal doit décider si la procédure pour l’établissement d’une ZAL, élaborée par l’employeur, soit la norme P-0015, est conforme aux dispositions de la LSST. De fait, le présent litige repose essentiellement sur la marge de 10 % retenue par l’employeur à l’article 6.4 de la norme P-0015 :

a)      La zone sera de 10 % plus grande que le rayon de projection du pire cas pour ce type de défaillance, pour ce type d’unité, pour le même modèle d’équipement avec le même niveau de tension, arrondi au mètre supérieur suivant. La zone pourra par la suite être ajustée selon diverses études techniques visant la problématique ou si un autre bris se produit avec des projections différentes. En aucun cas, la dimension de la ZAL ne peut être inférieure à la projection la plus lointaine  pour ce type unité.

 

[56]         L’article 2 de la LSST édicte ce qui suit :

2.  La présente loi a pour objet l'élimination à la source même des dangers pour la santé, la sécurité et l'intégrité physique des travailleurs.

 

Elle établit les mécanismes de participation des travailleurs et de leurs associations, ainsi que des employeurs et de leurs associations à la réalisation de cet objet.

__________

1979, c. 63, a. 2.

 

 

[57]         L’article 9 de la LSST établit que les travailleurs ont droit dans leur milieu de travail à des conditions de travail qui respectent leur santé, leur sécurité et leur intégrité physique. Le corollaire de ces droits conférés aux travailleurs, c’est l’obligation pour l’employeur de prendre les mesures nécessaires pour protéger leur santé et d’en assurer leur sécurité et leur intégrité physique.

[58]         L’article 51 de la LSST édicte les obligations générales de l’employeur en matière de santé et sécurité au travail :

51.  L'employeur doit prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé et assurer la sécurité et l'intégrité physique du travailleur. Il doit notamment :

 

1° s'assurer que les établissements sur lesquels il a autorité sont équipés et aménagés de façon à assurer la protection du travailleur;

 

2° désigner des membres de son personnel chargés des questions de santé et de sécurité et en afficher les noms dans des endroits visibles et facilement accessibles au travailleur;

 

3° s'assurer que l'organisation du travail et les méthodes et techniques utilisées pour l'accomplir sont sécuritaires et ne portent pas atteinte à la santé du travailleur;

 

4° contrôler la tenue des lieux de travail, fournir des installations sanitaires, l'eau potable, un éclairage, une aération et un chauffage convenable et faire en sorte que les repas pris sur les lieux de travail soient consommés dans des conditions hygiéniques;

 

5° utiliser les méthodes et techniques visant à identifier, contrôler et éliminer les risques pouvant affecter la santé et la sécurité du travailleur;

 

6° prendre les mesures de sécurité contre l'incendie prescrites par règlement;

 

7° fournir un matériel sécuritaire et assurer son maintien en bon état;

 

8° s'assurer que l'émission d'un contaminant ou l'utilisation d'une matière dangereuse ne porte atteinte à la santé ou à la sécurité de quiconque sur un lieu de travail;

 

9° informer adéquatement le travailleur sur les risques reliés à son travail et lui assurer la formation, l'entraînement et la supervision appropriés afin de faire en sorte que le travailleur ait l'habileté et les connaissances requises pour accomplir de façon sécuritaire le travail qui lui est confié;

10° afficher, dans des endroits visibles et facilement accessibles aux travailleurs, les informations qui leur sont transmises par la Commission, l'agence et le médecin responsable, et mettre ces informations à la disposition des travailleurs, du comité de santé et de sécurité et de l'association accréditée;

 

11° fournir gratuitement au travailleur tous les moyens et équipements de protection individuels choisis par le comité de santé et de sécurité conformément au paragraphe 4° de l'article 78 ou, le cas échéant, les moyens et équipements de protection individuels ou collectifs déterminés par règlement et s'assurer que le travailleur, à l'occasion de son travail, utilise ces moyens et équipements;

 

12° permettre aux travailleurs de se soumettre aux examens de santé en cours d'emploi exigés pour l'application de la présente loi et des règlements;

 

13° communiquer aux travailleurs, au comité de santé et de sécurité, à l'association accréditée, au directeur de santé publique et à la Commission, la liste des matières dangereuses utilisées dans l'établissement et des contaminants qui peuvent y être émis;

 

14° collaborer avec le comité de santé et de sécurité ou, le cas échéant, avec le comité de chantier ainsi qu'avec toute personne chargée de l'application de la présente loi et des règlements et leur fournir tous les renseignements nécessaires;

 

15° mettre à la disposition du comité de santé et de sécurité les équipements, les locaux et le personnel clérical nécessaires à l'accomplissement de leurs fonctions.

__________

1979, c. 63, a. 51; 1992, c. 21, a. 303; 2001, c. 60, a. 167; 2005, c. 32, a. 308.

 

 

[59]         Bien que l’objectif de la LSST réside dans l’élimination à la source des dangers pour la santé, la sécurité physique des travailleurs, les devoirs de l’employeur, édictés à l’article 51 de la LSST, constituent une obligation de moyens et non de résultats pour laquelle l’employeur doit démontrer qu’il a mis en œuvre tout ce qui est raisonnable et nécessaire pour assurer la santé, la sécurité et l’intégrité physique des travailleurs [10] . Dans l’affaire Couture et Hydro-Québec [11] , le juge Bernard Lesage circonscrit le prisme à travers lequel l’article 51 de la LSST doit être analysé :

L’obligation plus large imposée par l’article 51 de la Loi de prendre en quelque sorte toutes les mesures nécessaires s’adresse à tout ce qu’il est humainement logique et raisonnable de faire, que ce soit prévu ou non dans quelque autre règlement, programme ou document que ce soit.

 

 

[60]         Dans cette perspective, la Commission des lésions professionnelles juge que la méthode de détermination des ZAL élaborée par l’employeur dans la norme P-0015 consistant à ajouter 10 % à la plus longue distance de projection pour un type de défaillance donnée, pour un type d’unité, pour un même modèle d’équipement avec un même niveau de tension, arrondi au mètre supérieur, représente une mesure de protection adéquate pour assurer la santé, la sécurité et l’intégrité physique des travailleurs.

[61]         Le tribunal retient que cette méthode de l’employeur repose sur une prise en compte des événements du passé. La Commission des lésions professionnelles estime que prendre en compte une centaine d’événements du passé, répartis sur plusieurs années, représente un échantillonnage raisonnable, suffisant et probant pour fixer les balises entourant la détermination des ZAL.

[62]         Dans son témoignage, monsieur Richard du syndicat met en lumière que certains événements répertoriés par l’employeur comportent des imprécisions notamment quant à l’étendue des projections et que certaines explosions n’auraient pas été prises en compte par l’employeur. Selon le syndicat, ces imprécisions sont suffisantes pour écarter la validité de la méthode du 10 % adoptée par l’employeur.

[63]         À cet égard, le tribunal rappelle que monsieur Léveillé du syndicat a pourtant mentionné dans son témoignage que pour élaborer sa propre méthode et son gabarit, il s’est appuyé sur les cas d’explosions et d’événements répertoriés par l’employeur.

[64]         Selon le représentant du syndicat, le tribunal  doit écarter la méthode du 10 % de l’employeur parce que basée sur des données erronées et devrait plutôt conclure que le modèle syndical est le plus approprié alors qu’il a été conceptualisé avec les mêmes données répertoriées par l’employeur. Le tribunal ne retient pas cet argument du représentant du syndicat. Les prémisses sur lesquelles se fondent les deux modèles de détermination des ZAL ne sont pas à géométrie variable : bonnes pour justifier le modèle de monsieur Léveillé et mauvaises pour ce qui est du modèle développé par l’ingénieur Dufour.

[65]         Par ailleurs, la Commission des lésions professionnelles estime que la méthode du 10 % de l’employeur a l’avantage d’avoir fait l’objet d’une validation statistique de la part de monsieur Dufour. De fait, il ressort de cette analyse statistique contenue à l’annexe 2 de l’avis technique de monsieur Dufour du 3 juillet 2013 qu’en tenant compte des écarts-types, il y a lieu de conclure que la marge de 10 % couvre 99,4 % des distances de projection potentielles.

[66]         Certes, selon les graphiques présentés par monsieur Léveillé, sa méthode semble offrir un plus large périmètre de protection, spécialement pour ce qui est des courtes projections.  À cet égard, le tribunal retient le témoignage de l’ingénieur Dufour qui estime qu’il y a moins de puissance dans les courtes projections et donc que les risques de blessures sont moindres. Quant aux plus longues protections, le tribunal juge que la méthode du syndicat et celle de l’employeur ont un point de rencontre parce que toutes les deux privilégient l’ajout de 10 % de la distance de projection.

[67]         En conséquence, la Commission des lésions professionnelles juge que la méthode standardisée de détermination des ZAL mise en application par l’employeur respecte ses obligations en matière de santé et sécurité ainsi que la santé, la sécurité et l’intégrité physique des travailleurs.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête du Syndicat des technologues Hydro-Québec;

CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 23 août 2013 à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que la dérogation numéro 4 telle que contenue dans le rapport d’intervention RAP0868425 du 11 juillet 2013 est effectuée.

 

 

__________________________________

 

Philippe Bouvier

 

 

 

 

Monsieur Louis Bergeron

S.C.F.P.

Représentant du Syndicat des technologues Hydro-Québec

 

 

M e Nicolas Martin

AFFAIRES JURIDIQUES HYDRO-QUÉBEC

Représentant de l’employeur Hydro-Québec

 



[1]           L’employeur a déposé en preuve la majorité de ces avis de maintenance ou rapports d’enquête.

[2]           RLRQ, c. A-3.001.

[3]           RLRQ, c. S-2.1.

[4]           2006 QCCS 4981 .

[5]           Commission d’appel en matière de lésions professionnelles c. Turbide [1997] C.A.L.P. 1375 (C.A.).

[6]           C.L.P. 410665-04-1005 , 2 novembre 2010, R. Napert.

[7]           C.L.P. 316751-71-0705 , 10 mars 2008, A. Vaillancourt.

[8]           C.L.P. 111254-73-9902 , 10 novembre 1999, Y. Ostiguy, requête en révision judiciaire rejetée, C.S. 500-05-054799-992, 14 novembre 2000, j. Barbeau.

[9]           [1990] C.A.L.P. 989 (C.A.).

[10]         Association des pompiers de Montréal et Service des incendies de Montréal , 2011 QCCLP 5873 .

[11]         D.T.E. 82T-746.