Duong c. Montréal (Ville de)

2014 QCCQ 11980

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

 

 

« Chambre civile »

N° :

500-32-134707-126

 

 

 

DATE :

9 décembre 2014

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

MAURICE ABUD, J.C.Q.

 

 

 

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MY LOAN DUONG

Partie demanderesse

 

c.

 

VILLE DE MONTRÉAL

            Partie défenderesse

 

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JUGEMENT

 

 

[1]        La partie demanderesse My Loan Duong réclame de Ville de Montréal un montant de 1 720 $ à titre de dommages causés par un trou dans la chaussée (nid-de-poule) résultant du prix du pare-chocs de son véhicule.

[2]    Mme Duong allègue que le 9 mars 2012 alors qu’elle circulait sur la rue Van Horn et qu’elle tournait à droite sur la rue Vimy, son véhicule automobile a percuté un trou dans la chaussée causant des dommages à un pneu de même qu’au pare-chocs avant gauche du véhicule.

[3]    Elle précise que la crevasse était assez importante et qu’elle se trouvait à l’intersection des rues la rendant difficile à éviter à une heure où il faisait sombre.  Elle ajoute qu’entre l’incident du 9 mars 2012 et le 18 mars, la Ville a effectué des réparations à cet endroit.

[4]    Elle dépose une évaluation des coûts pour la réparation du pare-chocs de son véhicule au montant de 1 685,11 $ de même qu’une facture de 57,49 $ pour les dommages causés à un pneu.

[5]    La partie défenderesse, par son représentant, ne s’objecte pas au dépôt de l’évaluation mais nie responsabilité.

[6]    Elle précise que la Ville n’est pas l’assureur des automobilistes et qu’en vertu de l’article 604.1 de la Loi sur les cités et villes , la municipalité ne peut être tenue responsable des dommages causés au pneu et système de suspension d’un véhicule automobile.

[7]    De plus, elle ajoute que la Ville n’a pas été négligente et qu’elle s’est comportée de façon diligente et raisonnable dans l’entretien de la chaussée dans le cadre de son opération « Nids-de-poule » des mois de mars et avril 2012.

[8]    Yannick Girard, contremaître à la Ville de Montréal, mentionne qu’il travaille dans le secteur et que concernant les réparations pour nids-de-poule, c’est selon les demandes et les plaintes qu’ils reçoivent du secteur.

[9]    À la question de savoir à quel rythme il se déplace, il mentionne qu’ils s’y rendent d’abord sur des plaintes et selon le plus urgent.  De plus, il précise qu’ils peuvent constater la présence de nids-de-poule lorsqu’ils patrouillent par contre, précise-t-il, il n’y a aucune cédule précise de travail. 

[10]         Il ajoute que tout dépend dans quelle situation ils se retrouvent et des conditions climatiques.  S’il y  a une tempête, la première priorité est de sécuriser au niveau des trottoirs et de la chaussée.

[11]         Par ailleurs, mentionne-t-il, sachant qu’il y a une période de gel et de dégel surtout avec l’abrasif qui peut altérer la qualité de l’asphalte et causer des nids-de-poule, ils doivent dans une deuxième priorité, s’assurer de colmater les trous au niveau de la chaussée.

[12]         Il réitère le fait qu’il n’y a pas de cédule proprement dite pour découvrir la présence de nids-de-poule.  Il s’agit tout simplement de patrouiller et c’est leur devoir de le faire.  Il ne peut dire s’il a effectivement patrouillé dans ce secteur, mais ajoute qu’il patrouille tout son secteur au moins une fois par jour.

[13]         Il convient d’autre part que le trou était assez important à cet endroit mais s’il a passé à cet endroit le jour de l’incident le 9, il ne l’a pas vu.

[14]         Il réitère le fait que la priorité ce sont les précipitations, le dégagement des trottoirs et de la chaussée et par la suite, ce sont les nids-de-poule.  Il ajoute qu’il y a toujours une période « Opération nids-de-poule » au printemps et qu’une telle situation peut se former entre 24 et 48 heures et que ce sont les mêmes employés qui travaillent au déneigement et si l’on donne priorité aux précipitations, il y a un retard dans le colmatage des nids-de-poule.

[15]         L’article 604.1 de la Loi sur les cités et villes , chapitre L.R.Q. C-19 prévoit que la municipalité n’est pas responsable des préjudices causés par la présence d’un objet sur la chaussée, que cet objet provienne ou non d’un véhicule automobile ou qu’il soit projeté par celui-ci.

[16]         Elle n’est pas non plus responsable des dommages causés par l’état de la chaussée aux pneus ou aux systèmes de suspension d’un véhicule automobile.  Toutefois, en matière de responsabilité municipale, pour des dommages causés par l’état de la chaussée, le régime général de responsabilité civile prévu à l’article 1457 C.c.Q. doit être conjugué avec les dispositions prévues à l’article 604.1 de la Loi sur les cités et villes .

[17]         D’ailleurs, dans Mailloux c. Ville de Montréal [1] , le juge Barbe écrit :

«En édictant l’article 604.1 précité, le législateur n’avait pas l’intention d’exonérer de la responsabilité les proposés des voies publiques pour leur incurie, leur inconscience ou leur négligence grossière.  Ce serait contraire à l’ordre public. »

[18]         Il appartenait à Mme Duong de démontrer par prépondérance de preuve la négligence de la Ville de Montréal.

[19]         Le Tribunal retient de la preuve que les dommages causés à l’automobile se situent au niveau des pneus et au niveau du pare-chocs.  D’une part, la réclamation concernant le pneu ne pourrait être accueillie.  D’ailleurs, c’est ce que Mme Duong a reconnu.

[20]         Qu’en est-il par contre des dommages causés au pare-chocs ?

[21]         Le Tribunal retient de la preuve qu’il y avait à l’intersection des rues Van Horne et Vimy, plusieurs trous dans la chaussée qui ont eu pour effet de causer des dommages au véhicule de Mme Duong.

[22]         Considérant les dimensions importantes du trou, ce qui n’est pas nié par la partie défenderesse, le Tribunal en arrive à la conclusion que la Ville a laissé la chaussée dans un état dangereux durant plusieurs jours puisque selon la preuve, la première priorité des employés municipaux à cette époque de l’année se situe surtout au niveau des précipitations, puisque ce sont les mêmes employés qui sont assignés au dégagement des trottoirs et de la chaussée que ceux qui sont assignés au colmatage des nids-de-poule.

[23]         Rien dans la preuve ne permet de conclure qu’il y a eu des précipitations antérieurement à la journée du 9 mars qui auraient pu empêcher les employés de la municipalité d’effectuer le travail à cet endroit. 

[24]         D’ailleurs, les photos produites au dossier de la cour démontrent également qu’il n’y avait pas beaucoup de neige dans le secteur laissant présumer que les précipitations étaient choses du passé à cette époque de l’année.

[25]         D’autre part, il apparaît qu’il n’y a pas de politique d’entretien des nids-de- poule à la Ville de Montréal. Certes, les contremaitres circulent dans leur secteur pour constater leur présence mais encore là ils ne peuvent tout voir.  De plus selon, Yannick Girard, les réparations pour nids-de-poule, c’est selon les demandes et les plaintes qu’ils reçoivent du secteur.

[26]          Quant aux dommages, le Tribunal rappelle que le recours intenté se situe dans le cadre d’une action ordinaire en responsabilité civile délictuelle et qu’il y a lieu d’évaluer les dommages conformément aux règles courantes du Code civil .

[27]         Le principe veut que dans toute la mesure du possible, qu’il faille remettre la victime dans l’état où elle se trouvait avant que celui-ci ne soit connu.  On entend donc l’indemniser pour la totalité de la perte subie du fait de la destruction du bien.  Mais en même temps, il faut éviter que l’indemnisation ne devienne une occasion d’enrichissement.

[28]         D’ailleurs, Jean-Louis Baudoin [2] mentionne :

«  La jurisprudence semble réaliser un équilibre entre deux impératifs.  Le premier est de voir à ce que l'indemnisation ne soit pas source d'enrichissement pour la victime.  Le second est au contraire d’éviter de la laisser dans une situation ne reflétant pas une véritable réparation intégrale. »

[29]         Au paragraphe 224, il précise :

«  Cependant lorsque l’objet a déjà subi les assauts du temps, il n'était donc pas neuf au moment où le dommage a été subi, accorder la pleine valeur de remplacement est, dans un certain sens, enrichir la victime qui se retrouve avec un objet complètement neuf et non dévalué. »

[30]         C’est pourquoi en général, les tribunaux compensent ce fait en tenant compte de la dépréciation selon les circonstances.

[31]         Dans les circonstances de l’espèce, le Tribunal estime qu’un montant de 800 $ saura refléter ce principe, c’est-à-dire indemniser la victime pour la perte du bien sans toutefois que cela devienne une source d’enrichissement.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

 

ACCUEILLE en partie la demande ;

 

CONDAMNE la partie défenderesse Ville de Montréal à payer à la partie demanderesse My Loan Duong la somme de 800 $ avec les intérêts au taux légal de 5% l'an plus l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 C.c.Q. à compter du 20 mars 2012 ;

  CONDAMNE la partie défenderesse Ville de Montréal à payer à la partie demanderesse My Loan Duong les frais judiciaires au montant de 103 $

 

 

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MAURICE ABUD, J.C.Q.

 

 

 

 

 

 

Date d’audience :

10 novembre 2014 

 



[1] 500-32-046606-994, 21 mars 2000, AZ-00036233 .

[2] Jean-Louis Baudouin, La responsabilité civile délictuelle , 3 e édition, Les Éditions Yvon Blais, Cowansville, 1990 p 127, par. 221.