COMMISSION DES RELATIONS DU TRAVAIL |
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(Division des relations du travail) |
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Dossier : |
AM-2001-3854 |
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Cas : |
CM-2014-0014 |
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Référence : |
2014 QCCRT 0703 |
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Montréal, le |
9 décembre 2014 |
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DEVANT LA COMMISSAIRE : |
Marie-Claude Grignon, juge administrative |
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Cordelia Brown
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Plaignante |
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c. |
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Syndicat canadien de la fonction publique,
section locale 2184 (CUPE)
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Intimé |
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et |
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Centre de santé et de services sociaux
Cavendish
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Mis en cause |
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DÉCISION |
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[1]
Le 3 janvier 2014, madame Cordelia Brown (la
plaignante
) dépose
une plainte dans laquelle elle allègue que le Syndicat canadien de la fonction
publique, section locale 2184 (le
syndicat
) a contrevenu, à son endroit,
au devoir de représentation prévu à l’article
[2] La plaignante a été congédiée le 21 juillet 2010 par le Centre de santé et de services sociaux Cavendish (l’ employeur ). Elle reproche au syndicat d’avoir conclu une entente avec cet employeur relativement à son grief de congédiement, et ce, contre son gré. Elle soutient n’avoir été informée de cette décision du syndicat qu’au cours du mois de septembre 2013.
[3] Comme moyen d’irrecevabilité, le syndicat soulève que la plainte est prescrite puisqu’elle n’a pas été déposée à l’intérieur d’un délai de six mois de la connaissance par la plaignante des actions reprochées au syndicat.
[4] Il est convenu que la Commission entende d’abord les parties sur cette question et qu’elle dispose ultérieurement du bien-fondé de la plainte, le cas échéant.
[5] Au cours de l’audience, le syndicat présente les témoignages de la conseillère syndicale assignée au dossier de la plaignante et de son président. La plaignante témoigne pour elle-même.
[6] L’employeur exploite un centre de santé et de services sociaux. La plaignante y occupe une fonction de préposée aux bénéficiaires. Le 21 juillet 2010, elle est congédiée pour des motifs d’ordre disciplinaire.
[7] Ce congédiement est contesté par voie de grief. Un processus de médiation est tenté avec l’employeur, mais ce, sans succès. Le grief est par la suite déféré à l’arbitrage et des audiences se déroulent les 21 juin, 2 octobre et 1 er novembre 2012. D’autres séances d’arbitrage avaient été fixées pour les 13 mars, 5 et 23 avril et 13 mai 2013.
[8] Au cours de la séance d’arbitrage du 1 er novembre 2012, des discussions ont cours entre le syndicat et l’employeur, et ce, à la lumière du témoignage offert par la plaignante. Ces discussions se poursuivent en décembre 2012 et en janvier 2013.
[9] Le 28 janvier 2013, l’employeur présente une offre de règlement qui est acceptée par le syndicat en février 2013.
[10] Les versions des parties divergent au sujet du moment de la connaissance par la plaignante des actions reprochées au syndicat.
[11] La conseillère syndicale assignée au dossier de la plaignante soutient que, le 28 janvier 2013, elle communique avec elle afin de lui faire part de l’offre présentée par l’employeur. Cette offre prévoit, entre autres, le versement d’une somme d’argent à la plaignante.
[12] La plaignante lui mentionne qu’elle souhaite y réfléchir. Dans les jours qui suivent, elle lui indique qu’elle refuse cette offre.
[13] Le 11 février 2013, la conseillère syndicale rappelle la plaignante afin de l’informer que, malgré son refus, le syndicat a décidé d’accepter l’offre de l’employeur et de mettre fin au processus d’arbitrage de son grief de congédiement. Elle valide son adresse postale et lui indique qu’elle lui transmettra une lettre dans laquelle la décision du syndicat sera davantage explicitée.
[14] Dans cette lettre, transmise par le président du syndicat à la plaignante le 12 février 2013, on peut lire les conclusions suivantes :
As your representatives, we have an obligation of fair representation toward you. On the first hand, we must protect your interests as well as the interests of the whole membership of our local. On the other hand, you have the corresponding obligation to cooperate with us. Your behaviour during the preparation meetings and during the hearing, namely lying to us and changing your version of the events in front of the tribunal is not considered cooperating. We have come to the conclusion that grievance 10-13 filed on your behalf has no chance of success and that the offer presented on January 28, 2012 is reasonable in those circumstances. For this reason, we will accept, on your behalf, the offer made by CSSS Cavendish on January 28, 2012. The hearings scheduled for arbitration in 2013 are therefore cancelled.
Please contact us in the near future in order to make arrangements to receive the amounts owed to you.
(reproduit tel quel)
[15] La lettre est datée du 12 février 2012. Dans le cadre de leur témoignage, le président du syndicat et la conseillère syndicale expliquent que toutes les références à l’année 2012 constituent une erreur matérielle et qu’on devrait plutôt y lire « 2013 ». Cette lettre a été transmise par courrier recommandé à l’adresse validée par la plaignante.
[16] Le syndicat reçoit, par la suite, un avis de Postes Canada indiquant que le courrier transmis à la plaignante est « Non réclamé / Unclaimed ».
[17] Le 18 février 2013, la plaignante communique avec sa conseillère syndicale. Elle souhaite avoir accès à son régime de retraite et veut obtenir une copie de l’entente conclue avec l’employeur. Sa conseillère lui transmet les renseignements demandés au sujet de son régime de retraite et lui indique qu’elle fera un suivi relativement à l’entente.
[18] Le 12 mars 2013, elle laisse un message téléphonique à la plaignante lui expliquant qu’elle a obtenu une copie de l’entente et lui demande de la rappeler.
[19] La plaignante n’entre en communication avec elle que le 9 mai 2013. Elle lui mentionne alors qu’elle est irritée par la signature d’une entente avec l’employeur et qu’elle a eu recours aux services d’un avocat. Elle ajoute qu’elle prévoit déménager prochainement. La conseillère syndicale n’a eu aucune nouvelle de la plaignante depuis lors.
[20] La plaignante confirme qu’elle était bien présente lors de la séance d’arbitrage qui a eu lieu le 1 er novembre 2012, mais affirme qu’elle croyait que son grief de congédiement serait maintenu.
[21] Elle nie avoir eu quelque communication que ce soit avec son syndicat entre cette date et le mois de septembre 2013.
[22] Par ailleurs, elle nie avoir reçu la lettre du syndicat en février 2013. Elle soutient n’avoir jamais été informée par Postes Canada de la réception de courrier recommandé à son attention au cours de cette période.
[23] À cet égard, elle explique avoir déménagé et dépose en preuve une copie du bail qu’elle a signé en 2013. On peut y lire que ce nouveau bail a débuté le 1 er juin 2013. Elle confirme que c’est bien à cette date qu’a eu lieu son déménagement et qu’en février 2013, son adresse était celle à laquelle la lettre du syndicat a été envoyée. Elle confirme n’avoir jamais transmis sa nouvelle adresse postale à son syndicat.
[24] De plus, ce n’est qu’en septembre 2013 que sa conseillère syndicale aurait communiqué avec elle. Elle est alors informée qu’une somme d’argent doit lui être versée pour le règlement de son grief de congédiement. Elle répond à sa conseillère qu’elle n’encaissera pas cette somme puisqu’elle n’accepte pas l’offre de règlement de l’employeur.
[25] Elle n’a jamais reparlé à son syndicat par la suite.
[26]
Les obligations qui découlent du devoir de représentation d’un syndicat
sont définies comme suit à l’article
47.2 Une association accréditée ne doit pas agir de mauvaise foi ou de manière arbitraire ou discriminatoire, ni faire preuve de négligence grave à l’endroit des salariés compris dans une unité de négociation qu’elle représente, peu importe qu’ils soient ses membres ou non.
[27]
L’article
47.3 Si un salarié qui a subi un renvoi ou une mesure disciplinaire, ou qui croit avoir été victime de harcèlement psychologique, selon les articles 81.18 à 81.20 de la Loi sur normes du travail (chapitre N-1.1), croit que l’association accréditée contrevient à cette occasion à l’article 47.2, il doit, dans les six mois s’il désire se prévaloir de cet article, porter plainte et demander par écrit à la Commission d’ordonner que sa réclamation soit déférée à l’arbitrage .
(caractère gras ajouté)
[28] La question en litige dans la présente affaire consiste à déterminer si la plainte a été déposée à l’intérieur du délai de six mois prévu par cette disposition législative.
[29]
La Commission a depuis longtemps établi qu’il s’agissait d’un délai de
rigueur. Comme elle le rappelait dans l’affaire
Grenier
c.
Syndicat
du transport scolaire de la Mauricie -
CSN
,
[32] La période de six mois accordée pour
l'exercice du recours représente un
délai de rigueur qui emporte déchéance
du droit, si cette condition n'est pas respectée
. Ainsi, le délai commence
à partir de la violation du devoir de représentation syndicale
ou de la
connaissance acquise par le plaignant
. (
Dupuis
c.
La section
locale 130 du Syndicat
canadien des communications de l’énergie et du
papier
et
Polyone Canada inc
.,
(caractère gras ajouté)
[30] Dans le cas qui nous occupe, le syndicat a conclu, en février 2013, une entente avec l’employeur relativement au grief de congédiement de la plaignante.
[31] Lors de son témoignage, la conseillère syndicale a expliqué avec cohérence toutes les communications qu’elle a eues avec la plaignante relativement à cette entente. Elle s’est exprimée avec clarté et sans contradiction lorsqu’elle a relaté le fil des événements.
[32] Elle affirme avoir pris contact avec la plaignante dès le 28 janvier 2013, soit le jour où l’offre a été formulée par l’employeur. La plaignante lui aurait fait mention qu’elle refusait cette offre dans les jours qui ont suivi. C’est en date du 11 février 2013 que la conseillère lui aurait néanmoins expliqué verbalement les raisons pour lesquelles le syndicat avait décidé d’accepter cette offre et de mettre fin au processus d’arbitrage. Rappelons à cet égard que des séances avec l’arbitre avaient été prévues les 13 mars, 5 et 23 avril et 13 mai 2013.
[33] Or, la plaignante nie avoir eu quelque communication que ce soit avec son syndicat entre le 1 er novembre 2012, soit lorsque le processus d’arbitrage a été interrompu afin de permettre des négociations entre les parties, et le mois de septembre 2013.
[34] Cette position n’apparaît pas vraisemblable. En effet, la plaignante était présente lorsque la séance d’arbitrage du 1 er novembre 2012 a été interrompue. La Commission ne peut croire qu’elle n’ait pas reparlé à son syndicat durant les 10 mois qui ont suivi, ne serait-ce que pour être informée de l’annulation des séances d’arbitrage prévues en mars, avril et mai 2013. Lors de l’audience dans la présente affaire, la plaignante n’a offert qu’un très court témoignage dans lequel elle s’est contentée de nier en bloc la version du syndicat. C’est pourtant cette dernière version que la Commission retient comme étant la plus crédible.
[35] De plus, il a été mis en preuve que, le 12 février 2013, le syndicat a transmis à la plaignante une lettre détaillée afin de lui expliquer sa décision. Cette lettre a été transmise par courrier recommandé à l’adresse validée par la plaignante. Le syndicat a ensuite été informé par Postes Canada que ce courrier n’avait pas été réclamé. La plaignante soutient n’avoir jamais été informée de la réception de courrier recommandé à son attention au cours de cette période et allègue qu’elle a déménagé en 2013.
[36]
Par ailleurs, elle confirme n’avoir jamais communiqué sa nouvelle
adresse postale à son syndicat. Il était pourtant de son devoir de s’assurer
qu’il puisse la joindre en tout temps. Comme la Commission l’a rappelé dans l’affaire
Bouchard
c.
Syndicat des employés manuels de la Ville de Québec,
section locale 1638 - Syndicat canadien de la fonction publique
,
[23] Même en retenant qu’il n’aurait pas pris connaissance des courriers recommandés, il demeure que le plaignant devait s’assurer que le Syndicat disposait de ses coordonnées personnelles et qu’il devait voir à ce qu’elles soient à jour afin d’être joignable en tout temps
(Ivan Toro
c
. Syndicat des travailleuses et des travailleurs de Louis-H. Lafontaine et de Gouin-Rosemont FSSS-CSN
et
Hôpital Louis-H. Lafontaine
[37] Cela étant dit, la plaignante a confirmé qu’au moment où le syndicat lui a transmis sa lettre en février 2013, son adresse postale n’avait pas encore été modifiée. Son déménagement n’a eu lieu que le 1 er juin 2013. Il n’y a donc aucune raison pouvant expliquer pourquoi elle n’a pas réclamé le courrier recommandé qui lui était destiné durant cette période.
[38] Bref, les différentes explications de la plaignante ne sont ni convaincantes ni crédibles aux yeux de la Commission. Force est de conclure que la plaignante a été informée dès le mois de février 2013 de la décision de son syndicat d’accepter l’offre de son employeur. Sa plainte, déposée le 3 janvier 2014, est dès lors prescrite et irrecevable.
EN CONSÉQUENCE, la Commission des relations du travail
ACCUEILLE le moyen d’irrecevabilité du Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 2184 ;
REJETTE la plainte.
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__________________________________ Marie-Claude Grignon |
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M e José Dorelas |
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Représentant de la plaignante |
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M e Ronald Cloutier |
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Syndicat canadien de la fonction publique |
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Représentant de l’intimé |
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M e François-Nicolas Fleury |
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Monette, Barakett Avocats S .E.N.C. |
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Représentant du mis en cause |
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Date de l’audience : |
12 novembre 2014 |
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/jt