Blais c. Morin

2014 QCCQ 12307

COUR DU QUÉBEC

«  Division des petites créances  »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

RIMOUSKI

LOCALITÉ DE

RIMOUSKI

«  Chambre civile   »

N° :

100-32-005133-120

 

DATE :

3 décembre 2014

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE

MADAME LA JUGE

LUCIE MORISSETTE, J.C.Q .

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GINETTE BLAIS

demanderesse

 

c.

 

GINETTE MORIN

et

GISÈLE BÉLANGER

défenderesses

 

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JUGEMENT

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[1]            Estimant avoir été induite en erreur lors d'une transaction immobilière, madame Ginette Blais réclame 6500 $ de l'agente immobilière Ginette Morin et de la vendeuse Gisèle Bélanger.

[2]            Les défenderesses nient devoir cette somme à la demanderesse.

LES FAITS

[3]            Le 25 août 1988, Ginette T. Morin est agent inscripteur pour Trust Général inc. courtier en immeubles [1] . Il s'agit d'un immeuble abritant deux logements de 4½ pièces, sis au […] à Rimouski. La propriétaire est Gisèle Bélanger. Le prix de l'immeuble inscrit est de 69 000 $. L'année de construction n'apparaît pas à la fiche descriptive.

[4]            Cette mention apparaît au bas de la fiche descriptive signée par madame Morin :

Les renseignements fournis dans cette description sont exacts au meilleur de la connaissance de l'agent inscripteur qui déclare avoir fait les vérifications d'usage en ce qui concerne les informations apparaissant dans les cases encadrées d'un trait foncé.

[5]            Aucun encadré foncé ne circonscrit la case de l’année de construction.

[6]            Le certificat de localisation préparé par l'arpenteur Jean-Yves Asselin, le 29 août 1988 [2] fait référence à l'année de cadastre 1948.

[7]            Par acte de vente intervenu le 31 mai 1989 devant Me Gilles Raboin, notaire à Rimouski, madame Blais achète cet immeuble de madame Bélanger pour 60 000 $.

[8]            Madame Blais soutient que lors des négociations, elle demande l’année de construction à madame Morin. Cette dernière, après avoir hésité, lui mentionne 1948. La sœur de la demanderesse est présente lorsque madame Morin lui répond 1948.

[9]            De son côté, madame Morin ne se souvient plus de cette transaction qui remonte à plus de 25 ans. Les dossiers sont détruits. Cependant, elle n'est pas en mesure de nier qu'elle ait avancé cette date.

[10]         De son côté, la vendeuse nie avoir donné une telle information à madame Morin et prétend qu'elle ne connaissait pas l’année de construction de sa propriété.

[11]         Le 17 novembre 2009, la firme Evimbec procède à une évaluation de la valeur assurable de l'immeuble. À la section 2.3.2 du rapport [3] , l’évaluateur conclut que la qualité de construction est bonne (standard d'époque) en précisant une construction datant de 1928.

[12]         Madame Blais reçoit ce rapport en début d'année 2010. C’est à ce moment qu'elle constate que son immeuble date de 1928 et non de 1948.

[13]         Selon un spécialiste en bâtiment, monsieur Jeannot Dubé [4] l’utilisation de sable de grève pour les fondations les rend ainsi friables et occasionne une dégradation prématurée. Ce dernier ne témoigne pas et n’est pas déclaré expert.

[14]         Le 30 avril 2011, elle adresse une mise en demeure [5] aux défenderesses.

[15]         Madame Blais a payé [6] 50 515,68 $ pour refaire les fondations de sa propriété en juin 2011. Elle reconnaît avoir reçu une aide financière de 37 899,60 $ de la Ville de Rimouski [7] dans le cadre du programme Rénovation Québec - Ville de Rimouski.

[16]         La fiche d'identification [8] , de l'immeuble du dossier central de la Ville de Rimouski indique, date de construction 1928, date apparente 1958.

[17]         Madame Blais produit [9] un document émanant de la Ville de Rimouski concernant des propriétés sur de la rue A qui ont fait l’objet de réfection de leur fondation.

[18]         De son côté, madame Morin produit également des informations de même nature pour d'autres propriétés de la même époque pour lesquelles les fondations de béton ne sont pas refaites.

[19]         Madame Blais soutient que si elle avait connu la véritable année de construction de l'immeuble, elle n'aurait pas payé si cher. Elle a ainsi été induite en erreur par l’agente immobilière. Selon elle, cette dernière aurait dû effectuer des vérifications supplémentaires afin d'informer l'acheteuse de la véritable année de construction.

L'ANALYSE

Les questions en litige

·               Madame Blais a-t-elle été induite en erreur lors de la transaction du 31 mai 1989?

·               L’acheteuse a-t-elle pris toutes les mesures nécessaires pour s'assurer de l'année de construction?

·               La poursuite dirigée contre Ginette Morin est-elle fondée en droit?

[20]         Le fardeau de preuve repose sur madame Blais.

[ 21 ]         Les articles du Code civil du Québec (C.c.Q.) se lisent ainsi :

2803.  Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.

Celui qui prétend qu'un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée.

2804.  La preuve qui rend l'existence d'un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n'exige une preuve plus convaincante.

[22]         En ce qui concerne l'erreur alléguée par madame Blais, c’est l’article 1400 C.c.Q. qui nous guide :

1400.   L'erreur vicie le consentement des parties ou de l'une d'elles lorsqu'elle porte sur la nature du contrat, sur l'objet de la prestation ou, encore, sur tout élément essentiel qui a déterminé le consentement .   (Nous soulignons)

L'erreur inexcusable ne constitue pas un vice de consentement.

[23]         D'abord, la preuve présentée ne permet pas de conclure que la date de construction de la résidence constituait pour madame Blais un élément essentiel ayant déterminé son consentement. Elle pose une question à l’agente immobilière, mais la preuve est muette quant aux démarches qu’elle fait elle-même. S’informe-t-elle au notaire, à l’arpenteur ou à la Ville?

[24]         Bien que le spécialiste fasse mention d’une recette inadéquate de ciment pour les fondations, cette affirmation n’a rien à voir avec l’année de construction. Il y a absence de preuve pour démontrer les méthodes utilisées en 1928 et en 1948.

[25]         Ensuite, le recours dirigé contre Ginette Morin n'est pas recevable. C'est le courtier immobilier qui aurait dû être poursuivi, lequel aurait répondu des actes de l'agente immobilière. La Loi sur le courtage immobilier [10] en vigueur à l’époque de la transaction se lit ainsi :

SECTION I   -   DISPOSITIONS INTERPRÉTATIVES

1.     Dans la présente loi, à moins que le contexte ne s'y oppose, l'expression :

a) « courtier en immeubles » ou « courtier » désigne toute personne qui, pour autrui et contre rémunération, accomplit une opération immobilière;

b) « agent d'immeuble » désigne toute personne physique qui, en sa qualité d'employé ou de personne autorisée à agir au nom d'un courtier ou d'un constructeur inscrit visé à l'article 3, accomplit une opération immobilière;

[…]

7.     Nul ne peut obtenir un permis d'agent d'immeuble s'il n'est à l'emploi d'un courtier détenteur d'un permis ou d'un constructeur inscrit ou s'il n'est autorisé par contrat à agir en leur nom.

8.1.  Le courtier ou le constructeur inscrit a la même responsabilité à l'égard des gestes de l'agent autorisé à agir en son nom qu'à l'égard de ceux de l'agent qui est son employé .   (Nous soulignons)

[26]         Le mandat de courtage intervient entre madame Bélanger et Trust Général inc. Madame Morin est l’agente au dossier. Elle agit pour le courtier. La responsabilité découlant de cette transaction immobilière appartient au courtier immobilier. Ce recours doit être rejeté.

[27]         En ce qui concerne la demande contre madame Bélanger, celle-ci doit être rejetée. Madame Blais ne se décharge pas de son fardeau de démontrer par une preuve prépondérante que cette dernière l'a induite en erreur. En effet, aucune discussion n'intervient entre les deux femmes quant à la date de construction de l'immeuble acheté.

[28]         Ainsi, la preuve présentée par la demanderesse ne permet pas de prouver, par preuve prépondérante, le bien-fondé de sa réclamation.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[29]         REJETTE la demande;

[30]         COMDAMNE la demanderesse à payer à chacune des défenderesses 152 $.

 

 

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LUCIE MORISSETTE, J.C.Q.

 

Date d’audience :

29 septembre 2014

 



[1]     P-2.

[2]     P-18.

[3]     P-3.

[4]     P-6 Rapport d’inspection de JD Spécialiste en bâtiment (visite en février 2011).

[5]     P-7 et P-8.

[6]     P-5 Soumission Les Entreprises Lavoie & fils et facture de Rénovation Serge Thibault du 27 juin 2011.

[7]     P-20.

[8]     P-4 En 2011.

[9]     P-13A.

[10]    Le chapitre C-73 est remplacé par la Loi sur le courtage immobilier (chapitre C-73.1) (1991, c. 37, a. 167).